Rapport de conjoncture 2019

Section 39 Espaces, territoires et sociétés

Composition de la Section

Brice  Anselme, Nathalie  Blanc, Sabinie  Bognon (à partir de janvier 2020), Rachele  Borghi (jusqu’en avril 2019), Olivier  Coutard (président), Livio  De luca, Christophe  Enaux, Gülçin  Erdi (secrétaire scientifique jusqu’en juillet 2020), Jean-Christophe  Foltete, Eric  Foulquier, Véronique  Ginouvès, Christine  Lamberts, Nicole  Lompré, Nathalie  Long, Sophie  Masson, Matthieu  Noucher (secrétaire scientifique à partir d’août 2020), Anthony  Pecqueux, Lena  Sanders, François  Taglioni, Patrick  Taillandier, Jean-Paul  Thibaud, Céline  Vacchiani-Marcuzzo

Introduction

La communauté scientifique pluridisciplinaire de la section 39 étudie la dimension spatiale des phénomènes sociaux en mettant en lumière les agencements spatiaux et les relations dans l’espace, ainsi que les échelles et les temporalités des dynamiques associées. Elle éclaire ainsi, réciproquement, l’organisation, le fonctionnement et l’évolution des territoires en prenant en compte la complexité des sociétés humaines et des formes de leur inscription dans l’environnement à toutes les échelles spatiales.

Le présent rapport de conjoncture a été élaboré par la commission de la section à partir de ses propres observations (évaluation des chercheurs et des chercheuses(1) du CNRS relevant de la section, évaluation des structures de recherche associées au CNRS, travaux des jurys d’admissibilité de la section pour les concours CR et DR…), d’un ensemble de données statistiques provenant principalement de la DRH du CNRS et d’une enquête réalisée auprès de la communauté scientifique de la section (cf. encadré 1).

Encadré 1 : Enquête auprès de la communauté scientifique de la section 39.

Un questionnaire en ligne a été diffusé entre le 2 décembre 2018 et le 9 janvier 2019 afin d’interroger les collègues relevant du champ de la section 39 (mais pas nécessairement personnels du CNRS). Il portait sur l’évolution des conditions de production de la recherche (organisation, financement, évaluation, infrastructure) et des orientations scientifiques (thématiques, terrains, échelles, approches, méthodes, données). Parmi les 184 réponses exploitables reçues, 5 provenaient de collectifs (GdR, UMR, groupe intra-UMR…). Les résultats ont été présentés et discutés lors de l’Assemblée générale extraordinaire du 20 mai 2019.

Structures et personnel de recherche

Unités de recherche : démographie, statuts, disciplines(2)

Le périmètre de la section, pris au sens large (ensemble des structures de recherche ou de service rattachées à titre principal ou secondaire), comporte 77 structures : 38 UMR, 1 UMI, 1 UPR, 21 USR, 3 UMS, 5 FR, 5 GDR et 3 FRE.

La composition démographique de cet ensemble est synthétisée dans le graphique suivant.

Graphique 1 : Personnels des structures rattachées à la section 39 à titre principal ou secondaire.
Effectif total : 5 895 (principal : 3 755 ; secondaire : 2 140)

Ce graphique est indicatif car certains personnels sont comptés plusieurs fois (responsables d’un GDR qui sont déjà décomptés comme membres d’une unité par exemple) et le nombre d’ingénieurs statutaires est sans doute surévalué (certains ingénieurs contractuels semblant décomptés comme des personnels permanents). Il met cependant en évidence le poids relatif faible des chercheur.e.s CNRS parmi l’ensemble des personnels (6,5 %) et même parmi l’ensemble des personnels chercheur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s permanents (16,3 %) des structures rattachées à la section. La comparaison avec les données des deux précédents rapports de conjoncture montre également une croissance importante des effectifs de personnels permanents (cf. tableau), qui s’explique sans doute principalement par l’accroissement du périmètre des UMR (intégration de nouvelles équipes). La croissance disproportionnée des « autres personnels ITA » ne relève cependant pas de la même explication (cf. infra l’analyse détaillée pour les 26 UMR rattachées à titre principal à la section 39).

Tableau 1 : Effectifs de personnels permanents des structures de recherche rattachées à la section 39 (périmètre large).

  2010 2014 2019 2019/2010
Nombre de structures (hors UMS) 73 74 77 + 5 %
Chercheur.e.s CNRS 280 327 383 + 37 %
Ens.-ch. et autres chercheur.e.s 1359 1768 1963 + 45 %
Ratio Ch. CNRS/total EC+Ch. 0,17 0,17 0,16
IT CNRS 260 352 372 + 43 %
Autres personnels ITA 161 371 437 + 171 %
Ratio Ch. CNRS/IT CNRS 0,93 1,08 0,97
Ratio total EC+Ch./total ITA 3,89 2,90 2,90
Effectif total de personnels permanents 2060 2818 3155 +53 %

Source : extraction de la base Zento, mai 2019.
NB : Les effectifs de personnels non permanents sont trop incertains pour pouvoir mener une étude statistique significative.

Parmi ces 77 structures, 39 sont rattachées à la section 39 à titre principal : 26 UMR (cf. encadré 2), 1 UMI, 7 USR (dont 2 MSH et 5 UMIFRE), 1 UMS, 3 FR et 1 FRE (unité en cours de désassociation du CNRS). Depuis 2010, deux unités ont été désassociées (ENEC, GREMMO) et deux nouvelles unités ont été associées (LIED, TETIS).

Les effectifs permanents des 26 UMR sont les suivants (entre parenthèses, l’évolution par rapport à 2014) : 157 chercheur.e.s CNRS (+ 20), 154 IT CNRS (- 18), 1 324 enseignant.e.s-chercheur.e.s et chercheur.e.s d’autres organismes (+ 126), et 199 personnels ITA non CNRS (+ 88) (sources : extraction de la base Zento, mai 2019 ; rapport de conjoncture 2014 de la section). La tendance est donc à une croissance modérée, sauf pour les IT CNRS dont le nombre diminue et le taux chercheur.e.s CNRS/IT CNRS qui augmente (il passe de 0,80 à 1,02).

Encadré 2 : UMR rattachées à titre principal à la section 39 (décembre 2019).

UMR1563 AAU Ambiances Architectures Urbanités
UMR3329 AUSSER Architecture Urbanisme Société : Savoirs, Enseignement, Recherche
UMR3495 MAP Modèles et simulations pour l’Architecture et le Patrimoine
UMR5193 LISST Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires
UMR5281 ART-Dev Acteurs, Ressources et Territoires dans le Développement
UMR5319   Passages
UMR5593 LAET Laboratoire Aménagement, Économie, Transport
UMR5600 EVS Environnement, Ville, Société
UMR5602 GEODE Géographie de l’environnement
UMR6049 ThéMA Théoriser et Modéliser pour Aménager
UMR6240 LISA Lieux, Identités, eSpaces, Activités
UMR6266 IDEES Identité et Différenciation de l’Espace, de l’Environnement et des Sociétés
UMR6554 LETG Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique
UMR6590 ESO Espaces et SOciétés
UMR7218 LAVUE Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement
UMR7227 CREDA Centre de Recherche et de Documentation des Amériques
UMR7300 ESPACE Etudes des Structures, des Processus d’Adaptation et des Changements de l’Espace
UMR7301 MIGRINTER Migrations Internationales, Espaces et Sociétés
UMR7324 CITERES Cités, Territoires, Environnement et Sociétés
UMR7362 LIVE Laboratoire Image, Ville, Environnement
UMR7533 LADYSS Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces
UMR8134 LATTS Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés
UMR8236 LIED Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain
UMR8504   Géographie-cités
UMR8586 PRODIG Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique
UMR9000 TETIS Territoires, Environnement, Télédétection et Information Spatiale

Population de chercheur.e.s : effectifs, recrutements

La section 39 est la plus petite section du CNRS : au 31 décembre 2018, 151 chercheur.e.s en relèvent (contre 448 en section 1, la plus importante, et 272 chercheur.e.s par section en moyenne). L’évolution démographique de la section est plutôt favorable. En 10 ans (2009-2018), dans un périmètre disciplinaire stable, les effectifs de chercheur.e.s CNRS se sont accrus de 8 %, passant de 140 à 151, alors que les effectifs totaux de chercheur.e.s de l’organisme restaient stables (11 433 en 2009, 11 226 en 2018).

La section est par ailleurs (fin 2018) l’une des sections dans lesquelles le taux de chercheur.e.s de plus de 55 ans est le plus faible (22,5 %, contre 29,8 % pour l’ensemble du CNRS). Il en résulterait un taux de renouvellement faible dans les 10 ans qui viennent si le nombre de recrutements annuels au CNRS devait rester calé sur le nombre de départs en retraite comme c’est actuellement le cas.

Graphique 2 : Évolution de la population des chercheur.e.s relevant de la section (2000-2018).

Source : Bilan social et parité 2018 (tableau P05).

En termes de répartition géographique, un tiers des chercheur.e.s de la section sont affectés en Île-de-France, deux tiers dans les autres régions, sans prédominance forte des sites IDEX/ISITE.

Concours CR

Durant la décennie 2010-2019, la section 39 a recruté 52 chargé.e.s de recherche (CR2, CR1 et CRCN confondus), auxquels se sont ajoutés deux DR externes. Le nombre de recrutements de CR a oscillé d’une année à l’autre, entre 3 (en 2019) et 8 (en 2011 et 2012). Au-delà des fluctuations interannuelles, la tendance globale est à la baisse, avec 30 recrutements pour la période 2010-2014 et 22 pour 2015-2019, soit une baisse de 27 %. L’équilibre entre les genres a aussi évolué, au profit des lauréates (elles représentaient 43 % des recrutements pour la première période et 68 % pour la seconde).

En termes de répartition géographique des affectations, le flux (recrutements entre 2010 et 2019) se répartit de manière comparable au stock (ensemble des chercheur.e.s de la section) : un tiers des chercheur.e.s en Île-de-France, deux tiers dans les autres régions françaises. La géographie des affectations correspond logiquement à celle des UMR de la section ; mais elle reflète peu celle des IDEX/ISITES qui n’absorbent pas la plupart des recrutements comme c’est le cas dans d’autres domaines de recherche.

En termes de thématiques, un peu plus d’un poste sur trois a été colorié (19 postes sur 52). Le nombre de coloriage varie un peu d’une année à l’autre (par exemple, il n’y en a pas eu en 2014, année où 5 chercheur.e.s ont été recrutés, alors qu’en 2011 4 postes ont été concernés, soit la moitié des postes ouverts au concours cette année-là). Ces coloriages sont de nature diverse. En simplifiant, on peut distinguer trois logiques :

– coloriage reprenant les mots-clés de l’intitulé de la section 39 en y associant une « aire culturelle ». Tel a été le cas entre 2012 et 2017, années au cours desquelles ont été affichées successivement l’Asie, l’Amérique du nord, les Amériques, l’Afrique (ces deux dernières la même année), l’Asie à nouveau et enfin l’aire Pacifique. Ces coloriages ont été satisfaits ;

– coloriage (et parfois fléchage) proposé par l’INEE, en début de période, sur des thématiques liées au paysage, aux socioécosystèmes ou à la biodiversité ;

Tableau 2 : Répartition des recrutements aux concours CR CNRS de la section 39 sur la période 2009-2019 pour les affectations dans les unités relevant à titre principal de la section.

5 recrutements 4 recrutements 3 recrutements 2 recrutements 1 recrutement
Passages (dont 2 Adess
et 1 Set)
Géographie-cités
LETG
Migrinter
Prodig
Citeres ART-Dev
Ambiances
Espaces
Ladyss
Latts
Lisst
Ausser
ESO
EVS
Geode
Idees
Lavue
Liens
Live
Thema

– coloriage centré sur des approches spécifiques, qu’il s’agisse de méthodologie (ainsi, trois coloriages se réfèrent à des approches modélisatrices), de thématiques particulières (mobilités et migrations, santé, genre), ou encore de domaines de recherche plus larges comme « études urbaines », domaine auquel l’ensemble des recrutements opérés en 2017, par exemple, pouvait être associé.

En termes d’affectation enfin, 7 recrues (13 %) ont été affectées dans 5 unités ne relevant pas à titre principal de la section 39. 45 l’ont été dans 21 unités de la section (cf. tableau ci-dessous). 7 unités rattachées à titre principal à la section pour tout ou partie de la période 2010-2019 n’ont donc bénéficié d’aucun recrutement sur la période : les deux unités désassociées (ENEC, GREMMO), les deux unités nouvellement rattachées (LIED, TETIS), ainsi que le CREDA, le LAET et le laboratoire MAP.

Ingénieur.e.s et technicien.ne.s : arrivées, départs, mobilités

Effectifs : évolution 2014-2019

Pour les IT CNRS en 5 ans on observe une baisse de 9 % des effectifs dans les UMR, pour lesquels l’évolution du portefeuille d’UMR ne joue pas significativement. Pour les effectifs IT non CNRS (universités, grandes écoles…), le tableau fait apparaître une forte hausse qui résulte de plusieurs facteurs :

– une augmentation forte des effectifs IT non CNRS dans trois UMR, due notamment à une évolution du contour de ces UMR (+ 58)

– une augmentation liée à l’association de deux UMR avec un personnel IT non CNRS relativement nombreux (+29)

– peut-être des effectifs surévalués (comptant chaque IT pour une personne alors que les postes d’IT non CNRS sont souvent mutualisés entre plusieurs structures).

Si on retire ces 5 unités du périmètre, on note une stabilité des effectifs des IT non CNRS, une légère baisse des effectifs totaux d’IT (– 6 %), analogue à la tendance observée pour les IT CNRS, et donc un ratio IT/chercheur.e.s qui diminue également.

  2014 2019 2019/2014
ITA CNRS 169 154 – 9 %
ITA non CNRS 111 199 + 79 %
Total IT UMR 280 353 + 26 %
ITA CNRS (Périmètre 21 UMR*)
166 153 – 8 %
ITA non CNRS (périmètre 21 UMR*)
97 95 – 2 %
Total IT (périmètre 21 UMR*)
263 248 – 6 %

* Deux périmètres distincts sont considérés dans ce tableau :
– l’ensemble des 26 UMR relevant de la section 39 à titre principal ;
– un périmètre de 21 UMR ne comportant ni les deux unités désassociées durant la période (3 IT CNRS), ni les deux unités nouvellement associées durant la période (1 IT CNRS, 29 IT non CNRS), ni trois unités ayant connu une augmentation atypique du nombre d’IT (respectivement +35, +13 et +10, soit +58), liée à une croissance de l’UMR hors SHS ou à l’intégration dans le périmètre de l’UMR d’une entité comportant des effectifs IT importants (équipe INRAP et équipe CICRP respectivement).

Flux

Les flux entrants d’IT sont pourvus par deux voies : la mobilité (intra-CNRS et inter fonctions publiques) et le concours externe. 18 postes au concours externe IT ont ainsi été ouverts depuis 2013 (6 en BAP D, 5 en BAP J, 4 en BAP F, 2 en BAP E et 1 en BAP A) pour les 28 unités rattachées à titre principal à la section 39 pour tout ou partie de la période considérée (entre 1 et 5 postes selon les années). 11 unités sur 28 ont bénéficié d’un ou deux concours IT sur la période.

Seule la campagne de mobilité (NOEMI et FSEP) d’hiver permet un flux d’entrants dans les unités de la 39. Depuis 2016, plus aucun poste n’est ouvert à la mobilité de printemps, dite « NOEMI de compensation » ; les unités connaissant un départ d’IT en mobilité doivent par conséquent attendre un an avant une éventuelle arrivée en mobilité d’un nouvel agent. 52 postes ont été attribués aux 28 unités depuis 2013 (de 6 à 12 postes selon les années). 24 unités à titre principal 39 (sur 28) ont bénéficié d’un à six postes en mobilité sur la période. Depuis 2014, le nombre de postes ouverts à la mobilité connait une diminution ; la mise en place du dispositif FSEP n’a pas accru le nombre de postes ouverts à chaque campagne dans les 27 unités, peut-être a-t-elle simplement atténué la baisse. Il est à noter que l’INEE recourt davantage aux FSEP qu’aux NOEMI pour ses unités.

Organisation et financement de la recherche : évolutions récentes

Organisation

La majorité (14) des 26 UMR rattachées à titre principal à la section 39 sont multisites(3) (cf. tableau). Celles-ci ont souvent une organisation réticulaire, propice à une synergie d’objets et méthodes de recherche à l’échelle de l’unité. Ces unités valorisent une identité propre bâtie sur des affinités thématiques ou problématiques. Leur organisation permet de s’affranchir des seules logiques de site et favorise un renouvellement des thématiques ou des approches en s’appuyant sur la créativité des réseaux de recherches ainsi constitués.

Tableau 4 : Effectifs d’UMR selon le nombre de sites sur lesquels elles sont réparties

Nombre de sites Île-de-France Autres régions Total
1 3 9 12
2 2 2 4
3 1 2 3
4 2 1 3
5 0 1 1
6 0 2 2
10 0 1 1
Total général 8 18 26

Financement

Le financement de la recherche comporte deux volets : (1) la dotation de base, qui comprend à la fois les coûts de mise à disposition et de fonctionnement des locaux (et dans certains cas d’infrastructures de recherche), la masse salariale des personnels statutaires (et dans certains cas de quelques personnels contractuels) et les crédits de fonctionnement de base ; (2) les ressources propres (recherche contractuelle notamment) d’autre part. On examine ici l’évolution des conditions de financement des unités en s’intéressant notamment aux crédits de fonctionnement.

Le principe d’évaluation par vagues successives ne permet pas d’avoir une chronique continue des financements obtenus pour l’ensemble des 26 unités rattachées principalement à la section 39 sur la période 2011-2017. Néanmoins, en s’appuyant sur les chiffres fournis par les unités(4) dans le cadre des rapports HCERES, il est possible d’apporter quelques éléments à la réflexion. Un premier constat concerne la faiblesse relative de la dotation de base (CNRS et autres tutelles) en crédits de fonctionnement : elle représente 29 % en valeur moyenne et 26 % en valeur médiane du budget des unités. La tendance au financement de la recherche par contrat se consolide. Cependant de fortes différences existent au sein de la section : pour deux unités, la dotation de base constitue plus de 60 % de leur budget quand pour huit autres, au contraire, elle en constitue moins de 20 %.

Le deuxième constat porte sur l’évolution contrastée des dotations : la moitié des unités de la section enregistre une diminution de leur dotation de base sur la période, de l’ordre de 15 % en moyenne, tandis que l’autre moitié connaît une augmentation, de l’ordre de 20 % en moyenne. Deux unités sont concernées par des chutes brutales de leur crédits de fonctionnement (entre 30 et 40 %) ; une autre connaît au contraire une augmentation de 38 %. En outre les trajectoires de dotation des différentes tutelles sont diverses : certaines unités connaissent une contraction de l’ensemble de leurs dotations de base ; d’autres voient toutes leurs dotations augmenter ; d’autres encore voient leur dotation CNRS diminuer, mais celle des autres tutelles augmenter, ou inversement. Faute d’investigations plus approfondies, il est difficile d’interpréter ce constat : effet des politiques de sites ? absence de coordination entre tutelles ? politique globale des tutelles ou mesures ciblées sur certaines unités ?

En matière de recherche contractuelle, la section se caractérise par une multiplicité de sources de financement provenant de guichets divers. Outre l’ANR (et quelques lauréates et lauréats de l’ERC), les travaux de recherche de la section 39 se caractérisent en effet par un spectre très large de financeurs. Les problématiques d’interface espaces/territoires/sociétés conduisent souvent au déploiement d’une recherche ancrée socio-spatialement et à des partenariats avec des acteurs territoriaux de nature et d’échelle très différents. Cette configuration demande d’apporter une attention particulière aux liens entre activités de recherche, d’étude et d’expertise qui peuvent évidemment être articulées mais qui doivent être distinguées. Notons enfin l’importance croissante d’effets de sites qui conduisent à une différenciation de plus en plus marquée dans les possibilités d’accès aux financements : sites labellisés IDEX/ISITE ou pas ; présence ou absence de Labex ; dispositifs locaux spécifiques (par exemple les DIPEE mis en place par l’INEE) ; politiques régionales de soutien à la recherche…

En matière de locaux, le dernier rapport de conjoncture (2014) notait une inquiétude liée aux fusions d’universités. Si ce processus conduit en général à l’amélioration des conditions d’hébergement des unités, les mutualisations qu’elles sous-tendent soulèvent un certain nombre de problèmes, par exemple quant aux modalités d’accès aux fonds documentaires non numérisés (cf. par exemple les débats autour de la constitution du « Grand équipement documentaire » du campus Condorcet, etc.). Ces conditions d’accueil relèvent pour l’essentiel des universités ; les difficultés financières de certaines grèvent indéniablement les budgets consacrés à leur entretien. Dans la période récente, l’agenda d’investissement public dans les universités a concouru au renforcement des inégalités en matière de conditions d’accueil. Reste à voir quelles seront les conséquences à cet égard du volet « immobilier universitaire » du plan de relance en gestation à l’été 2020.

Encadré 3 : Le campus Condorcet, nouvelle composante du paysage de la recherche en IDF.

L’installation d’un nombre important de laboratoires sur le campus Condorcet à la rentrée 2019 contribue à redessiner sensiblement le paysage de la recherche en sciences humaines et sociales à l’échelle francilienne. Cette volonté de créer un campus de recherche en SHS au nord de Paris (comme le développement du pôle de Saclay au sud) répond à une volonté d’ancrer la recherche à l’échelle du Grand Paris. Une soixantaine d’unités de recherche se sont donc installées dans de nouveaux locaux, sur le site d’Aubervilliers. C’est notamment le cas pour pour une partie au moins des effectifs de quatre unités relevant à titre principal de la section : le Creda, Géographie-Cités, le Ladyss et Prodig.
Cette nouvelle configuration, souhaitée ou subie selon les personnels, est encore à ses prémices et cette première année a été fortement bouleversée par les grèves de transport l’hiver et le confinement au printemps, ce qui ne permet qu’un bilan très incomplet. Les principaux changements concernent de prime abord les conditions de travail (disponibilités de vastes locaux, présence du GED – grand équipement documentaire, etc.). A cela s’ajoute une proximité géographique entre les laboratoires de recherche qui devrait être à moyen terme très positive en termes d’interactions, renforçant ainsi certains liens déjà tissés au sein du labex DynamiTe. L’arrivée progressive des étudiants sur le campus (notamment avec l’installation de nombreux masters) sera renforcée par l’ouverture du site universitaire de La Chapelle (horizon 2022-23) avec le déplacement des premiers cycles universitaires depuis Tolbiac. Cette co-présence entre formations et laboratoires, encore incomplète, représente un réel enjeu pour la réussite du Campus.
En effet, à ce jour, la question de l’accessibilité (notamment pour les personnels IT) et les distances à parcourir entre lieux d’enseignement et de recherche (pour les chercheur.e.s et enseignements-chercheur.e.s) apparaît comme un frein à la cohésion du site. Ceci est de plus renforcé par un contexte de croissance du télétravail des personnels des unités, qui risque d’affaiblir les effectifs au quotidien sur place.

Conditions de travail : éclairage de l’enquête conduite auprès de la section

L’enquête réalisée auprès de la communauté scientifique de la section apporte des éclairages utiles sur les conditions de travail et leur évolution. D’une manière générale, les répondant.e.s à l’enquête considèrent que les conditions de réalisation de leurs recherches ont évolué de manière significative ces dernières années, dans un sens qui n’est considéré comme positif que par une faible proportion des répondants. La course imposée aux financements, la démultiplication des tâches administratives, la mise en concurrence des collègues entre eux dans tous les domaines et l’importance croissante des situations de précarité sont autant d’évolutions qui ont profondément modifié le travail au quotidien.

Interrogés plus précisément sur les évolutions du financement de la recherche, les répondant.e.s condamnent nettement les injonctions à construire des consortiums toujours plus grands, toujours plus complexes à animer, ou le principe des « résultats attendus » inhérent aux appels à projet qui ne laisse finalement que peu de place à la surprise, au hasard (sérendipité) et à la créativité. Certain.e.s soulignent les effets délétères de la généralisation du financement de la recherche par appels à projet. En effet, de petits financements sont parfois suffisants pour démarrer une recherche nouvelle susceptible de mener éventuellement à un projet plus conséquent. Surtout, ce fonctionnement de la recherche oblige à consacrer un temps important à la recherche de micro-financements pour couvrir des activités de base (participation à un séminaire ou à un comité de rédaction par exemple). En outre, les échanges au sein des unités se concentrent souvent, dès lors, sur les questions financières ou managériales, au détriment du débat d’idées… La plupart des répondant.e.s souhaitent donc un renforcement des dotations des laboratoires, qui permettrait par exemple l’attribution d’un petit budget annuel à chaque membre de l’unité.

L’enquête fait également ressortir la pression croissante pesant sur le temps disponible pour la recherche, pression qui donne lieu à des réponses contrastées. Les collègues exerçant des responsabilités collectives doivent en général renoncer à une large part de leur activité de recherche, ce qui engendre souvent une certaine frustration. A l’inverse, certains collègues choisissent de se mettre à distance des activités collectives, y compris au sein de leur unité, ce qui peut aboutir à une situation d’isolement, ou d’effectuer des séjours de recherche dans des environnements différents (université ou laboratoire à l’étranger, UMIFRE). S’agissant des enseignant.e.s-chercheur.e.s, les dispositifs permettant une décharge de cours (congé recherche, délégation CNRS) sont peu mentionnés par les répondants, alors que ces dispositifs, qui ont en outre vocation à se développer, permettent d’obtenir du temps de recherche.

Concernant les non-titulaires, leur situation est évidemment affectée par l’ensemble de ces contraintes, auxquelles se rajoute en outre une activité de recherche d’emploi qui implique des candidatures multiples, chronophages et souvent coûteuses financièrement, et qui s’exerce également au détriment du temps de recherche. Plus généralement, on observe à travers les rapports d’autoévaluation des UMR un recours croissant aux contrats de travail à durée déterminée, que ce soit à l’initiative des tutelles ou dans le cadre de projets financés sur ressources propres (contrats de recherche), pour des fonctions de technicien, d’ingénieur ou de chercheur.

Sur le plan des relations au sein des unités et entre unités, plusieurs répondant.e.s ont souligné que dans le contexte de financement par appels à projets précédemment rappelé, les logiques de site peuvent engendrer des tensions pour les UMR multi-sites, dont les équipes se retrouvent parfois engagées dans des initiatives concurrentes. Plus généralement, elles déplorent les restructurations imposées de collectifs de recherche, qui engendrent généralement des tensions frontalières. Mais le « modèle UMR » reste plébiscité et certaines tendances récentes sont également jugées positivement : plus grande internationalisation, développement de l’interdisciplinarité, collaborations inter-unité renforcées dans certains cas… Lors d’une rencontre organisée au printemps 2019 entre une partie de la section et des représentant.e.s des six UMR sous tutelle du ministère de la Culture (recherche architecturale), dans le cadre de la préparation du présent rapport de conjoncture, les participants ont ainsi souligné qu’un apport précieux des UMR était leur effet positif en termes de sociabilisation et de coopération interdisciplinaires.

Thématiques et approches

Le « portrait scientifique » qui suit a été élaboré à partir de plusieurs sources et corpus : l’enquête auprès de la communauté de la section, dans laquelle un ensemble de questions portait notamment sur les thématiques menacées ou en déclin, à soutenir dans les années à venir, ou au contraire trop développées ; les axes de recherche affichés par les UMR relevant de la section ; les intitulés des thèses en cours ou soutenues depuis 2014 dans l’ensemble de ces unités ; les tendances observées dans les candidatures aux concours CR. Les évolutions significatives par rapport au portrait analogue dressé dans le rapport de conjoncture 2010 ont fait l’objet d’une attention particulière.

Structurations

Un premier éclairage sur les thématiques structurantes de la section peut être donné par l’analyse des intitulés des grands axes affichés par les unités dans leurs projets quinquennaux. Le corpus considéré ci-dessous inclut une cinquantaine d’UMR de la section, y compris les unités à l’étranger (UMI, UMIFRE), dont l’ensemble des UMR et UMI rattachées à la section à titre principal.

L’analyse a permis de mettre en regard les thématiques affichées dans les rapports des unités avec les réponses à la question suivante de l’enquête : « Dans votre ou vos domaine(s) de recherche, quelles thématiques ou questions scientifiques nouvelles vous semblent devoir être soutenues ? ». Elle est synthétisée ci-dessous.

Graphique 3 : Axes des 50 UMR analysées.

Graphique 4 : Réponses à l’enquête.

Les deux corpus sont assez cohérents entre eux, suggérant un champ scientifique assez stable, même si l’enquête fait ressortir plus nettement, comme thématiques et approches « à soutenir », l’environnement, les méthodes quantitatives et les données ainsi que l’interdisciplinarité.

L’analyse factorielle du corpus textuel permet d’approfondir cette première lecture.

Celui-ci est structuré en quatre grands groupes. Le groupe 1 (rouge) correspond très majoritairement à des structures ayant un rattachement principal INEE (LEGT, LIENSs, TETIS…), mais intégrant aussi des unités INSHS (ESPACE, ART-Dev). Les thématiques principales (cf. figure suivante) sont l’environnement, la modélisation, les processus, le changement, les risques, la gestion… Les groupes 2 et 3 (resp., bleu et vert), très proches comme le montre le graphe des facteurs, rassemblent des unités INSHS étudiant des thématiques d’action publique, d’inégalités et de production, de gestion et de pratique urbaines. Enfin, le groupe 4 (violet), qui se démarque assez nettement des trois autres, regroupe des structures ayant d’autres disciplines dominantes que la géographie et l’aménagement (histoire, science politique, anthropologie, sociologie…) et donc, sauf pour les unités de recherche architecturale, souvent un rattachement secondaire à la section 39. Les thématiques qui ressortent concernent de grands faits de société (religions, migrations, cultures…), l’architecture, les questions de genre…

Enfin l’analyse factorielle fait apparaitre en quelque sorte une dynamique : lorsque l’on se déplace dans l’espace des deux facteurs, du groupe 4 (violet) vers les groupes 2 et 3 (vert et bleu) ou vers le groupe 1 (rouge), on se déplace concomitamment vers la géographie, vers INEE et vers une utilisation croissante des méthodes quantitatives, appliquées notamment à la thématique environnementale.

Graphique 5 : Analyse factorielle du corpus des textes des projets des unités.

 

Thématiques des thèses dans les laboratoires de la section

Une analyse complémentaire a été conduite sur les titres des thèses soutenues depuis 2014 ou en cours dans les 26 UMR actuellement rattachées à titre principal à la section 39 en 2019. L’analyse a ainsi porté sur 2 621 titres de thèses ; elle apporte un certain nombre d’éclairages.

Graphique 6 : Corpus titres de thèse (a).

Graphique 7 : Corpus projets unité (b).

Une représentation en nuages de mots, tout d’abord, montre une grande concordance entre les corpus « titres de thèses » et « projets des unités », ce qui n’est pas surprenant. Néanmoins, la hiérarchisation des termes est moins marquée dans le corpus « thèses », ce qui reflète un plus grand foisonnement soit des thématiques de recherche soit des termes utilisés. Les différences les plus notables concernent le terme « développement » (local, territorial, durable, urbain, économique…), plus présent dans le corpus « titres de thèse », et le terme « environnement », plus fréquent dans le corpus « projets d’unités ».

Des analyses factorielles de correspondance (AFC) ont été effectuées en croisant les mots du corpus et les modalités de diverses variables (laboratoire d’appartenance, année de soutenance, région de localisation de l’unité).

L’AFC entre titres des thèses et laboratoires fait apparaître plusieurs groupes de laboratoires (13 au total, soit 50 % des unités) possédant des caractéristiques marquées (en termes de démarches, de secteurs géographiques d’étude ou de thématiques) :

– THEMA, LIVE, ESPACE, GEODE, TETIS, LETG (autour de termes tels que simulation, modélisation, télédétection, environnement, spatial, données, cartographie)

– CREDA, LISA, MIGRINTER, (autour de continents ou de macro-régions : Amérique, Europe, Afrique, et avec une sous-représentation des termes « urbain » et « spatial » par rapport à l’ensemble du corpus

– AAU, AUSSER, LAVUE, MAP (architecture).

L’autre moitié des unités occupe le centre du graphique de manière moins nettement différenciée, ce qui suggère que les spécificités ressortant des titres de thèse ne permettent pas toujours de retrouver les « marques de fabrique » ou l’identité scientifique des unités.

L’AFC entre titres de thèses et année de soutenance ne fait apparaître aucune différenciation significative qui signalerait une évolution des questions, des thématiques ou des approches au cours du temps, peut-être parce que la période d’observation (thèses soutenues entre 2014 et 2020 et thèses en cours) est trop courte.

En revanche, l’AFC entre titres de thèses et localisation régionale fait clairement apparaître trois groupes :

– la modalité Paris – Île-de-France est marquée par un vaste ensemble de mots (score > 3) traduisant des recherches ayant un ancrage local (Ile-de-France, Paris) sans exclure d’autres terrains d’études (Amérique du nord, Pérou, Brésil) et des thèmes diversifiés (immobilier, logement, transport, transformation, politique, métropolisation) ;

– la modalité Sud-Est se caractérise par des terrains de la région (Corse, Rhône, Alpes, Méditerranée, Lyon) et des thématiques prédominantes (ambiance, corps, mythe, sensible, conception, patrimoine) ;

– les trois autres modalités (Sud-Ouest, Nord-Ouest et Nord-Est) présentent une certaine proximité entre elles par rapport aux deux précédentes. Néanmoins elles se distinguent également : la modalité Sud-Ouest est d’abord marquée par les thématiques (migration, réseau, enfant, jeune, expérience), puis une approche (anthropologie), puis par des terrains éloignés (Niger, Madagascar) ; la modalité Nord-Ouest est caractérisée par des terrains locaux (Loire, Bretagne, Normandie, littoral) et par deux thématiques (tourisme, climat) ; la modalité Nord-Est a pour spécificité… de ne pas en avoir si l’on reste au niveau d’un score (> 3).

Enfin, une dernière analyse factorielle des correspondances a été effectuée en croisant les segments de texte des titres de thèse avec le corpus des mots des titres de thèse. Elle fait ressortir quatre groupes (cf. figure ci-dessous).

Le groupe 1 (rouge) est marqué par les mots migration, Amérique et Afrique (CREDA, MIGRINTER et plus marginalement LISST ; laboratoires avec une localisation francilienne). Le groupe 2 (vert) est caractérisé par les mots développement, territoire, tourisme, acteur (ARTDev, ESO). Le groupe 3 (bleu) est marqué par les mots pratique, ville, représentation, espace, architecture, populaire (laboratoires franciliens, AAU, AUSSER, LAVUE et dans une moindre mesure MAP). Le groupe 4 (violet) est spécifié par les mots changement climatique, application, données, risques (ESPACE, GEODE, LETG, LIVE, TETIS, THéMA et de manière un peu plus marginale LIED ; laboratoires du Nord-Est et du Nord-Ouest.

Certaines unités ne sont pas spécifiquement rattachées à l’un de ces groupes (PRODIG, GEOGRAPHIE-CITES, PASSAGES, IDEES…). Leurs « identités scientifiques », telles qu’elles ressortent de l’analyse des mots de titres de thèses, apparaissent beaucoup plus multidimensionnelles.

Évolutions

Le retour de l’enquête, les bilans individuels faits par les chercheur.e.s et le contenu thématique des dossiers soumis au concours confirment l’importance croissante de la thématique de l’environnement dans la section 39. Cette évolution s’inscrit dans la durée, mais l’environnement tend à être appréhendé de manière différente par rapport aux périodes précédentes (cf. rapports de conjoncture 2010 et 2014). En effet, on constate un plus grand nombre d’approches à caractère holistique ou même systémique, visant à appréhender de nombreuses interactions sociétés-natures, enrichissant des approches plus ciblées en réponse à des problématiques précises, d’écologie politique par exemple, et comportant une dimension critique.

Les recherches sur l’environnement concernent notamment les rapports humains/monde vivant (en particulier les animaux), les dynamiques de l’environnement naturel et construit (restauration écologique, développement urbain…) et de manière croissante les liens entre santé et environnement. En termes d’approches, un certain nombre de dossiers de candidature au concours mettent en avant des démarches participatives de co-production des données environnementales.

La thématique territoriale reste évidemment structurante. Elle recouvre des objets variés avec une prédominance des objets urbains (métropolisation, financiarisation du développement urbain, ville intelligente…), qui n’est cependant pas exclusive (cf. travaux sur les frontières, les migrations et les migrants, les populations déplacées…). On observe même un regain, timide cependant, des études portant sur les espaces ruraux, portées par des problématiques environnementales ou alimentaires. Les recherches sur les dynamiques territoriales suscitent des approches tant quantitatives que qualitatives, y compris à l’échelle des individus et des petits groupes dans une démarche ethno-géographique, avec une perspective souvent critique.

L’importance de la mondialisation est analysée en termes d’effets sur le développement local et de circulation de modèles généraux, y compris scientifiques. La question des acteurs, de la gouvernance et des politiques locales est centrale.

Un certain nombre de thématiques mentionnées comme importantes dans l’enquête se révèlent peu présentes dans les candidatures au concours, comme la mobilité ou la recherche architecturale, déclinée dans l’enquête notamment en lien avec les thématiques relevant des formes urbaines, du paysage et du patrimoine.

En termes d’approches, on note l’essor de méthodologies « mixtes », croisant méthodes qualitatives et quantitatives. Les données massives sont mobilisées selon plusieurs angles ou thématiques de recherche (mobilités connectées par exemple), mais sont rarement abordées en tant qu’objet problématique, du point de vue des questions éthiques soulevées par leur utilisation ou des limites méthodologiques associées à leur exploitation.

Parmi les approches émergentes, on peut noter l’essor des méthodologies qualitatives de recherche-création, tant en termes de démarche d’investigation et de production de connaissances qu’en termes de modalités de valorisation des connaissances produites. Ces démarches novatrices soulèvent d’ailleurs des questions spécifiques d’évaluation d’évaluation : quels critères ? quels évaluateur.rice.s ? Enfin, le corps s’affirme non seulement comme objet spatial mais également comme outil de connaissance des phénomènes spatiaux.

L’enquête fait enfin ressortir un renforcement de l’ouverture interdisciplinaire de la 39, perceptible à travers notamment les demandes de rattachement d’unités, la présence dans les unités de la 39 de chercheur.e.s relevant d’autres sections (et réciproquement), les candidatures au concours (candidatures issues de disciplines très variées : géographie, anthropologie, architecture, sociologie, économie, urbanisme, sciences politiques, informatique, histoire…).

Ce constat général appelle un commentaire spécifique à la recherche en architecture. Tout en étant historiquement lié à la section 39, le spectre thématique de la recherche en architecture couvre en réalité plusieurs sections de l’INSHS, de l’INEE, de l’INSIS et de l’INS2I. Si des laboratoires évoluant au sein des ENSA arrivent à construire des approches au croisement de champs disciplinaires parfois très éloignés, le recrutement de jeunes chercheur.e.s au profil hybride, susceptible d’intégrer ces laboratoires, reste néanmoins problématique.

Thématiques et approches à soutenir

Plusieurs thématiques et approches à soutenir ressortent de l’enquête, également éclairées par les observations de la section.

La thématique du développement local est ainsi mise en avant, notamment, la recherche sur les systèmes d’acteurs, l’économie politique des services, les effets de la mondialisation, les dynamiques de métropolisation ainsi que l’innovation sociale, l’invention spatiale, l’économie du développement ou encore les économies illégales. En somme, la question du local est de retour, dans toute sa complexité et affranchie d’une perspective idiographique. Il est à noter que les approches de géographie économique ou d’économie spatiale, qui pourraient éclairer utilement la thématique du développement local, sont peu mentionnées et, de fait, peu portées.

En ce qui concerne l’environnement, les réponses à l’enquête invitent à développer les approches critiques de la transition écologique ainsi que les approches sociales, renvoyant aux termes de qualité et de cadre de vie. Les questionnements associés sont divers : territorialisation des problématiques environnementales (y compris production et approvisionnement alimentaires), liens entre agriculture et ressources en eau, nature en ville, relations aux paysages, inégalités de santé en lien avec l’environnement. Les approches morphologiques et physiques sont également mises en avant : performance énergétique du bâti, solutions éco-performantes….

Dans le champ des approches sociales, les renforcements souhaités concernent essentiellement les questions de genre et d’intersectionnalité. La faiblesse des approches spatiales en la matière est soulignée. On note aussi une réaffirmation de la thématique des inégalités (énergétiques, de mobilités, de santé…) et un regain d’intérêt pour la question des classes sociales.

En ce qui concerne les humanités numériques, l’enquête encourage à l’exploitation des données massives (données multi-capteurs issues des systèmes d’observation de l’environnement, données citoyennes, données issues des réseaux sociaux numériques…) dans différents domaines (mobilité connectée, biodiversité…), ce qui implique de soutenir des développements méthodologiques (fouille de données, traitement automatique du langage…). Les enjeux éthiques de l’usage des données massives pour la recherche sont également mentionnés.

Sur le plan de la démarche scientifique, l’enquête met en avant la nécessité d’approfondir les relations entre les épistémologies propres aux différentes disciplines et la problématique de l’interdisciplinarité, ainsi que le souci d’une approche critique sur les méthodes et le positionnement des chercheur.e.s, dans une perspective de réflexivité.

Terrains, échelles

Aires

Les terrains sur lesquels travaillent les chercheur.e.s de la section ayant répondu à l’enquête sont très variés et très souvent, un.e même chercheur.e, mène simultanément des recherches sur des terrains proches et lointains. La France est très présente (plus de 55 % des répondants), suivie de l’Europe (35 %). Viennent ensuite les continents africain et américain (notamment Amérique du Sud) pour une part à peu près équivalente, autour de 15 %, puis l’Asie (12 %).

Les modalités de choix des terrains sont dans la grande majorité des cas motivées par l’intérêt scientifique, par l’opportunité de collaborations, par l’existence de réseaux de recherche, ou encore par l’inscription dans des dispositifs scientifiques, type Observatoires Hommes Milieux ou Zones Ateliers, qui permettent de bénéficier de la capitalisation des données existantes. En revanche, certain.e.s collègues déplorent des contraintes budgétaires de plus en plus fortes pour mener des études internationales à terrains multiples dont ils ou elles soulignent pourtant la très grande richesse scientifique.

Si le rapport précédent mettait en avant l’importance d’une démarche comparative sur les terrains, le comparatisme ressort moins aujourd’hui. Là encore la contrainte financière est soulignée, ainsi que des procédures administratives souvent trop lourdes. Les déplacements nécessaires aux approches comparatives, parfois à l’étranger, sont très coûteux et rendent de telles recherches très difficiles à mettre en œuvre. Notons que les approches comparatives apparaissent, dans les réponses au questionnaire, tantôt comme « menacées » tantôt comme « trop importantes ».

Dans le cadre de l’internationalisation des recherches en sciences humaines et sociales, qui est une des priorités de l’INSHS, les Unités Mixtes Internationales (UMI) et les Unités mixtes – Instituts français à l’étranger (UMIFRE) sont un élément capital dans la vitalité des recherches françaises. Ces instituts permettent aux chercheur.e.s du CNRS et aux enseignant.e.s-chercheur.e.s des unités de recherche du CNRS d’effectuer des mobilités de longue durée dans des contextes de recherche très divers, au plus près des terrains de recherche. Le réseau des UMIFRE est mobilisé par environ 30 % des chercheur.e.s de la section à un moment ou à un autre de leur carrière. En revanche, 20 % des répondants à l’enquête ne connaissent pas ces dispositifs. On peut noter, assez logiquement, une relation étroite entre l’utilisation ou la non utilisation de ces outils et la localisation des terrains de recherche. Parmi les répondants qui n’ont jamais mobilisé ou ne connaissent pas le réseau des UMIFRE, un grand nombre de collègues mènent leurs recherches en France ou en Europe, alors qu’une majorité des chercheur.e.s connaissant le dispositif travaille dans les pays des Suds.

Espèces d’espaces

Parmi les espaces investigués, l’espace public ressort loin devant les espaces politique et naturel. Certains types d’espaces sont clairement associés à des champs thématiques : c’est le cas par exemple du type « espace naturel » associé à la géographie quantitative, la géographie physique, la glaciologie, la télédétection, la géographie de l’environnement, des paysages ou encore de la botanique. Les types « espace du corps » et « espace sensible » sont davantage évoqués par des collègues ancrés dans la géographie sociale, la géographie féministe, la géographie du genre et des sexualités, la géographie critique, l’architecture ou l’anthropologie. D’autres au contraire mobilisent un vaste champ de thématiques, comme par exemple le type « espace public » que l’on retrouve autant en géographie et sociologie urbaines et aménagement, qu’en géographie sociale, culturelle et politique. Ou encore le type « espace domestique », qui est mobilisé aussi bien en urbanisme, aménagement, en géographie sociale, en ethno-musicologie ou en modélisation socio-environnementale.

Échelles

À la question portant sur les échelles auxquelles ils et elles travaillent, quasiment tou.te.s les enquêté.e.s disent combiner plusieurs échelles dans leurs travaux, position confirmant celle soulignée dans les deux précédents rapports de conjoncture. Dans l’enquête de 2019, 59 % mobilisent ainsi le terme de « multi-échelles », soit seul (pour 17 % des enquêté.e.s), soit combiné à d’autres termes. Les 41 % restant.e.s choisissent plutôt d’expliciter une combinaison de deux ou plusieurs termes (local-régional ou micro-local-national par exemple). Le seul mot-clé cité aussi souvent que « multi-échelles » est « local », souvent associé à « micro », montrant l’intérêt pour des recherches à une échelle fine, souvent centrées sur les individus. Très peu nombreux, en revanche, sont ceux et celles qui mentionnent l’échelle « monde » (10 %) ou « continentale » (3 %). Décrivant les thématiques émanant des recrutements de 2010-2014, le rapport de conjoncture précédent soulignait également que le niveau Monde était faiblement étudié et notait la forte diminution des travaux portant sur un niveau méso (Etat, région), en dehors des études comparatives.

Dans l’enquête de 2019, les échelles « méso », « régionale » et « nationale » ne sont pas non plus prédominantes, citées seulement par un quart des enquêté.e.s. La multiplicité des échelles d’observation et d’analyse et le développement des travaux à des échelles très fines sont ainsi deux tendances fortes qui se maintiennent depuis une dizaine années. C’est y compris le cas des échelles investiguées par les recherches en architecture, qui restent conceptuellement liées aux lectures de l’espace urbain et du territoire même si quelques travaux des UMR évoluant au sein des ENSA se concentrent sur l’échelle de l’édifice ou encore de l’artefact patrimonial.

Pluralité des terrains d’enquête au-delà des espaces géographiques

Espaces du corps (et pratiques corporelles de l’espace). Les recherches relatives aux rapports des corps et des espaces suscitent un intérêt grandissant de la part des chercheur.e.s ces dernières années, avec deux orientations principales : le corps en tant qu’entité inscrite dans l’espace et qui rentre en interaction avec d’autres corps ; le corps en tant qu’outil d’exploration de l’espace. (i) La première orientation concerne les manières dont l’organisation et l’aménagement des espaces affectent l’expérience individuelle et les rapports à l’espace dans leurs modalités sociales, émotionnelles, cognitives. En outre, l’étude de l’influence de l’espace géographique, à travers ses multiples composantes (environnementale, socio-économique, culturelle), sur le bien-être et la santé des populations est favorisée par le rôle croissant de la problématique environnementale dans le débat public. (ii) Le corps est également un outil d’exploration et de connaissance de l’espace, souvent mobilisé dans cette perspective dans des démarches artistiques (recherche-création) ou esthétiques. Moyen d’expression, de communication avec le monde ou de transmission du savoir, il peut également être appréhendé comme un lieu de négociation de la relation à l’environnement humain, social et matériel. Au plan épistémologique, ces démarches donnent lieu à des interrogations sur la place du sensible dans la production de connaissances scientifiques.

Espaces organisationnels. Les organisations sociales produisent et sont le produit de spatialités. La proximité joue un rôle renouvelé dans les organisations sociales à l’échelle des territoires par exemple en réponse à la prise en considération des problématiques environnementales dans les politiques locales, régionales et nationales (autonomie locale, circuits courts, etc.).

Espaces numériques. Le développement rapide, massif et multiforme des technologies numériques affecte de plusieurs manières les pratiques spatiales et leur étude. Trois registres peuvent être évoqués : les espaces organisationnels numérisés ; les espaces ordinaires augmentés ; les espaces virtuels. (i) Les effets du développement rapide des infrastructures et des données numériques dans les activités productives s’observent avec une intensité élevée dans l’activité de recherche sur les pratiques spatiales, et plus largement sur l’ensemble des dynamiques territoriales, dont les modalités sont progressivement transformées en profondeur, appelant à des réflexions de nature épistémologique (cf. section « approches, méthodes, données »). (ii) L’équipement croissant des individus en technologies et services numériques nomades affecte significativement leurs pratiques spatiales, appelant à un aggiornamento des connaissances sur ces pratiques et ouvrant ainsi de nouveaux champs de recherche. (iii) L’étude des pratiques spatiales dans des environnements virtuels et de leurs liens d’influence mutuelle avec la pratique des espaces réels contribue au renouvellement des questionnements (sur les ressorts des interactions à distance à partir de l’étude des jeux multi-joueurs, par exemple), des objets (mobilité virtuelle / mobilité réelle) et des méthodes (jeux sérieux) des recherches spatialistes.

Approches, méthodes, données

Des approches de plus en plus diversifiées et combinées

L’analyse de l’enquête et des candidatures au concours CR permettent de dresser un triple constat sur les approches, méthodes et données mobilisées dans les activités de recherche des membres de la section 39. Si le caractère interdisciplinaire et pluri-thématique a toujours favorisé une grande diversité d’approches, on relève une tendance, tant pour les approches qualitatives que quantitatives, à une diversification encore plus marquée des méthodes de recherche. Cette forte diversification s’accompagne d’une montée en puissance des méthodes « mixtes » : nombre de candidats aux concours combine désormais un panel d’approches complémentaires. Enfin, une plus grande réflexivité dans la démarche scientifique est perceptible.

Au-delà de ces trois tendances générales, plusieurs évolutions saillantes peuvent être relevées.

Les données massives : de l’outil à l’objet de recherche

L’intégration des données massives (big data) dans le périmètre des recherches de la section 39 fait apparaitre trois registres d’évolution : sur l’utilisation de nouvelles sources de données, sur la refonte des méthodes que nécessite le traitement de ces nouvelles données, sur le renouvellement des questions de recherche qu’elles peuvent entrainer.

Tout d’abord, l’accessibilité améliorée à des corpus de données inédits et volumineux renouvelle en profondeur nombre de travaux de recherche. Ainsi, par exemple, les études en télédétection suivent l’évolution de l’offre en imagerie satellite. Dans le domaine de l’analyse spatiale, de nombreuses recherches se confrontent désormais à des données inédites issues, par exemple, des traces numériques des citoyens-capteurs ou d’objets connectés. La mobilisation de ces nouveaux corpus soulève alors des enjeux éthiques, notamment sur la protection des données personnelles et pour que les pratiques de recherche se mettent en conformité avec les évolutions réglementaires (RGPD). Elles doivent aussi répondre à une forte demande sociale de retour des données produites par les chercheur.e.s vers la société civile. De plus, la numérisation de fonds documentaires structurés et contextualisés suivant des standards internationaux fournit un matériel de recherche lui aussi inédit.

Ce renouvellement des corpus peut nécessiter une reconfiguration des méthodes de recherche : de la collecte de données (avec la généralisation de l’usage du web scrapping, par exemple) à leur exploration (par des techniques de fouilles de données, par exemple) ou à leur géovisualisation (dynamique et/ou interactive).

Enfin, face à un renforcement des approches guidées par les données (data driven research), les chercheur.e.s de la 39 interrogent une forme de néo-positivisme numérique en renouvelant leurs approches critiques. Si la critique de la statistique, de la cartographie ou plus largement de la technique existe depuis longtemps, des recherches émergentes jouent aujourd’hui le jeu de l’immersion dans les données, le code informatique et les situations de terrain afin d’ouvrir les boites noires algorithmiques et d’en révéler les enjeux socio-spatiaux. Ce faisant, au-delà de la dimension méthodologique, le big data fait apparaitre de nouveaux objets de recherche.

L’exploration de nouveaux dispositifs d’enquête in situ

De nouveaux dispositifs d’enquête qualitatifs sont expérimentés, s’appuyant sur l’exploration de méthodologies d’investigation in situ originales, l’ouverture à de nouvelles formes et formats de restitution des résultats, la place croissante accordée aux récits, l’usage raisonné d’outils de captation audio-visuelle, et même l’introduction de la fiction et d’autres démarches de création. Les recherches interrogent ainsi la mise en récit des expériences plurielles de recherche à propos du territoire compris comme milieu de vie, impliquant les savoirs et les imaginaires, le corps sentant et les autres vivants. Le terrain est essentiel à cette orientation épistémologique, dans la mesure où la recherche est ainsi située temporellement et spatialement, dans le jeu contraint des situations d’enquête. Ces approches sont profondément marquées par l’expérience sensible des terrains.

Sciences ouvertes : du libre-accès aux sciences citoyennes

Face à un concept polyvalent susceptible d’être défini de façons multiples selon les contextes et les acteurs impliqués, les pratiques de recherche, les modalités de production et de diffusion des résultats mais aussi la relation au terrain des chercheur.e.s de la section 39 révèlent une acception large et ambitieuse de la science ouverte. Ainsi, sans se limiter au mouvement vers le libre accès aux ressources scientifiques (publications, logiciels, données, codes), mais tout en y contribuant largement, l’ouverture de la recherche passe également, pour nombre de programmes de recherche de la section, par un changement épistémologique profond en s’ouvrant à l’inclusion en leur sein des savoirs locaux, des préoccupations des communautés locales et d’une pluralité de langues, de manières de produire de la connaissance et de lieux de diffusion. Avec cette acceptation élargie de l’open science, il s’agit donc à la fois de partager les connaissances mais aussi de faire science ensemble.

Partager les connaissances : l’ouverture des données, méthodes, publications, évaluations

Avec le développement des infrastructures numériques, des plateformes web pour diffuser l’Information Scientifique et Technique (IST) permettent potentiellement d’ouvrir les données, les méthodes, les publications et les évaluations.

Une bonne majorité des répondants à l’enquête considère ainsi que leur pratique de publication et de partage de leurs travaux a évolué avec le développement de la science ouverte et constate la démultiplication des supports possibles (blog personnel, journaux du bouquet OpenEdition, Academia, ResearchGate…) et en particulier l’importance de la plateforme HAL-SHS. Tout ceci dans un objectif de circulation et diffusion plus rapide à l’international.

De nombreux collègues utilisent ou sont impliqués dans le déploiement de catalogues ou portails de données à l’échelle de projets de recherche, d’UMR ou de consortiums de recherche (IMAGEO, par exemple). Ces infrastructures permettent de documenter et diffuser des données aux formats multiples (cartes anciennes, photographies, données géographiques, images satellites, données sonores, etc.). Ces pratiques restent cependant encore marginales même si, impulsée par le cadre réglementaire, cette tendance semble gagner du terrain.

Au-delà des données, pour favoriser la traçabilité et la reproductibilité des recherches, le développement de modèles identifiables, accessibles et largement réutilisables est aujourd’hui un véritable enjeu. L’utilisation de plateformes de logiciels libres, de codes informatiques structurés et documentés ou encore de démonstrateurs indépendants constituent alors des éléments de plus en plus fréquents (GeOpenMod/Cybergéo, par exemple). Les enjeux de gouvernance qui y sont associés apparaissent cependant, encore aujourd’hui, comme des impensés.

Conformément aux recommandations de l’INSHS, le portefeuille de revues scientifiques associées à la section 39 s’inscrit désormais majoritairement dans une logique de libre-accès favorisant la diffusion des articles de la communauté. Le Comité national relève cependant des pratiques éditoriales très différentes en fonction des disciplines qui tendraient aussi à promouvoir, en parallèle du libre-accès, la bibliodiversité.

Enfin, la publication des articles en accès ouvert natif offre des opportunités inédites pour redéfinir les méthodes d’évaluation des publications : ouverture des procédures d’évaluation par les pairs, ouverture des rapports d’évaluation voire ouverture à l’évaluation par tout lecteur. La section 39 apparait plus en retrait à cet égard, les revues expérimentant ce type de dispositif (JIMIS, Espaces-Temps…) restant en nombre relativement limité.

Faire science ensemble : les sciences participatives et citoyennes

Bien que l’idée ne soit pas récente, la généralisation des programmes de sciences participatives ou citoyennes et leur institutionnalisation progressive sont perceptibles à travers plusieurs signaux faibles convergents au sein de la section 39. La constitution de réseaux nationaux et européens de recherche sur le sujet, l’accessibilité à des bases de données en provenance de ces systèmes, la multiplication des appels à projets incitant au développement de ces dispositifs ou encore la parution de numéros de revue dédiés témoignent de la place grandissante de ces approches. L’usage d’Internet a également accéléré les possibilités d’outillage de ce type de dispositif dont le niveau de collaboration entre les acteurs engagés est très variable et dont les conditions d’exploitation des données soulèvent des enjeux méthodologiques majeurs, en particulier en matière de distribution spatiale. Or, c’est justement en interrogeant ces pratiques, dans leur dimension socio-spatiale, que certain.e.s candidat.e.s ou chercheur.e.s de la section 39 se positionnent comme observateur.rice.s critiques : les sciences citoyennes et participatives deviennent alors un objet de recherche.

Évaluation des « produits de la recherche »

Les résultats de l’enquête menée, les témoignages exprimés par les chercheur.e.s CNRS dans leurs rapports d’activité et les discussions menées avec la communauté de la section 39 lors des AG organisées depuis trois ans reflètent une satisfaction d’ensemble sur la manière dont les productions scientifiques sont recensées (RIBAC) et appréhendées par les instances d’évaluation. Quatre points d’inquiétude sont cependant réaffirmés :

• Obsession et pressions de la bibliométrie : nombre de répondant.e.s continuent à alerter sur un risque de normalisation des outils d’évaluation, prenant modèle sur d’autres domaines scientifiques et privilégiant les articles publiés dans des revues scientifiques « internationales » (i.e. anglophones) au détriment de toutes autres productions. Une telle évolution serait préjudiciable aux productions en SHS. Plusieurs répondant.e.s alertent sur les risques associés à la domination d’un modèle « anglo-saxon » et en particulier à la norme qu’il véhicule quant au « dosage » souhaitable entre propositions théoriques et investigations empiriques, qui influe à son tour sur la nature des connaissances produites ;

• Faible reconnaissance de ce qui n’est pas un article dans une revue scientifique avec évaluation par les pairs (ACL) : nombre de répondant.e.s considèrent que les ouvrages ainsi que les productions relevant de la “vulgarisation”, de la “recherche-action” ou de l’expertise, et plus largement de la diffusion de connaissances scientifiques vers la société civile, ne sont pas suffisamment valorisés ou reconnus ;

• Prise en compte insuffisante des productions scientifiques collectives, du travail de création d’outils collaboratifs, de la production de (bases de) données… ;

• Valorisation insuffisante des travaux et des publications interdisciplinaires dans l’évaluation des chercheur.e.s et des enseignant.e.s-chercheur.e.s.

En outre, l’évaluation de la production scientifique s’inscrit dans un contexte d’évolution profonde des métiers de la recherche : valorisation des chercheur.e.s pris individuellement au détriment des collectifs par le biais des programmes de financement de type ERC ; transfert de certaines charges d’administration et de gestion aux chercheur.e.s et notamment aux enseignant.e.s-chercheur.e.s ; alourdissement des procédures pour l’organisation des missions de recherche ; démultiplication des tâches de diverses natures (expertises, évaluations, gestion de l’enseignement pour les enseignant.e.s-chercheur.e.s) qui tendent à réduire le temps consacré à la recherche elle-même.

La section continuera à appréhender l’activité des chercheur.e.s dans toutes ses dimensions et, dans l’évaluation de la production scientifique, à privilégier la qualité de la production scientifique, la diversité des formes de restitution (nature, formats, supports, langues…) et les apports du chercheur évalué dans le domaine scientifique(5). Elle est de ce point de vue en accord avec les principes d’évaluation affichés par le CNRS dans sa Feuille de route pour la science ouverte publiée en novembre 2019(6) :

« 1. Ce sont les résultats eux-mêmes qui doivent être évalués, et non pas le fait qu’ils aient pu être publiés dans une revue prestigieuse ou autre média réputé.

2. Pour chacune des productions citées dans les dossiers d’évaluation les chercheurs et les chercheuses doivent en expliquer la portée, l’impact, et la contribution personnelle qu’ils y ont apportée.

3. Tous les types de production doivent pouvoir être des éléments de l’évaluation.

4. Toutes les productions citées dans les dossiers d’évaluation doivent être accessibles dans HAL ou éventuellement dans une autre archive ouverte. »

Elle alerte enfin la communauté sur le développement inquiétant de l’édition prédatrice (cf. encadré 4).

Encadré 4 : Revues prédatrices, éditeurs prédateurs.

Les éditeurs prédateurs (revues et ouvrages) sont des éditeurs dont les objectifs commerciaux priment sur toute considération scientifique. L’édition prédatrice se développe rapidement et concerne aujourd’hui des centaines de milliers de publications (articles majoritairement, mais aussi ouvrages). Les publications issues des revues et des éditeurs prédateurs ne peuvent pas être prises en considération pour l’évaluation de la production scientifique des chercheur.e.s. Le recours fréquent ou systématique à de tels éditeurs sera même apprécié négativement.

Diverses ressources en ligne donnent des éléments d’information sur les éditeurs prédateurs, par exemple :

List of publishers

https://scholarlyoa.com/list-of-standalone-journals/

Conclusion

En guise d’épilogue, la section souhaite vivement remercier « sa » communauté scientifique pour sa participation aux échanges lors des assemblées générales et pour ses réponses à l’enquête, qui ont nourri le présent rapport de conjoncture.

GLOSSAIRE

ACL : À Comité de LectureAFC : Analyse Factorielle des CorrespondancesANR : Agence Nationale de la RechercheBAP : Branches d’Activités ProfessionnellesCICRP : Centre Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du PatrimoineCR : Chargé.e de RechercheCRCN : Chargé.e de Recherche de Classe NormaleDIPEE : Dispositif de partenariat en écologie et environnementDR : Directeur.trice de RechercheDRH : Direction des Ressources HumainesENSA : École Nationale Supérieure d’ArchitectureERC : European Research CouncilFR : Fédération de RechercheFRE : Formation de Recherche en ÉvolutionFSEP : Fonctions Susceptibles d’Etre PourvuesHAL : Hyper Articles en LigneHCERES : Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement SupérieurIDEX : Initiative D’EXcellenceIDF : Île-de-FranceINEE : Institut Écologie et EnvironnementINRAP : Institut national de recherches archéologiques préventivesINS2I : Institut des Sciences de l’InformationINSHS : Institut des Sciences Humaines et SocialesINSIS : Institut des Sciences de l’Ingénierie et des Systèmes ISITE : Initiative Science-Innovation-Territoires-ÉconomieIT : Ingénieur.e et Technicien.neITA : Ingénieur.e, Technicien.ne et Administratif.iveMSH : Maison des Sciences de l’HommeNOEMI : Nouveaux Emplois Offerts à la Mobilité InterneRGPD : Règlement général sur la protection des donnéesRIBAC : Recueil d’Informations pour un oBservatoire des Activités de reChercheSHS : Sciences Humaines et SocialesUMI : Unité Mixte InternationaleUMIFRE : Unité Mixte des Instituts Français de Recherche à l’ÉtrangerUMR : Unité Mixte de RechercheUMS : Unité Mixte de ServiceUSR : Unité de Service et de Recherche

Notes

(1) Dans la suite de ce rapport, la graphie épicène « chercheur.e.s » sera souvent employée par commodité.

(2) Au 15 septembre 2019. Source : Base Zento

(3) Au sens où elles ont pour tutelles des établissements locaux n’appartenant pas à une même communauté d’établissements.

(4) Deux unités n’ont pu être prise en compte dans cette observation faute de données disponibles.

(5) Cf. critères de la section : http://conrs39.free.fr/2020/documents/Criteres_section39_mandat_2016-2020.pdf

(6) https://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-11/Plaquette_ScienceOuverte.pdf

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