Rapport de conjoncture 2019

Section 30 Surface continentale et interfaces

Composition de la Section

Gudrun  Bornette (présidente de Section), Pierre  Labadie(secrétaire scientifique), Pierre  Barre, Patricia  Bentoza, Isabelle  Bihannic, Olivier  Bour, Luc  Descroix, Stéphanie  Desprat, Florence  Donnadieu-Bernard, Jerome  Duval, Evelyne  Franquet, Stephan  Hattenschwiler, Laurent  Jeanneau, Eric  Lajeunesse, Anniet  Laverman, Guillaume  Morin, Florent  Mouillot, Nathalie  Niquil, Soizic  Prado, Agnès  Richaume-Jolion, Télesphore  Sime-Ngando.

Résumé

La section 30 rassemble les chercheurs dont les thématiques de recherche portent sur le fonctionnement des surfaces et interfaces continentales, et sur les problématiques d’écologie fonctionnelle. Les chercheurs relèvent de très nombreuses disciplines, et les combinent pour comprendre le fonctionnement de cette zone critique à différentes échelles d’espace et de temps. La section est par essence interdisciplinaire, fortement ancrée dans les sciences physiques, chimiques, et biologiques. Le rapport souligne les forces en présence au sein de la section, et dans les candidatures au CNRS demandant le rattachement à cette section, décrit les points forts de la communauté CNRS, mais également les points d’amélioration en termes de champs thématiques couverts.

Introduction

Les statistiques figurant dans ce rapport concernent les 209 chercheurs rattachés à ce jour à la section 30 et évalués lors des sessions de printemps 2017, 2018 et 2019 et d’automne 2017 et 2018. Le nombre de chercheurs total rattachés à la section est de 260. Les statistiques peuvent ainsi être légèrement modifiées en considérant la totalité des chercheurs de la section 30. Cependant, en considérant 80 % des chercheurs de la section, cet exercice permet d’obtenir une image réaliste du champ « Surfaces et Interfaces Continentales » en France.

Le périmètre de la section est abordé tout d’abord sur le plan des ressources humaines, et décrit la répartition des chercheurs rattachés à la section 30 par rapport à leur âge et à leur sexe. Dans une deuxième analyse, le périmètre scientifique est présenté sur la base des 209 chercheurs. Chacun des 209 dossiers considérés a été évalué lors d’une des cinq sessions précédentes du mandat de la section par un rapporteur. Celui-ci a indiqué la thématique scientifique principale (parmi une liste de 8) ainsi que deux mots-clés (parmi une liste de 23). La répartition par thématique principale a été utilisée pour répartir les effectifs. De cette répartition ont été extraits les réseaux de thématiques et de mots-clés permettant de visualiser et de quantifier les interactions entre thématiques et entre mots-clés. Pour les interactions entre thématiques, chaque mot-clé a été transformé en sa thématique de rattachement résultant pour chaque chercheur en une liste de trois (au plus) thématiques, celles-ci pouvant être similaires ou pas.

I. Ressources humaines de la section

Figure 1 : Pyramide des âges répartis par sexe des chercheurs de la section 30. Le nombre en italique sur fond gris donne l’effectif total d’une classe d’âge, et la proportion de femmes dans chaque classe d’âge est donnée par le pourcentage. Parmi les quatre catégories d’âge les plus jeunes, la proportion de femmes est comprise entre 27 et 33 % alors qu’elle est supérieure à 40 % chez les 55-65 ans.La moyenne d’âge des chercheurs de la section 30 est de 50 ± 9 ans sans considération de sexe. Sur les 209 dossiers évalués, les femmes représentent 34 % de l’effectif et 40 % d’entre elles sont DR. Cette proportion monte à 47 % chez les hommes. La tranche d’âge 55-60 ans est la seule pour laquelle l’équilibre homme femme est réalisé. Le déséquilibre en faveur des hommes est particulièrement accentué pour les chercheurs de moins de 55 ans, ce qui traduit un déséquilibre structurel des recrutements en faveur des hommes au cours des derniers mandats de la section.

Figure 2 : Pyramide des âges répartis par sexe des CR de la section 30. Le nombre en italique sur fond gris donne l’effectif total d’une classe d’âge et la proportion de femmes dans chaque classe d’âge est donnée par le pourcentage.

Figure 3 : Pyramide des âges répartis par sexe des DR de la section 30. Le nombre en italique sur fond gris donne l’effectif total d’une classe d’âge et la proportion de femmes dans chaque classe d’âge est donnée par le pourcentage. L’âge moyen du changement de corps CR-DR est de 44 ans quel que soit le sexe.

Les femmes représentent 30 % des DR, et 37 % des CR. Le déséquilibre homme-femme au recrutement se transmet et se renforce au passage CR-DR. Par contre, il ne s’aggrave pas au fil de la progression de carrière (DR2 26 % ; DR1 23 % ; DRCE 24 %).

Lorsque l’on s’intéresse au nombre d’années moyen qu’ont passé les femmes et les hommes au grade CR avant d’accéder au grade DR table 1), on constate que ce nombre est comparable pour certaines classes d’âge (40-44 ans, 50-54 ans, 60-64 ans), mais significativement plus élevé pour d’autres (45-49 ans, 55-59 ans). On constate également que même si la proportion de femmes DR dans la classe d’âge 55-60 est plus proche de la parité, les femmes, dans cette classe d’âge, ont attendu 5,5 ans de plus que les hommes pour atteindre ce grade (table 1), ce qui démontre qu’il n’y a pas eu de biais positif en faveur des femmes, même dans cette classe d’âge.

La section est fortement préoccupée par ce déséquilibre de recrutement et de carrière entre hommes et femmes, et s’interroge sur les éventuels biais dans les critères de sélection pouvant défavoriser les femmes. Cette variation inter-classes d’âge peut ainsi être due au hasard des promotions, mais pourrait aussi résulter de la variabilité de la composition des sections, en termes de comportement vis à vis de la parité, certains « crus » de la section pouvant être plus attentifs que d’autres à l’égalité de carrière des hommes et des femmes. En moyenne, à l’échelle de l’ensemble des classes d’âge, on constate que les femmes attendent 2 ans de plus que les hommes pour passer DR. Cet écart est-il dû à un dossier moins fourni ou à un comportement sexiste ? C’est difficile à dire à ce degré d’analyse. Si on considère que le nombre moyen d’enfants par femme est de 2 en France, on peut faire l’hypothèse que cela peut contribuer à un retard de carrière conduisant à une promotion plus tardive.

Table 1 : Nombre d’années passées dans le grade CR pour les femmes et pour les hommes, et âge de passage DR, dans la section 30 pour chaque classe d’âge.

Nombre d’années CR Femmes Âge de passage DR Femmes Nombre d’années CR Hommes Âge de passage DR Hommes
35-39 9 38.5
40-44 7.5 39.5 8.7 39.8
45-49 14.8 42.8 9.4 42.4
50-54 11.5 43.5 12.9 45.2
55-59 18.1 46.4 12.5 45.5
60-64 15.3 44.9 15.9 46
65+ 11 42.5 14.2 46.3
Moyenne 14 44.2 12 43.8

Le pourcentage de DR au sein d’une classe d’âge passe de 8 % pour les 35-40 ans à 35 % pour les 40-45 ans en lien avec l’âge moyen de 44 ans pour le changement de corps CR-DR. Cette proportion de DR au sein d”une classe d’âge augmente d’un facteur 1.2 par classe d’âge jusqu’aux 55-60 ans pour atteindre 61 % de la classe d’âge. Cette proportion passe à 65 et 67 % chez les 60-65 ans et les plus de 65 ans, respectivement. Le pourcentage de DR par classe d’âge (Figure 4) montre une forte différence de distribution entre les hommes et les femmes, mettant en évidence un décalage dans l’âge de la transition de CR à DR. Les hommes commencent à postuler et à passer DR plus tôt que les femmes et on observe un décalage de 5 années de l’âge où ils deviennent DR, puis un rééquilibrage se fait au niveau de la classe d’âge 45-50 ans, voire plus tard, comme souligné précédemment. La question reste posée de la nature de ce déséquilibre inégalement réparti dans le temps.

Figure 4 : Pourcentage de DR parmi les chercheurs de la section, selon les différentes classes d’âge.

Le pourcentage pour les 35-40 ans est de 0 % pour les femmes. La section analyse actuellement les moyens à mettre en œuvre pour résoudre ce problème de déséquilibre. Une réflexion inter-sections, initiée par la section 14, a souligné que la considération des traits qualitatifs (nature exacte de la prise de responsabilité collective), en sus des critères quantitatifs permettrait de mesurer le réel investissement et la réelle charge de travail induite par ces charges déclarées. Cette idée est en cohérence avec la façon dont la section 30 a posé les questions lors des oraux des concours DR, en accordant une place importante aux questions aux candidats sur leur « vision » des responsabilités collectives, et la manière dont ils s’impliquent et mettent en œuvre ces responsabilités. Nous avons cependant toujours un déficit de candidatures féminines. Un travail est nécessaire avec les DAS et les équipes de direction des structures de recherche pour veiller à laisser/encourager les femmes à prendre des responsabilités collectives valorisantes dans les laboratoires, ou tout simplement à penser à elles quand on est en recherche d’une personne prête à prendre une responsabilité collective. Les exemples sont nombreux de femmes assumant des responsabilités collectives en soutien à un collègue, sans pouvoir l’afficher, et qui se voient déniées la possibilité de prendre cette responsabilité lors du départ du collègue, et ce au profit d’un homme. Outre le fort encouragement des femmes à postuler, une évolution est encore possible pour tenir compte de charges collectives aujourd’hui peu valorisées même si elles sont utiles à la communauté. Par exemple, on peut envisager la prise en compte de responsabilités telles que les responsabilités de collections, de cultures d’organismes ou d’organisation de bases de données. Ces tâches lourdes sont des exemples de celles rencontrées dans les dossiers que nous avons reçus pour le passage CRHC, fréquemment endossées par des femmes. La ventilation des chercheurs de la section 30 par thématique de recherche est présentée figure 5. La liste des thématiques est donnée en annexe 1. Les thématiques regroupant le plus de chercheurs sont « écologie fonctionnelle » (26 %) et « biogéochimie et physico-chimie des interfaces, cycle des éléments » (20 %). Les thématiques « processus de surface et de subsurface », « écotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants » et « dynamique des écosystèmes […] » représentent 14, 10 et 10 % des effectifs, respectivement. Les thématiques « paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires », « microbiologie environnementale » et « télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface » représentent 8, 6 et 5 % des effectifs, respectivement.

Figure 5 : Ventilation des chercheurs de la section 30 par thématique principale (pour l’explicitation des thématiques, voir annexe 1).

Parmi les profils chercheurs, 40 % ont été classés comme monothématiques (figure 6), c’est-à-dire que les deux mots-clés choisis par le rapporteur correspondaient à la même thématique (na : ce chiffre comme les autres concernant le paysage scientifique est donc à prendre avec précaution, car il existe potentiellement un biais méthodologique de non reproductibilité de l’analyse thématique des chercheurs d’un membre de la section à un autre, biais qui n’a pas été testé). Cette proportion de profils monothématiques est variable d’une thématique à l’autre comme le montre la figure 6. Elle est en moyenne de 46 % et évolue de 16 (T5, Écologie fonctionnelle) à 82 % (T4, Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires). Globalement les thématiques T5 (écologie fonctionnelle) et T6 (dynamique des écosystèmes) sont celles au sein desquelles le plus de chercheurs présentent un profil inter-thématiques (figure 7), suivies d’un groupe formé par les thématiques T1-Ecotoxicologie, T2-Microbiologie et T3-Biogéochimie et physicochimie des interfaces pour lesquelles la proportion de chercheurs ayant un profil inter-thématique est de 57, 69 et 55 %, respectivement. Enfin 43, 30 et 18 % des chercheurs des thématiques T7-Processus de surface et de subsurface, T8-Télédétection, analyse et imagerie et T4-Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires, respectivement, présentent un profil inter-thématiques.

Figure 6 : Pourcentage de profils monothématiques en fonction de la thématique principale (pour l’explicitation des thématiques, voir annexe 1).

Les liens inter-thématiques ont été quantifiés et visualisés sous la forme d’un réseau présenté à la figure 7.

Figure 7 : Réseau formé par les profils inter-thématiques des chercheurs rattachés à la section 30. La taille des nœuds est proportionnelle à l’occurrence de chaque thématique (thématique principale et mots-clés) et l’épaisseur des liens est proportionnelle au nombre de profils situés à l’interface entre les thématiques considérées.

A. Analyse des liens inter-thématiques

La table 2 résume les liens exprimés en nombre entre les différentes thématiques. L’analyse des liens inter-thématiques au sein des profils des chercheurs rattachés à la section 30 fait ressortir comme liens principaux (> 10) par ordre décroissant d’importance T5-T6 (56 chercheurs), T1-T3 (19 chercheurs), T3-T5 (16 chercheurs), T3-T7 (14 chercheurs) et T2-T5 (12 chercheurs).

Table 2. Liens inter-thématiques exprimés en nombre de chercheurs.

T1 T2 T3 T4 T5 T6 T7 T8
T1 Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants 9 19 1 1 1
T2 Microbiologie environnementale 9 7 12 2 1
T3 Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments 19 7 4 16 4 14 2
T4 Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires 4 1
T5 Écologie fonctionnelle 1 12 16 1 56 2 1
T6 Dynamique des écosystèmes continentaux (incluant les milieux urbains), estuariens, lagunaires, côtiers et marins 1 2 4 56 4 2
T7 Processus de surface et de subsurface 1 14 2 4 6
T8 Télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface 1 2 1 2 6

T1 (Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants) : Cette thématique est impliquée dans 19 % des liens. Les liens se font avec les thématiques 2, 3, 5, 6 et 7. Les plus représentés sont avec les thématiques 2 (29 % des liens ; uniquement via le mot-clé « écologie microbienne) et 3 (61 % des liens ; le mot-clé « écodynamique des contaminants » interagit de manière similaire avec les mots-clés biogéochimie, physico-chimie et géochimie avec 4, 4 et 3 occurrences, respectivement ; le mot-clé « écotoxicologie » ne présente pas de lien avec les mots-clés de la thématique 3).

T2 (Microbiologie environnementale) : Cette thématique est impliquée dans 19 % des liens. Les liens se font avec les thématiques 1, 3, 5, 6 et 8. Les plus représentés sont avec les thématiques 5 (39 % des liens ; interaction entre les mots-clés « écologie microbienne » et « écologie fonctionnelle »), 1 (29 % des liens ; le mot-clé « écologie microbienne » interagit de manière similaire avec les mots-clés « écotoxicologie » et « écodynamique des contaminants » avec 7 et 5 occurrences, respectivement) et 3 (23 % des liens ; interaction entre les mots-clés « écologie microbienne » et « biogéochimie »).

T3 (Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments) : Cette thématique est impliquée dans 40 % des liens. Les liens se font avec les 7 autres thématiques de la section. Les liens les plus représentés sont avec les thématiques 1 (29 % des liens ; les mots-clés « biogéochimie », « physico-chimie » et « géochimie » interagissent de manière similaire avec le mot-clé « écodynamique des contaminants »), 5 (24 % des liens ; le mot-clé « biogéochimie » est le seul impliqué dans ce lien avec les mots-clés « écologie fonctionnelle » et « ingénierie écologique ») et 7 (21 % des liens ; interaction des mots-clés « géochimie » et « biogéochimie » avec « hydrologie »).

T4 (Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires) : Cette thématique est impliquée dans 3 % des liens. Les liens se font avec les thématiques 3 (80 % des liens ; interaction entre « paléoenvironnements » et « géochimie ») et 5 (20 % des liens ; interaction « paleoécologie » avec « écologie fonctionnelle » et « ingénierie écologique »).

T5 (Ecologie fonctionnelle) : Cette thématique est impliquée dans 54 % des liens. Les liens se font avec les 7 autres thématiques de la section. Les liens les plus représentés sont avec les thématiques 6 (63 % des liens) ; le lien majoritaire est entre « écologie fonctionnelle » et « fonctionnement des écosystèmes » avec 8 occurrences, le lien entre « écologie théorique » et « fonctionnement des écosystèmes » présente 4 occurrences et le lien « écologie fonctionnelle » et « successions écologiques » présente 3 occurrences), 3 (18 % des liens ; les mots-clés « écologie fonctionnelle » et « ingénierie écologique » interagissent avec le mot-clé « biogéochimie ») et 2 (13 % des liens ; lien unique entre « écologie fonctionnelle » et « écologie microbienne »).

T6 (Dynamique des écosystèmes continentaux (incluant les milieux urbains), estuariens, lagunaires, côtiers et marins) : Cette thématique est impliquée dans 42 % des liens. Les liens se font avec les 7 autres thématiques de la section à l’exception de la T4. La très grande majorité des liens se font avec la T5 (81 % des liens) notamment à travers le lien « écologie fonctionnelle » et « fonctionnement des écosystèmes ».

T7 (Processus de surface et de subsurface) : Cette thématique est impliquée dans 16 % des liens. Les liens se font avec les thématiques 1, 3, 5, 6 et 8. Les liens les plus représentés sont avec les thématiques 3 (52 % des liens ; principalement à travers le mot-clé « hydrologie » qui interagit avec « biogéochimie » et « géochimie »), 8 (22 % des liens ; la moitié des liens inter-mots-clés sont le fait du mot-clé « hydrologie » qui interagit avec les trois mots-clés de la T8) et 6 (15 % des liens).

T8 (Télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface) : Cette thématique est impliquée dans 7 % des liens. Les liens se font avec les thématiques 2, 3, 5, 6 et 7. Les liens les plus représentés sont avec les thématiques 7 (50 % des liens ; le mot-clé « télédétection » interagit avec les trois mots-clés de la T7), 6 (17 % des liens ; lien entre « télédétection » et « fonctionnement des écosystèmes ») et 3 (17 % des liens ; lien entre « analyse et imagerie de la surface et de la subsurface » avec « biogéochimie » et « physico-chimie »).

B. Répartition thématique des candidatures

1. Répartition thématique des candidatures et place de l’interdisciplinarité dans les thématiques

Sur les trois années de concours, le nombre de candidats dont la thématique a été jugée en lien avec la section 30 s’élève à 187 (les candidats ayant postulés plusieurs fois n’ont été comptabilisés qu’une fois). Sur ces 187 candidatures, les rapporteurs principaux ont défini une ou (le cas échéant dans le cas d’une interdisciplinarité) deux thématiques de section. Leur ventilation par thématique est donnée à la figure 8.

Figure 8 : ventilation des candidatures par thématique de recherche (pour la signification des no des thèmes, voir annexe 1).

Parmi les 187 candidatures, 87 étaient monothématiques et 100 interdisciplinaires. La ventilation par thématique (en %) parmi les candidatures monothématiques et interdisciplinaires est donnée à la figure 9.

Figure 9 : ventilation des candidatures monothématiques (à gauche) et interdisciplinaires (à droite) par thématique (pour la signification des no des thèmes, voir annexe 1).

Nous n’avons pas mesuré la progression du nombre de profils interdisciplinaires depuis le début de l’existence de cette section. Il conviendrait bien entendu de l’analyser, pour mesurer si l’interdisciplinarité autour des surfaces et interfaces continentales a progressé depuis la date de création de cette section.

La moyenne du ratio candidatures monothématiques/candidatures interdisciplinaires est de 0.6 ± 0.4 (moyenne ± écart type) et se situe entre 0.2 (écologie) et 1.3 (paléoenvironnements).

Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants : Sur 30 candidatures affichant la thématique « Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants », 15 présentaient une composante interdisciplinaire. Parmi ces liens interdisciplinaires, 20 % avec la microbiologie (lien écotoxicologie – écologie microbienne), 59 % avec la chimie (lien majoritaire écodynamique des contaminants – physico-chimie), et enfin 7 % avec la dynamique des paysages, les processus de surface et l’imagerie de surface.

Microbiologie environnementale : Sur 33 candidatures, 26 présentaient une composante interdisciplinaire. Parmi les liens interdisciplinaires, 12 % le sont avec « Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants », 27 % avec la « Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments » (lien unique entre les mots clé écologie microbienne et biogéochimie), 42 % avec l’écologie (lien majoritaire écologie microbienne – écologie fonctionnelle), 15 % avec la dynamique des écosystèmes (fonctionnement des écosystèmes), et 4 % avec les processus de surface (mot clé hydrologie).

Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments : 30 candidatures sont interdisciplinaires sur 44. 30 % le sont avec écodynamique des contaminants (lien fort entre écodynamique et physico-chimie), 23 % avec la microbiologie (cf. paragraphe microbiologie), 7 % avec paléoenvironnements, 20 % avec la dynamique des écosystèmes (via le mot clé biogéochimie exclusivement), et 7 % avec les mots clefs écologie, et processus de surface et imagerie de surface.

Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires : 8 candidatures sont interdisciplinaires sur 18, 25 % le sont avec la chimie (biogéochimie et géochimie-géochronologie), 13 % avec la dynamique des écosystèmes (successions écologiques) et 63 % avec les processus de surface (géomorphologie et hydrologie).

Ecologie fonctionnelle : 37 candidatures sont interdisciplinaires sur 43. 30 % de ces candidatures interdisciplinaires le sont avec la microbiologie (lien écologie microbienne-écologie fonctionnelle), 5 % avec la chimie (1 seule candidature à l’interface entre écologie globale et biogéochimie), 51 % avec la dynamique des écosystèmes, 11 % avec les processus de surface (essentiellement avec la composante hydrologie) et 3 % avec l’imagerie de surface.

Dynamique des écosystèmes continentaux (incluant les milieux urbains), estuariens, lagunaires, côtiers et marins : 37 candidatures sont interdisciplinaires sur 51. 3 % de ces candidatures interdisciplinaires le sont avec « Eco-dynamique des contaminants », 11 % avec « microbiologie », 16 % avec « chimie », 3 % avec « paléoenvironnements », 51 % avec « écologie », 3 % avec « processus de surface » et 14 % avec « imagerie de surface »

Processus de surface et subsurface : 26 candidatures sont interdisciplinaires sur 39. 4 % de ces candidatures interdisciplinaires le sont avec « Eco-dynamique des contaminants », avec « microbiologie », et avec « dynamique des écosystèmes », 8 % le sont avec la chimie, 19 % avec les paléoenvironnements (via les mots clé hydrologie et géomorphologie), 15 % avec l’écologie, 46 % avec l’imagerie de surface (avec deux liens forts hydrologie-télédétection et hydrogéologie-géophysique).

Imagerie de surface et subsurface : 21 candidatures sont interdisciplinaires sur 29. 5 % de ces candidatures interdisciplinaires le sont avec « Eco-dynamique des contaminants », et avec écologie, 10 % le sont avec la chimie, 24 % avec la dynamique des écosystèmes (télédétection-fonctionnement des écosystèmes) et 57 % avec les processus de surface (télédétection-hydrologie et géophysique-hydrogéologie).

Une telle répartition des candidatures et des liens interdisciplinaires aboutit au réseau visualisé à la figure 10.

Figure 10 : Réseau formé par la ventilation des candidatures par thématiques et par les liens interdisciplinaires de 100 candidatures sur 180.

2. Caractéristiques des candidatures

Sur les trois dernières années, la section 30 a considéré 195 candidatures (les renouvellements de candidature comptent pour une) dont 111 ont été déposées par des hommes et 84 par des femmes, soit un rapport H/F de 1.3. Bien que l’âge ne soit pas un critère de sélection, cette donnée est précisée à titre indicatif. L’âge moyen des candidatures est de 35 ± 4 (écart type ; EC) ans, l’intervalle de confiance à 95 % (IC) est de 1 an, et ces âges vont de 28 à 55 ans. Les candidatures se font après 6 ± 3 (moyenne ± EC) années d’expérience postdoctorale avec des expériences qui varient entre 0 et 17 années. Parmi ces expériences, les candidats ont passé 3 ± 3 (moyenne ± EC) années à l’étranger avec là encore une large hétérogénéité puisque cette durée va de 0 à 12 années. La recherche menée par les candidats est valorisée par 18 ± 11 (moyenne ± EC) articles scientifiques dont 8 ± 4 (moyenne ± EC) en premier auteur. L’importance de l’écart type relatif indique une large dispersion de ces données bibliométriques avec un nombre d’articles qui varie de 0 à 62 et un nombre d’articles en premier auteur entre 0 et 23.

Sur les trois années de concours, la section 30 a recruté 17 CRCN (le concours était encore divisé en CR2 et CR1 en 2017 et a évolué en CRCN en 2018). Parmi les 17 recrutés, 11 étaient des hommes et 6 des femmes, induisant une augmentation du rapport H/F de 38 %. La composition de la section étant paritaire, cette augmentation pourrait être due à un biais inconscient qu’il conviendra de surveiller lors des prochains concours, ou à des critères défavorisant les femmes qu’il faut rechercher. Pour le concours CR, les jeunes femmes peuvent être freinées dans leur progression scientifique par la maternité, qui intervient fréquemment après la thèse. Ceci conduit à un dossier qui aura tendance à être moins fourni, ou avec une moins grande mobilité, qu’un dossier masculin. Par ailleurs, on note dans les colloques une surreprésentation des hommes dans les comités scientifiques ou en tant que conférenciers invités. De même, on constate que les comités éditoriaux de revues sont très rarement paritaires. Ces éléments, qui contribuent à valoriser un candidat, sont donc majorés chez les hommes, et surestiment potentiellement la notoriété internationale des hommes comparativement aux femmes. Cette distorsion peut entraîner une meilleure considération des dossiers masculins en particulier pour les promotions DR. Pour le concours DR, un travail en amont est nécessaire pour que plus de femmes CR postulent DR. Du côté du jury, la section a convenu de veiller à ce que les candidats ne présentent non pas une longue liste de responsabilités valorisantes, mais plutôt une vision claire de leur vision de cette responsabilité, et de la manière dont ils l’assument. Cela veut dire aussi qu’il faut que les DAS et équipes de direction d’unités veillent à garantir la parité dans la prise de responsabilité à tous les niveaux hiérarchiques. Pour le jury, une solution possible serait aussi d’élargir notre vision de la responsabilité. Un responsable de collection, de culture d’algues, de développement de base de données, peut être aussi utile à la collectivité qu’un responsable d’équipe, et actuellement nettement moins bien considéré, donc rarement brigué par les hommes, plus en recherche de responsabilités auxquelles sont attachées un certain prestige. Pour simplifier à l’extrême (bien sûr, nous n’avons pas les éléments statistiques pour étayer notre perception), on note une tendance pour les hommes à s’impliquer dans des responsabilités favorables à leur carrière, et les femmes dans des responsabilités favorables au collectif, mais qui ne les propulsent pas forcément sur le devant de la scène. Si la section prend en compte la nature des responsabilités, ou cherche à établir des équivalences en termes d’investissement, elle devrait parvenir à diminuer les effets de ces distorsions sur les promotions.

L’âge moyen des CRCN recrutés est de 34 ± 3 ans et s’étale de 29 à 44 ans. Les candidats ont été recrutés en moyenne 7 ± 2 ans après leur thèse, et avaient passé 3 ± 2 années de post-doctorat à l’étranger. La réalisation d’un post-doctorat à l’étranger, bien qu’encouragée, n’est pas une obligation pour un recrutement CRCN. Ainsi, certains lauréats ont fait preuve d’une forte mobilité au cours de leur doctorat, ou de leurs études antérieures (étudiants étrangers venus faire leur thèse en France par exemple). Les recherches menées par les candidats recrutés étaient valorisées par 20 ± 10 articles scientifiques, cette valeur évoluant de 8 à 48, dont 9 ± 4 articles publiés en premier auteur, cette valeur évoluant de 5 à 21. Il n’y a pas de différence d’un point de vue bibliométrique entre le profil des candidats et le profil des candidats recrutés, le critère bibliométrique n’est pas utilisé par la section pour classer les candidatures non seulement du fait du caractère pluridisciplinaire de la section qui invaliderait un tel protocole, mais aussi car la section porte plus d’attention dans son recrutement à des critères qualitatifs (qualité originalité, maîtrise, et caractère interdisciplinaire du projet) qu’à des critères quantitatifs. Cette démarche n’est pas toujours bien comprise par les candidats qui pensent parfois que la quantité de publications est directement liée aux chances de recrutement. La section fait un effort pédagogique constant pour expliquer que chaque lauréat doit apporter une plus-value intellectuelle indéniable au CNRS. La section veille à l’autonomie scientifique des lauréats, et tous les candidats auditionnés (et donc à fortiori recrutés) doivent avoir publié au moins un article sans leur directeur de thèse et/ou leur équipe d’encadrement.

II. Problématiques scientifiques de la section

A. Ecotoxicologie/toxicologie environnementale

Mots clefs : écotoxicologie, écodynamique des contaminants

1. État de l’art, forces et avancées

Les écosystèmes sont soumis à diverses pressions anthropiques, dont la pression des contaminants chimiques, biologiques, ou inertes susceptible d’engendrer des perturbations de leur fonctionnement. La compréhension de la manière dont ces composés modifient le fonctionnement des écosystèmes à toutes les échelles de temps et d’espace, nécessite la prise en compte de l’éco-dynamique des contaminants, reposant en particulier sur l’étude de leurs sources, de leur devenir et des flux dans les écosystèmes. Elle nécessite également la prise en compte de la réponse des organismes macro- et microscopiques, des populations et des communautés, à ces contaminants. Les travaux en écotoxicologie concernent tout autant les écosystèmes terrestres et aquatiques, et s’intéressent aux différents compartiments constitutifs de ces écosystèmes, en particulier la colonne d’eau, les sédiments et les sols. Certaines études, moins nombreuses mais néanmoins très importantes, ciblent la dispersion de contaminants particulaires aéroportées, la détermination de leurs sources (naturelle ou anthropogénique), la quantification des flux associés, leurs retombées et devenir dans la zone critique et leurs impacts en termes de santé publique.

Les contaminants « historiques », tels que les métaux, pesticides, hydrocarbures sont toujours bien représentés mais on peut relever le fort intérêt suscité par les polluants dits « d’intérêt émergent » comme les plastiques (micro-nano) ou les perturbateurs endocriniens et résidus pharmaceutiques, qui représentent environ 50 % des travaux présentés dans ce domaine. On note, bien que toujours d’actualité, un déclin du nombre de projets portant sur les nanoparticules (< 10 %). En ce qui concerne les pathogènes, les organismes pathogènes sont naturellement présents dans les milieux naturels (e.g. onchocercose, transmise par les simulies ; maladie de Lyme, transmise par les tiques ; échinococcose alvéolaire, transmise essentiellement par les rongeurs et les canidés ; ZIKA, Chikungunya, paludisme, impliquant différentes espèces de moustiques) et leur prévalence a par conséquent une très forte composante écologique, qui implique de se pencher sur le fonctionnement des écosystèmes qui les abritent, les facteurs favorisant, ou favorisant leur survie, leur multiplication, leur transmission. De surcroît, à cela s’ajoutent les micro-organismes modifiés par les activités humaines (e.g. bactéries antibio-résistantes dont l’antibio-résistance est renforcée par la présence de métaux lourds, champignons développant des résistances aux fongicides, etc.). Ces questions ont été peu considérées par la section. Pourtant, la composante écosystémique de l’existence et du maintien de ces organismes pathogènes, de l’acquisition éventuelle de pathogénicité, de la transmission à l’homme ou aux animaux d’élevage, n’est pas réellement considérée dans les autres sections avec un regard d’écologue, ce qui nuit sans doute à l’efficience des recherches menées.

Le contexte de multi-stress est bien pris en compte, généralement dans un contexte de cocktails de contaminants chimiques. La plupart des travaux traitent des effets des contaminants, seuls ou en mélange, dans un contexte de changement global, en considérant le plus souvent la hausse de température. Les situations de multi-stress et multi-contaminations sont abordées à diverses échelles permettant d’appréhender des situations réalistes avec des mesures de terrain mais aussi de proposer des approches plus mécanistiques à partir d’expérimentations en méso- et microcosmes. La prise en compte de contaminations aiguës et chroniques et de faibles doses, plus proches de situations environnementales, est désormais courante.

Les effets des contaminants sur les organismes sont, dans la plupart des cas, étudiés via une démarche expérimentale assez classique d’écotoxicologie basée sur l’utilisation de marqueurs à différents niveaux d’organisation biologique, des niveaux tissulaire, cellulaire et moléculaire à l’organisme dans son ensemble, et cette pratique bénéficie largement des avancées méthodologiques permettant d’apprécier l’expression de gènes au travers d’outils de transcriptomique, protéomique et de métabolomique. Les approches dose-effets in vitro sont encore largement représentées avec néanmoins un effort pour intégrer de nouvelles dimensions dans ces travaux avec la prise en compte de pressions multiples et le développement de cadre interprétatif combinant des données acquises à différents niveaux d’organisations plus complexes, populations ou communautés. La démarche Adverse Outcome Pathway (AOP) est beaucoup utilisée comme cadre conceptuel pour synthétiser les informations acquises à différents niveaux d’organisation biologique. Cependant, l’intégration dans cette démarche des mécanismes biogéochimiques et bio-physico-chimiques gouvernant la spéciation, la biodisponibilité (voir la bio accessibilité) des contaminants dans les exposomes demeure encore marginale ou effectuée de manière empirique par l’utilisation de modèles restrictifs (BLM, FIAM, WHAM, NICAD, etc.) basés sur des hypothèses simplifiées et/ou faisant intervenir des jeux de paramètres ad hoc dont les significations physique et/ou biologique sont parfois peu évidentes. Ces modèles reflètent mal la complexité des processus mis en jeu, par exemple les transferts réactifs multi-échelles extra- et intra-organisme des contaminants, leurs déterminants thermodynamiques et cinétiques, ainsi que l’impact des boucles de rétroactions biologiques sur le triptyque spéciation-biodisponibilité-toxicité. La prise en compte de ces différents facteurs et la combinaison avec des expérimentations destinées à estimer la compartimentation spatiale et temporelle des différentes formes d’un contaminant donné dans les organismes cibles, sont clairement à encourager pour améliorer (i) la compréhension des effets via une évaluation de leurs origines moléculaires, et (ii) l’établissement des couplages, complexes, équilibres et hors-équilibres, entre processus biologiques et processus géochimiques-physicochimiques qui contrôlent l’éco-dynamique des contaminants dans les milieux d’exposition.

La structuration de la communauté scientifique des écotoxicologues microbiens au niveau national a sans nul doute stimulé les travaux qui se revendiquent de l’écotoxicologie microbienne, discipline qui apparaît à partir de 2014 en tant que mot clé dans les publications et qui est en continuelle progression. La communauté scientifique française y est bien représentée mais le vivier potentiel de recrutement est encore peu visible. Ces travaux intègrent le rôle des microorganismes dans les processus de transformation et l’impact des polluants sur les communautés et le fonctionnement des écosystèmes. En ce qui concerne les micro-organismes pathogènes, la recherche dans la section en est à ses balbutiements, l’écologie de la santé étant généralement abordée dans un contexte plus sanitaire (INSB) ou évolutif (section 29) et rarement dans un contexte d’écologie de de fonctionnement des écosystèmes. C’est probablement un fort challenge dont doit se saisir la communauté, car la connaissance de la niche environnementale des pathogènes, et les déterminismes de leur succès et du développement de leur pathogénicité dans l’environnement, est probablement un enjeu très fort et amené à prendre une importance considérable dans les prochaines années. Ainsi, dans « One Health », la composante de santé des écosystèmes, qu’on relie de plus en plus à la santé des organismes et à la santé humaine, reste à appréhender, et les membres de la section sont très bien placés pour réussir ce pari.

2. Faiblesses, Enjeux et verrous

Malgré les évolutions positives observées, les études écotoxicologiques nécessitent de poursuivre les efforts engagés afin de mieux appréhender le lien entre écotoxicologie et fonctionnement des écosystèmes. Un des enjeux de l’écotoxicologie est en effet d’évoluer vers une approche écosystémique multi-échelle. En ce sens, un couplage entre écotoxicologie et écologie du stress doit être encouragé, ou tout simplement un rapprochement des communautés d’écotoxicologues des communautés d’écologues fonctionnels. Transcender les études modèle-centrées pour les ouvrir à des niveaux d’organisation supérieurs (population, communauté, écosystème) et d’échelle spatiale (études in vitro, en microcosmes ou mésocosmes et sur le terrain) est certainement un enjeu fort, que l’on voit encore peu dans les dossiers présentés. Cela pourrait être un artefact lié à la nature des candidatures analysées : un jeune chercheur ne peut pas, dans sa courte carrière, appréhender ces différentes échelles, et se focalise souvent sur les échelles les plus mécanistiques, expérimentales, plus rapidement valorisables scientifiquement, que des échelles écosystémiques, dans lesquels la décomposition des facteurs de contrôle est plus ardue et réclame des protocoles de mesure très ambitieux. Le challenge repose alors sur la capacité de la section à déceler dans les candidats ceux qui présentent réellement ce potentiel, ce qui n’est pas chose aisée.

Dans un contexte d’urbanisation croissante, les problématiques d’écotoxicologie urbaine et péri-urbaine (gestion de l’eau pluviale, sols remaniés et pollués, friches industrielles, espèces envahissantes) constituent également des perspectives à dynamiser, sans buter sur l’écueil d’une approche d’ingénierie, mais en développant des problématiques scientifiques innovantes. Le concept récent d’écotoxicologie du paysage, qui consiste à relier l’hétérogénéité fonctionnelle des paysages aux différents paramètres de écotoxicologiques, permet d’aborder la question de la réponse des populations, des communautés et des écosystèmes aux polluants, mais reste encore trop peu développée dans la communauté.

B. Microbiologie environnementale

Mots clefs : écologie microbienne, communication chimique

1. État de l’art, forces et avancées

Les microorganismes ont un rôle fondamental dans les différents cycles biogéochimiques, et sont à la base du fonctionnement des écosystèmes. Leur prise en compte s’inscrit dans le concept « One Health » et ils sont au cœur de préoccupations de santé publique telles que l’antibiorésistance ou les risques sanitaires.

La microbiologie environnementale telle que déclinée dans la section concerne donc l’ensemble des compartiments environnementaux des SIC, qu’il s’agisse du sol, des environnements aquatiques marins et d’eau douce, des zones estuariennes, costales et lagunaires mais également la prise en compte plus récente de l’atmosphère. Par exemple, des travaux sur le microbiote des nuages émergent avec l’analyse de la diversité des communautés microbiennes présentes dans les nuages, leur fonctionnement et les conséquences sur le milieu comme par exemple leur implication dans les bio précipitations. L’écologie microbienne est abordée dans la section sous l’angle de la compréhension des mécanismes moléculaires et écologiques qui influencent leur survie et leur diversité, leur dissémination, leurs rôles dans les interactions biotiques et les dynamiques de communautés, ainsi que leurs rôles dans le fonctionnement des écosystèmes. Les travaux s’appuient largement sur les avancées techniques des dernières décennies notamment l’utilisation des « omics » pour tenter de mieux appréhender la diversité, la structure des communautés et leur fonctionnement à tous les niveaux du continuum biomoléculaire.

On peut ainsi noter l’apparition encore timide de la caractérisation des médiations microbiennes notamment en lien avec l’étude transcriptomique de la régulation des clusters de gènes de biosynthèses comme facteur régissant la structuration des communautés. A ce jour, ces approches restent encore très ciblées en se concentrant sur des composés toxiques phare connus produits par des cyanobactéries ou des dinoflagellés.

Le concept d’holobionte a émergé ces dernières années repensant ainsi la notion d’individu comme un superorganisme incluant l’hôte et son microbiote occasionnant l’étude de la diversité microbienne de nombreux macroorganismes tant en milieu terrestre que aquatiques (plantes, coraux, poissons, crustacées.). Ce concept conduit cependant pour l’instant à de nombreuses approches de descriptions de la diversité du microbiote des organismes vivants, étape indispensable avant l’analyse plus fonctionnelle de ses déterminismes et de son rôle.

Le décryptage de la relation diversité microbienne-fonction contribue à l’amélioration de la compréhension du fonctionnement des écosystèmes. Ceci fait l’objet de travaux qui intègrent différentes échelles temporelles et spatiales -des microcosmes aux sites instrumentés des ZA et SNO- permettant apprécier le rôle de la composition de ces communautés sur les capacités de résistance et de résilience des écosystèmes. L’utilisation des traits d’effets et de réponses pour évaluer la réponse des systèmes aux forçages, jusqu’alors plutôt représentée dans les études portant sur des macroorganismes, fait désormais partie de la boîte à outils des microbiologistes et écologues microbiens.

2. Faiblesses, Enjeux et verrous

On constate globalement que dans les nombreuses études sur le fonctionnement des écosystèmes et leurs réponses aux changements globaux ou autre forçage, l’importance de la composante microbienne est encore négligée et que leur rôle n’est pas explicité. La composante microbienne et son fonctionnement n’est en effet très peu voire pas pris en compte dans les modèles développés. A contrario, les études d’écologie microbienne se concentrent surtout sur l’unique compartiment bactérien négligeant encore souvent eucaryotes, archées et virus, même si les études reliant les fonctions bactériennes et les végétaux sont nombreuses.

En dehors de la notion de risque sanitaire évoquée dans le cadre du concept « one health », la place des pathogènes et de la pollution biologique n’est encore que peu abordée. Ainsi, l’étude de l’impact des pathogènes (i) sur la diversité et le fonctionnement des écosystèmes et (ii) sur les risques pour la santé humaine et animale est encore anecdotique. A ce jour peu de travaux portent par exemple sur les effluents des hôpitaux et leurs impacts sur la résistance aux antibiotiques ou encore sur des notions nouvelles comme celle du « plasmidome ».

Par ailleurs si l’écologie microbienne a pu bénéficier de nouveaux concepts tels que celui de l’holobionte et d’outils « omics » de plus en plus performants, l’annotation et la mise en relation de l’ensemble des données générées restent encore très parcellaires, limitant ainsi l’accès à une compréhension globale et répondant difficilement à l’élucidation des mécanismes impliqués et à leur impact tant sur le fonctionnement du microbiote que sur de l’hôte. Ces approches restent par ailleurs encore très compartimentées, intégrant au mieux quelques partenaires microbiens de l’holobionte, et font encore abstraction des vastes réseaux au sein desquels les microorganismes sont impliqués.

Il convient de favoriser l’intégration d’une dimension services (ou dys-services) écosystémiques aux travaux visant à expliciter les relations diversité microbienne-fonction ce qui suppose d’intégrer des niveaux d’organisation biologique et des échelles de temps très différents (avec des temps de réponse très courts pour les microorganismes et longs pour les écosystèmes) et nécessite de favoriser les approches top-down (du terrain au laboratoire) pour appréhender le fonctionnement des écosystèmes.

C. Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments

Mots clefs : biogéochimie, physico-chimie, géochimie, altération, écodynamique des contaminants

Une forte lisibilité des chercheurs du domaine SIC apparait dans les domaines suivants : 1. le traçage des sources et processus contrôlant les transferts de contaminants et nutriments dans les écosystèmes continentaux par des méthodes isotopiques de pointe (e.g. utilisation d’isotopes non traditionnels), 2. L’utilisation des techniques synchrotron en sciences de l’environnement, notamment pour la spéciation des contaminants et la compréhension de leur dynamique aux interfaces minérales et biologiques (nano-contaminants, métaux et métalloïdes, toxicité, mobilité) et 3. L’analyse du fonctionnement biogéochimique de la zone critique et des environnements côtiers, polaires et boréaux.

Les chercheurs CNRS rattachés à la section 30 maintiennent une activité très visible au niveau international dans les domaines relatifs à la géochimie des sols, des eaux de surface et souterraines, des environnements urbains, industriels et miniers, et à la physicochimie des interfaces minérales et organiques. L’activité scientifique dans les domaines d’intérêt émergents tel que l’écodynamique des nanoparticules manufacturées, des micro/nano-plastiques, des contaminants métalliques et des radioéléments, la dynamique de la matière organique et colloïdale des sols et le suivi des pollutions aquatiques et atmosphériques (métaux, gaz à effet de serre en particulier), se positionnent bien au niveau international ainsi que les aspects relatifs à la modélisation numérique et analytique des processus clefs sous-jacents à ces problématiques importantes de la section 30.

Les domaines en très forte émergence tels que l’écodynamique de micropolluants organiques d’intérêt (e.g. les composés pharmaceutiques, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc.) font l’objet d’études de plus en plus nombreuses. Les activités de recherche portent sur l’élaboration de solutions pour la (bio)remédiation des sols contaminés par des contaminants (nano)métalliques et organiques, sur le recyclage des déchets et la fabrication de bioénergie, sur l’analyse des processus biogéochimiques contrôlant de devenir des nutriments dans les eaux et sols. Il existe par ailleurs un enjeu important à mieux comprendre le rôle des bio-interfaces et de leurs déterminants physico-chimiques dans les processus de bio-partition de contaminants métalliques, organiques et des traceurs isotopiques. Peu d’études encore, malgré l’importance de ces processus, portent sur la maîtrise des flux de nutriments et de pesticides dans les agrosystèmes, la préservation des sols comme ressources chimiques et biologiques, et l’évaluation des impacts des activités anthropiques sur le fonctionnement biogéochimique du continuum terre-mer, y compris au niveau des zones de transition estuarienne.

La dynamique et la visibilité très forte des recherches menées au sein de la communauté sur l’écotoxicité des nano-contaminants, encourage à renforcer les ponts entre géochimie/physico-chimie des interfaces, écodynamique des contaminants et écotoxicologie. Ceci implique par exemple d’identifier les processus à l’équilibre et hors-équilibre, biotiques et abiotiques, contrôlant l’évolution des contaminants (processus redox, mécanismes de complexation, dissolution, agrégation, précipitation, dégradation), leurs transferts réactifs vers/depuis les organismes ou bio-indicateurs, leur biodisponibilité et bioaccessibilité. A cet égard, des efforts importants portent sur la métrologie des systèmes complexes impliquant les exposomes (pH, salinité, température, teneur en matière organique, potentiel redox) et des phases colloïdales naturelles ou xénobiotiques (composition chimique, taille, morphométrie, charge, degré de dispersion-agrégation et sédimentation, réactivité chimique), ce afin d’établir des liens mécanistiques entre distribution spatio-temporelle des contaminants, réactivité physico-chimique des interfaces, réponses biologiques spécifiques et homéostatiques.

Les activités des chercheurs de la section 30 portant sur la compréhension du devenir de contaminants nano-particulaires, métalliques, ou metalloïdes dans les milieux aquatiques, la rhizosphère et les sites pollués illustrent le bénéfice d’allier les outils de la géochimie (minéralogie, isotopie), de la physicochimie (mécanismes de dispersion colloïdale), de la microbiologie (inventaire phylogénique) et de l’écotoxicologie (outils ”omiques’). La section est également bien présente sur la compréhension de la structure et de la réactivité de phases minérales aux échelles moléculaires, nano- et micrométriques par l’utilisation des approches spectroscopiques, microscopiques et numériques (dynamique moléculaire, champ moyen). Différentes résolutions spatiales et temporelles permettront de progresser sur des thématiques bien représentées dans la section 30, telles que le vieillissement et l’altération aux interfaces fluide-roche, la stabilité des complexes organo-minéraux, les écoulements multiphasiques en milieu poreux hétérogènes, le transport colloïdal et réactif.

Les recherches ayant pour but d’établir – sur une base mécanistique – les liens entre écodynamique de contaminants examinés par modélisations/expérimentations aux petites échelles et modélisations/expérimentations aux macro-échelles (bassin versant, parcelle agricole, continuum terre-mer, systèmes hydrologiques) restent encore peu développées dans la communauté. Cette jonction des échelles pourrait passer par un dialogue interdisciplinaire accru entre les chercheurs de la section 30 actifs dans les domaines de la microbiologie environnementale, de l’écologie, de la biogéochimie, de la physicochimie des interfaces et des bio-interfaces et de l’écotoxicologie, avec les chercheurs statisticiens spécialisés dans l’analyse et la structuration de larges jeux de données hétérogènes et multi-échelles.

Les activités des chercheurs de la section 30 portant sur les matières organiques (MO) se retrouvent principalement dans quatre thématiques : biogéochimie, écotoxicologie, microbiologie environnementale et écologie fonctionnelle. Les recherches en biogéochimie des MO naturelles, intégrant le changement de paradigme sur la stabilisation des MO, visent à une compréhension mécanistique des processus de stabilisation et déstabilisation des MO dans les sols, tourbières et aux interfaces sol-rivière. Ces approches sont souvent menées dans un contexte de changement global et nourrissent des modèles de dynamique du C dans les sols allant de l’échelle du μm3 au globe. Les recherches sur les interactions organo-minérales, incluant nanoparticules naturelles et anthropiques, les métaux et les métalloïdes, permettent d’améliorer notre compréhension des architectures supramoléculaires contrôlant aussi bien la spéciation et la mobilité des métaux et métalloïdes que la biogéochimie des nutriments et des MO.

Les recherches portant sur l’écodynamique des contaminations organiques se focalisent soit sur les micropolluants, incluant des micropolluants historiques tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques et le développement sur des polluants émergents et micro- nano-plastiques, soit en développant des approches type traçage de sources via des biomarqueurs moléculaires. Les travaux en lien avec la microbiologie environnementale étudient la MO comme base de la biodiversité. Ils portent notamment sur l’utilisation de la MO comme ressource dans les réseaux trophiques et sur l’impact des microhabitats sur les communautés microbiennes. Les travaux en lien avec l’écologie fonctionnelle étudient la MO comme source de matière et d’énergie et portent également sur la décomposition de la MO en fonction de sa composition et sur les flux d’éléments dans et entre les écosystèmes. Ces travaux se font selon différentes approches : observation, expérimentation et/ou modélisation. Ils mobilisent une diversité d’outils analytiques allant de l’analyse élémentaire à l’analyse isotopique sur composés spécifiques. La communauté mobilise les infrastructures de recherche nationales (IR OZCAR et RZA) et gagnerait à développer les liens entre les différentes approches et thématiques via les réseaux type CarboSMS et ResMO et les GDR pour un enrichissement mutuel.

D. Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires

Mots clefs : chronoécologie, géochronologie, paléo-environnements, paléoécologie

La thématique est par essence destinée à interagir avec plusieurs sections du CNRS, ce qui rend le positionnement thématique des acteurs toujours un peu délicat. Ainsi, la thématique trouve des interfaces évidentes avec la section 19 du CNRS « Système Terre : enveloppes superficielles », notamment pour la partie « paléo-environnements : archives océaniques, glaciaires et continentales ». Toutefois, les questions paléoécologiques sont davantage abordées par le biais des dynamiques des écosystèmes marins dans la section 19 et par le biais des écosystèmes terrestres dans la section 30, avec des développements de bio-indicateurs fossiles et de biomarqueurs appliqués aux archives sédimentaires continentales à côtières. Pour des questions relevant des thématiques croisées « paléocologie / paléoenvironnement » et « anthropisation des écosystèmes », les chercheurs CNRS se trouvent partagés entre la section 30 et la section 31. Cependant, la section 31 est focalisée sur les dynamiques d’occupation humaine et la section 30 aborde davantage les questions d’ordre environnemental telles que l’évaluation de l’impact des hommes sur les paléopaysages, la géomorphologie, l’accès aux ressources et leurs exploitations (biologiques ou minières). Enfin, parmi les paléoécologues, une division est aussi observée entre les paléontologues de la section 18 travaillant aux échelles de temps géologiques, amenant à des problématiques de paléobiosphère, paléogéographie et évolution des grands biomes, tandis que la section 30 focalise sur les échelles de temps quaternaires avec un focus plus spécifique sur l’Holocène, et donc aussi la chronologie des archives sédimentaires, les dynamiques de paléo-biodiversité, les quantifications climatiques sur les derniers milliers d’années, les modes de variabilité climatique naturelle, le tout dans un contexte de forçages climatiques et anthropiques croissant sur les derniers milliers d’années. Lorsque l’on intéresse au positionnement de la recherche dans ce champ sur la scène internationale, les chercheurs du CNRS sont systématiquement en 1re ou 2e place des institutions qui publient à l’échelon international dans cette thématique, avec une représentation moyenne systématique de 4 à 6 % du CNRS parmi l’ensemble des publications existantes. Les chercheurs de la section 30 sont à la première place des publiants à l’échelle internationale dans les thématiques où apparaissent les mots-clés suivants : « climate reconstructions, paleoenvironment, palynology and Holocene ».

Les secteurs géographiques étudiés couvrent l’ensemble des biomes terrestres des environnements polaires jusqu’aux latitudes équatoriales. On note des chantiers privilégiés toutefois dans des hotspots de biodiversité tels que le bassin méditerranéen, les environnements tropicaux et subtropicaux mais aussi les zones prairiales en secteur boréal.

En termes d’outils, les reconstructions polliniques adossées aux quantifications climatiques dérivées des études palynologiques sont particulièrement bien représentées dans la section 30, de même que le corpus de bio-indicateurs continentaux ((micro)charbons, phytolithes, insectes). Les flux de nutriments liés à l’agro-pastoralisme, à l’agriculture intensive des dernières décennies, aux feux de forêts, à l’érosion des sols et à la dépendance vis-à-vis de la géologie des bassins versants, sont considérés dans les travaux des chercheurs étudiant les derniers milliers d’années. Ainsi, une thématique émergente relève des paléo-dynamiques trophiques à partir des bio-indicateurs fossiles, croisés aux proxies géochimiques (essentiellement les isotopes stables). Enfin, les outils géochimiques (traceurs de sources, datations, taux d’érosion, flux de paléo-poussières pour reconstruire la circulation atmosphérique/le régime paléo-tempétueux) et minéralogiques font également partie du panel pluri-indicateurs des outils déployés par les chercheurs de la section 30. Les reconstructions paléoenvironnementales exigent donc des compétences pluri-disciplinaires en (paléo)écologie et géochimie sédimentaire, avec la calibration préalable des outils en question, ainsi qu’en sédimentologie, géologie et géochronologie dans la mesure où ces études rétrospectives exigent des chronologies robustes faites sur des archives sédimentaires dont les sites carottés requièrent au préalable d’avoir connaissance de l’architecture des dépôts (géophysique, dynamique sédimentaire) dans le bassin étudié.

1. Bilan

La résilience des écosystèmes en contexte de variabilité climatique couplée à l’impact croissant de l’anthropisation des bassins versants est un enjeu fort des études paléoenvironnementales menées par les chercheurs de la section 30 exigeant une interdisciplinarité forte, afin de décrypter les trajectoires écologiques passées et de mieux comprendre les enjeux socio-écosystémiques soulevés par les trajectoires futures potentielles des écosystèmes continentaux et/ou côtiers. Ce point fort de la section 30 est aussi une réelle visibilité internationale de la communauté française qui place le CNRS au 1er ou 2e rang des publiants sur ces thématiques.

La thématique est très interdisciplinaire dans les outils de description des environnements passés, en particulier sur les outils géochimiques, mais peine à effectuer des rapprochements avec l’écologie fonctionnelle. Pourtant, la description des peuplements passés, ou des composantes géochimiques passées des sols, est potentiellement très éclairante sur les pratiques et leurs conséquences en termes de fonctionnement des écosystèmes.

Les approches « bio-indicateurs » sont souvent descriptives, et peu quantifiées. De même, il serait nécessaire de renforcer le volet statistique de ces études, afin de pouvoir relier de manière robuste des chroniques temporelles obtenues à partir de différents outils,, ainsi que de développer les approches couplant les données micro-fossiles avec des modèles de biodiversité ou de fonctionnement des écosystèmes afin d’évaluer les processus contraignant le réponse des espèces et communauté au cours du temps.

La discipline doit arriver à dépasser les « études de cas » pour construire une science plus fonctionnelle, et aboutir à des principes et processus fondateurs qui la rapproche des autres disciplines de la section, ou se rapprocher de ces autres disciplines, pour faire émerger ces principes.

Certaines approches novatrices voient le jour, qui visent à utiliser des proxys originaux pour décrire des processus complexes, ou visant à relier écologie théoriques et approches paléoenvironnementales, mais elles restent rares.

E. Fonctionnement écologique

Mots clefs ; écologie fonctionnelle, ingénierie écologique, dynamique des écosystèmes, écologie théorique, macro-écologie, écologie globale

1. Etat de l’art, forces et avancées

Face à l’érosion de la biodiversité, et ses conséquences sur les fonctions et services associés, l’étude du fonctionnement écologique (Figure 11) est aujourd’hui au cœur des problématiques prioritaires pour comprendre la réponse du vivant aux changements globaux. Seule une meilleure connaissance du fonctionnement des écosystèmes permettra de savoir comment réagir face aux changements en cours. Pour cela, la compréhension des processus qui gouvernent la réaction de toutes les échelles du vivant aux variations environnementales, en prenant en compte la complexité à chaque niveau d’organisation et les interactions entre ces niveaux est indispensable au développement d’une écologie prédictive, faisant le lien entre écologie théorique et écologie appliquée à la gestion.

Comme le montre l’analyse des thématiques scientifiques faite plus haut, la notion de fonctionnement écologique est transverse à différentes échelles et concerne un grand nombre de chercheurs et de candidats. Nous aurions pu séparer ce groupe en niveaux d’organisation de l’individu dans son environnement à l’écosystème et à la biosphère dans son ensemble. Cependant, nous n’avons pas souhaité couper ce grand thème en sous parties du fait de la continuité des échelles et de l’intérêt pour les chercheurs de cette communauté de partages des méthodes et des outils communs.

L’analyse bibliographique fait ressortir tout d’abord que le CNRS est très bien placé (rang de 1 à 3) dans quasiment toutes les associations testées en lien avec le fonctionnement et l’écologie. On peut mettre en avant quelques domaines où le CNRS est premier ou second dans le classement des structures de recherche. Ces domaines de force se situent à tous les niveaux d’organisation de l’étude des traits fonctionnels individuels, aux réseaux trophiques ou encore à la macroécologie. De plus, le rayonnement est spécialement fort sur certaines méthodes et en particulier l’intelligence artificielle.

La force de la recherche sur le fonctionnement écologique est située à l’interface avec d’autres thématiques de la section 30, par exemple la biogéochimie. Elle est aussi située sur les interfaces avec des thématiques de la section 29, en particulier sur le lien fonctionnement – biodiversité, évolution, biogéographie, ou encore phylogéographie. Cela souligne que l’interface des sections 29 et 30 est d’une grande richesse.

Figure 11 : L’étude du fonctionnement écologique se focalise sur les effets de la variabilité environnementale sur la structure et la dynamique des écosystèmes, en incluant les flux de matière et d’énergie et les cycles bio-géo-chimiques. Les caractéristiques fonctionnelles des organismes vivants, et la dynamique de leurs peuplements sont mesurés à différentes échelles d’observation biologique (des molécules en passant par les organismes jusqu’aux écosystèmes et à la biosphère). L’objectif est de prédire la réponse de la biodiversité et des caractéristiques fonctionnelles des communautés et des écosystèmes selon différents scénarios de changements environnementaux, qu’ils soient locaux ou globaux, et sur des échelles de temps de la seconde à plusieurs centaines d’années. L’écologie fonctionnelle évalue notamment l’importance des différentes facettes de la biodiversité dans la régulation et la stabilité des processus écosystémiques, des flux de matière et d’énergie, et des rétroactions sur l’environnement et le climat (modifié de rapport conjoncture 2014, Figure de Hooper et al. 2016).

Le lien écologie fonctionnelle – intelligence artificielle apparaît comme un domaine émergent, encore représenté par un nombre limité de publications, mais le CNRS y tient la première place. Ce faible nombre de publications se retrouve sur les méta-écosystèmes mais là aussi, le CNRS représente une part importante des publications et une première place.

Un consensus se dégage autour de l’idée que la dimension fonctionnelle de la diversité est primordiale à considérer pour comprendre et prédire les réponses des écosystèmes et de leurs composantes aux changements planétaires en cours. Elle permet de définir les indicateurs fonctionnels clés de la résistance et de la résilience des écosystèmes, connaissances indispensables pour la gestion adaptative des écosystèmes et des services et leur éventuelle restauration. La recherche des chercheurs relevant de la section 30 est très présente sur la scène internationale. Les mots clefs du champ disciplinaire peuvent se placer aux 4 échelles principales que sont : 1. individus, 2. communauté et écosystème, 3. paysages, méta-écosystèmes et 4. biomes, échelle planétaire. Les recherches menées dans la communauté SIC sont soit inscrites dans le périmètre de la section, soit aux interfaces avec d’autres sections comme les sections 29, 31, 39, ou encore 52.

La section est particulièrement à la pointe sur le volet de la modélisation, renforcée grâce à des liens forts avec les données de terrain et les données expérimentales. Dans ce cadre, le CNRS a contribué à renforcer la création de grands instruments dédiés à l’étude des processus écologiques. L’enjeu pour la section est donc de maintenir cet équilibre entre modélisation, expérimentations in et ex situ, et approches corrélatives de terrain, car c’est la complémentarité entre ces approches qui constitue le nœud du potentiel d’innovation en écologie fonctionnelle.

2. Faiblesses, enjeux

Parmi les faiblesses peut être souligné le manque d’articulation entre écologie fonctionnelle et processus biogéochimiques, qui peut être dû en partie à la rupture entre les échelles d’analyse de ces deux disciplines (l’approche écologique étant peu compatible avec des approches basées sur des mécanismes physico-chimiques se réalisant souvent à une échelle moléculaire, du pore ou de l’agrégat). De même, les approches multi-échelles même au sein de la discipline, mériteraient d’être renforcées, mais nécessitent souvent une maturité scientifique s’inscrivant dans le temps long, et en général peu présente chez les jeunes chercheurs. L’analyse de combinaisons de forçages variés (locaux vs globaux), et l’étude du cumul d’impacts sur les fonctions, commence à apparaître dans la communauté, mais reste encore peu présente.

La section est confrontée à un renouvellement de génération, avec une montée en force de la modélisation et de l’analyse de données large échelle dans les plus jeunes générations, tandis que la démarche taxonomique et empirique, est plutôt portée par des chercheurs plus âgés. Malgré la grande richesse de ces approches globales, il est important de veiller au maintien des approches de terrain, d’écologie des communautés, à bien conserver la connaissance fine des taxons et des écosystèmes dans toute leur variété. Les candidatures actuelles, en mettant fortement l’accent sur les approches globales, ou à fine échelle les approches moléculaires et les traits fonctionnels peuvent conduire à un affaiblissement (déjà sensible) de la section dans ces échelles intermédiaires.

Une grande part de la collecte de données est encore conduite par des équipes et/ou des chercheurs individuels travaillant sur des sites expérimentaux ou d’observation qui ne font actuellement l’objet d’aucune coordination particulière ou d’une coordination probablement insuffisante. C’est également le cas de nombreuses observations issues de la science participative, dont les programmes sont en plein essor. Les moyens d’observation dépendent souvent d’autres communautés scientifiques : par exemple, les plates-formes haut débit en génomique existent au niveau national (par ex., centre national de séquençage) ou régional, mais aucune n’est encore portée par la communauté en écologie. Il faut aussi noter aussi que la masse importante des données existantes concernent des organismes bien ciblés (ex : parmi les mammifères, oiseaux, poissons et plantes) et nous sommes encore bien loin d’avoir une image exhaustive de la distribution, des comportements et des génomes de l’ensemble des organismes macroscopiques (ex : insectes, crustacés, champignons) et microscopiques qu’ils soient autonomes, parasitaires ou symbiotiques (virus, protozoaires, bactéries ou helminthes, ces derniers représentant 50 % de la diversité spécifique). Un effort particulier reste donc à faire pour coordonner et diversifier la collecte des données en écologie (Hampton &amp ; Parker 2011).

Enfin, le manque de forces dans les approches opérationnelles, et en particulier, le manque de transferts conceptuels, entre les approches fondamentales et les démarches de gestion ou de restauration, malgré le potentiel de retour d’expérience, ou de révision des concepts, que cette démarche peut apporter à la discipline est à souligner. Ces démarches restent difficiles à valoriser dans des revues à fort impact au niveau international, il est donc compréhensible qu’elles ne soient pas développées en priorité par les jeunes chercheurs. Cela souligne la nécessité pour les acteurs de la section de mettre en avant les avancées intellectuelles dans ce domaine.

3. Opportunités

Ecologie fonctionnelle évolutive : Depuis peu, on voit émerger des approches novatrices rapprochant biologie évolutive et écologie des écosystèmes, qui ont par exemple permis des avancées significatives sur l’influence des contraintes évolutives sur les traits et structures de communautés, permettant de porter un regard nouveau sur la dynamique de la diversité, des écosystèmes ou des cycles des éléments. Cette jonction est nécessaire à une compréhension complète de l’écologie. Cette dimension est aujourd’hui peu représentée dans la section malgré le fort potentiel, et repose sur des collaborations interdisciplinaires combinant et valorisant pleinement les deux compétences. Ces approches peuvent relever à la fois de la section 30 et 29 et il est important de maintenir des compétences sur cette interface.

Meso-Ecologie (Paysages, méta-communautés et méta-écosystèmes) : Les flux spatiaux d’organismes ont été étudiés dans le contexte du développement des théories sur les métapopulations et méta-communautés. Le concept de méta-écosystème est une extension essentielle de ces approches de l’écologie spatiale. L’approche en meta-écosystème est aujourd’hui mature et donne lieu à une production scientifique en croissance (notamment au sein de la communauté sic). A un moment où l’homme altère profondément la structure et le fonctionnement des paysages naturels, il est important de comprendre et prédire les conséquences de ces changements pour définir les futures stratégies de conservation et de gestion. Les approches meta-ecosystèmiques peuvent fournir une bonne base pour avancer ces questions mais restent encore à connecter avec les les approches classique d’écologie du paysage (e.g. socio-ecosystèmes) pour devenir pleinement opérationnelles.

« Global Ecology » ou lien entre biogéographie fonctionnelle et macroécologie : La combinaison des données sur les traits des espèces et la composition des communautés permet de décrire la structure fonctionnelle de ces dernières. Appliqué à grande échelle, on parle de « biogéographie fonctionnelle ». En quelques années ont été constitués des jeux de données de plus en plus importants, intégrant différentes échelles temporelles et spatiales pour des milliers d’organismes (e.g. TRY Plant Trait Database https://www.try-db.org/ à laquelle de nombreux chercheurs de la section 30 ont contribués).Ces nouveaux jeux de données, alliés à une puissance de calcul et à une sophistication des logiciels nous offrent aujourd’hui une profondeur d’analyse qui n’était pas possible il y a encore dix ans. Toutefois ces efforts doivent être maintenus afin de faire basculer l’écologie dans l’ère de l’information. Les enjeux sont sur les méthodes utilisées (besoin de nouvelles méthodes adaptées à la nature de ces données originales) mais aussi sur les moyens de stockage et de calcul (implémentation d’outils capables de gérer de gros volumes de données, parallélisation, utilisation de grilles de calcul, etc.). Il faut aussi noter que la masse importante des données existantes concernent des organismes bien ciblés (ex : mammifères, oiseaux, poissons et plantes), et que nous sommes encore bien loin d’avoir une image exhaustive de la distribution, des comportements et des génomes de l’ensemble des organismes macroscopiques (ex : insectes, crustacés, champignons) et microscopiques qu’ils soient autonomes, parasitaires ou symbiotiques (virus, protozoaires, bactéries ou helminthes, ces derniers représentant 50 % de la diversité spécifique). Les développements technologiques en télédétection ont accru la résolution spatiale et temporelle des informations disponibles au niveau global. Les initiatives (exemple Climate change initiative CCI de l’agence spatiale Européenne) pour le traitement du signal ont permis de délivrer des produits finis (densité d’arbre, surface foliaire, eau du sol, hauteur des arbres, sécheresse…) directement utilisables par la communauté scientifique d’écologie fonctionnelle. L’écologie globale et la modélisation des interactions biosphère/atmosphère a largement bénéficié de ces développements, à la fois pour identifier les processus, contraindre les modèles et évaluer les simulations. avec les nouveaux capteurs lidar, radar et la résolution affinée des capteurs optiques (Sentinel), l’écologie fonctionnelle bénéficie d’une source de données permettant d’affiner les connaissances sur les stocks et flux de matière (eau du sol, biomasse), la biodiversité de la canopée (NIRS a fine résolution), les perturbations, ainsi que la structuration et la dynamique récente des paysages (résolution 20m). En contrepartie, l’appropriation par les écologues en télédétection des connaissances et des concepts d’écologie fonctionnelle est au mieux balbutiante, par manque d’interactions entre les scientifiques de ces deux communautés, et constitue une faiblesse de la communauté SIC.

Connecter écologie théorique, écologie de terrain et expérimentation : Une force de la section 30 est la position centrale en écologie théorique. Aujourd’hui se développe la recherche dans ce domaine en lien avec une démarche empirique, liée au développement de grands dispositifs expérimentaux. Cette intégration reste cependant à renforcer afin de multiplier les tests des théories proposées, mais aussi afin d’intégrer des tests in natura prenant en compte les cumuls d’impact et la complexité des écosystèmes. Ce lien s’enrichit des outils, concepts et paradigmes issus de la physique tels que les changements d’état stable, les points de bascule ou plusieurs chercheurs de la section ont apporté des contributions majeures. Les méthodes se développent aussi en lien avec les développements mathématiques et on assiste à une mathématisation de l’écologie fonctionnelle, en lien avec une écologie de terrain et expérimentale basée sur des chercheurs intéressés par les tests d’hypothèses que ces théoriciens proposent.

F. Processus de surface et de sub-surface

Mots clefs : géomorphologie, hydrologie, hydrogéologie, aléas

Les processus de surface et de sub-surface incluent de très nombreux processus physiques, chimiques et biologiques au sein de la zone critique que constituent la surface terrestre et la sub-surface. Ce vaste domaine aux forts enjeux sociétaux implique par conséquent des scientifiques d’horizons divers. Compte tenu du fait que les processus écologiques, microbiologiques, géochimiques ou physico-chimiques ont été discutés dans les parties précédentes, il sera principalement question dans cette partie du positionnement des chercheurs de la section 30 sur les processus physiques liés au cycle de l’eau de surface et souterrain, ou à l’altération et l’érosion des surfaces continentales. Dans les prochains paragraphes, au-delà du point de vue disciplinaire des forces et faiblesses des travaux menés au sein de ces disciplines, l’enjeu sera précisément d’identifier les nouveaux chantiers interdisciplinaires qui sont en train d’émerger au sein de la communauté.

Une dizaine de chercheurs de la section ont une activité de recherche en lien avec le cycle de l’eau continentale. Les principales thématiques abordées concernent les échanges surface-atmosphère, l’impact du changement climatique sur le cycle hydrologique continental, ou encore l’hydrologie de montagne. Les principales approches reposent sur le développement d’outils de modélisation à l’échelle continentale ou régionale, et l’exploitation des données de télédétection pour l’étude du cycle de l’eau, notamment pour améliorer la quantification des précipitations, la caractérisation de l’humidité des sols ou encore le suivi du manteau neigeux.

Un des points forts des travaux menés dans le domaine est une meilleure compréhension des interactions et rétroactions surface/atmosphère pour mieux prédire leur évolution face aux changements environnementaux, climatiques ou anthropiques. Pour pallier la faiblesse de la représentation des processus par les modèles à l’échelle continentale, des travaux méthodologiques sont également menés sur les modèles et les données pour identifier les problèmes clefs liés à cette approche de modélisation. De plus en plus d’attention est également portée au rôle des eaux souterraines dans le cycle hydrologique. Malgré ces travaux récents, l’intégration de la complexité géologique souterraine dans les modèles grandes échelles reste un verrou majeur pour prendre en compte la redistribution des masses d’eau à long terme.

Certains chercheurs de la section focalisent leurs investigations sur l’hydrologie de montagne et l’hydrologie nivale, qui sont caractérisées par une forte hétérogénéité spatiale, des forçages météorologiques complexes et une très forte sensibilité aux changements climatiques. Il s’agit notamment d’exploiter au mieux des potentialités des radars et observations de terrain pour prédire, comprendre et modéliser les phénomènes hydro-climatologiques extrêmes en régions montagneuses. Un domaine connexe concerne les interactions climats-société, en lien avec la vulnérabilité des populations exposées à ces aléas. Des travaux sont également menés pour développer des méthodes de mesure et d’assimilation de données pour évaluer le stock de neige à l’échelle des massifs ou améliorer le couplage hydrologie-altération et identifier le rôle des crues dans l’exportation de matière des bassins-versants.

Un des enjeux dans les années futures sera de conserver l’approche intégrative et multidisciplinaire existant à grande échelle pour développer des travaux similaires à plus petites échelles, en tenant mieux compte des processus élémentaires. Ainsi, l’éco-hydrologie est un domaine en progression et qu’il pourrait être utile de renforcer au sein de la section. Par exemple, on note une carence de profils traitant à l’échelle du bassin-versant des interactions végétation-hydrologie en collaboration avec les écologues, qui entraine un faible taux de recrutement sur cette thématique et qui peut constituer une menace sur son développement à plus long terme.

Une petite quinzaine de chercheurs de la section 30 développent des travaux sur le cycle souterrain de l’eau, sur des thématiques portant principalement sur i) la modélisation des écoulements et du transport dans les milieux hétérogènes, ii) l’étude des processus liés à la dispersion des solutés en milieux poreux, iii) le traçage des masses d’eaux souterraines et circulations fluides par les outils géochimiques et isotopiques, ou encore iv) l’impact du changement climatique sur les ressources en eau souterraine. Les milieux d’études sont variés, avec des expertises reconnues sur les milieux poreux, la zone non saturée, les milieux fracturés ou encore les karsts. Outre les ressources en eau, les principales applications concernent le transport de polluants ou encore le stockage dans les milieux souterrains.

Les principaux verrous viennent d’une part de la complexité de la prise en compte des processus couplés, mais aussi du manque de données sur le milieu souterrain qui n’est guère accessible. Face à ces difficultés, on observe que la communauté française essaye d’apporter des réponses complémentaires à différentes échelles. D’une part, on assiste au développement de nouveaux travaux, théoriques, numériques et expérimentaux, notamment à l’échelle porale, pour traiter, imager et décrire les processus élémentaires. Ces travaux, qui se trouvent à l’interface avec la section 10, sont portés par de jeunes chercheurs nouvellement recrutés au sein de la section.

Par ailleurs, à méso-échelle, de nouvelles méthodes de modélisation sont mises en place soit pour améliorer la représentativité ou le paramétrage des modèles, soit en développant de nouveaux modèles parcimonieux adaptés au manque de données chronique des milieux souterrains. D’un point de vue expérimental, des travaux sont menés en parallèle pour améliorer les méthodes de mesure et de caractérisation des milieux étudiés, analyser le contenu informatif des données, étudier les relations entre les écoulements de sub-surface et de surface ou encore développer de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les écoulements souterrains dans les modèles hydrologiques régionaux. La mise en place de l’infrastructure de recherche d’OZCAR, permet d’accompagner et structurer une grande partie de ces efforts.

Un des enjeux interdisciplinaires majeurs dans les années futures sera la caractérisation fonctionnelle des communautés biologiques dans les milieux souterrains, et sa prise en compte dans les processus bio-physicochimiques.

Un petit nombre de chercheurs de la section 30, 13 sur 340, ce qui correspond à 3.5 % des effectifs, étudient les processus d’érosion, d’altération et leurs conséquences sur les paysages continentaux et côtiers. Ces derniers se répartissent suivant 3 grandes thématiques : (1) les bilans d’érosion et d’altération à l’échelle du bassin-versant, (2) le couplage entre morphologie et transport de sédiment en milieu alluvial et côtier, (3) l’impact des glissements de terrain sur l’évolution des paysages (avec un volet aléa). Un recrutement récent a également permis de démarrer une activité de recherche dans le domaine de l’érosion éolienne et des pratiques agro-pastorales. Cette activité est cependant trop récente pour que l’on puisse en mesurer l’impact.

L’étude des processus d’érosion et d’altération se situe à l’interface de plusieurs sections du CNRS, les sections 05, 10, 18, 30 et 31. Les sections 05 et 10 s’intéressent davantage à la physique des processus d’érosion (couplage sédiment-écoulement, physique du transport alluvial et éolien). Les chercheurs de la section 31 sont plutôt concernés par les interactions homme-paysage. Les limites entre les sections 18 et 30 sont plus floues. De façon générale, on observe que les chercheurs de la section 18 sont davantage tournés vers l’étude des grandes échelles de temps, celles du couplage entre altération, érosion, tectonique et climat (marqueurs morphologiques et sédimentaires, couplage tectonique érosion…). A contrario, les chercheurs de la section 30 mettent souvent l’accent sur des échelles de temps plus courtes, en lien avec des problématiques environnementales. A ce titre, l’impact érosif des évènements extrêmes (tempêtes, crues et glissements de terrains) est un sujet assez largement étudié en 30. Cette distinction entre section 18 et 30 est cependant loin d’être systématique. Certains chercheurs les plus emblématiques de la section 30, s’intéressent à l’évolution des surfaces continentales à des dimensions de temps et d’espace qui peuvent être vastes.

Les chercheurs de la section 30 étudient les processus d’altération et d’érosion depuis les processus élémentaires (le mètre et la seconde) jusqu’à l’échelle du bassin versant, voire l’échelle continentale. A cette diversité d’échelles correspond une diversité d’outils méthodologiques : campagnes de terrain, outils géochimiques, télédétection, imagerie drone, modélisation numérique et modélisation analogique sur systèmes modèles en laboratoire. Les outils géochimiques sont couramment employés pour déterminer les sources de sédiment, estimer des taux d’altération et d’érosion, et quantifier les flux de sédiments sous forme solide et dissoute. La télédétection, combinée au développement de l’analyse de jeux de données de plus en plus conséquents, s’est imposée comme un outil de référence pour analyser l’impact morpho-sédimentaire des mouvements de terrain. Les chercheurs de la section 30 sont également fortement impliqués dans la mise en place de suivis environnementaux de longue durée au sein des services nationaux d’observation et dans les zones ateliers. Enfin, suivant l’exemple de leurs collègues des sections 05 et 10, plusieurs chercheurs de la section 30 développent la modélisation analogique sur systèmes modèles en laboratoire, afin d’étudier la dynamique des processus d’érosion et de transport de sédiment en conditions simplifiées et contrôlées.

Malgré le faible nombre de chercheurs impliqués dans cette thématique, l’étude des processus d’érosion et d’altération par les chercheurs de la section 30 est largement reconnue, avec une visibilité internationale de la communauté française qui place le CNRS parmi les 4 premiers publiants sur ces thématiques. Un point faible à renforcer concerne le nombre encore trop réduit d’études pluridisciplinaires consacrées au couplage entre érosion, altération et écologie. Cette thématique est cependant en train d’émerger, grâce à des recrutements et promotions récentes.

G. Télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface

Mots clefs : Télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface, géophysique

Une petite dizaine de chercheurs développent des méthodes d’imagerie géophysique de la sub-surface. Les enjeux sont d’imager les structures actives et monitorer les processus dynamiques opérant dans le sous-sol à partir de mesures en surface ou en puits, ou bien par imagerie satellitaire. La communauté de la section 30 en géophysique est restreinte malgré les forts enjeux scientifiques et sociétaux.

L’approche classiquement développée repose sur des travaux théoriques qui permettent de jeter les bases physiques des méthodes développées, des expériences en laboratoire pour paramétrer les lois pétrophysiques indispensables à l’inversion des données et signaux acquis sur le terrain et des applications sur site dans des contextes très variés à l’aide de modèles d’inversion des données. Compte-tenu de leur forte sensibilité à la présence d’eau ou aux déplacements de charges électriques, les méthodes géo-électriques sont très souvent développées pour caractériser les processus hydrologiques liés aux écoulements, la réactivité chimique du milieu, ou encore la contamination dans le sous-sol.

Un autre domaine développé par les chercheurs de la section 30 concerne l’hydro-géodésie pour développer des méthodes originales issues de la géophysique spatiale (gravimétrie et plus récemment GPS) pour suivre l’évolution de la distribution des masses d’eau à la surface des continents, ou bien pour suivre la dynamique des structures actives d’écoulement et leurs rôles dans les échanges entre surface et sub-surface.

Les travaux menés par les chercheurs de la section dans ce domaine sont inégalement reconnus à l’échelle internationale. Mais la place du CNRS est très bonne, voire excellente, notamment en hydro-géophysique où le CNRS est leader grâce à l’apport de certains chercheurs leaders mondiaux du domaine. Toutefois, la communauté mériterait d’être mieux structurée, afin de renforcer ce leadership et encore mieux intégrer les récents recrutements de jeunes chercheurs de la section dans le domaine. Outre la complexité des milieux souterrains, un des défis majeurs du domaine dans les années qui viennent consistera à imager la dynamique spatio-temporelle des phénomènes réactifs au sein de la zone critique. Un vaste domaine qui reste également à explorer malgré quelques avancées significatives et remarquées, est la bio-géophysique, qui a tendance à connaître un très fort développement à l’international.

La contribution du CNRS est également primordiale en télédétection de la surface en reliant les données des tours de flux avec les données de couverture et d’occupation des sols et leur évolution spatio-temporelle. Elle permet aussi des avancées notoires pour la détermination des champs de pluie et des intensités de pluie lors des évènements extrêmes de plus en plus fréquents, par deux apports à relever :

– la reconstitution des précipitations par des données satellitaires

– la participation au projet Raincell (piloté par l’IRD) de reconstitution des champs de pluie et des intensités par l’utilisation de l’atténuation du signal téléphonique entre deux antennes par la présence de nuages et surtout d’hydrométéores.

III. Structures fédératives, structures d’observation et outils

A. Les zones ateliers

Les zones ateliers sont des structures fédératives regroupant des chercheurs et des unités de recherches centrées sur un territoire, sur des questions partagées favorisant les interactions entre sciences humaines et sciences dures, autour du concept d’anthropo-écosystème. Les ZA sont regroupées dans ILTER et LTER Europe, qui leur ont confié une feuille de route en vue d’une labellisation internationale d’infrastructure de recherche. Depuis 5 ans, l’analyse scientifique des ZA est confiée à la section. La difficulté de l’exercice repose sur la forte interdisciplinarité des structures, associée à une description parfois superficielle des actions de recherche passées et futures dans les dossiers de renouvellement. L’intérêt d’une telle évaluation est cependant de soumettre ces structures à l’analyse scientifique de la communauté, et de les faire connaître, car leur dimensionnement et leur vocation ne sont pas toujours clairement comprises. L’évaluation par les pairs a de ce fait clairement contribué à améliorer la lisibilité et la qualité des dossiers. L’articulation entre ZA et SNO est maintenant bien maîtrisée et la complémentarité des outils est intégrée. La section est une instance pertinente pour mesurer l’articulation et la complémentarité entre ces outils.

La section souhaiterait, en cas d’avis réservé ou défavorable pour la labellisation, avoir l’opportunité de se saisir d’une version retravaillée des dossiers à la session suivante, afin d’offrir l’opportunité aux porteurs d’intégrer les remarques de la section et de revoir leur projet.

B. Les Systèmes Nationaux d’Observation

La zone critique évolue sous l’effet de processus géologiques, physiques, chimiques, hydrologiques, climatiques, biologiques et anthropiques mettant en jeu une très large gamme d’échelles de temps et d’espace depuis le mètre et la seconde jusqu’au millier de kilomètres et au million d’années. Ces processus, liés entre eux par des couplages complexes, contrôlent la dynamique des flux environnementaux (flux d’eau, de sédiment, de carbone, flux chimiques…). Ils influencent la dynamique des paysages, la stabilité des sols, la qualité des eaux, les échanges de carbone entre l’atmosphère et les continents et, de manière plus générale, les couplages entre biosphère, hydrosphère et lithosphère. L’étude de ces processus nécessite l’observation et la mesure continue de paramètres environnementaux sur des durées longues, afin de capturer toutes les échelles de temps en jeu.

Fort de ce constat, le CNRS consacre des efforts importants au développement et au maintien de services nationaux d’observation, chargés d’acquérir des données permettant d’étudier l’évolution long-terme des surfaces continentales, et de contraindre les modèles. La mise en place des SNO dans le domaine de l’environnement a été essentielle pour fédérer les différentes communautés autour d’objets et d’observatoires communs. Cela a permis de disposer de plateformes expérimentales, remarquablement bien instrumentées pour certaines, pour développer de nouvelles méthodes de mesures et outils d’investigation, imager et monitorer certains processus, tester certaines hypothèses et développer de nouvelles méthodes de modélisation des processus de surface et de sub-surface. De nombreux candidats de la section s’appuient avec raison sur les SNO pour développer leur projet de recherche.

Cette politique s’est renforcée avec la création de « l’Observatoire de la Zone Critique Applications Recherche » (OZCAR) en 2017. Cette infrastructure de recherche, pilotée par le CNRS, fédère en réseau une soixantaine de SNO et sites instrumentés, qui documentent les cycles de l’eau, du carbone et des éléments associés dans des contextes très différents. L’enjeu est de documenter et contraindre les changements environnementaux en cours sur les surfaces continentales. OZCAR est une des composantes françaises de l’infrastructure de recherche européenne ESFRI « eLTER ».

Même si sa création est trop récente pour que l’on puisse dès à présent mesurer son impact sur la communauté, la création de cette nouvelle infrastructure devrait permettre de développer l’interdisciplinarité, mutualiser les efforts et aborder de nouveaux défis scientifiques. Sa création se concrétise également par des candidatures récentes dont les projets, au croisement de certaines des disciplines de la section, s’appuient sur l’infrastructure OZCAR et ou le réseau des zones ateliers. Les liens avec le Réseau des Zones Ateliers sont également à renforcer à l’avenir pour répondre au défi de l’intégration de l’écologie et des SHS au sein des problématiques des surfaces et interfaces continentales.

IV. Dimension fédérative et internationale

Les chercheurs de la section présentent une ouverture à l’international significative, avec en moyenne 1,18±2,44 conférence internationale par chercheur au cours d’un contrat, et 1,43±2,2 conférence invitée sur la même période. Les données fournies par les chercheurs dans leur rapport d’activité ne permettent malheureusement pas d’aller plus loin dans l’analyse de leur rayonnement. En particulier, il est difficile de déterminer leur implication dans l’organisation de colloques ou de sessions de colloques, car l’information n’est pas toujours formulée de manière lisible dans les rapports d’activité.

En termes de structures labellisées, outre les ZA, qui possèdent un rôle très fort de structuration, avec une dimension internationale avérée (Antarctique, Hwange), les chercheurs de la section pilotent ou sont impliqués dans une dizaine de GDR, et une douzaine d’écoles thématiques. En termes de GDRI et de LIA, la section n’a été consultée que pour une seule structure, ce qui suggère qu’elle ne pilote que peu de structures internationales, ou que ces structures échappent à son inventaire (e.g. PICS). De même, il est ardu de mesurer la mobilité internationale des chercheurs après leur recrutement, mais l’analyse des dossiers fait fréquemment référence à des missions de courte ou moyenne durée (quelques mois à 1 an).

Conclusion

Dans le contexte de l’Anthropocène, les recherches menées dans le périmètre disciplinaire de la section 30 sont d’une importance cruciale pour mesurer l’impact des activités anthropiques sur les surfaces et interfaces continentales, et identifier les seuils de résistance, de résilience et d’irréversibilité des altérations anthropiques auxquels les écosystèmes sont soumis. L’analyse bibliographique menée par les acteurs de la section dans ce travail de conjoncture a démontré que les chercheurs de la section et des laboratoires associés sont parmi les mieux placés dans la communauté scientifique pour répondre à ces enjeux. Les difficultés que ces chercheurs doivent et devront surmonter sont la nécessité de recourir de plus en plus à des mesures en continu de paramètres de plus en plus précis, et la nécessité de disposer d’états de références et de suivis à long terme. L’assise expérimentale est particulièrement indispensable pour décortiquer les processus qui agissent de manière synergique dans les conditions naturelles. La complétion de bases de données précises et reposant sur des expertises taxonomiques et moléculaires avérées est un prérequis indispensable pour que les chercheurs en modélisation et traitements de mégabases de données puissent effectuer leur travail de fouille et d’expertise globale. On note en section une très forte représentation des candidats en modélisation au détriment des chercheurs possédant des expertises écosystémiques et taxonomiques, probablement car le coût d’acquisition de la donnée contribue à diminuer la rentabilité en termes de publications (rang et nombre) des chercheurs concernés. Il est probable que la section doive s’engager dans une politique offensive de soutien aux jeunes chercheurs faisant la part belle à l’observation des processus écologiques, physiques et chimiques in situ, afin de conserver cette expertise essentielle à l’atteinte des objectifs scientifiques concernant les surfaces et interfaces continentales. Un autre point de vigilance à souligner est que l’étude des surfaces et interfaces continentales exige de la part des jeunes chercheurs une dose de plus en plus importante d’interdisciplinarité. Les candidats à forte interdisciplinarité peuvent être défavorisés car leur capacité à défendre leur dossier face à un jury parfois trop centré sur l’excellence disciplinaire peut être battue en brèche. La section actuelle alerte sur ces risques, qu’elle essaie en interne de surmonter.

ANNEXE 1

Champs thématiques couverts par la section 30

T1 Ecotoxicologie/toxicologie environnementale et transferts de polluants
T2 Microbiologie environnementale
T3 Biogéochimie et physicochimie des interfaces, cycles des éléments
T4 Paléoécologie et paléoenvironnements quaternaires
T5 Écologie fonctionnelle
T6 Dynamique des écosystèmes continentaux (incluant les milieux urbains), estuariens, lagunaires, côtiers et marins
T7 Processus de surface et de subsurface
T8 Télédétection, analyse et imagerie de la surface et de la subsurface