Rapport de conjoncture 2019

Section 32 Mondes anciens et médiévaux

Composition de la Section

Laurent Schneider (président de Section), Ivan Guermeur (secrétaire scientifique), Philippe Barral, Marie Bouhaik, Matthieu Cassin, Raphaelle Chossenot, Rita Compatangelo-Soussignan, Hélène Debax-Viader, Marie-Laure Derat, Thomas Deswarte, Bernard Gratuze, Jean Oliver Guilhot, Caroline Heid, Frédéric Hurlet, Marie-Christine Marcellesi, Mohamed Ouerfelli, Marie-Jeanne Ouriachi, Catherine Verna, Émilie Villey, Jean Baptiste YON

Anne-Marie TURCAN-VERKEK et Dany BARAUD étaient membre de la section de septembre 2016 à juillet 2018.

Résumé

Les champs d’étude de la section 32 se rapportent aux sciences de l’Antiquité et du Moyen Âge, soit à des cultures et des sociétés complexes disposant de l’écriture ou connues par des sources écrites ; ils concernent particulièrement les grands ensembles disciplinaires – l’histoire, l’archéologie, l’histoire de l’art et la philologie – impliqués dans l’étude des civilisations nées au Moyen-Orient et autour de la Méditerranée, développées en relation avec elles ou à leur contact. L’aire géographique ainsi couverte englobe l’Europe, le Proche et le Moyen Orient, l’Asie et l’Afrique.

I. Les structures et l’organisation de la recherche

À l’automne 2019, 37 unités sont en rattachement principal à la section 32 comme section principale, soit 20 Unités mixtes de recherche (UMR), 1 Unité propre de recherche (UPR), 10 Unités de service et de recherche (USR), 1 Unité mixte de service (UMS), 2 fédérations de recherche (FR), 1 Groupement de recherche (GDR), 1 Groupement de service (GDS) et 1 Formation de recherche en évolution (FRE). Depuis 2014, une seule UMR est en évolution ce qui traduit une forte stabilité après les étiages opérés par les regroupements effectués voilà plus d’une décennie.

Le dispositif mis en place rassemble une communauté scientifique et technique de 4 134 agents en effectif global dont près de 45,6 % seulement sont des personnels permanents, seuil inquiétant qui avait fait l’objet d’une alerte motivée dans le rapport précédent. Dans ce strict périmètre la part des chercheurs CNRS évalués par la section représente 79 % de son effectif. De fait 45 chercheurs sont insérés dans d’autres unités nationales et internationales en rattachement secondaire et interagissent avec une communauté ou des réseaux scientifiques élargis.

Liste des unités

– UPR 841 – Institut de recherche sur l’histoire des textes (IRHT), Paris-Orléans

– UMR 5060 – Institut de recherche sur les archéomatériaux (IRAMAT), Bordeaux-Belfort-Orléans

– UMR 5136 – France méridionale et Espagne (Framespa), Toulouse

– UMR 5138 – Archéométrie et archéologie, Lyon

– UMR 5189 – Histoire et sources des mondes antiques (Hisoma), Lyon

– UMR 5607 – Ausonius : Institut de recherche sur l’Antiquité et le Moyen Âge, Bordeaux

– UMR 5648 – Histoire, Archéologie, littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux(Ciham), Lyon

– UMR 6273 – Centre Michel de Boüard (Craham), Caen

– UMR 7041 – Archéologie et Sciences de l’Antiquité (Arscan), Nanterre

– UMR 7044 – Étude des civilisations de l’Antiquité (Archimède), Strasbourg

– UMR 7192 – Proche-Orient, Caucase : langues, archéologies, cultures, Paris

– UMR 7297 – Centre Paul Albert Février – Textes et documents de la Méditerranée antique et médiévale, Aix-en-Provence

– UMR 7298 – Laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée (LA3M), Aix-en-Provence

– UMR 7299 – Centre Camille Jullian – Histoire et archéologie de la Méditerranée, Aix-en-Provence

– UMR 7302 – Centre d’études supérieures de la civilisation médiévale (CESCM), Poitiers

– UMR 8164 – Histoire, Archéologie, Littérature des Mondes Anciens (Halma), Lille

– UMR 8167 – Orient et Méditerranée, textes, archéologie, histoire, Ivry-sur-Seine

– UMR 8210 – Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (Anhima), Paris

– UMR 8546 – Archéologie, philologie et histoire d’Orient et d’Occident (Aoroc), Paris

– UMR 8584 – Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (LEM), Villejuif

– UMR 8589 – Laboratoire de Médiévistique occidentale de Paris (LaMOP), Paris-Villejuif

– USR 3125 – Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, Aix-en-Provence

– USR 3133 – Centre Jean Bérard, Naples

– USR 3134 – Centre d’études alexandrines (CEAlex), Alexandrie

– USR 3135 – Institut français du Proche-Orient (IFPO), Beyrouth

– USR 3139 – Institut français de recherche en Iran (IFRI), Téhéran

– USR 3155 – Institut de recherche sur l’architecture antique (IRAA), Aix-en-Provence

– USR 3172 – Centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak (CFEETK)

– USR 3224 – Centre de recherche sur la Conservation (CRC), Paris

– USR 3225 – Maison René Ginouvès, Archéologie et Ethnologie, Nanterre

– USR 3516 – Maison des Sciences de l’Homme de Dijon

– UMS 3657 – Archéovision, Pessac

– FRE 2018 – Mondes iranien et indien, Paris

Liste des fédérations et groupements de recherche

– FR 3383 – Fédération des sciences archéologiques de Bordeaux

– FR 3747 – Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux

– GDR 2063 – Recyclage et remploi des matériaux de l’architecture aux périodes anciennes

– GDS 3378 – Fédération et ressources sur l’Antiquité (FRANTIQ)

Dans un périmètre élargi et reconfiguré, 24 autres unités ou groupements sont donc en rattachement secondaire à la section 32. Dans ce second ensemble, on dénombre 13 UMR, 6 USR, 1 UPS, 3 GDR et 1 FRE. Les liens privilégiés se font principalement avec les UMR d’archéologie préhistorique de la section 31 et les unités de la section 33. Au moins 27 chercheurs (dont 10 DR) rattachés et évalués par la section 32 sont affectés dans des unités relevant de la section 31, où ils sont parfois majoritaires dans les effectifs des chercheurs CNRS, et 11 autres (dont 4 DR) sont dans des unités rattachées à la section 33. Depuis 2014, 9 chercheurs nouvellement recrutés ont par ailleurs été intégrés dans des unités opérées ou co-opérées par l’InSHS mais relevant des sections 31 (4 cas) ou 33 (5 cas) en premier rattachement.

Paysage et variables du dispositif : une configuration déséquilibrée qui montre néanmoins une adaptation à des reconfigurations permanentes

Parmi les 37 unités ou groupements de recherche de la section, 10 sont concentrées en région parisienne. Elles regroupent 59 % des chercheurs CNRS mais seulement 31 % des effectifs permanents. Dix-sept sont situées en région sur les sites d’Aix-en-Provence (4 unités), Bordeaux (2), Caen (1), Lille (1), Lyon (3), Poitiers (1), Strasbourg (1), Toulouse (1). Cinq USR sont implantées à l’étranger (Alexandrie, Beyrouth, Louxor, Naples, Téhéran).

Les périmètres, les tailles et la typologie des « briques » que constituent ces unités sont très variables. Dans le cas des UMR et de l’UPR de la section, l’effectif total des « chercheurs et IT permanents » oscille entre 25 et 218, celui des chercheurs CNRS entre 1 et 28. Les médianes respectives sont à 69 et 5, celle des IT CNRS à 6. Le rapport entre le nombre d’IT et le nombre de chercheurs CNRS donne une autre idée de cette typologie complexe. Quatre unités ont un nombre de chercheurs supérieur à celui des IT, 7 autres sont peu ou prou à l’équilibre tandis que pour 11 autres la situation est diamétralement opposée. Dans ce dernier groupe, le pourcentage des IT CNRS dans l’effectif IT varie ainsi de 17 à 100 %. Neuf unités (dont 4 sur un même site) ont un pourcentage d’IT CNRS supérieur à 75 %.

Cette variabilité générale s’explique par plusieurs facteurs : l’histoire propre de chaque laboratoire, les regroupements opérés notamment en région parisienne durant la dernière décennie et la coexistence de plusieurs laboratoires plus spécialisés (par type de sources sollicitées, par expertise chronologique, ou par espace géographique) sur certains sites régionaux comme Aix-en-Provence, Bordeaux et Lyon, ainsi que dans la configuration parisienne, ou encore par le poids des départs divers qui ont pu affecter l’évolution récente de certaines unités. On notera néanmoins que toutes les UMR qui intègrent une composante des sciences de l’archéologie, ont désormais à la fois un ancrage métropolitain ou régional, mais aussi international, qu’il s’agisse de l’espace méditerranéen, du Proche et du Moyen-Orient, de l’Afrique et désormais de l’Asie.

Dans le domaine des sciences historiques et philologiques, on rappellera que la section compte l’une des rares UPR de l’InSHS, tandis qu’une UMR multi-sites permet d’organiser l’archéométrie française, présente sur plusieurs continents, en fonction des appareillages disponibles sur le territoire.

Tableau 1 : Effectif des unités en rattachement principal (d’après Labintel, sept. 2019).

Unités Chercheurs 32 Autres chercheurs et EC IT(1) Total Non-permanents Total(2)
FRE2018 (ex MII) 2 27 3 (4) 18 54 (3)
UMR5060 – Iramat 12 24 25 (36) 62 134
UMR5136 – FRAMESPA 2 112 2 (3) 246 363
UMR5138 -Arar 5 36 10 (19) 21 82 (1)
UMR5189 – Hisoma 10 62 9 (15) 146 235 (2)
UMR5607 – Ausonius 9 45 3 (15) 58 127
UMR5648 – Ciham 6 49 7 (13) 73 142 (1)
UMR6273 – Craham 1 27 6 (27) 79 135 (1)
UMR7041 – Arscan 17 155 15 (36) 593 811 (10)
UMR7044 – Archimede 2 48 6 (24) 100 174
UMR7192 – Proclac 5 32 2 (7) 41 87 (2)
UMR7297 – PAF 2 20 2 (2) 11 36 (1)
UMR7298 – LA3M 3 13 11 (12) 83 113 (2)
UMR7299 – CCJ 12 49 20 (20) 22 108 (5)
UMR7302 – CESCM 1 26 3 (15) 47 89
UMR8164 – Halma-Ipel 2 82 4 (23) 43 150
UMR8167 – O&M 28 109 21 (25) 309 475 (4)
UMR8210 – Anhima 4 58 6 (9) 98 169 (2)
UMR8546 – Aoroc 11 17 12 (13) 7 52 (4)
UMR8584 – Lem 1 48 4 (5) 86 141 (1)
UMR8589 – Lamop 8 26 3 (3) 54 91 (1)
UPR841 – IRHT 22 13 30 (30) 22 94 (7)
USR 3125 –MMSH 0 1 21 (28) 1 29
USR 3133 – CJB Naples 2 2 2 (7) 0 11
USR 3134 – CÉAlex 2 0 7 (7) 3 12
USR 3135 –IFPO 2 12 6 (34) 31 79
USR 3139 – IFRI 0 3 0 0 3
USR3155-IRAA 2 10 8 (10) 7 30 (1)
USR 3172 – (CFEETK) 1 0 5 (5) 0 6
USR 3224 -CRC 1 10 6 (35) 12 58
USR 3225 – MAE 0 2 33 (42) 9 53
USR 3516 –MSH Dijon 0 2 14 (28) 12 42
UMS 3657- Archéoviso 0 1 3 (6) 4 11
(1) Le premier nombre est celui des IT CNRS, celui entre parenthèse correspond au total des IT CNRS et non CNRS.

(2) Le chiffre entre parenthèse indique le nombre de chercheurs émérites qui ne sont pas comptabilisés dans la colonne « Chercheurs 32 ».

Dresser, dans ce canevas complexe, une typologie des UMR à l’échelle d’une seule section n’est guère envisageable car les articulations scientifiques se tissent dans un périmètre plus large. On précisera toutefois que 3 unités ont moins d’un tiers de personnels permanents, 12 autres se situent dans le tiers suivant, 7 seulement dans le dernier tiers.

On peut néanmoins envisager le dynamisme et le positionnement de ces unités à partir de données mieux maîtrisées par la section, comme celles des concours. Ainsi, le choix du premier vœu d’affectation des candidats aux concours CRCN (et CR2/CR1 pour l’année 2017) de ces trois dernières années (2017-19) met en lumière d’autres tendances révélatrices de comportements ou d’attentes scientifiques qui s’insèrent dans un dispositif plus large que le seul critère de rattachement principal de telle ou telle unité à la section 32.

Figure 1 : Total des candidatures et des auditions par unité (concours 2017-2019).

– Sans surprise, en terme d’attractivité, les candidats privilégient les trois plus grosses unités de la section (Arscan, O&M, Irht) qui sont aussi les plus généralistes et organisées souvent en « équipes », plutôt qu’en axes ou thèmes transversaux. Ce sont les seules qui attirent plus de 15 candidatures annuelles avec des scores pour les admis à poursuivre qui se situent entre 56 et 69 %.

– La moyenne tombe ensuite en dessous de 8 candidatures annuelles et se situe dans une tranche comprise entre 5 et 8 candidatures. Cinq autres unités, dont deux sont en rattachement secondaire à la section, et à nouveau des UMR d’archéologie (ASM à Montpellier et ArchéOrient à Lyon) sont dans ce groupe. Parmi les trois unités de la section qui attirent plus de 6 candidats annuels, deux sont à nouveau parisiennes (Aoroc et Anhima) et une seule est en région (Ausonius à Bordeaux). En revanche dans cette tranche, le taux des admis à poursuivre est plus hétérogène et s’échelonne entre 33 et 67 %.

– Dans un troisième groupe se trouvent les unités plus nombreuses (11) qui ont fait l’objet de 2 à 5 candidatures annuellement. Une seule (Cepam à Nice) est en rattachement secondaire et concerne à nouveau le domaine des sciences archéologiques. Six unités seulement dépassent 3 candidatures annuelles (à Lyon, Strasbourg, Lille, Paris), les neuf autres demeurant dans la partie inférieure de la tranche. Là encore la fourchette du pourcentage des admis à poursuivre est très large (de 27 à 87 %), mais pour 5 unités, les taux sont supérieurs à 50 %.

– Enfin le dernier groupe rassemble les unités pour lesquelles le nombre de candidatures annuelles est égal ou inférieur à 2. Vingt-deux unités sont dans cette situation, dont 5 seulement relèvent de la section 32. Les autres ressortissent aux sections 29 (1), 30 (1), 31 (6), 33 (6), 34 (1), 35 (2), 38 (2), 39 (1). Les interfaces se font donc de manière privilégiée avec les sections 31 et 33, principalement par l’intermédiaire des sciences archéologiques mais aussi, dans le cas de la section 33, par les études aréales des domaines africains et asiatiques. Dans une moindre mesure, les autres liens s’établissement avec les sections 35 et 38 par la Philologie et l’Histoire de l’art notamment. Toutes les unités ici prises en compte ont eu des candidats qui ont été auditionnés. Dans ce dernier groupe, le taux moyen des personnes auditionnées ayant candidaté sur des unités de la section est de 59 % et celui des candidats se présentant sur des unités en rattachement secondaire ou autres est de 81 %, ce qui traduit l’attention que la section porte aux interfaces.

Promotion des DR

La promotion par concours vers le grade de directeur de recherche 2e classe conditionnée à des HDR inégalement constituées selon les traditions disciplinaires, les universités, voire les instituts du CNRS est une autre variable qui permet de mesurer l’activité scientifique des unités dans le cadre de la section 32.

Depuis 2012, 39 chercheurs ont été lauréats du concours DR de la section 32. Ceux-ci sont ventilés dans 23 unités dont 6 sont en rattachement secondaire à la section tandis que 9 UMR de la section n’enregistrent pas de promotion. Parmi ces 39 chercheurs, depuis 2012, une seule lauréate a été promue DR1 tandis que 8 autres ont été candidats, que 3 sont aujourd’hui en retraite et deux autres en délégation longue durée dans d’autres établissements. Trois autres promus enfin, ont changé de laboratoire dans les trois ans qui ont suivi leur changement de grade.

II. Les personnels de la recherche

Les chercheurs de la section 32

Évolution démographique : une érosion continue

En septembre 2019, la section comptait 213 chercheurs actifs (148 CR et 65 DR), soit 18 de moins qu’en 2014. Cette diminution continue et linéaire était annoncée dans le rapport précédent. On rappellera que l’effectif des chercheurs de la section était de 285 en 2002 !

De fait, la composition générale de la section a changé ces dernières années. Le rajeunissement constaté depuis 2014 se confirme. La médiane qui était de 54 ans en 2006 est passée à 51 ans en 2014 et se situe désormais à 49 ans. Celle des femmes (49 % de l’effectif) se situe à 47 ans. Les départs en retraite massifs de ces dernières années, mais aussi les départs, trop négligés, vers d’autres établissements nationaux ou étrangers ont fait émerger une autre problématique, la diminution de l’effectif des directeurs de recherche. Avec 65 directeurs aujourd’hui, contre 91 en 2014, le ratio est désormais de 1 DR pour 2,8 CR alors qu’il était de 1,5 en 2014.

Plus globalement, si certaines unités (8) ont connu une sensible amélioration avec un gain – par recrutement ou mutation – de 1 à 5 postes chercheurs (médiane à 1,5) depuis 2014, 14 sont restées stables et 11 ont connu une baisse de 1 à 5 postes (médiane à 1). Le déficit est de 4 postes dans les sections directement rattachées à la section 32, ce qui signifie que les départs ont été plus massifs dans les rattachements secondaires.

Un rapport hommes-femmes plus équilibré

Le rapport hommes-femmes est désormais peu ou prou équilibré : 51,2 % d’hommes et 48,8 % de femmes. L’amélioration est nettement plus sensible dans les grades du corps des directeurs de recherche : deux des trois DRCE de la section sont des femmes, 59 % des DR1 sont des hommes mais 54,8 % des DR2 sont désormais des femmes et celles-ci sont en moyenne plus jeunes que les hommes. Neuf femmes DR2 ont moins de 50 ans tandis que trois hommes sont dans la même situation. Globalement le corps des directeurs de recherche comprend désormais 50,75 % d’hommes et 49,25 % de femmes.

Situation des ITA

En septembre 2019, le nombre d’IT dans les unités ayant pour rattachement principal la section 32 s’élève à 316 pour les personnels CNRS, 558 pour tous les personnels

On dénombre par ailleurs 74 IR et 49 IE CNRS, soit 123 agents qui sont en prise directe avec la recherche et consolident des métiers et des savoir-faire précieux dans, au moins, trois grands domaines : 1. les humanités numériques, l’édition et l’analyse des sources qui nécessitent la maîtrise de langues anciennes et rares mais aussi de nouvelles technologies ; 2. l’édition scientifique, avec l’objectif de diffuser les résultats de la recherche et d’articuler de façon réfléchie les formats traditionnels (livres et revues) avec les versions électroniques ; 3. les sciences et les métiers de l’archéologie où les IR et IE œuvrent souvent sur le terrain et conservent surtout les formations et les savoirs tout particulièrement en matière de céramologie, de datation, d’architecture, de topographie et de cartographie.

Recrutements et affectation des chercheurs

La section prend en compte ici un bilan qui s’échelonne sur six ans : les trois dernières années de la mandature précédente (2014-16) et les trois premières années du mandat actuel (2017-2019, désormais passé à cinq ans). On rappellera que face aux départs massifs, le nombre des recrutements CR – quoiqu’insuffisant – a néanmoins augmenté à partir de 2010. Il est passé de 14 recrutements entre 2006 et 2009 à 31 entre 2010 et 2013, puis 31 entre 2014 et 2017 et a été de 15 ces deux dernières années. L’année 2017 a été néanmoins marquée par une rupture dans l’effort réalisé et a, de fait, accentué l’érosion de l’effectif global. La section, on l’a dit, perd 18 postes depuis 2014 et ce chiffre serait aggravé si l’on ne comptait pas l’intégration de chercheurs en CDI, les changements de sections et les accueils en délégation. Malgré cela, ce sont donc 46 chercheurs qui ont été recrutés en 6 ans et ceux-ci représentent désormais 21,6 % de l’effectif global de la section ; ils contribuent à en changer la tonalité. Si l’on se place sur le terrain académique, la période 2014-16 reste marquée par des recrutements qui concernent essentiellement les mondes antiques anciens et classiques (19 recrutements contre 7 seulement pour les mondes médiévaux), rapport atténué entre 2017 et 2019 (11 contre 9). Toutefois, cette approche traditionnelle fondée sur la chronologie n’est plus vraiment opérante dans la mesure où, d’une part, les aires culturelles se sont dilatées avec des ouvertures vers l’Asie centrale et orientale et l’Afrique sub-saharienne et que, d’autre part les sciences de l’archéologie, notamment celles qui portent sur les archéo-matériaux, sont souvent diachroniques.

Tableau 2 : Répartition des CR recrutés de 2014 à 2019 par champ disciplinaire.

4 Épigraphie, philologie, musicologie grecques 3 Histoire byzantine et des chrétiens d’Orient
1 Archéologie punique 2 Patristique et études augustiniennes
4 Histoire, archéologie, épigraphie du Proche-Orient ancien, dont Arabie 1 Prédication médiévale et humanités numériques
4 Égypte ancienne et ptolémaïque 4 Histoire de l’Islam médiéval
4 Archéologie des mondes anciens : Asie centrale et orientale dont Chine pré-moderne 2 Histoire de l’Afrique, de l’Orient et de l’Egypte médiévale
3 Protohistoire européenne (numismatique, épigraphie, archéologie) 2 Histoire de l’Occident médiéval
1 Archéologie et anthropologie de l’Occident grec 1 Archéométrie médiévale, histoire des matériaux
4 Archéologie de l’occident romain 1 Archéologie du monde himalayen
1 Histoire, droit romain (risques et ressources) 3 Archéologie, bioarchéologie et numismatique de l’Occident médiéval
1 Archéologie de l’Afrique sub-saharienne ancienne (monde méroïtique)
27 Mondes anciens 19 Mondes médiévaux

Paysages des affectations par unités

Seules 3 unités ont obtenu plus de trois recrutements ces six dernières années (de 4 à 6), ce qui traduit la tension quotidienne qui affecte la vie des laboratoires. Deux sont parisiennes et comptent parmi les plus gros laboratoires de la section, mais la troisième est en région (Hisoma à Lyon). Neuf autres, dont 5 sont en régions (et une en rattachement principal à la section 31) ont eu 2 à 3 postes. Enfin 9 unités (dont 3 sont également rattachées à la section 33, 1 à la section 31 et une autre à la section 29) n’ont bénéficié que d’un seul recrutement. Sept de ces unités sont en régions. Dans une configuration où les périmètres universitaires sont particulièrement évolutifs, il n’est pas aisé d’établir un tableau par « site ». On se contentera ici de signaler, au-delà de la configuration parisienne qui est la plus complexe, que 10 recrutements ont été effectués à Lyon, 5 à Aix-en-Provence et 4 à Bordeaux, c’est-à-dire dans les métropoles qui disposent de 2 à 4 UMR liées à la section par un rattachement principal ou secondaire. Dans les autres pôles qui ne sont dotés que d’une seule UMR, Besançon, Caen et Strasbourg émergent avec 1 poste. En revanche, 6 UMR en rattachement principal à la S.32 n’ont pas obtenu de recrutement ces six dernières années : Framespa et ArAr depuis 2002, Proclac depuis 2008, LA3M depuis 2013, CESCM et Anhima depuis 2011.

Coloriages et grands domaines : une équation difficile entre stratégie scientifique, menace démographique sur les disciplines et réalité du vivier des docteurs

Les coloriages qui résultent de la stratégie scientifique de l’institut et des demandes de moyen des unités sont toujours complexes à gérer, notamment lorsqu’ils atteignent ou dépassent plus de 50 % des postes ouverts. Les difficultés tiennent pour l’essentiel à la courte période qui sépare la publication des postes du dépôt des candidatures, parfois aussi à l’inadéquation des demandes avec la réalité du vivier des docteurs. La fusion des corps CR2/CR1 atténue cependant ces difficultés mais ne les lève pas toutes. Sur les 46 postes mis au concours entre 2014 et 2019, 35 % ont été coloriés (16 postes) et 81 % de ces coloriages ont été pourvus à ce jour.

Figure 2 : Affectations des CR s.32 recrutés entre 2014 et 2019 rapportées au nombre de chercheurs de la section 32 dans les unités.
NB : les chercheurs émérites ne sont pas comptabilisés

Les coloriages qui fonctionnent le mieux sont ceux qui s’inscrivent dans le domaine des études aréales, dont celles, anciennes, des aires culturelles internes aux mondes méditerranéens antiques et médiévaux. Certains ont pu faire émerger un vivier qui, en accord avec la section 33, a consolidé les ouvertures souhaitées vers l’Asie centrale et orientale d’une part, et l’Afrique subsaharienne d’autre part (Chine, Inde orientale, Ouzbékistan, Pakistan, Ethiopie, Soudan), sinon vers la péninsule arabique. De fait l’internationalisation des communautés scientifiques de la S.32 reste très forte, avec une présence dans de nombreuses régions du monde qui permet une production et une exploitation de nouvelles données primaires. Ainsi, avec 17 recrutements, l’ancrage plus traditionnel en Méditerranée orientale et au Moyen Orient dans les mondes anciens méditerranéens grecs, puniques, égéens, égyptiens, perses et mésopotamiens reste fort, même s’il est insuffisant au regard des besoins, des départs en retraite et des demandes des unités.

À l’inverse, lorsque les coloriages sont trop transversaux et s’appuient davantage sur des méthodologies (quantitatives, modélisation, mathématisation…), qu’ils ne sont pas confortés par une assise historique exigeante, ils deviennent moins opérants.

Un contre-effet des coloriages à visée internationale est aussi le risque d’affaiblir l’ancrage CNRS au sein de l’archéologie hexagonale, alors que le dispositif existant, bien que fragilisé par la vague des départs en retraite, montre une capacité de réponse et d’adaptation rapide à des enjeux sociétaux liés à des catastrophes, comme le cas de Notre-Dame de Paris est venu le montrer.

III. Champs et tendances de la recherche

Proche et Moyen-Orient anciens : Archéologie & Philologie (cunéiforme, ouest-sémitique, grecque & latine)

Pour l’histoire et l’archéologie du Proche-Orient, les problèmes d’accès au terrain sont cruciaux. Ils n’ont pas empêché la poursuite des travaux, avec parfois des glissements géographiques (vers l’Arabie, l’Asie Centrale parfois ou encore le Caucase et le Kurdistan). Les recrutements sont au total peu nombreux, aussi bien à l’Université qu’au CNRS ou à l’EPHE, mais pas totalement absents.

Du point de vue thématique, les recrutements récents ont néanmoins plutôt concerné les textes, principalement en cunéiforme akkadien pour lesquels le travail reste possible en musée, alors que les archéologues de terrain se raréfient. Toutefois, de nombreux domaines linguistiques (hittite, élamite, araméen [non syriaque], phénicien) sont représentés au mieux par seulement un ou deux chercheurs en activité.

Parmi les domaines en difficulté, on citera l’archéologie et l’histoire du Levant au sens large, malgré un recrutement Chypre/monde phénicien (2018). Certes, les candidats sont peu nombreux, ce qui s’explique aussi par la rareté de l’offre de formation dans les domaines plus linguistiques, mais on notera qu’ils sont assez souvent étrangers. Pour l’archéologie de terrain de ces régions, pourtant enseignée dans plusieurs universités et écoles, la dernière période de recrutement au CNRS remonte à la fin des années 2000. Le seul recrutement CNRS (depuis 2014) concerne une zone périphérique (Caucase) ; les périodes plus récentes sont également peu représentées (voir aussi les rapports sur le monde gréco-romain). En cas de réouverture des terrains (Iraq en cours, Syrie ?), il sera difficile de maintenir les positions historiques de la France dans ces domaines. D’une manière générale, les disciplines rares sont bien souvent en voie de disparition et ne survivent parfois que grâce aux travaux de retraités, émérites ou honoraires.

Égypte : Archéologie & Philologie (pharaonique, grecque & copte)

Comme dans l’ensemble du Proche-Orient, l’Égypte a vu plusieurs cultures se succéder ou cohabiter au cours de son histoire pluri-millénaire, la civilisation pharaonique qui s’est développée entre le 4e millénaire avant notre ère et la fin du paganisme, bien entendu, mais également les cultures hellénisées qui, surtout à compter du ive siècle avant notre ère, ont joué un rôle considérable dans l’ensemble du pays et à Alexandrie, jusqu’à la christianisation et finalement la conquête arabe à la fin de l’Antiquité tardive (642). Les conditions naturelles et le nombre croissant des activités archéologiques produisent donc des données considérables dans ces différents champs disciplinaires : égyptologie (archéologie & philologie), archéologie gréco-romaine, papyrologie et épigraphie grecques, coptologie, christianismes orientaux. Ces dernières années, le domaine de l’édition des textes égyptiens (hiéroglyphiques et hiératiques), traditionnellement bien représenté au CNRS, a connu une chute notable de ses effectifs (depuis 2015, départs à la retraite ou départ du CNRS vers d’autres institutions de 7 chercheurs ; et plusieurs autres départs programmés dans les quatre années qui viennent) que le recrutement récent d’une chercheure (2019) n’a pas compensé, or dans ce domaine la documentation inédite conservée dans les musées ou produite par les activités de terrain est colossale. On notera que les études démotiques, longtemps très faiblement représentées au CNRS comme dans les universités ont bénéficié, depuis 2012, de l’arrivée de nouveaux chercheurs (actuellement 2 CRCN et 1 DR2). Au cours de la période 2012-2016, des recrutements ont eu lieu dans les domaines de l’archéologie (2012, 2015), de la numismatique (2013) et de la musique (2016). Du point de vue de la papyrologie et de l’épigraphie grecques, comme de la coptologie, malgré un recrutement en 2015 (papyrologies grecque et démotique) et un autre en 2017 (papyrologies grecque, copte et arabe), le déficit est inquiétant, d’autant plus que des départs à la retraite vont considérablement fragiliser ces domaines traditionnels du CNRS, par ailleurs quasiment inexistants dans les universités françaises (uniquement Strasbourg, Collège de France et EPHE).

Si les circonstances politiques et sécuritaires interdisent désormais l’accès à certains terrains (Sinaï et désert occidental en particulier), l’activité s’est reportée sur les sites de la Vallée, du Delta et les grands centres traditionnels (Louxor, Saqqarah, Alexandrie) où le CNRS dispose aussi de missions permanentes (Karnak et Alexandrie).

On relèvera que l’étude du Soudan ancien, domaine sinistré au CNRS depuis le départ à la retraite des derniers spécialistes, a bénéficié du recrutement d’un chercheur en 2018.

Pour toutes ces disciplines et domaines, rares ou inexistants dans les universités, le CNRS a toujours été le moteur de leur développement, de leur dynamisme et de leur renouvellement, ce qu’il conviendrait qu’il puisse demeurer dans le futur.

Mondes antiques gréco-romains

Dans ce vaste champ disciplinaire, le dispositif de la section 32 vient en complémentarité des 403 postes dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur. Les recrutements à l’université dans le domaine de l’Antiquité grecque se sont néanmoins considérablement raréfiés ces dernières années. Alors qu’il y a une dizaine d’années, cela concernait principalement la langue et la philologie, la pénurie de postes s’est étendue récemment à l’histoire et à l’archéologie. Dans le domaine de la Grèce antique, les périodes hautes (IIe millénaire et début du Ier millénaire, époque archaïque) sont de moins en moins représentées. Au delà des traditionnelles études de monuments désormais mieux intégrés dans le tissu urbain et des études sur les usages des bâtiments, sur les questions d’adduction d’eau et de gestion des déchets, les dernières années ont vu se développer des recherches qui sont plus en liaison avec des préoccupations contemporaines, qu’il s’agisse de questions associées à la santé (histoire de la médecine), à l’environnement (à travers l’archéologie et les textes), aux transferts interculturels, aux conflits religieux, crises économiques, histoire de la famille…

Une cinquantaine de chercheurs œuvrent sur les mondes romains, principalement sur l’Orient et l’Asie mineure (16), la Gaule (11) et l’Italie (10) mais aussi sur l’Afrique (3) et la Péninsule Ibérique (7). En histoire romaine, le poids des recrutements récents est plus faible qu’auparavant, en vertu du principe de répartition des postes entre les universités et le CNRS. Les recrutements se sont orientés principalement dans le domaine de l’épigraphie et l’histoire de la partie orientale de l’Empire romain. Avec les derniers lauréats, une passerelle entre histoire et droit romain est par ailleurs désormais ouverte. Outre la numismatique, l’épigraphie est l’une des grandes forces de la section, alors que ce domaine est sous-représenté dans l’enseignement supérieur. Il y a un lien à faire avec le poids de l’archéologie, dans la mesure où l’inscription est analysée aujourd’hui non seulement comme un texte écrit, mais aussi pour son support matériel, le contexte de l’affichage étant à présent pris en compte, c’est-à-dire celui du mode de communication. Bien présente au sein de la section, l’archéologie romaine s’illustre par la grande diversité des spécialités représentées (numismatique, archéozoologie, archéométrie, architecture, céramologie, histoire des ressources, des peuplements et des paysages) et ses multiples terrains. On doit constater cependant, derrière ces spécialisations, le faible poids de profils plus généralistes. Ce constat vaut d’ailleurs aussi pour l’archéologie médiévale. On doit également relever la quasi-disparition de l’histoire de l’art antique et, quoique cela relève sans doute d’un autre phénomène, la faible proportion de spécialistes de l’Antiquité tardive, constat qui se mesure également dans l’enseignement supérieur où moins d’un EC sur dix est spécialiste de cette période.

Les prospectives montrent, en revanche, de réels besoins dans le domaine de la papyrologie pour l’étude de l’Empire romain, documentation très riche qui éclaire sur les aspects concrets du gouvernement de l’Empire et de la vie quotidienne dans les communautés provinciales. Le besoin de chercheurs bien formés (et non pas seulement d’IR) dans le domaine des humanités numériques, en lien, principalement, avec l’épigraphie est également sensible de même que celui de chercheurs capables de mobiliser des méthodologies (statistiques, modélisation etc.) permettant de traiter des données archéologiques de plus en plus nombreuses et diverses pour répondre à des problématiques scientifiques est aussi un enjeu d’avenir crucial.

Tableau 3 : Répartition des 403 postes dans les Universités et les établissements d’enseignement supérieur par domaine chrono-géographique (source : Annuaire SOPHAU 2018).

Histoire Romaine Archéologie/Art rom. Histoire grecque Archéologie/Art grec Proche Orient Égypte
147 56 117 37 28 18

Monde byzantin et Orient chrétien : Antiquité tardive et Moyen-Âge, Orient, Afrique

Paradoxalement, les travaux sur la première des ruptures majeures de ce champ, l’avènement du christianisme, sont assez peu représentés en France : en dehors d’une direction d’étude EPHE, rattachée au LEM (UMR 8584), sur les origines du christianisme, aucune équipe ou unité ne travaille sur ce domaine. Les textes fondateurs de cette religion sont actuellement totalement délaissés pour ce qui concerne le bassin oriental de la Méditerranée. Les recherches sur le texte du Nouveau Testament, son histoire et sa diffusion pendant cette période dans le monde hellénophone ont disparu du paysage de recherche français. De même, les travaux sur la transmission et la réception grecques de l’Ancien Testament, qui ont été longtemps un pôle d’excellence français (UMR 8167 et UMR 7297), sont actuellement en déshérence, faute de recrutements en ce domaine. Au contraire, les travaux sur la Bible hébraïque témoignent d’un relatif renouveau (en particulier UMR 7297), avec un personnel réduit cependant. L’émergence d’un pôle de recherche, au niveau national, sur les textes bibliques, leurs transmissions, leurs traductions et leurs réceptions est un vrai desideratum, d’autant que l’approche non confessionnelle de la recherche française a peu d’équivalent en ce domaine à l’international.

Le domaine des textes chrétiens de l’Antiquité et du monde byzantin présente une situation contrastée. La France possède encore en ce domaine l’une des collections d’édition et de traduction de référence en la matière, avec les Sources chrétiennes (UMR 5189) ; cependant, l’équipe CNRS est aujourd’hui extrêmement limitée et ne dispose plus de spécialistes de latin. La réduction des postes de grec et de latin à l’Université a mis en danger ce domaine d’étude et le mettra plus encore en difficulté dans les années à venir du fait de la réduction du nombre d’étudiants formés. Pour la période médiévale byzantine, la masse de texte, dont une part considérable est inédite ou très mal connue, est considérable ; cependant, les forces sont extrêmement réduites, avec une chaire à l’Université Paris-Sorbonne, qui vient d’être pourvue par un DR CNRS, et un CR en fin de carrière. Il n’y aura donc bientôt plus aucun philologue spécialiste de textes byzantins au CNRS.

Les travaux sur les manuscrits et les papyrus sont marqués par un réel dynamisme, portés principalement par l’IRHT (UPR 841) et diverses autres unités (UMR 8167, 5607, en particulier). Les équipes françaises sont étroitement associées aux processus de numérisation et contribuent fortement à structurer le champ de recherche en ligne, grâce aux infrastructures mises en place en particulier par l’IRHT. Ce domaine doit être soutenu sur la longue durée et apportera dans les années à venir des résultats considérables.

Les domaines de la numismatique et de la sigillographie byzantines sont actuellement couverts par un CR (UMR 8167) et par des retraités de la même UMR. Ce champ, qui a donné lieu dans les décennies précédentes à d’importants travaux, y compris dans le domaine de l’archéométrie en lien avec l’UMR 5060 (IRAMAT), paraît relativement délaissé et est à terme menacé.

Les études sur les communautés chrétiennes d’Orient sont représentées avec de grandes disparités en fonction des ères linguistiques et des supports matériels (textes, manuscrits, épigraphie, vestiges archéologiques) : on note un vide complet en ce qui concerne l’étude des textes arméniens et géorgiens, ou encore pour le Ge’ez (Éthiopie). Quant aux textes arabes chrétiens, aucun spécialiste ne s’y consacre à part entière. Les études coptes et syriaques sont davantage représentées ; en revanche, les études sur les domaines gnostiques et manichéens sont en voie de disparition.

Les études portant sur le judaïsme oriental de langue grecque et hébraïque sont actuellement résiduelles pour le Moyen Âge – malgré un recrutement en section 35 en 2019, mais tourné vers l’Occident. Les études archéologiques liées à l’histoire des communautés juives orientales ne sont quant à elles pas représentées en France. Les études portant sur l’histoire des cultures zoroastriennes d’Iran sont actuellement représentées au Collège de France et à l’EPHE, mais ne le sont pas au CNRS.

Dans le domaine historique proprement dit, pour l’Antiquité et pour le monde byzantin, l’essentiel des forces se trouve du côté des universités. Les grandes entreprises en ce domaine, pour la partie orientale du Bassin méditerranéen, paraissent en suspens, comme la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire pour l’aire orientale qui ne repose plus que sur un seul MCF. Le CNRS est aujourd’hui à peu près totalement absent de ce domaine, où il a autrefois joué un rôle non négligeable. Dans le domaine byzantin, on note un net développement des travaux sur la période paléologue (1261-1453), au détriment des périodes antérieures, aujourd’hui moins bien représentées. Ce dynamisme se manifeste entre autres par des études sur les interfaces culturelles et religieuses, en particulier avec le monde latin, mais aussi sur la continuité culturelle et religieuse byzantine au-delà de la césure constituée par la chute de Constantinople. Il correspond en outre à un réel développement des travaux et des réseaux scientifiques en ce domaine au plan international et constitue sûrement un domaine d’avenir. On notera également, dans ce cadre, des prolongements évidents dans le domaine des études slaves, qui ne sont par ailleurs quasiment pas représentées en France pour la période médiévale. Ce double mouvement devrait être encouragé.

Dans le domaine archéologique, la situation politique au Proche Orient a fortement compliqué la poursuite des travaux de terrain et forcé à une réorientation vers des terrains restés indemnes. À court terme, la situation a également poussé à mener à bien des publications en souffrance ou à ouvrir de nouveaux chantiers. Trois se distinguent tout particulièrement pour le dynamisme des chercheurs CNRS : le Kurdistan, l’Arabie Saoudite et l’Éthiopie. En revanche, pour la Grèce et l’Asie mineure de l’Antiquité tardive, un vide réel existe désormais depuis plusieurs départs en retraite.

Parmi les points forts de la recherche française dans ces domaines, il faut évoquer les instituts français de recherche à l’étranger, qui constituent à la fois des bases logistiques essentielles pour les missions archéologiques et archivistiques, autant que des outils de coopération avec les chercheurs locaux et les autres équipes internationales. La majorité des chercheurs de la section 32 qui travaillent sur les aires culturelles de ces centres ont une partie de leur activité qui en dépend et qui alimente en retour l’activité scientifique des instituts.

Un point est alarmant : alors que le CNRS, en développant son identité propre par rapport à l’université, fait le choix de couvrir des domaines rares, un problème de transmission des compétences et des savoirs des chercheurs CNRS vers le public étudiant se dessine. Cela pose la question non seulement de la formation dans des disciplines rares (à commencer par l’enseignement des langues anciennes), mais aussi de la perte de compétence au sein du CNRS si la transmission n’est pas possible. La question de la mise en place de formations pour les étudiants dans des domaines de spécialité rares, y compris pour les études aréales, et de leur articulation avec les cursus universitaires classiques, doit être posée.

En histoire, les approches visant à décloisonner les historiographies, permettant d’envisager des sociétés dans leurs interactions culturelles et religieuses, sont sans doute celles qui produiront les recherches les plus innovantes dans les années à venir.

Monde musulman médiéval

L’histoire de l’Islam connaît depuis une dizaine d’années d’importants renouvellements ; l’accent est désormais mis sur les marges du monde islamique (l’Éthiopie), les minorités (Kurdes, Ibadites, chrétiens et juifs), l’histoire diplomatique (échanges avec le monde extérieur), l’histoire du droit, les pratiques alimentaires, l’histoire des textes, etc. De nombreux recrutements ont eu lieu aussi bien à l’université qu’au CNRS.

L’université compte 5 professeurs, dont deux nouvelles chaires (Bordeaux et Aix-en-Provence) et quatre nouveaux MCF (Montpellier, Nanterre, Paris 7, Paris 8) recrutés ces dernières années.

Un programme lancé par le ministère de l’intérieur sur l’islam et la cité ou encore la question de la déradicalisation, toutes périodes confondues, a abouti par ailleurs au recrutement de 3 MCF sur le Moyen Âge (Aix-Marseille, Paris 1, Strasbourg).

Au CNRS, les recrutements sont en revanche moins nombreux, face à des départs à la retraite beaucoup plus importants, mais 4 CR et un IR ont été recrutés depuis 2014 et l’on compte par ailleurs deux promotions de DR.

L’archéologie islamique reste le parent pauvre de la spécialité  ; très peu de chantiers archéologiques nouveaux sont ouverts ces dernières années et les jeunes chercheurs formés à l’archéologie de terrain sont rares. Le contexte géopolitique est difficile (Iran, Syrie, Yémen, Égypte, Libye et Algérie) à l’exception du Maroc, de l’Éthiopie et de l’Arabie. Les accords de partenariat entre l’Institut national du Patrimoine (Tunis) et la Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH), la mise en place du programme ATHAR et la création de l’Institut d’Archéologie méditerranéenne devraient permettre néanmoins d’ouvrir de nouveaux chantiers archéologiques en Tunisie et en Algérie et de donner un nouvel élan aux études anciennes et médiévales en Afrique du Nord.

Monde médiéval occidental

Pour le Moyen Âge occidental, depuis 2014 ont été recrutés quatre historiens (une spécialiste de l’histoire religieuse de l’Occident, deux historiens de l’économie et des échanges marchands, une spécialiste de la rhétorique latine), deux philologues latinistes ainsi que quatre archéologues (un numismate, une archéomètre spécialiste du verre, un spécialiste des métaux et un archéobotaniste). Le renouvellement des études médiévales par une plus grande proximité avec les sources écrites se poursuit, tandis que le regain d’intérêt pour l’histoire économique et sociale constaté dans le rapport de 2014 se confirme. S’il est heureux que certains secteurs soient ainsi sauvegardés ou renforcés, d’autres – pourtant très importants en raison de l’ampleur de la documentation conservée et de leurs nombreuses implications scientifiques – demeurent très largement en marge des recrutements, tant au CNRS qu’à l’Université.

Ainsi, la philologie vernaculaire, mais plus largement l’histoire des textes en vernaculaire (slave, germanique, roman), est largement absente de la recherche historique, comme de la musicologie et de l’histoire de l’art.

Malgré une forte présence de l’histoire religieuse au CNRS et à l’université, les études sur la liturgie chrétienne, tant du point de vue historique, philologique, musicologique, iconographique qu’archéologique demeurent en retrait. Enfin, l’histoire des sciences médiévales dans ses différentes composantes (histoire sociale et intellectuelle des sciences) est encore absente des recrutements malgré un renouveau des recherches dans ce domaine exigeant.

Pour l’histoire sociale et économique, au delà d’une histoire traditionnelle, à l’articulation entre économie et société, on note trois autres combinaisons : (1) l’une entre technique et économie, qui constitue même un des aspects majeurs de l’histoire des techniques du Moyen Âge occidental (tant en histoire qu’en archéologie, autour du thème de l’expertise par exemple ou de l’industrie), confirmé par un recrutement récent ; (2) une seconde entre économie et politique (avec le phénomène des grandes enquêtes ou la construction d’un cadre législatif et d’outils juridiques et comptables propres au développement de l’économie médiévale), confirmé par un recrutement récent ; (3) enfin un courant dynamique étudie les liens entre économie, pensée de l’économie et de la société et théologie autour des écrits franciscains, en particulier. Cette mutation de l’histoire économique s’est particulièrement régénérée à partir des rapprochements interdisciplinaires entre historiens et archéologues, qui ont suscité l’émergence de champs d’études qu’il convient de ne pas abandonner.

Enfin, de longues campagnes et enquêtes dans les très nombreux fonds d’archives très largement inexplorés du second Moyen Âge, ainsi que des éditions de sources, demeurent essentielles. Dans un contexte de nette réduction du nombre des postes à l’Université, on ne peut que souligner l’importance qu’il y a à recruter au CNRS des historiens du Moyen Âge occidental.

Les constats faits en 2014 sont donc toujours d’actualité. On rappellera également que l’archéologie médiévale peine toujours à s’installer pleinement à l’université et donc à se développer en dehors du CNRS, alors qu’il est assez paradoxal de souligner que la discipline a pu construire des questionnements autonomes, qu’elle est devenue largement diachronique entre Antiquité et Temps Modernes, qu’elle possède par ailleurs une large expertise en matière d’interdisciplinarité, de traitement de données hétérogènes, de comparaison de sources et qu’elle a intégré depuis longtemps les disciplines naturalistes et l’archéométrie. Ce n’est sans doute pas un hasard si les derniers recrutements réalisés en section 32 dans les domaines de l’exploitation des ressources (métaux et patrimoine agronomique), des matériaux (verre), et des usages monétaires sont, parmi les profils archéologiques, ceux qui sont les plus transversaux et les plus diachroniques. L’effort porté par le CNRS est néanmoins largement insuffisant et il manque paradoxalement, comme en archéologie antique, des généralistes capables de répondre aux nouveaux enjeux de synthèse.

Archéométrie

L’archéométrie, synergie entre Sciences humaines et Sciences dites « dures », naturalistes, physico-chimistes ou biologistes, témoigne d’une dynamique en constante évolution. Elle est structurée autour d’UMR interdisciplinaires du CNRS, de laboratoires du Ministère de la Culture mais aussi autour de réseaux (RTP archéométrie, réseau CAI-RN de la MITI, GMPCA), d’écoles thématiques, de formations et de congrès. La section 32 compte actuellement une vingtaine de chercheurs relevant de ces approches et un nombre équivalent d’enseignants chercheurs et de personnels d’accompagnement de la recherche. Une vingtaine d’UMR accueille actuellement des personnels relevant de la section 32 qui ont recours aux méthodologies de l’archéométrie. Ces personnels présentent deux profils :

– historiens et archéologues utilisant les méthodes et les concepts de l’archéométrie ;

– chercheurs et ingénieurs issus des autres disciplines scientifiques qui développent et appliquent des protocoles d’étude en lien direct avec les problématiques des sciences humaines.

Cette mixité, génératrice d’une interdisciplinarité réelle, a produit des résultats majeurs sur le plan de la recherche préhistorique ou historique, archéologique et anthropologique et constitue un modèle pour la communauté internationale. Son intérêt et son bienfondé ne sont plus à démontrer, mais au contraire à renforcer.

On observe depuis ces dernières années un déséquilibre de recrutement entre ces deux populations au détriment de la seconde. Un des enjeux cruciaux des prochaines années sera donc de rétablir l’équilibre entre ces deux types, afin de s’adapter et de suivre les nouveaux développements technologiques qui émergent, et d’explorer les nouvelles avancées issues de disciplines ou de méthodologies jusque-là ignorées ou sous exploitées : à titre d’exemple, les recherches menées sur les traitements statistiques, les applications de l’intelligence artificielle ou la génomique.

L’exploration des ces nouveaux champs méthodologiques dans le cadre de doctorats apparaît tout aussi fondamental et nécessite la mise en place d’une politique volontaire de financement de thèses de la part du CNRS. Seule cette politique permettra de développer et d’enrichir une recherche archéométrique directement intégrée dans les problématiques archéologiques et historiques des sciences humaines. L’archéométrie ne peut pas et ne doit pas en effet se résumer à une relation de type « utilisateurs/prestataires de services » et n’a pas pour seule vocation les approches ayant trait à la conservation et la restauration des objets du patrimoine.

On rappellera aussi le rôle fondamental des personnels d’accompagnement de la recherche indispensables à la fois pour la maintenance des plateformes instrumentales mises en place au sein des UMR et pour le développement et la mise en œuvre de protocoles dédiés aux problématiques archéologiques et historiques.

Ces développements méthodologiques, qui nécessitent de mener des travaux exploratoires et de constituer des référentiels de très grande taille, impliquent de travailler sur le long terme et ne sont pas toujours compatibles avec une politique de projets. Ces recherches nécessitent donc la mise en place de financements récurrents et d’un plan de recrutement sur le long terme.

Archéologie : renforcer le rôle indispensable du CNRS

L’archéologie au sens large et les sciences de l’archéologie sont par essence constitutives de pratiques et d’expérimentation interdisciplinaires et internationales. La discipline regroupe de fait près de la moitié des chercheurs de la section qui, outre les domaines traditionnels ou plus spécialisés en bioarchéologie, anthropologie et archéométrie, apporte aussi des expertises exigeantes sur les premières écritures, les langues anciennes et rares, par l’intermédiaire de l’épigraphie et de la philologie, ou sur l’histoire de la monnaie à de multiples échelles et dans diverses aires culturelles.

En France, ces chercheurs s’intègrent aujourd’hui dans une communauté scientifique hétérogène, estimée à 4 000 agents (source HCERES 2019, p. 106) – ce qui est une force réelle pour l’avenir d’une discipline désormais ancrée dans la cité – et dans des réseaux internationaux structurés à l’échelle mondiale par les Écoles Françaises à l’Étranger, des UMIFRE et des USR. C’est sur ces deux terrains complémentaires qu’interviennent les chercheurs et EC de la section 32, dans un domaine où la recherche française dispose par ailleurs d’un haut niveau de savoir-faire et possède encore un réel leadership, il n’est peut-être pas inutile de le rappeler.

Dans cette conjoncture générale sur le plan national, parfois négligé, les deux dernières décennies ont été marquées par le développement de l’archéologie dite préventive et l’intégration de ses personnels dans les UMR, selon des modalités très libres à l’échelle de chaque unité, ce qui en favorise la richesse et la diversité, gage de créativité et de l’élaboration de nouvelles synergies scientifiques. Parallèlement, les fouilles programmées nationales – qui sont aussi des chantiers-écoles où sont formés les doctorants, avant de pouvoir évoluer sur des terrains plus lointains – sont devenues plus rares, de moindre ampleur et peut-être plus difficiles à exécuter, sinon littéralement portées à bout de bras par les chercheurs qui parviennent encore à maintenir ce haut niveau de responsabilité sur le terrain avec une passion vertueuse. Il est nécessaire de s’interroger sur les adaptations qui devront faire évoluer cet écosystème, car il est à la fois impératif de pouvoir former les futurs chefs de mission et d’endiguer des hyperspécialisations par sous-secteur disciplinaire alors que la discipline, contrainte dans l’Hexagone par la primauté du cadre économique, manque clairement de chercheurs généralistes, capables de répondre aux enjeux de synthèses attendues et de trouver des modes opératoires désormais adaptés à la production massive de données.

Dans une synergie complexe mise en œuvre au sein des UMR, entre échelle régionale, nationale et internationale, entre nature et culture, entre une protohistoire agrammate ou relevant pleinement depuis le Néolithique d’une période « historique » ou, à l’autre extrémité de la chronologie, d’un Moyen Âge archéologique que l’on ne sait pas toujours borner avant la révolution industrielle, la construction de passerelles entre instituts et notamment entre les sections 31, 32 et 33 doit se poursuivre. Les équipes rassemblées dans les unités de la 32 peuvent contribuer à donner une réelle épaisseur à ces interfaces et à l’écosystème général en :

– poursuivant de nouvelles approches théoriques et appliquées sur les questions de spatialité confrontées au temps long, notamment par le recours à de nouveaux outils et technologies (Imagerie, Lidar, modélisation, mathématisation etc.).

– produisant des synthèses associées à une contextualisation historique exigeante et en se confrontant aux nouveaux défis méthodologiques qu’engendre une production exponentielle des données, nécessitant une nouvelle ergonomie de recherche.

– défrichant des thématiques et surtout des terrains qui ne soient pas ceux, trop exclusifs, des espaces du développement économique contemporain (abords des villes et plaines) où sont réalisés la plupart des grands travaux d’aménagement du territoire

– continuant à offrir une réelle continuité de recherche et d’expertises fondamentales dans les études longues, vouées à l’analyse de monuments complexes, (châteaux, cathédrales, abbayes notamment souvent classés Monuments Historiques), mais aussi à « l’habiter » et à l’histoire de la construction, de l’architecture et des matériaux.

– explorant et en développant de grandes thématiques transversales, sur la question des « données massives », sur l’histoire de la monétisation des échanges avant les temps modernes, sur la dynamique d’urbanisation et la constitution des réseaux urbains et villageois dans toute leur épaisseur chronologique, soit depuis les phénomènes d’émergence jusqu’à la capillarité des systèmes de villes de la fin du Moyen Age, sur la production animale encore ou sur l’interface Santé/SHS, par l’intermédiaire d’une contextualisation historique exigeante des grandes épidémies, des épizooties et surtout des échantillons qui ouvrent aujourd’hui les travaux pionniers en paléogénétique mais aussi dans le domaine des données isotopiques.

Une piste possible d’adaptation à cette nouvelle conjoncture est celle d’une plus grande fluidité entre les UMR et les sites par la constitution de réseaux et d’appels exploratoires sinon par la création d’une USR ou de plusieurs USR multi-sites, spécifiquement dédiées à l’archéologie, qui permettraient de coordonner moyens, ressources humaines, partenariats et coopérations scientifiques. L’adaptation à des situations d’urgence et de catastrophe, comme dans le cas de Notre Dame de Paris, montre en tout cas que le CNRS dispose de cette capacité réactive, que ses chercheurs savent se mobiliser et construire ces nouvelles synergies.

Sur le plan international, les récentes ouvertures pionnières réalisées en Afrique du Nord et sub-saharienne, en Asie centrale et orientale, bien qu’insuffisantes, complètent désormais le dispositif traditionnel affaibli par les départs à la retraite en Méditerranée et au Proche-Orient, tandis que les bouleversements politiques que connaissent certaines régions du monde ont entraîné des redéploiements et des adaptations, au moment même où le recrutement d’archéologues de terrain se raréfie. De fait, ces situations tendues ont fait émerger de nouveaux enjeux, scientifiques, techniques, mais aussi éthiques face aux destructions de sites et de monuments emblématiques, face aux archives des missions et fouilles, face à la conservation, à l’accès et aux circulations (pillages) des objets-sources.

Plus généralement, la section partage la vision d’une archéologie française plus « anticipatrice » mise en avant par le récent rapport du HCERES consacré à la discipline, capable donc de s’ouvrir aux défis du changement climatique, aux situations de catastrophes, mais aussi et surtout qui puisse continuer de s’inscrire dans une démarche fondamentalement exploratoire, sur des sites, des lieux et des espaces de conservations remarquables afin de susciter de nouveaux développements. Entre nature et culture, l’un des grands enjeux interdisciplinaires des approches que permet ou suscite l’archéologie historique demeure peut-être aussi cette notion très large de crise et les échelles conceptuelles qui permettent de l’envisager, dans la durée longue des changements et de la résilience des sociétés complexes anciennes et médiévales, aux aléas.

Humanités numériques, IA, thématiques et méthodologies émergentes

Le paysage de la recherche dans le domaine des Humanités numériques s’est davantage structuré ces dernières années grâce au développement des TGIR, Huma-Num et PROGEDO pour les SHS, infrastructures auxquelles les acteurs de la recherche sont de plus en plus sensibilisés notamment pour gérer leurs données numériques, natives ou non. Il en a résulté en particulier une dizaine de consortiums labellisés par Huma-Num et réunissant plusieurs unités et équipes de recherche autour de thématiques et d’objets communs (par exemple pour l’archéologie le consortium MASA : Mémoire des Archéologues et des Sites Archéologiques).

Dans l’un des grands domaines de recherche de la section, celui des manuscrits et des textes, l’analyse automatisée des écritures anciennes et la reconnaissance automatisée de texte dans les écritures manuscrites, avec recours à l’intelligence artificielle sont des pratiques en pleine évolution. Outre le consortium TEI et Dariah, plusieurs expérimentations comme eScriptorium et plusieurs projets ANR sont déjà lancés. Cependant, il ne s’agit encore que de recherches exploratoires, qui sont loin de concerner toutes les langues et écritures. On note par ailleurs un large développement des outils électroniques, qu’il s’agisse de bases de données librement accessibles, de textes balisés en xml/TEI, mais aussi de structuration du champ par la mise en place d’identifiants stables et de référentiels pour la discipline. En revanche, la France est en retard dans le domaine de la photographie des manuscrits, y compris la photographie multispectrale, qui permet d’accéder en particulier à des écritures effacées. On relève aussi une faible articulation avec l’archéométrie et une faiblesse des études sur les matériaux du livre et de l’écriture.

Le passage à l’édition électronique critique des textes et documents ne peut se faire cependant de manière massive, faute d’infrastructure nationale et de solution d’utilisation aisée pour les chercheurs. La mise en place d’une telle plateforme d’édition électronique est une nécessité pressante pour l’ensemble de la communauté scientifique, et seul le CNRS peut la soutenir en France, en fournissant l’infrastructure et la pérennité nécessaires.

Dans le domaine des sciences de l’archéologie, de nouvelles avancées et méthodologies sont également à attendre dans l’automatisation du traitement des données mais aussi et surtout dans la collecte de données sur le terrain, dès la fouille en considérant les chantiers comme des laboratoires à ciel ouvert. L’imagerie et les analyses non destructives, les reconstructions virtuelles tridimentionnelles, un usage plus systématique et mieux programmé de la technologie LIDAR dans les zones forestières sont des voies de développement. Des unités d’intervention disposant de laboratoires mobiles peuvent apporter des solutions pour intervenir dans des zones du monde soumises au grand banditisme, là où il n’est plus possible d’envisager des missions traditionnelles de plusieurs mois d’intervention. Au delà des numérisations d’objets et de monuments, les applications de l’intelligence artificielle montrent déjà des évolutions dans les calculs de profils et de volumes qui permettent de modéliser par exemple des techniques de creusement de galeries de mine, tandis qu’il sera sans doute possible d’élaborer à plus grande échelle des modèles d’évolution et de transformation de systèmes complexes. À cet égard les données accumulées et qui chaque jour croissent sur le sol hexagonal font de la France non pas un pays-musée, mais bien un pays-laboratoire exceptionnel à échelle réelle, dans lequel le renforcement du soutien du CNRS demeure indispensable aux côtés des formations qu’offrent les universités et de la richesse des synergies opérationnelles qu’apporte la diversité des acteurs de l’archéologie de terrain désormais réunis dans les UMR.

Dans une perspective plus propre à l’évolution de la section 32, il faudra sans doute veiller dans cet autre domaine émergeant qu’est la génomique (études ADN, des populations humaines, animales mais aussi végétales) à ce que les unités intègrent aussi des chercheurs issus de ces disciplines scientifiques (et pas seulement des IR).