Rapport de conjoncture 2019

CID 53 Méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques

Composition de la Commission

Yannick Barthe (président de Commission), David Touboul (secrétaire scientifique), Constantina Bacalexi, Florent Champy, Renaud Crespin, Mélanie Dulong de Rosnay, Nathalie Etchart-Vincent, Valérie Falck, Anne Fernandez, Susanne Furniss-Yacoubi, Nathalie Gilles, Marie-Christine Gonthier, Christophe Innocent, Maguy Jaber, Catherine Jami, Olivier Leclerc, Pierre Marquis, Marta Segarra Montaner, Jean-Christophe Vergnaud .

Résumé

Les questions qui accompagnent le développement des sciences et des techniques appellent des recherches capables d’en comprendre les ressorts et d’en analyser les enjeux. La commission interdisciplinaire « Méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques » a été créée dans le but de favoriser les travaux qui, pour mieux appréhender les problèmes soulevés par les sciences en société, s’engagent dans une démarche interdisciplinaire. Après avoir précisé le périmètre de cette commission, le présent rapport signale les principales thématiques pour lesquelles un dynamisme de la recherche est d’ores et déjà manifeste et d’autres qui devraient susciter un intérêt grandissant dans les années à venir. Le rapport se clôt par une analyse des principaux enjeux méthodologiques et institutionnels auxquels les recherches interdisciplinaires soutenues par la CID se trouvent confrontées.

Introduction

Créée en 2012 sous l’intitulé « Méthodes, pratiques, et communications des sciences et des techniques » (DEC122262DAJ, 31 août 2012, BO CNRS, no 8, août 2012), la CID 53 est pilotée par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales (InSHS). Elle est composée de membres venant à la fois des sciences de la nature et des sciences formelles (biologie, chimie, informatique, mathématiques, etc.) et de membres venant des sciences humaines et sociales (sociologie, histoire, anthropologie, économie, etc.). Sa vocation est de promouvoir des projets innovants centrés sur l’étude des sciences et des techniques. Comme l’indiquent ses nombreux mots-clés (http://www.cnrs.fr/comitenational/cid/mots_cles_CID_16-21.pdf), la CID 53 évalue des travaux de recherche qui peuvent relever de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales (sociologie, anthropologie, histoire, philosophie, géographie, économie, droit, études littéraires et artistiques, etc.) mais qui se caractérisent par une ouverture disciplinaire en direction des sciences formelles et des sciences de la nature. Elle est également sensible à des projets de recherche relevant d’autres disciplines et dont la particularité est de proposer des méthodes originales qui viennent renouveler les approches en sciences humaines et sociales, à la condition cependant que ces approches des SHS soient interrogées de façon réflexive dans le travail.

La CID 53 valorise par ailleurs les recherches susceptibles d’éclairer les enjeux sociaux, les problèmes éthiques ainsi que les controverses publiques que suscite le développement des sciences et des techniques. De même, elle accueille les travaux portant sur les dispositifs, les technologies et les procédures dont l’ambition est de favoriser « l’entrée des sciences et des techniques en société » (méthodes d’information et de communication, dispositifs de consultation et débat public, sciences participatives, etc.).

Le mandat 2016-2021 est le second mandat assuré par cette commission interdisciplinaire. Le présent rapport de conjoncture s’appuie sur l’expérience acquise au cours des trois dernières années de fonctionnement de la CID 53. Il entend dans un premier temps préciser le périmètre d’action de cette commission, en revenant sur la conception de l’interdisciplinarité qu’elle cherche à promouvoir, et sur les profils des chercheur.e.s qu’elle a recruté.e.s ou qui, recruté.e.s par une autre section, ont demandé à y être rattaché.e.s. Il s’agit dans un deuxième temps de tracer les grandes lignes des perspectives scientifiques qui s’ouvrent à elle. Enfin, dans une dernière section, seront identifiés quelques difficultés et enjeux auxquels les recherches qui s’inscrivent dans son périmètre se trouvent confrontées.

I. Le périmètre d’action de la CID 53

A. Une conception forte de l’interdisciplinarité

La CID 53 est une commission interdisciplinaire : elle a vocation à proposer le recrutement de chercheurs et de chercheuses dont le parcours et/ou le projet de recherche présente un caractère interdisciplinaire attesté. Cependant, il existe de multiples façons de concevoir l’interdisciplinarité, de même que les indicateurs permettant de juger du caractère interdisciplinaire d’un projet de recherche peuvent varier selon les disciplines d’origine des candidats. Aussi la question du périmètre de la CID 53 est-elle l’objet d’un débat constant en son sein. Plutôt que de conduire à une définition rigide de l’interdisciplinarité, ce débat a permis de préciser, de manière itérative, ce qui peut être attendu des recherches pour qu’elles s’inscrivent pleinement dans le périmètre de cette CID. À cet égard, l’expérience acquise au cours des trois dernières années de fonctionnement de cette commission permet de mettre en avant trois éléments.

(i) En premier lieu, bien qu’elle soit pilotée par l’InSHS, la CID 53 est une commission commune à tous les instituts du CNRS. De ce fait, elle est ouverte à toutes les disciplines, que celles-ci relèvent des sciences de la nature, des sciences formelles, ou des sciences humaines et sociales. Le type d’interdisciplinarité que la CID 53 cherche à promouvoir doit impliquer et favoriser un dialogue entre des disciplines relevant de l’InSHS et des disciplines intégrées dans d’autres instituts. Ainsi, une recherche mobilisant les apports de plusieurs disciplines des SHS (la sociologie et l’histoire par exemple), bien qu’elle présente un caractère interdisciplinaire, n’entre pas dans le périmètre de cette CID. À plus forte raison, une recherche qui demeure ancrée dans un seul champ disciplinaire des SHS (histoire, philosophie, sociologie, droit, etc.), ne correspond pas non plus aux attentes de la CID 53, et cela même si l’objet de recherche considéré porte sur les « méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques ».

(ii) S’inscrire dans une démarche interdisciplinaire, au sens où l’entend la CID 53, suppose donc de montrer une capacité à se saisir d’objets habituellement appréhendés par d’autres sciences, pour enrichir leur analyse et intéresser les communautés concernées. Pour les candidat.e.s relevant d’une discipline des SHS, cela implique de sortir d’une position périphérique par rapport aux productions scientifiques et aux dispositifs techniques et de ne pas se contenter d’étudier, comme c’est encore souvent le cas, la manière dont ils sont diffusés, perçus ou reçus par la société. Il s’agit plutôt d’entrer de plain-pied dans les énoncés et pratiques scientifiques ainsi que dans les dispositifs techniques eux-mêmes afin d’éclairer les enjeux sociaux qu’ils soulèvent et expliciter les hypothèses qu’ils enferment. Inversement, pour les candidat.e.s issu.e.s de disciplines qui ne relèvent pas des SHS, s’inscrire dans une démarche interdisciplinaire suppose d’être capable de renouveler la compréhension des objets et des méthodes traditionnellement considérés par ces disciplines grâce à des outils, des techniques, des concepts qui sont issus d’autres champs disciplinaires que les sciences humaines et sociales.

(iii) Ainsi, l’interdisciplinarité telle qu’elle est valorisée par la CID 53 ne correspond pas à la simple combinaison d’apports provenant de différentes disciplines dans le but d’offrir une analyse multidimensionnelle de certains objets. Elle renvoie plutôt à une démarche de confrontation, qui consiste à problématiser des pratiques et savoirs disciplinaires grâce à des méthodes ou des concepts issus d’autres disciplines. C’est cette démarche qui est susceptible d’augmenter le niveau de réflexivité des acteurs de la recherche, de formuler de nouveaux problèmes à résoudre, voire de conduire à réorienter des pratiques de recherche. Pour ce faire, il n’est pas indispensable de bénéficier d’une double formation disciplinaire. En revanche, quelle que soit la discipline d’origine considérée, la capacité à intéresser différentes communautés scientifiques et à nourrir un questionnement au sein de ces communautés apparaît comme un critère majeur pour juger du potentiel interdisciplinaire d’un travail de recherche. Cette capacité à intéresser différentes communautés scientifiques peut être attestée par une grande variété de signes, sans que la CID n’en privilégie un en particulier. Ainsi, il peut s’agir d’interventions dans des manifestations scientifiques, de publications dans des revues intéressant une autre discipline, de participation à des projets de recherche communs, de travail au sein d’équipes pluridisciplinaires, etc.

Cette conception de l’interdisciplinarité a la conséquence pratique suivante, observée tout au long du travail d’évaluation de la CID : une bonne candidature doit permettre la discussion scientifique tant avec des membres de la CID travaillant dans des disciplines rattachées à l’InSHS qu’avec des membres venant de disciplines d’autres instituts. L’organisation de la recherche fait en effet que les chercheur.e.s sont avant tout formé.e.s dans une discipline, même si certain.e.s ont des formations académiques doubles, parfois à un niveau élevé (doctorat). Une première condition de leur recrutement est alors que leur travail soit convaincant dans cette discipline, et l’audition vise en outre à vérifier que, sans devenir pour autant spécialiste d’une autre discipline, les candidat.e.s ont développé les connaissances permettant le dialogue.

B. Éléments chiffrés pour la période 2014-2019

La CID 53 est une commission d’évaluation secondaire de 64 unités de recherche, incluant 48 UMR, 2 UMS, 1 UPR, 1 USR et 1 UPS en particulier. Elle a en charge l’évaluation scientifique d’écoles thématiques, de GDR et donne des avis sur les demandes de délégation au CNRS d’enseignant.e.s-chercheur.e.s.

77 chercheur.e.s sont rattaché.e.s à la CID 53, incluant 44 CRCN, 32 DR2 et une personne employée en CDI avec un ratio homme/femme de 1,13 (41/36). Ces chercheurs et ces chercheuses se répartissent dans des unités principalement localisées à Paris (44), Toulouse (5), Lyon (5) et Montpellier (4). Dix unités hébergent un.e unique chercheur.e rattaché.e à la CID 53. La CID 53 évalue donc périodiquement l’activité de ces chercheur.e.s. Cependant, ce rattachement à la CID est dit « secondaire », les chercheur.e.s du CNRS ayant l’obligation d’être évalué.e.s aussi par une section disciplinaire (sections 1 à 41). La majorité de ces chercheur.e.s (52/77) ont choisi une section de l’INSHS comme rattachement principal selon la répartition suivante : section 32 (1), section 33 (8), section 34 (4), section 35 (14), section 36 (10), section 37 (3), section 38 (6) et section 40 (6). Les autres chercheur.e.s rattaché.e.s secondairement à la CID 53 ont leur attache principale à l’INS2I (7), l’INSB (7), l’INSMI (3), l’INC (1) et l’INEE (1). Six personnes sont en cours de rattachement à une section principale.

Un volet très important de l’activité de la CID est cependant le recrutement de chercheur.e.s dans le cadre des concours. Sur la période 2014-2018, la CID 53 a recruté 25 chargé.e.s de recherche, soit en moyenne 5 par an, qui ont été rattaché.e.s à des sections principales de l’InSHS (22/25), à la section 6 (INS2I, 2/25) et à la section 26 (INSB, 1/25). Les sections principales de rattachement sont très majoritairement les sections 35 (7/25) et 36 (5/25) suivies par la section 37 (3/25). Les candidat.e.s classé.e.s avaient une moyenne d’âge de 35.6 ans, allant de 29 à 46 ans. L’expérience après la thèse des candidat.e.s classé.e.s était comprise entre 2 et 13 années avec une moyenne de 5.5 ans. Le ratio homme/femme est de 0.89 sur la période concernée indiquant une balance de genre positive pour les femmes. En parallèle, 19 postes DR2 ont été ouverts à concours et pourvus sur la même période 2014-2018. Les candidat.e.s classé.e.s avaient une moyenne d’âge de 47,1 ans, allant de 35 à 58 ans. Le ratio homme/femme est de 1.44 sur la période concernée indiquant une balance de genre négative pour les femmes.

Parmi les postes ouverts aux concours des chargé.e.s de recherche entre 2014 et 2019, plus de la moitié ont fait l’objet de coloriages proposés par l’INSHS. Les thèmes privilégiés au cours de la période ont été les suivants : sciences participatives, genre, économie comportementale, aide à la décision / intelligence artificielle, changement global / transition énergétique, santé environnementale. Seulement deux thématiques prioritaires ont été proposées pour le concours DR2 au cours de la même période : « Méthodes et technologies de la recherche collaborative : co-production et partage de connaissances, Do-it-yourself, innovation par les usages » et « Études de genre : approches interdisciplinaires », laissant libre champ aux candidatures issues de toutes les sections de l’INSHS mais aussi d’autres Instituts du CNRS minoritairement.

Les thèmes retenus pour le coloriage de certains postes n’ont pas toujours permis de recruter des candidats entrant dans le profil souhaité, faute de vivier de chercheur.e.s suffisant (voir infra, 4e partie). Si les thématiques proposées par les Instituts du CNRS pour le coloriage des postes entrent parfaitement dans le périmètre des domaines de recherche couverts par la CID 53, la commission rappelle la nécessité de disposer d’un volume important de postes non-coloriés afin de conserver la faculté de proposer des recrutements sur des thématiques interdisciplinaires innovantes qui n’auraient pas été anticipées.

II. Thématiques de recherche

Les dossiers présentés devant la CID 53 se caractérisent non seulement par une grande variété des disciplines d’origine, mais aussi par une très forte diversité des sujets et des thématiques. Parmi ces nombreuses thématiques, certains domaines de recherche, qui se révèlent particulièrement propices à des approches interdisciplinaires ou renvoient à la problématique des sciences en société, peuvent être signalés ici, sans prétendre cependant à l’exhaustivité : non seulement les recherches de certain.e.s candidat.e.s au concours ou de chercheur.e.s rattaché.e.s à la CID renvoient à d’autres thématiques, peut-être moins fréquentes mais cependant intéressantes, mais la liste ne pourrait en aucune façon être close, dès lors que la recherche s’est toujours nourrie, et continuera de se nourrir, d’avancées permises par des innovations imprévisibles. La vocation de la CID est de privilégier des approches interdisciplinaires inattendues : toute description des thématiques de recherche est donc illustrative voire incitative, elle ne peut en aucun cas être limitative. Les huit domaines sur lesquels sera porté l’accent sont : l’internet en société ; les « fake news », rumeurs et violences numériques ; l’intelligence artificielle ; la santé ; le genre et la sexualité ; l’alimentation ; la question des frontières de l’humain ; et l’environnement.

A. L’internet en société

Le précédent rapport de conjoncture l’avait déjà souligné : la révolution numérique a des conséquences considérables, et beaucoup de travaux de recherche évalués par la CID traitent de ces conséquences.

L’émergence des technologies numériques ainsi que la production et la disponibilité croissante de grandes masses de données et de techniques de fouille et d’analyse numériques continuent de transformer le travail des chercheur.e.s en humanités et en sciences sociales. Un premier type d’innovation de la recherche peut ainsi consister à reprendre les questions classiques des disciplines des sciences humaines et sociales, et à essayer d’y répondre avec de nouvelles données ou outils méthodologiques. En effet, malgré les risques liés à l’utilisation de données nouvelles dont les chercheur.e.s ne maîtrisent pas toujours l’entière chaîne de production et d’analyse, les méthodes numériques offrent une possibilité originale et féconde de renouveler l’outillage méthodologique des SHS, et notamment de dépasser la distinction classique entre méthodes qualitatives et méthodes quantitatives.

Un second type d’innovation consiste à affronter de nouvelles problématiques qui émergent du fait de l’arrivée de nouvelles technologies numériques faisant sentir leurs effets dans tous les domaines de la vie sociale : le travail, la presse, la santé, la cognition, la justice, l’État, la création artistique, la sécurité, la géopolitique, les élections, les villes ou l’espace public… La liste est longue des domaines transformés par le numérique et par l’ensemble des technologies regroupées sous l’appellation d’intelligence artificielle, y compris l’analyse de données massives, l’apprentissage ou la conduite automatique, les algorithmes, les plateformes, les modèles de décision, de prédiction ou de personnalisation, les outils de reconnaissance et de traduction, les nano et biotechnologies, les robots.

Les contributions de la recherche sur les rapports entre internet et société peuvent inclure une réflexion sur l’influence réciproque entre les technologies numériques, leurs usages et de multiples domaines de la vie en société, ainsi que sur les méthodes, infrastructures et politiques dont le développement contribue au processus de numérisation du monde. Des recherches sont ainsi attendues sur les risques et les opportunités que les technologies du numérique et de l’intelligence artificielle font courir en termes de nouvelles formes de contrôle, de domination, de discrimination et de colonisation, de surveillance, de pollution, de violence du discours, ou encore de manipulation de l’opinion (voir infra, sur les « fake news »). De même, des recherches devront porter sur des technologies alternatives susceptibles de minimiser ces risques et, plus généralement, sur le fonctionnement des plateformes ou des algorithmes et sur leurs conséquences sociales et environnementales. Une préoccupation transversale de recherche en SHS concerne les technologies et dispositifs pouvant favoriser le maintien et l’émergence de conditions favorables à la fois aux libertés publiques, à la soutenabilité écologique et économique et à la justice sociale. Rappelons ici l’exigence forte du dialogue interdisciplinaire : le développement et la maîtrise de techniques en soutien de l’activité de recherche en SHS, assimilable à de l’ingénierie, ne fait pas partie du périmètre de la CID.

Les thématiques pouvant faire l’objet de recherches sont innombrables : une réflexion sur ce que les usages de diverses techniques, appréhendées dans leurs arcanes, font par exemple aux rapports de pouvoir, aux contenus de travail, à la sociabilité ou encore aux cultures, est ainsi archétypique de ce que ce type de recherches peut produire. Mais l’intérêt fort porté dans la communauté scientifique et dans les politiques de la recherche aux usages des réseaux sociaux et aux « fake news », d’une part, et à l’intelligence artificielle, d’autre part, nous conduisent à développer plus particulièrement ces deux thèmes dans les deux sections suivantes.

B. Information, « fake news », diffusion d’information sur les réseaux

Les phénomènes couramment désignés par les termes de « fake news », de « complotisme », et de « post-vérité », s’ils s’imposent dans les sociétés contemporaines, restent pour l’instant insuffisamment étudiés d’un point de vue proprement interdisciplinaire. Que les travaux de recherche français ou ceux conduits dans d’autres pays soient pris en compte, ce sont en effet surtout, sur ces objets, les approches inspirées par la psychologie et les sciences cognitives (portant notamment sur les mécanismes de l’adhésion aux croyances fausses) qui prédominent. Sans être absents, d’autres travaux occupent une place moindre et ne communiquent guère les uns avec les autres : en sociologie (recherches consacrées à ce qu’Internet et les réseaux sociaux changent dans la façon dont l’information est produite et dont elle est consommée au sein de différents groupes sociaux) ; en économie (travaux portant sur l’économie de l’attention et le fonctionnement des marchés de l’information) ; en histoire (études sur l’histoire des phénomènes de rumeur, de conspirationnisme et de désinformation) et en droit (travaux portant sur la détermination des responsabilités des plateformes et des internautes dans la propagation des fausses informations et sur les moyens juridiques de la régulation de ce secteur). Enfin, les recherches en intelligence artificielle et en programmation informatique, qui permettent de pénétrer au cœur de l’architecture interne des plateformes et d’en comprendre les incidences et les limites, se révèlent le plus souvent ignorées par les chercheurs en sciences sociales qui n’entrent pas, le plus souvent, dans la construction de ces dispositifs techniques. À ce titre, la CID 53 présente un périmètre pertinent pour juger de l’apport de ces différentes disciplines à l’analyse des phénomènes mentionnés ici, et pour croiser leurs perspectives.

On indiquera, à titre d’exemples, deux directions de recherche qui pourraient être retenues pour construire ce dialogue interdisciplinaire. La première, inspirée par l’approche économique, consiste à faire l’hypothèse que si le marché actuel de l’information souffre d’inefficiences – dont « fake news » et complotisme seraient les révélateurs –, c’est en raison des très fortes « asymétries d’information » qui séparent sur ce type de marché les producteurs et les consommateurs. Le programme de recherche dès lors ouvert vise à obtenir une meilleure compréhension des mécanismes à travers lesquels les consommateurs, malgré ces asymétries d’information, identifient la qualité et la crédibilité des nouvelles qui leur sont communiquées. Il doit aussi permettre, grâce à cette meilleure compréhension, d’ouvrir la réflexion sur d’éventuelles remédiations aux « asymétries d’information sur l’information » (si on peut les appeler ainsi) qui, d’après l’hypothèse de départ, sont à l’origine de l’inefficience actuelle de ces marchés.

La seconde thématique, inspirée cette fois de la démarche sociologique, consiste à s’interroger sur les effets politiques et sociaux du développement des nouvelles technologies de l’information – Internet, réseaux sociaux, recours aux algorithmes. En effet, s’il est clair que les technologies ne déterminent pas directement les comportements, il importe néanmoins de comprendre comment elles offrent aux individus des moyens inédits d’agir et de penser et plus encore peut-être, de comprendre comment ces possibilités nouvelles sont validées et orientées collectivement au sein des groupes d’appartenance (groupe de pairs, famille, groupe professionnel, parti politique…). À travers cette compréhension, il devient possible de mieux anticiper les effets (qui peuvent être inattendus ou contre-productifs) qu’ont sur les populations-cibles les politiques (répressives, éducatives, préventives…) que les pouvoirs publics mettent actuellement en place pour tenter de contrer le phénomène des « fake news » et du complotisme. Ce type de recherches est particulièrement attendu dans des domaines aussi importants que la santé, la sécurité ou encore l’environnement.

C. Intelligence artificielle et algorithmes d’apprentissage automatique profond

Le développement des algorithmes d’apprentissage automatique profond, la disponibilité des données dans un monde toujours plus connecté et l’accroissement des moyens de calcul ont conduit ces dernières années à une amélioration spectaculaire de l’accomplissement par des moyens informatiques de diverses tâches (classement, prédiction, etc.) relevant souvent d’activités perceptives (en particulier la vision et la reconnaissance de la parole) mais ne se limitant pas à cela (on peut mentionner par exemple la traduction automatique). Les systèmes d’intelligence artificielle obtenus ont ainsi été mobilisés ces dernières années dans des applications concernant une palette très large de domaines et touchant à tous les secteurs d’activité (santé, transport, vente, etc.).

Ces nouvelles technologies ont déjà et devraient avoir à l’avenir un impact important sur notre vie quotidienne, entraînant bon nombre de bouleversements. Des recherches interdisciplinaires sont donc attendues pour en étudier les effets sur le marché du travail, dans la vie démocratique, dans les loisirs ou encore dans les pratiques de soin.

Parallèlement, les médias livrent souvent une version de l’IA où il est question de transhumanisme et de singularité. Souvent éloignées des avancées réelles de la science, ces représentations de l’IA et plus encore ce qu’elle produit socialement (réactions technophiles ou technophobes, évolutions du rapport aux sciences et aux techniques) sont aussi des objets pour des recherches interdisciplinaires.

À la frontière entre sciences du numérique et SHS, les technologies de l’IA à base d’apprentissage automatique et de sémantique distributionnelle bouleversent les sciences du langage. Les systèmes de traduction automatique les plus performants à ce jour s’appuient sur ce genre de méthodes, pilotées par les données. La prise en compte de connaissances linguistiques dans de tels systèmes est une piste intéressante à explorer pour aboutir à des systèmes plus robustes.

Très utiles pour interroger l’amont des innovations, les recherches interdisciplinaires le seront tout autant pour travailler, en aval, sur les évolutions des usages, dans une perspective sociologique : comment les contenus de travail et les rapports au travail, ou encore la vie sociale, la convivialité et les loisirs, sont-ils modifiés par la numérisation croissante du quotidien et les usages de l’IA ? Quelles compétences les nouvelles générations, formées avec ces outils, développent-elles ?

La question de la responsabilité des décisions prises par des systèmes d’IA devra être abordée par les juristes. Si une voiture autonome crée un accident, qui devra être considéré comme responsable ? Si des données biaisées sont utilisées dans un apprentissage algorithmique, produisant ainsi un outil discriminant (par exemple sur la base du genre), comment une telle situation peut-elle être appréhendée au croisement de questions juridiques et éthiques et de contraintes techniques ? Plus généralement, les philosophes devront s’emparer des questions éthiques qui se poseront quand des décisions importantes et touchant à l’humain seront posées par des systèmes d’IA.

L’explication des prédictions réalisées par les systèmes d’apprentissage automatique est une problématique centrale, au cœur de l’IA d’aujourd’hui et un autre sujet important auquel les chercheurs en SHS devront s’atteler. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui s’applique depuis le 25 mai 2018, précise, en effet, dans ses considérations liminaires que « en tout état de cause, un traitement de ce type [automatisé de données à caractère personnel] devrait être assorti de garanties appropriées, qui devraient comprendre […] d’obtenir une explication quant à la décision prise à l’issue de ce type d’évaluation et de contester la décision ». La trace du fonctionnement d’un algorithme de classement ou de prédiction constitue de facto une explication du classement obtenu ou de la prédiction réalisée. Pour autant, le plus souvent, cette explication n’est pas intelligible. Étudier les applications de ce règlement et ce qu’il fait aux pratiques et au droit constitue un large champ ouvert aux juristes.

D. Santé

La santé est l’une des thématiques les plus présentes dans les dossiers examinés par la CID 53. Ce fait reflète la très forte présence de la santé dans de multiples disciplines des SHS : économie, anthropologie, histoire, droit, sociologie et philosophie. Mais, conformément à l’exigence d’interdisciplinarité qui a été exposée plus haut, les recherches sur la santé entrant dans le périmètre de la CID sont celles comportant une approche des savoirs médicaux qualifiée d’internaliste, ces savoirs pouvant être appréhendés ici dans une acception bien plus large que celle qui renverrait aux seuls savoirs de la biomédecine occidentale. De plus, l’interdisciplinarité se double souvent d’une appartenance thématique multiple, par laquelle la santé s’articule à des thématiques présentées ailleurs dans ce rapport : l’environnement (santé environnementale), le genre et la sexualité (procréation médicalement assistée, parcours de personnes transgenres…) ou encore l’alimentation (crises sanitaires, risques alimentaires et perception de ces risques, etc.). Sur tous ces croisements, les recherches devraient être fortement encouragées, car les enjeux économiques, politiques et sociaux sont considérables, et les approches interdisciplinaires plus à même d’éclairer ce qu’il se joue en la matière que des approches mono-disciplinaires.

En nous centrant ici sur la santé, nous pouvons identifier trois thématiques pour lesquelles la recherche est d’ores et déjà dynamique et féconde. La première, centrée sur les objets biologiques (maladies, virus, facteurs de risque…) a trait aux approches anthropologiques, sociologiques, géographiques et historiques des pathologies, des phénomènes morbides et du vieillissement. L’histoire des pathologies ou la sociologie des crises sanitaires, par exemple, sont des thématiques déjà anciennes. De même, l’épidémiologie produit des données sur les facteurs favorables aux maladies. Mais l’interdisciplinarité telle que la CID la défend permet une étude à la fois plus complexe et plus fine des évolutions des objets étudiés, parce que processus biologiques et sociaux interagissent très fortement dans leur construction. Les innovations de l’épidémiologie illustrent cela, à travers d’une part l’inclusion de facteurs sociaux et environnementaux dans les modèles, et d’autre part le développement d’une épidémiologie de terrain, qui mobilise les savoirs locaux de la clinique pour l’adaptation des modèles généraux à des réalités locales singulières.

Le deuxième ensemble de recherches, centrées sur les acteurs, traite du soin, des systèmes de santé et des politiques. Il s’agit là de partir des relations entre les acteurs traditionnellement étudiés par les sciences sociales de la médecine, par exemple en histoire des systèmes de santé ou en sociologie des professions. Mais les questions posées par ces approches historiques ou sociologiques sont éclairées par une attention particulière à la science médicale. Par exemple, comment les évolutions techniques de la médecine modifient-elles les rapports soignants-soignés ? La télémédecine, les promesses médicales de l’être humain augmenté ou encore la génomique constituent des axes de travail importants. Entrent aussi dans cette thématique les mobilisations d’usagers du système de santé, et leurs effets sur la recherche et sur les usages des techniques innovantes.

Enfin, même si les savoirs ne sont absents d’aucune perspective décrite ici, la troisième approche se distingue en les mettant au premier plan des interrogations de recherche. La mondialisation d’une part, et le succès des médecines alternatives ou complémentaires de la biomédecine occidentale, de l’autre, posent des questions sur la circulation des savoirs et leurs usages. L’intégration dans la médecine occidentale de savoirs vernaculaires de phytothérapie, le recours croissant, y compris à l’hôpital, à des pratiques comme l’acupuncture et l’hypnose, pose des questions sur les conditions d’usage de ces techniques de médecines qui ont longtemps été « alternatives » et deviennent parfois « complémentaires » de notre tradition thérapeutique, sur la façon dont la médecine factuelle (Evidence Based Medicine) parvient à les prendre en compte et, finalement, sur la façon dont s’hybrident des corpus théoriques reposant sur des conceptions hétérogènes du corps. Cette perspective peut être rattachée à tout ce qui a trait aux dimensions anthropologique, économique et juridique des innovations médicales. Par exemple, que font les innovations au droit (de la filiation, de la santé) et que fait le droit à la recherche médicale et aux innovations ?

E. Genre et sexualité

Le genre est un concept et une perspective qui apparaît souvent dans les projets présentés devant le jury de la CID 53, puisqu’il se pose dans de nombreux domaines du savoir. La politique scientifique européenne favorise cette présence non seulement dans le champ des SHS mais aussi dans bien d’autres domaines de recherche, tels que les sciences de la vie, l’IA ou la question environnementale, de même qu’elle favorise le développement des études de genre à proprement parler, qui se focalisent sur toutes sortes de pratiques sociales et symboliques, étudiant la construction des identités, individuelles et collectives, à partir des rapports sociaux de sexe.

Depuis 2010 notamment, le CNRS a fortement soutenu les études de genre et de sexualité, qui ont connu depuis lors un essor grandissant. La France a ainsi pu rattraper une partie de son retard, considérable dans ce domaine scientifique, surtout par rapport aux États-Unis et au reste de l’Europe, où ces études fleurissent depuis des décennies. Les études de genre sont souvent interdisciplinaires, puisqu’elles touchent à l’ensemble des pratiques sociales et culturelles, aussi la CID 53 leur accorde-t-elle une place importante. Cette interdisciplinarité s’est notamment matérialisée, dans les projets des candidat.e.s, par des collaborations entre des chercheur.e.s en SHS (surtout des anthropologues, des sociologues et des philosophes) et des spécialistes en biomédecine et technologie, notamment dans le cadre d’études portant sur le monde du travail et tout spécialement le travail de « care », sur la reproduction humaine (techniques et enjeux de la PMA, manipulations génétiques, traitements hormonaux, et effet de ces technologies sur la parenté et la parentalité, sur le sexe et la sexualité, facilitant les transitions entre les sexes/genres, la fluidité et donc la « performativité » du genre). Les études de genre croisent, de même, les sciences cognitives, la neurobiologie, la linguistique, les études animales – dans leur questionnement de la frontière entre l’humain et le non-humain et du clivage entre organique/machine et vivant/non-vivant –, le domaine de la création artistique et la philosophie des sciences (où les épistémologies féministes basées sur les « savoir situés » et la problématisation de la limite entre le biologique et le social ont laissé une trace profonde), entre autres.

Une deuxième caractéristique des projets autour du genre et de la sexualité est leur dimension souvent très internationale – qui se retrouve par ailleurs dans toutes les candidatures admissibles de la CID 53. L’histoire des études de genre, qui sont nées aux États-Unis mais sur des assises théoriques venant en partie de la pensée française, et leur forte circulation internationale, déterminent cette internationalisation nécessaire. Les études de genre sont par ailleurs de plus en plus attentives à l’apport que les épistémologies non-occidentales font à ce champ de recherche, ce qui devrait aussi se refléter dans les projets présentés à la CID 53.

Troisièmement, les études de genre sont en interaction avec la société et leur impact social est certain. Les inégalités hommes-femmes qui subsistent dans toutes les sociétés, même les plus attentives à cet aspect, leur imbrication avec la sexualité dans ses dimensions non seulement psychiques et « privées » mais aussi sociales et donc « publiques » (par exemple, les revendications politiques des « minorités » sexuelles) et l’entrecroisement de la domination résultant des hiérarchies basées sur le genre et la sexualité avec d’autres types de domination (de « race », de classe…) contribuent à la forte présence des questions de genre et de sexualité dans la vie sociale en France et dans le monde. Des mouvements sociaux récents à l’échelle internationale comme #MeeToo ou #NiUnaMenos – ou, depuis la perspective inverse, les « croisades anti-genre » dans des pays comme la Hongrie, la Pologne ou le Brésil – ont encore intensifié cette présence, que la recherche scientifique se doit d’analyser, en se distançant de l’activisme mais sans exclure des relations fructueuses en ce qui concerne la science participative, par exemple.

F. Alimentation

À l’inverse des thématiques précédentes, l’alimentation est un sujet pour lequel les recherches font largement défaut. Les enjeux sont pourtant considérables. Besoin vital, l’alimentation a toujours été l’objet de peurs : peur de manquer et peur d’être empoisonnés ont longtemps été les principales. Puis l’industrialisation de la production alimentaire, l’éloignement des lieux de production et de consommation provoqué par la mondialisation, et les crises sanitaires, comme celle dite de la « vache folle », ont fait évoluer ces peurs. À la peur d’être empoisonné s’est substituée une peur d’être rendu malade sur le long terme. Le réchauffement climatique et le recul de la biodiversité font réapparaître la peur de manquer, qui avait fortement régressé dans les pays riches. D’autres considérations gagnent en importance, comme celles du bien-être animal. Comment les systèmes productifs réagissent-ils aux nouvelles attentes de transparence et de traçabilité et aux nouvelles demandes éthiques des consommateurs ? Comment les consommateurs s’adaptent-ils à leur tour aux évolutions du contexte productif ? Quels sont les effets en matière de santé ? Répondre à ce type de questions suppose de conduire des recherches à la fois sur les techniques de production, sur les effets sur la santé de leurs évolutions et sur la dimension anthropologique de l’acte de manger. Pour cette raison, l’alimentation devrait constituer un thème important de recherche interdisciplinaire, à la frontière de l’anthropologie, des techniques agraires et d’élevage, de l’épidémiologie ou encore de la science politique. L’expérience de la CID montre que ce n’est pas le cas : le thème de l’alimentation est l’un des manques les plus notables dans les dossiers examinés.

G. Les frontières de l’humain

Une des thématiques émergentes dans laquelle s’inscrivent certaines des meilleures candidatures présentées à la CID 53, notamment au concours pour le recrutement de CR, mais aussi, dans une moindre mesure, à celui de DR – ce qui est révélateur de l’intérêt que les jeunes chercheur.e.s y portent – est composée par tout ce qui touche aux frontières de l’humain. Il s’agit d’un questionnement très ancien, qui consiste à interroger ce qui constituerait « le propre de l’homme » en rapport avec les êtres appartenant à des espèces non humaines, d’un côté, et à l’opposition naturel/artificiel ou homme/machine, de l’autre. Cependant, le développement de technologies de pointe en rapport avec la santé et les capacités humaines ainsi qu’avec l’intelligence artificielle l’ont mis en évidence depuis relativement peu de temps.

Les études que certains appellent « posthumaines » – pour marquer l’historicité du concept d’« homme », variable dans le temps et selon les cultures, plus que par référence à la « fin de l’homme » – nécessitent une vraie interdisciplinarité qui ne peut se construire que par la constitution d’équipes pluridisciplinaires, composées de spécialistes en sciences de la vie (médecine, génétique, biologie, biochimie…), en sciences humaines (philosophie, avec notamment ses deux branches que sont l’épistémologie et l’éthique ; les études littéraires et artistiques, puisque souvent l’art et la littérature avancent des propositions que la science rendra réalistes plus tard, et influent sur les pratiques sociales), en sciences sociales (anthropologie, droit, psychologie cognitive, sociologie, science politique…), ainsi qu’en certaines sciences formelles comme l’informatique, avec le concours nécessaire de spécialistes en technologies de spectres divers.

Les enjeux sociaux que pose cette thématique sont importants, puisqu’elle touche à des questions cruciales comme le handicap (et en cela elle croise les Disability Studies) ; les maladies partagées avec des espèces non humaines (comme la « grippe aviaire » ou l’encéphalopathie spongiforme bovine, ce qui renvoie aussi à la thématique de l’alimentation) ; la manipulation génétique pour prévenir ou guérir des maladies ou à des fins reproductives ; l’utilisation de prothèses de plus en plus sophistiquées ; l’impact de l’IA et plus spécifiquement de la robotique sur le monde du travail ; le rapport des humains avec les animaux d’autres espèces (qu’elles soient domestiques – pour la compagnie ou l’alimentation humaine – ou « sauvages »). Tout un champ d’études se développe sur ce dernier aspect : ainsi, les « études animales » traitent aussi bien de la subjectivité, des affects et des émotions animales que des affects et émotions suscités chez les êtres humains par leur interaction avec lesdits animaux.

Les questionnements scientifiques et les objets de recherche propres à cette thématique croisent souvent, par ailleurs, le domaine du genre, tel qu’il a été développé dans la section E. « Genre et sexualité ».

Ces objets de recherche étant profondément liés à des questions relevant des croyances et des idéologies, mais aussi du domaine du privé et de l’intime (notamment en ce qui concerne la famille et le corps), ils donnent souvent lieu à des débats et controverses qu’il convient aussi d’étudier. Cet impact social fort favorise également l’implication des non-scientifiques dans la recherche, dans une démarche de science participative (mettant à contribution, par exemple, des malades, des militants…) ainsi que l’utilisation de méthodes novatrices propres à la recherche-création (notamment avec la collaboration d’artistes).

Cette thématique est surtout cultivée dans les pays anglo-saxons, depuis au moins deux décennies ; plus récemment elle a connu un essor dans d’autres pays comme le Japon et la France. Le développement en France, dans les années 1960-1980, d’une pensée philosophique qui mettait en question la conception « classique » du sujet et qui a eu un rayonnement international (avec notamment Gilles Deleuze, Jacques Derrida et Michel Foucault) constitue une spécificité qui place la France dans une situation favorable pour assurer sa présence dans les équipes internationales qui travaillent sur cette thématique.

Celle-ci est très large, mais elle touche à des questions fondamentales comme la distinction humain/animal, organique/artificiel et vivant/non-vivant et devrait faire l’objet d’une attention spéciale de la part de la CID 53 et du CNRS en général : ce sont les cadres optimaux pour en assurer le développement, et elle serait plus difficile à développer dans d’autres espaces de recherche.

H. Changement climatique – Anthropocène

Les avancées rapides des réflexions sur le réchauffement climatique d’origine anthropique, l’effondrement de la biodiversité et plus généralement l’entrée dans ce que des chercheur.e.s de différentes disciplines ont appelé l’anthropocène, conduisent à ouvrir de nouvelles voies de recherche où une pratique forte de l’interdisciplinarité est particulièrement requise. En effet, s’il est désormais certain que l’activité humaine produit des dégâts graves et irréversibles sur l’environnement, avec des conséquences sur la santé et la sécurité physique des personnes dans de nombreuses régions du monde, ces conséquences précises constituent un champ d’investigation considérable. Or les étudier suppose d’appréhender les processus complexes qui conduisent à ces dégâts selon une triple dimension : physico-chimique, spatiale et sociopolitique. C’est pourquoi sciences du climat et de la terre et biologie, tout d’abord, géographie physique et humaine ensuite, anthropologie, économie, sociologie, histoire, philosophie ou encore droit, enfin, sont amenés à travailler ensemble dans une démarche qui s’affranchit des cadres de chaque discipline et conduit à une redéfinition des savoirs.

Il s’agit ainsi de saisir et différencier clairement les dommages subis et les risques courus par diverses populations en fonction de leur situation géographique, de leurs ressources économiques et sociales, des formes d’habitat ou encore des systèmes locaux de production alimentaire, de santé et d’éducation par lesquels leurs besoins sont (plus ou moins bien) satisfaits. Les inégalités environnementales et d’exposition aux catastrophes, les facteurs et processus de résilience des personnes et des populations, les politiques d’adaptation des systèmes politiques et sociaux à l’anthropocène, les dangers que l’urgence climatique pourrait faire courir à la démocratie dans des régions du monde de plus en plus étendues sont autant de thèmes pour lesquels des travaux interdisciplinaires sont indispensables.

Surtout, et c’est par là que nous entrons au cœur du périmètre de la CID, l’anthropocène interroge les rapports sociaux aux savoirs, et notamment aux savoirs scientifiques, qui sont mobilisés dans des combats politiques, des débats et des argumentations. L’appropriation de ces savoirs par des citoyens est souvent à l’origine de mobilisations politiques et sociales dont les effets peuvent être notables tant sur les représentations des risques que sur les recherches conduites et sur les politiques suivies. Plus généralement encore, les crises environnementales et sanitaires ont provoqué des modifications des rapports à la science, qui modifient à leur tour les conditions du travail scientifique : des citoyen.ne.s attendent de plus en plus que les chercheur.e.s rendent des comptes quant aux lignes de recherche qu’ils choisissent et aux usages qui en sont ensuite faits. Les revendications d’une science plus participative, souvent partagées par des chercheur.e.s et désormais prises en compte dans des politiques de recherche, induisent de nouvelles formes de recherches particulièrement utiles pour ce qui touche à l’environnement et aux catastrophes, à l’instar du crowd-sourcing, qui contribue à la connaissance des évolutions environnementales selon une focale bien plus fine que ce que les observations effectuées par des scientifiques permettent. Les professionnel.le.s de la recherche scientifique et les politiques de la recherche se trouvent ainsi engagé.e.s dans des entreprises de redéfinition de leur place dans la société. Cette redéfinition est indissociablement liée à des débats et des clivages politiques portant non seulement sur le statut de la nature et le rapport de l’homme à la nature, mais aussi sur la place de l’expertise et des expert.e.s tant dans les politiques environnementales que dans les politiques de la recherche. Des recherches sur ces redéfinitions doivent contribuer à éclairer les acteurs de ces débats, dont les chercheur.e.s.

III. Difficultés et enjeux du développement de la recherche interdisciplinaire

Ce rapport se termine par une analyse des difficultés que rencontre la recherche interdisciplinaire, telle qu’elle entre dans le périmètre de la CID 53. Ces difficultés ne sont pas insurmontables mais elles devraient faire l’objet d’une attention particulière afin de favoriser le développement des travaux interdisciplinaires. En ce sens, ces difficultés sont autant d’enjeux pour la recherche promue par la CID. Elles concernent les méthodes de la recherche (A) et renvoient à des considérations plus institutionnelles (B).

A. Difficultés et enjeux liés aux méthodes de la recherche

Cette première sous-section s’attachera particulièrement aux méthodes de recherche utilisant des techniques de numérisation et d’exploration des données numériques. Sans être tout à fait nouvelles, ces méthodes connaissent un développement rapide. Cette section peut ainsi être lue en résonance avec celles traitant plus haut de l’internet en société, des « fake news » et de l’intelligence artificielle.

1. Humanités numériques et fouille de corpus

Les recherches s’inscrivant dans le vaste périmètre des « humanités numériques », déjà signalées dans le précédent rapport de conjoncture de la CID 53, poursuivent leur déploiement et ouvrent une grande variété de perspectives de recherche interdisciplinaires. Dans ce domaine, la CID 53 attend une véritable fertilisation interdisciplinaire, qui aille au-delà de la simple utilisation d’outils éprouvés et de la constitution d’archives numériques par les SHS. Cependant, les travaux développés dans ces domaines doivent affronter une difficulté particulière : les données numériques et les outils pour les analyser sont souvent produits en dehors de l’ESR par des acteurs publics et privés dont les objectifs et les infrastructures sont parfois très différents de ceux de la recherche publique. Les données et les méthodes numériques sont ainsi souvent des ressources préexistantes, que les chercheurs empruntent et adaptent à leurs besoins. Cette réutilisation demande donc de développer une réflexion épistémologique explicite et critique sur les conditions de production des données, des traces et des outils des humanités et des sciences sociales numériques (Critical Data Studies). La recherche se doit alors de prendre en compte les influences réciproques entre les phénomènes observés, les infrastructures et pratiques numériques qui les sous-tendent, et les questions politiques, sociales, économiques, éthiques, philosophiques et juridiques liées à la production de données notamment personnelles, à la délégation de fonctions perceptives et décisionnelles et à la place de l’humain, du politique et de l’autonomie individuelle. Par cette évocation des questions sociétales associées à la production et l’usage des données, nous croisons ici une autre dimension, évoquée plus haut, du travail interdisciplinaire sur le numérique : l’étude d’un monde social transformé par la révolution numérique. Ainsi objets et méthodes ne peuvent-ils être distingués que par une commodité de présentation.

Parmi les techniques diverses utilisées dans ces recherches, les instruments de fouille de corpus connaissent un intérêt croissant, et tendent à prendre une place prépondérante dans les réflexions en cours qui sollicitent des approches interdisciplinaires. Ce mouvement est encouragé par l’accès sans cesse croissant aux données publiques (données de mobilité urbaine, décisions de justice…) et privées (données de connexion et de navigation, consommations d’énergies, données de santé, etc.). La mise à disposition de vastes corpus de données non-ordonnées appelle un perfectionnement des outils de fouille, auquel la recherche interdisciplinaire peut apporter des contributions décisives, à la charnière de l’informatique, du traitement automatique du langage, de la philologie, de la philosophie, du droit, des sciences de l’ingénieur et des sciences de la communication, principalement. Sont notamment en jeu l’identification et l’extraction d’informations pertinentes, la visualisation des données, la construction d’outils d’annotation et d’archivage permettant de naviguer au sein de corpus. La fouille de corpus au moyen d’outils numériques soulève également des questionnements politiques, juridiques et éthiques majeurs, en raison des risques qu’elle fait peser sur les droits de la personne et des possibilités de surveillance dont elle pourrait être le vecteur.

Une recherche responsable socialement peut inclure la définition de protocoles, de logiciels et d’ingénierie exportables prenant en compte les exigences du respect de la vie privée et de la sécurité tout au long du processus de conception (privacy and security by design), d’accès des personnes aux données les concernant, la production de conditions de laboratoire en ligne pour le recueil de données participatives ou sur la base de biens communs, ou encore la définition de procédures de sélection des données pour l’apprentissage automatique, d’explication, de classification ou d’audit pour plus d’équité, de responsabilité et de transparence.

2. Données personnelles

Depuis son entrée en application en mai 2018, le règlement général sur la protection des données (RGPD) préoccupe la communauté scientifique quant à ses conséquences possibles sur le travail d’enquête, et cela tout particulièrement en SHS. Plus que les autres sciences, les différentes disciplines de SHS (sociologie, histoire, anthropologie, études littéraires, économie, etc.) mobilisent des méthodes (ethnographie, questionnaire, observation, travail documentaire) et donc des matériaux (statistiques, entretiens, archives, etc.) qui les conduisent à produire et à traiter fréquemment des données dites à « caractère personnel ». La définition de ce type de donnée par le RGPD est large puisqu’il s’agit selon son article 4 de « toute information qui permette d’identifier directement ou indirectement une personne ». Visant à responsabiliser les différents acteurs de la recherche, l’entrée en application du RGPD a d’abord conduit à une période de flou quant à sa portée, ses effets et les nouvelles contraintes qu’il fait peser sur les recherches en SHS. Rappelons notamment que le non-respect de cette nouvelle réglementation relève de l’infraction pénale. Afin de lever le flou et de répondre aux inquiétudes, différents acteurs de la recherche (chercheur.e.s, directeurs.trices d’unités, laboratoires, établissements et infrastructures de recherche, etc.) ont entrepris des démarches réflexives afin de clarifier les conditions dans lesquelles les recherches, notamment qualitatives, en SHS pouvaient répondre aux nouvelles exigences réglementaires. Pour autant, ces tentatives de définition d’une forme de responsabilité collective tout au long de la chaîne de collecte de données (traitement, stockage et archivage) ne prennent pas toujours en compte la façon dont les recherches interdisciplinaires se font concrètement. Cette difficulté conduit à soulever plusieurs questions. Ainsi, lors de la phase de collecte des données, l’obligation d’un consentement éclairé par écrit devient la norme. Or cette formalisation est non seulement lourde mais elle présente également le risque de miner le rapport de confiance avec les enquêtés puisque dorénavant une dimension juridique prévaut dans la relation. Quels effets ce rapport juridique peut-il avoir lorsque des recherches portent sur des controverses sociotechniques ayant des dimensions économiques et politiques fortes ? En outre, certaines méthodes ethnographiques, comme l’observation participante, deviennent beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre, ce qui peut être un frein aux recherches innovantes et de terrain. De plus, les enquêtes portant en tout ou en partie sur la santé de populations, parce qu’elles impliquent des données qualifiées de « sensibles », sont dorénavant interdites ou soumises à des contraintes fortes notamment d’autorisation préalable (CNIL). Or les questions de santé sont des sujets sur lesquels nombre de recherches présentées en CID 53 proposent leurs analyses, que cela soit sur les questions d’innovation biomédicale, sur les controverses socio-sanitaires autour de produits issus de la chimie, sur les innovations techniques numériques pour l’organisation et la gestion des soins (cf. supra). Si ces recherches n’impliquent pas toujours directement des données « sensibles », il est à noter que la frontière entre ce qui relève d’enquêtes portant directement sur la santé des populations et celles portant sur le domaine de la santé, par exemple sur l’organisation ou les pratiques médicales, reste sujette à interprétation. Enfin, la phase de traitement et de stockage des données de la recherche implique désormais tout un travail de mise en forme dont l’axe principal se décline entre sécurisation et anonymisation complète (ou à défaut le « pseudonymisation »). Ces exigences nécessitent non seulement des moyens non négligeables en termes de dispositifs techniques et d’outillage (crypteur, module de stockage sécurisé, etc.), mais aussi la mobilisation d’un savoir-faire spécifique dont les chercheurs ne sont pas toujours détenteurs. Une des questions est alors celle de savoir quelle formation ou quels acteurs de la recherche pourront permettre de répondre à cette nouvelle réglementation et quelles solutions peuvent être trouvées en SHS puisque, comme l’indique le guide INSHS récemment paru sur cette problématique, l’anonymisation n’est pas possible en recherche qualitative.

Plus généralement, si l’application du RGPD soulève des questions quant à la poursuite de certaines recherches interdisciplinaires, le risque est aussi qu’il soit un frein voire un obstacle à des recherches innovantes sur des terrains difficiles d’accès. Les chercheurs ne risquent-ils pas de renoncer à certains terrains, à certaines enquêtes qualitatives par anticipation de leurs possibles conséquences juridiques ou politiques ? Une certaine standardisation de la recherche en SHS n’est-elle alors pas à craindre ? Et si elle se produisait, quel modèle de science s’imposerait alors ? Devrons-nous assister à une partition des activités de recherche entre, d’un côté, la production de données, laissée à des organismes publics ou privés accrédités et, de l’autre, leur interprétation dans un cadre contraint ? Enfin, notons que le RGPD parait soulever deux paradoxes. D’abord, les exigences d’anonymisation qui pèsent sur la recherche, notamment en SHS, apparaissent peu compatibles avec le cadre de la Science ouverte : comment « ouvrir » des données de recherches lorsque la diffusion de données personnelles s’avère contraire à la réglementation ? Ensuite, les chercheurs sont invités à publier dans des revues internationales notamment nord-américaines. Or depuis quelques années, ces revues demandent aux chercheurs qui souhaitent y publier leurs résultats d’avoir accès aux données des recherches menées afin de lutter contre la fraude scientifique. Comment alors s’assurer que cet accès et le stockage qu’il implique répondent aux exigences du RGPD ?

B. Difficultés et enjeux liés à la structuration des unités de recherche et aux politiques de recherche

Malgré ses indéniables atouts, la recherche interdisciplinaire est fragilisée par la structure fortement disciplinaire de la plupart des laboratoires et a fortiori des départements universitaires, bien plus que des formations, qui deviennent de plus en plus interdisciplinaires – ce qui crée un décalage entre les attentes et anticipations de ces diplômé.e.s interdisciplinaires, et le marché du travail dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur. Une autre source de fragilité est la difficulté d’obtenir des moyens de financement pour des projets à forte composante transdisciplinaire puisque, malgré les encouragements à l’interdisciplinarité, les AAP nationaux et internationaux restent très cloisonnés selon les divisions traditionnelles des domaines de recherche disciplinaires.

Cette situation conduit la CID à souligner l’importance d’une bonne continuité de la politique d’interdisciplinarité au sein du CNRS. Il est en effet indispensable que les orientations prises par l’établissement dans ce domaine soient durablement maintenues et que les communautés de recherche disposent ainsi d’une bonne visibilité sur le cadre institutionnel dans lequel elles inscrivent leurs actions. Ce n’est qu’à cette condition que les unités de recherche et les organismes financeurs pourront prendre le risque d’orienter une partie de leur effort vers des objets et des méthodes de recherche interdisciplinaires.

De la même manière, la CID constate qu’un vivier de jeunes chercheur.e.s commence à exister dans certains des domaines qui entrent dans son champ d’activité. Dans d’autres domaines, pourtant lourds d’enjeux (comme les enjeux sociaux de l’intelligence artificielle), le vivier de jeunes chercheurs et chercheuses est plus limité, voire presque inexistant, y compris en considérant les personnes formées en dehors de France. Afin de résoudre cette difficulté et de permettre l’émergence de viviers suffisamment larges de chercheurs et de chercheuses intéressé.e.s à des travaux interdisciplinaires, il est indispensable que la politique d’interdisciplinarité soit promue par le CNRS par différents moyens, dont les CID ne sont qu’une illustration, et qu’il apparaisse clairement que cette orientation s’inscrit dans la durée.

Comme dans tout domaine de recherche, mais avec une acuité peut-être encore plus forte lorsqu’il s’agit de recherches interdisciplinaires, le développement de viviers de chercheurs et de chercheuses de haut niveau prend du temps. Dans la mesure où les communautés scientifiques sont essentiellement structurées dans le cadre des disciplines, le CNRS joue un rôle de premier plan pour permettre le développement de recherche innovantes au croisement des disciplines.

Conclusion

L’attractivité dont bénéficie la CID 53 auprès des jeunes chercheur.e.s, laquelle se traduit notamment par un nombre toujours plus élevé de candidatures au concours CRCN (plus de 150 chaque année), témoigne d’un fort engouement pour des thématiques qui, comme celles évoquées dans ce rapport, permettent d’interroger les rapports entre sciences et société et d’analyser les lourds enjeux politiques et sociaux dont le développement scientifique et technologique est porteur. Cette attractivité reflète également l’intérêt porté par des chercheur.e.s issu.e.s de disciplines très variées à de nouvelles manières de faire de la recherche, dans lesquelles le travail interdisciplinaire est conçu comme le meilleur moyen de faire progresser chaque discipline. À cette ouverture interdisciplinaire s’ajoute le plus souvent chez les candidat.e.s une ouverture internationale très marquée qui, elle, est conçue comme le meilleur moyen de contourner certaines des difficultés évoquées plus haut.

Au regard de la grande qualité de certaines des candidatures que la CID 53 a eu à examiner au cours de ce mandat, il faut souhaiter que le CNRS, dont la singularité est de rassembler un large éventail de disciplines et de réunir par conséquent les conditions particulièrement favorables à leur mise en dialogue, poursuive sa politique de soutien à l’interdisciplinarité, en particulier à travers le dispositif des CID.