Rapport de conjoncture 2019

CID 50 Gestion de la recherche

Composition de la Commission interdisciplinaire – CID

Les auteurs du rapport, sont les membres actifs de la CID50 en septembre 2019, ainsi que les membres (indiqués à l’aide d’un astérisque) ayant quitté la CID au cours du mandat.

Dimitri Peaucelle (président de Commission) ; Axel Löfberg (secrétaire scientifique) ; Florent Calvo ; Matthieu Cassin ; Cathy Castelain ; Nicole Collas ; Elsa Cortijo ; Joël Drevet* ; Joëlle Dubois* ; Lise Dumasy ; Ivan Guermeur* ; Béatrice Godart-Wendling ; Isabelle Henry ; Vincent Jomelli ; Lorena Klein* ; Philippe Klein ; Frédéric Lebon* ; Catherine Leclerc ; Véronique Martin* ; Françoise Massines ; Dominique Massotte ; Marie-Jeanne Ouriachi ; Christelle Roy ; Michela Russo ; Solveig Serre ; Alexandre Teste* ; Alexandros Tsoukias* ; Fabrice Vallée.

Résumé

La CID50 fait partie des commissions interdisciplinaires du Comité national de la recherche scientifique. Son rôle est transdisciplinaire. Elle travaille en coordination avec la direction générale déléguée à la science du CNRS et en relation avec la totalité des instituts du CNRS. Elle mène l’évaluation des chercheurs dont une part significative de l’activité est consacrée à la « gestion de la recherche ». Le présent rapport de conjoncture dresse un constat sur la diversité et l’importance des activités couvertes par ce vocable. Il vise également à mettre en évidence des évolutions dans ces activités.

Introduction

La conjoncture est dans sa définition officielle une « conjoncture scientifique ». De ce fait, la commission interdisciplinaire de gestion de la recherche CID50 (anciennement 41) n’avait jusqu’à présent pas été impliquée dans la rédaction de cette œuvre collective du Comité national, arguant du fait que les activités évaluées par la commission sont non scientifiques. Le règlement intérieur ajoute cependant que les rapports « doivent en particulier faire ressortir les points forts et les points faibles de la recherche française ». C’est en s’appuyant sur cette affirmation, que la commission opte cette année pour une expression spécifique sur le sujet de la « gestion de la recherche ». Les réussites dans ce domaine sont des points forts de la recherche française et les écueils illustrent bien des faiblesses. Le rapport est également pour nous l’occasion de rappeler le rôle de la CID50 et de décrire à grands traits les activités des collègues rattachés à cette CID.

I. Activités évaluées

Il arrive, heureusement très rarement, d’entendre dire que la CID50 est destinée aux chercheurs qui n’ont pas d’activité de recherche. Cette assertion, qui sous-entend que ces collègues seraient en infraction par rapport aux attendus de leur métier, est largement infondée. Les collègues évalués par la CID50 ont des activités riches et variées, mais surtout très utiles au fonctionnement de la recherche en France et pour la France à l’étranger. Ils remplissent des fonctions qui, pour partie, pourraient être accomplies par des personnes sans parcours de recherche, mais en y apportant une plus-value essentielle par leur connaissance intime des processus techniques et humains intrinsèques de l’activité scientifique. Plus spécifiquement, les activités évaluées par la CID50 sont décrites par des mots-clés listés ci-après. Nous utilisons le terme « gestion de la recherche » pour englober la totalité de ces activités, tout en reconnaissant que le terme ne reflète pas parfaitement toutes celles-ci. Étant donné leur diversité, il nous semble illusoire de chercher un terme qui décrirait plus parfaitement cet ensemble.

Mots-clés 2016

Les mots-clés de la CID50, proposés en fin de mandature par la commission ayant siégé de 2012 à 2016, sont les suivants :

– définition et management de la stratégie de recherche Europe et International ;

– missions et activités d’intérêt collectif au service de la recherche ;

– infrastructure collective (TGIR) ;

– relations institutionnelles, relations interorganismes ;

– médiation scientifique ;

– évaluation, audit, expertise.

Nouveaux mots-clés

Les membres de la mandature 2016-2021 ont depuis entrepris de mettre à jour cette liste, réflexion qui en l’état se décline en trois familles de mots-clés. Les chercheurs peuvent relever de plusieurs mots-clés pour toute ou partie de leur activité.

1. Posionnement dans les structures

1.a Direction internationale (direction d’une structure d’ampleur internationale, eg. grand équipement international)

1.b Direction nationale (direction d’une structure nationale, eg. Institut du CNRS)

1.c Direction de site (présidence d’université, D2RT, délégation régionale…)

1.d Direction locale (direction d’une unité de recherche, unité de services…)

1.e Administration internationale (implication forte dans l’administration d’une structure internationale, direction adjointe par exemple)

1.f Administration nationale (implication forte dans l’administration d’une structure nationale, DAS d’un institut du CNRS, dans un ministère, D2RT adjoint…)

1.g Administration de site (implication forte dans l’administration d’un instrument structurant sur un site)

1.h Administration locale (implication forte dans l’administration d’une structure locale, secrétariat général d’une unité par exemple)

2. Types d’activités

2.a Diplomatie scientifique, Actions internationales

2.b Animation de la recherche (dont coordination, programmation, pilotage, mise en réseau…)

2.c Structuration (réorganisation d’unités de recherche et autres actions structurantes)

2.d Mobilisation des instruments de la recherche (PIA, TGIR…)

2.e Diffusion de la culture scientifique, communication, médiation

2.f Valorisation de la recherche et ingénierie projet

2.g Gestion des ressources humaines

2.h Déontologie et éthique scientifique

2.i Information scientifique et technique

3. Activités d’intérêt collectif

3.a Rayonnement du CNRS

3.b Instances (Comité national…)

3.c Associations

3.d Syndicats

3.e Protection du patrimoine scientifique et technique

Évaluation des chercheurs

Les chercheurs qui estiment que leurs activités relevant des mots-clés ci-dessus deviennent importantes, voire prépondérantes, au regard de leurs activités de recherche, peuvent dans un premier temps demander à être co-rattachés à la CID50. Dans ce cas, ils sont évalués conjointement par leur section disciplinaire et par la CID, chacune s’intéressant aux activités relevant de son champ de compétence. Par la suite, les chercheurs dont l’activité de recherche est faible, ou qui souhaitent éviter des conflits d’intérêts (eg. Directeur d’institut interagissant avec la section disciplinaire pour les questions de concours, de promotions, etc.) peuvent demander un rattachement exclusif à la CID50. La commission évalue la qualité de leur travail au service de la recherche et l’apport de leur parcours passé de chercheur scientifique à ce travail.

Promotions

Outre le travail d’évaluation des chercheurs, l’autre rôle de la CID est de donner des avis sur des demandes de promotion vers les grades de CRHC, DR1, DRCE1 et DRCE2. À cela s’ajoute le concours DR2 qui – et c’est une spécificité de la CID50 – ne concerne que les chercheurs du CNRS. En effet, cette CID ne peut statutairement pas procéder au recrutement de chercheurs. Les chercheurs peuvent solliciter une promotion auprès de la CID sans y être (co-)rattaché. Il serait toutefois préférable qu’ils aient effectué ce rattachement préalablement à la demande de promotion, mais la CID n’a pas décidé à ce stade d’en faire un critère discriminant.

II. Statistiques

Conformément aux éléments exposés ci-dessus, la population de chercheurs vue par la CID50 est composée de chercheurs rattachés, co-rattachés, mais aussi de chercheurs non-rattachés connus du fait de leurs demandes de promotions. Le président de la section a également des contacts avec des collègues qui envisagent d’être rattachés à la CID50. Le tableau qui suit indique le nombre de ces chercheurs connus au moment de la rédaction de ce document. La colonne « Autres » correspond aux chercheurs demandant des promotions ou envisageant d’être rattachés.

Tableau 1 : Population des chercheurs CID50.

Rattachés Co-rattachés Autres Total
CRCN 11 24 14 49
CRHC 5 4 1 10
DR2 12 15 13 40
DR1 14 8 25 47
DRCE 4 8 18 30
Total 46 59 71 176

On constate une dominante de directeurs de recherche (66 %), ce qui est cohérent avec le principe de parcours de carrière commençant par des activités de recherche et n’évoluant vers des activités de gestion que dans un second temps. Ce constat est corroboré par l’âge moyen de 57 ans pour la totalité des 176 chercheurs, âge qui n’est pas très différent si l’on considère les chargés de recherche uniquement (55 ans d’âge moyen). Rapporté au nombre total de chercheurs du CNRS (plus de 11 000), le nombre de personnes dont l’activité principale n’est pas directement en lien avec la production de connaissances est donc très faible (1,6 %).

Si les femmes représentent 33 % des chercheurs permanents du CNRS, leur engagement dans les activités collectives de gestion de la recherche ressort nettement. C’est également le cas si l’on considère les grades séparément. Le taux de femmes DRCE est globalement de 16 % au CNRS pour 37 % en CID50.

Tableau 2 : Proportion de femmes.

Femmes Hommes % de Femmes
CR 39 20 66 %
DR2 16 24 40 %
DR1 18 29 38 %
DRCE 11 19 37 %
Total 84 92 48 %

Chaque chercheur de la population considérée est rattaché à un institut du CNRS par son parcours de recherche. Le tableau suivant donne la répartition par instituts et la compare à la répartition des chercheurs entre les différents instituts du CNRS pris dans son ensemble (source : bilan social et parité du CNRS 2017).

Tableau 3 : Origines thématiques.

CR DR % en CID50 % au CNRS
IN2P3 1 9 6 % 5 %
INC 5 10 9 % 14 %
INEE 5 10 9 % 6 %
INP 2 18 11 % 11 %
INS2I 1 1 1 % 5 %
INSB 27 30 32 % 23 %
INSHS 11 6 10 % 15 %
INSIS 3 9 7 % 9 %
INSMI 1 3 2 % 3 %
INSU 4 20 14 % 9 %

Il est complexe de tirer des enseignements statistiques sur de si petits nombres. On note cependant une surreprésentation de l’INSB en comparaison de son poids global au CNRS. On note également que si la proportion globale est d’un tiers de chargés de recherche pour deux tiers de directeurs de recherche, cette tendance ne se retrouve pas pour l’INSB et est même inversée pour l’INSHS. Une analyse des carrières dans ces secteurs pourrait éventuellement donner une explication à ces observations.

Tableau 4 : Répartition par mots-clés

1.a 8 2.a 25 3.a 4
1.b 29 2.b 17 3.b 6
1.c 5 2.c 1 3.c 3
1.d 27 2.d 5 3.d 3
1.e 7 2.e 38 3.e 1
1.f 29 2.f 27
1.g 15 2.g 2
1.h 13 2.h 2
2.i 2

La répartition des activités des individus par mots-clés est en grande partie subjective. De plus, les activités d’un même individu peuvent relever de plusieurs mots-clés. Par ailleurs, pour avoir une vision plus étendue des activités, nous avons intégré dans ce dernier tableau les informations connues sur les chercheurs partis à la retraite récemment. De ce fait, ces chiffres sont purement indicatifs sur la répartition des activités des chercheurs connus de la CID50. Les mots-clés avec de petits chiffres ont autant de légitimité que les autres au sein du travail de la commission. Si la forte présence des mots-clés du type « positionnement dans les structures » (1.a à 1.h) est sans surprise (voir section III), les mots-clés 2.e à 2.i font écho à certaines branches professionnelles des ingénieurs et techniciens et méritent des éclaircissements (voir section V).

III. Charges administratives en recherche

Tous les chercheurs sont amenés à consacrer une part de leur temps de travail à des tâches administratives telles que (liste non exhaustive) : organiser ses missions en France et à l’étranger ainsi que les missions des collègues invités pour des séjours, des séminaires ou des jurys (réservation des moyens de transport, hôtels, demandes de remboursement de frais, etc.) ; gestion des dossiers pour l’accueil des stagiaires, doctorants, chercheurs temporaires (accord du fonctionnaire défense pour les unités en zone à régime restrictif, badges d’accès, comptes informatique, etc.) ; suivi des commandes (envoi des commandes, vérification des livraisons, suivi de la facturation) ; maintenance d’équipements communs, des sites Web, des outils de communication ; dossiers concernant la prévention des risques (par ex. FEVAR, déclaration organismes génétiquement modifiés) ou les autorisations nécessaires à l’expérimentation in vivo (saisine auprès du ministère, registres multiples d’utilisation de médicaments et d’animaux) ; gestion financière et administrative des financements sur appel à projet… L’opinion dominante est que l’ampleur et la complexité de ces tâches administratives s’accroissent. S’il est difficile pour la CID50 de valider cette impression par des éléments tangibles, il convient de noter que nous avons très souvent des demandes de collègues s’interrogeant sur l’opportunité d’être rattachés à la CID du fait que les charges administratives les empêchent d’accomplir leurs missions de recherche. Ces collègues sont des responsables d’équipe, des directeurs de groupements de recherche, des responsables de programme scientifique, des directeurs de laboratoire, soit potentiellement plus d’un millier de chercheurs, 10 % de l’ensemble des chercheurs du CNRS.

L’amplification des obligations administratives nous semble principalement résulter de trois facteurs :

– la création de nouvelles structures dans le paysage de la recherche ces dernières années (Réseaux technologiques de recherche avancée, Laboratoires d’excellence, Instituts de recherche technologique, etc.) porteuses de politiques scientifiques, mais également de procédures administratives propres ;

– l’accroissement de la part des financements de la recherche par appels d’offre qui conduit chaque chercheur à devenir administrateur d’un ou plusieurs « projet(s) ». À ceci s’ajoute le travail administratif pour le dépôt de réponses aux appels qui s’avère souvent infructueux compte tenu, notamment, d’un taux de financement par l’Agence Nationale pour la Recherche inférieur à 10 % ;

– la baisse des effectifs en personnel de soutien à la recherche en particulier dans les emplois de technicien (-1 465 entre 2008 et 2016 d’après le bilan social du CNRS). Ces emplois de personnels permanents sont parfois partiellement compensés par des embauches en CDD avec la difficulté de pérennisation des compétences.

Des moyens souvent évoqués pour contrer les effets de ces trois facteurs sont l’informatisation et l’automatisation des tâches administratives, ainsi que la réorganisation des services dans le sens de la mutualisation. Sans la mise en œuvre de ceux-ci, la situation serait sans doute plus critique ; cependant, on note que la normalisation des pratiques et le système de surveillance qui en résultent (gestionnaires administratifs réduits à un rôle de contrôle des tâches) dégradent les conditions de recherche des scientifiques et les conditions de travail de tous.

Il est important de noter que l’ampleur des charges administratives est particulièrement sensible dans le cas des directeurs d’unité. Ils ont en effet un rôle de pilotage scientifique au service de communautés de chercheurs, mais sont de plus en plus des gestionnaires de la recherche au sens que lui donne la CID50. Ils peuvent se revendiquer de quasiment tous les mots-clés énoncés précédemment. Doivent-ils pour autant être rattachés à la CID50 le temps de leur mandat de directeur ? Notre opinion est que la chose est possible mais en général non souhaitable. Dans la mesure où leur action est en contact direct avec la production de connaissances dans leur domaine d’expertise directe, il est naturel qu’ils continuent à être évalués par leurs sections disciplinaires. Les sections sont à même d’apprécier l’engagement de gestion des chercheurs dont elles suivent la carrière et se doivent de tenir compte de toutes les facettes de leur activité. Que ce soient des directeurs d’unité, des responsables de projets internationaux, des responsables de grands équipements de recherche, ils ont tous, avant tout, vocation à être évalués pour leur apport au service des disciplines de recherche concernées. Nous pensons que le rattachement à la CID50 doit se limiter aux cas où les chercheurs ont de façon raisonnée et consciente fait le choix d’orienter durablement leur carrière vers la gestion de la recherche, choix qui peut les mener à avoir un rôle au-delà de leur discipline d’origine.

IV. Orientation vers la gestion de la recherche

S’il est impossible de déterminer à coup sûr et sans équivoque les raisons qui font qu’un chercheur s’oriente durablement vers des activités de gestion de la recherche, certains facteurs explicatifs semblent émerger de la lecture des dossiers évalués par la CID50. Comme décrit dans la partie précédente, tous les chercheurs sont amenés à participer à la gestion de la recherche. Naturellement, s’ils se révèlent efficaces, de bonne volonté et que des opportunités viennent à se présenter, cette part de leur activité aura tendance à croître. Pour ceux des chercheurs qui sollicitent ensuite un rattachement à la CID50, cette évolution est le plus souvent vécue in fine comme une réussite et les collègues y trouvent un intérêt véritable. Il n’en demeure pas moins que le processus peut conduire à des échecs s’il est plus subi que souhaité. Aussi, deux facteurs fréquents d’orientation vers la gestion de la recherche méritent d’être observés avec attention.

Le premier cas interroge la répartition des tâches de gestion de la recherche au sein des collectifs. En caricaturant, il y aurait d’un côté des collègues prêts à œuvrer pour des tâches utiles à des équipes, quand d’autres y rechigneraient pour privilégier une dynamique de réussite personnelle. Ces deux extrêmes peuvent créer des frictions dans les laboratoires, qui seraient sans doute évitables si les tâches de gestion étaient mieux réparties (en volume et dans le temps) et si les activités de gestion étaient mieux valorisées dans l’évaluation (trop de collègues pensent que seule l’excellence scientifique et le rayonnement international doivent guider l’évolution dans la carrière).

Le second cas questionne les conditions de travail au sein des unités de recherche. Des témoignages relativement nombreux alertent sur des situations de chercheurs se déportant d’une activité principale de recherche par manque de moyens (absence d’aide financière pour débuter des recherches, réponses infructueuses aux appels d’offre, etc.), par manque de soutien du laboratoire (peu d’entraide scientifique, d’accompagnement dans les tâches administratives, accès limité aux réseaux d’information, soutien insuffisant pour revenir à la recherche suite à des arrêts de travail prolongés, etc.) ou par dépit quand la réalité du métier de chercheur sur poste permanent ou sénior se révèle très différente de l’activité de recherche pratiquée en début de carrière.

Ces deux cas de figure existent malheureusement et révèlent des dysfonctionnements dans le système de recherche. Ils sont d’autant plus problématiques s’ils affectent des chercheurs en début de carrière. Nous tenons cependant à insister sur le fait que, dans la très grande majorité des dossiers traités par la CID50, les chercheurs manifestent un grand intérêt pour les activités qu’ils mènent, des activités qui sont effectivement très utiles au bon fonctionnement des institutions où ils les exercent.

Ayant évoqué l’orientation, parfois en début de carrière, vers une activité dévolue principalement à la gestion de la recherche, il convient de rappeler que ce processus est également réversible. Nous recevons régulièrement des demandes de cessation de rattachement à la CID50 liées à la reprise d’un travail exclusif de recherche. Cependant, ce retour vers la production de connaissances est peu fréquent car complexe et risqué. Sa réussite suppose de renouer avec un état de l’art scientifique qui a évolué, souvent très rapidement, et de reprendre des contacts scientifiques fructueux. Aussi l’engagement dans la gestion de la recherche doit être mené de façon raisonnée, d’autant plus que les carrières construites majoritairement ou exclusivement sur des activités de gestion comportent des difficultés spécifiques traitées dans les deux sections suivantes.

V. Chercheurs en gestion de la recherche et ITA

Certaines des activités menées par les chercheurs relevant de la CID50 sont très proches, voir identiques, à des métiers listés dans les branches d’activités professionnelles des ingénieurs et techniciens. En particulier on trouve de fortes correspondances dans les BAP-F et BAP-J comme indiqué ci-dessous.

BAP-F, Culture, communication, production et diffusion des savoirs

Mots-clés CID50 en lien avec ces métiers :

2.e Diffusion de la culture scientifique, Communication, Médiation

2.i Information scientifique et technique

BAP-J, Gestion et pilotage

Mots-clés CID50 en lien avec ces métiers :

1.g Administration de site (implication forte dans l’administration d’un instrument structurant sur un site)

1.h Administration locale (implication forte dans l’administration d’une structure locale, secrétariat général d’une unité par exemple)

2.f Valorisation de la recherche et ingénierie projet

2.g Gestion des ressources humaines

Cette coïncidence n’est pas fortuite car il y a un certain continuum entre les activités des chercheurs et des ingénieurs au CNRS. C’est également le cas pour les autres branches d’activité. Un chercheur en sciences de l’information par exemple pourra faire du développement logiciel pour étayer ses contributions théoriques et en cela mener des activités en lien avec la BAP-E Informatique, Statistiques et Calcul scientifique. Inversement il est fréquent que les ingénieurs de recherche, lorsqu’ils sont titulaires d’un doctorat – ce qui arrive de plus en plus fréquemment –, proposent et développent des connaissances nouvelles qui conduisent à des publications scientifiques. Si la frontière entre les activités des chercheurs et celles des ingénieurs est donc floue, il n’en demeure pas moins que la CID50 est très attentive aux questions de formation à l’exercice des métiers occupés et de plus-value du passé de chercheur dans l’activité exercée. Elle s’interroge également régulièrement – au cas par cas – sur la pertinence d’un passage du corps des chercheurs à celui des ingénieurs de recherche.

La CID50 estime important qu’un chercheur s’orientant vers, ou menant principalement des activités en lien avec les BAP, en particulier F et J citées précédemment, suive des formations adaptées. Il convient en effet de connaître les aspects techniques spécifiques au métier exercé afin de pouvoir interagir en connaissance de cause avec les ingénieurs et techniciens de ce même métier, voire d’intervenir dans les réseaux métiers quand ils existent. Dans ce processus il peut être pertinent de se poser la question d’un changement de corps vers celui des ingénieurs de recherche, processus possible au CNRS, même s’il reste très peu pratiqué. La CID50 constate que ce changement de corps est souvent évoqué par les ressources humaines pour les chercheurs qui se trouvent en difficulté professionnelle. Malheureusement, cette voie n’est pas en soi une solution aux difficultés rencontrées si celles-ci relèvent de problématiques autres que l’activité professionnelle. Le changement de corps, qui requiert un avis de la commission administrative paritaire des ingénieurs de recherche, est concrètement réalisable à la condition qu’existe un projet professionnel étayé.

Hormis ces cas très minoritaires et complexes, la CID50 tient à noter qu’il y a une véritable légitimité pour les chercheurs, et maintenus comme tels dans le corps de chargés ou de directeurs de recherche, à mener des activités relatives aux BAP F et J. Leur expérience de recherche passée, ou toujours en cours pour une partie de leur temps, leur fournit des compétences supplémentaires spécifiques. Ils ont ainsi par exemple une meilleure connaissance des temporalités de la recherche, une plus grande aisance à interagir avec les chercheurs, possèdent plus d’éléments pour transmettre au grand public, aux acteurs sociaux et économiques, aux décideurs politiques, les réalités des travaux de recherche en cours. Il est donc primordial que les activités des chercheurs relevant de la CID50 soient appréciées à leur juste valeur, par des pairs chercheurs et non dans un cadre hiérarchique et qu’ils aient accès comme tous les autres chercheurs à l’intégralité des possibilités de carrière.

VI. Gestion RH des cadres dirigeants

Le CNRS, comme l’ensemble des organismes de recherche, a tout intérêt à développer une politique de détection des personnels à haut potentiel et d’accompagnement dans leur carrière, tant pour son fonctionnement interne que pour son rayonnement au sein d’autres organismes ou administrations. La politique de l’organisme vis-à-vis de cette population est menée par la direction déléguée aux cadres supérieurs (DDCS) qui conduit des actions de détection et d’accompagnement. Compte tenu du périmètre de la CID50, les liens avec la DDCS peuvent sembler relever de l’évidence, ils nécessitent néanmoins d’être renforcés selon des modalités à définir.

Par l’évaluation de tous les dossiers par la commission au cours de la première partie du mandat, une typologie a pu être établie :

– Les parcours à des postes de direction ou de direction adjointe au sein de l’organisme, dont l’évaluation est relativement aisée puisque les types d’activités réalisées sont connus des évaluateurs et peuvent faire l’objet de comparaison. Il en résulte que les promotions de ces chercheurs ne présentent pas de différences majeures par rapport à celle de leurs homologues aux profils purement scientifiques évalués par les sections disciplinaires. En revanche, leurs évolutions de carrière en termes de possibilités de changement de poste méritent d’être mieux accompagnées. Il est normal et nécessaire qu’il y ait régulièrement des changements dans les postes que ces chercheurs occupent. Il faut que cette évolution de carrière soit anticipée au mieux par eux-mêmes et par l’organisme, que les procédures d’accès à d’autres fonctions soient transparentes et mieux connues, pour que les chercheurs qui se sont engagés dans ces carrières aient des perspectives à leur disposition à la hauteur des compétences acquises dans l’exercice de leurs fonctions.

– Les parcours hors organisme qui regroupent des situations plus complexes, avec plus de variabilité d’un individu à l’autre et qui sortent en grande partie du champ de visibilité du CNRS et de la CID50. Ces chercheurs sont en détachement ou mis à disposition auprès d’autres structures (autres organismes, administrations, ambassades, associations…). Leur connaissance du fonctionnement de la recherche opérationnelle, des instances de décision de leur organisme d’origine et de ses évolutions s’amenuise inévitablement avec le temps. Le CNRS n’a pas de procédure établie pour garder un contact étroit avec ces chercheurs et connaître le détail de leur situation ni de leur activité. Les chercheurs détachés ne sont par exemple plus évalués périodiquement par le Comité national. Leurs dossiers arrivent cependant à la CID50 à l’occasion de demandes de promotion qu’ils peuvent solliciter, ou à leur retour dans l’organisme.

Concernant ces chercheurs, la CID50 préconise que des méthodes de suivi soient renforcées pour maintenir le lien avec le CNRS tout au long du parcours en dehors de l’organisme. Ce suivi, auquel la CID50 serait prête à participer, permettrait entre autres de mieux connaître les métiers exercés, de positionner plus précisément les demandes de promotion au regard des autres dossiers traités et d’anticiper les difficultés à rédiger un rapport d’activité lors du retour au CNRS. La qualité des dossiers de carrière doit permettre à ces chercheurs d’évaluer le niveau de responsabilité, d’autonomie, de rayonnement des postes qu’ils ont assumés. Un suivi tout au long du détachement, qui contextualiserait le lien entre le CNRS et le poste occupé, permettrait sans doute à l’agent de mieux faire le lien entre son institution et ses missions, et ainsi de répondre de façon plus concrète à cette exigence.

Pour ce qui est du retour des chercheurs en fin de parcours hors CNRS, pour cause de fin de mandat dans le poste occupé par exemple, il rejoint ce que nous avons indiqué pour tous les chercheurs dont la fonction de direction ou d’administration prend fin. Il est cependant encore plus problématique pour peu que les chercheurs concernés n’aient pas demandé de promotion au cours de cette période hors CNRS. Ils se trouvent alors positionnés dans les grilles à des niveaux significativement inférieurs à leurs rémunérations et aux responsabilités occupées précédemment. Le suivi de ces chercheurs par le CNRS pendant leur période de détachement ou de mise à disposition devrait permettre de compenser partiellement ces difficultés. Il convient également de mettre en place un accompagnement au retour qui soit spécifique et individualisé tant pour leur bénéfice que pour celui du CNRS, qui peut gagner grandement aux connaissances que ces chercheurs ont acquises au cours de leur parcours.

VII. Production de documents en gestion de la recherche

Les activités relevant de la CID50 ne génèrent pas ou peu de documents comparables à ceux produits par l’activité de recherche du type articles de recherche dans des revues spécialisées, livres ou chapitres de livre, documents qui sont au cœur de l’évaluation des scientifiques. Ce constat soulève deux questions : celle des supports pour évaluer des activités de gestion de la recherche ainsi que celle de la transmission des compétences acquises et des pratiques.

La première question n’est pas fondamentale dans la mesure où l’évaluation des chercheurs relevant de la CID50 se réalise sur la base de rapports d’activité honnêtes et d’une grande qualité informative. Si certains rapports s’apparentent parfois à des listes d’items du type fiche de poste ou curriculum vitae, la majeure partie des chercheurs fournit heureusement des documents qui décrivent précisément le contenu de leur activité, leurs réussites et leurs difficultés. Certains vont jusqu’à inclure des textes issus de leur travail tels que des rapports internes sur le bilan du service qu’ils dirigent. La CID50 est persuadée que ce type de document est probablement plus abondant que ce qui nous est donné à voir. Ces documents pourraient renforcer la qualité de l’évaluation faite par la commission, surtout si, à la manière des publications scientifiques, ils étaient disponibles à la lecture, et donc à la critique. Loin de nous l’idée d’imaginer un système d’édition avec relecture par des pairs, etc. Il s’agit de suggérer qu’un document prévu comme pouvant être lu par ses collègues sera moins susceptible de comporter des exagérations inutiles.

Ce qui motive cette section concernant les documents issus de l’activité de gestion de la recherche est néanmoins surtout la conviction que l’échange de compétences et de connaissances est intrinsèquement utile. Les chercheurs ayant évolué vers une activité de gestion de la recherche apportent à cette activité la connaissance des pratiques de recherche, l’une d’entre elle étant de savoir synthétiser et rendre compte par écrit. L’échange de connaissances est au cœur de la démarche des scientifiques et il peut en être de même pour les compétences acquises en gestion de la recherche. Il ne s’agit pas de prétendre que les chercheurs de la CID50 devraient devenir des analystes de leurs pratiques et se transformer en chercheur relevant de la CID53 « Méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques ». Plus modestement, il s’agit d’affirmer que des documents existants relevant de la gestion de la recherche mériteraient d’être plus accessibles et de participer ainsi de l’ouverture du système public de la recherche vers le plus grand nombre.

La CID50 suggère ainsi que les chercheurs n’hésitent pas à poster dans l’archive ouverte qu’est HAL des documents issus de leur activité de gestion de la recherche, tout en restant compatible avec la nature de leur activité. On peut penser à des documents comme : les bilans et projets des équipes de recherche produits à l’occasion des évaluations des unités de recherche (ou des versions amendées évitant le côté par trop administratif des documents demandés par l’HCERES) ; des bilans d’activité annuel des conseillers scientifiques en ambassade ; des supports utilisés pour la médiation scientifique ; des supports pour présenter les capacités de recherche collaborative académie-industrie d’une unité de recherche ; des bilans à l’issue d’un appel d’offre concernant la quantité et la qualité des réponses ainsi que le processus ayant conduit aux décisions ; des rapports sur la réalité des menaces motivant la protection du patrimoine scientifique et technique ; des rapports de conjoncture des sections du Comité national, etc. Cette suggestion peut concerner tous les chercheurs car tous ont une part de leur activité qui touche à la gestion de la recherche. Elle est d’autant plus forte pour ceux rattachés ou co-rattachés à la CID50. Une telle pratique renforcerait la légitimité des carrières de chercheurs ayant évolué vers la gestion de la recherche.

Conclusion

L’existence d’une commission dédiée à l’évaluation des activités de gestion de la recherche est une originalité du CNRS en France et plus largement une originalité dans le paysage international de la recherche. À l’heure où des acteurs politiques disent souhaiter encourager la mobilité des chercheurs vers d’autres métiers, par exemple dans l’administration publique, le Comité national de la recherche scientifique, œuvrant au service du CNRS pour l’évaluation de ses chercheurs, reconnaît et a pour vocation d’accompagner ces mobilités. Alors même que l’on entend dire que les chercheurs sont évalués uniquement sur la base d’indices bibliométriques, la CID50 par son existence même, démontre que ce n’est absolument pas le cas. Toutes les missions des chercheurs du CNRS sont évaluées par les sections du Comité national, et au travers de la CID50 cette évaluation va même au-delà des missions principales du CNRS. Mieux encore, l’évaluation exigeante qu’est l’évaluation par les pairs est appliquée à l’intégralité des chercheurs, y compris ceux occupant des postes de direction. Aussi, l’existence pérenne de la CID50 et son rôle au service du CNRS sont une richesse du système de recherche publique en France.

Outre son activité d’évaluation des chercheurs et la participation à leur promotion, le CID50 est un observatoire des évolutions du métier de chercheur scientifique. Au travers de ce rapport de conjoncture, nous avons : complété la définition de la terminologie « gestion de la recherche », en particulier par l’ajout de nouveaux mots-clés et de données statistiques ; nous avons relayé et questionné le constat qu’une part croissante de l’activité des chercheurs est désormais dévolue à l’administration de la recherche ; nous avons mis en garde sur les problèmes posés par une orientation précoce vers une carrière exclusivement dédiée à la gestion de la recherche ; nous avons précisé le distinguo entre chercheurs et ingénieurs quand ceux-ci ont des activités pouvant sembler très proches et précisé la plus-value que représente une connaissance intime de l’activité de recherche ; nous avons recommandé l’amélioration du suivi des chercheurs dans leurs mobilités hors de l’organisme ; nous avons finalement mis en avant l’intérêt que représente la diffusion de documents issus de la gestion de la recherche.

Ces analyses portent non seulement sur les chercheurs relevant totalement ou partiellement de la CID50, mais il nous semble qu’elles reflètent plus généralement certaines évolutions du métier de chercheur dans son ensemble.

Annexe I

BAP : Branche d’activité professionnelle
CDD : Contrat à durée déterminée
CID : Commission interdisciplinaire
CID50 : Commission interdisciplinaire de gestion de la recherche
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
CR : Chargé&point_med;e de recherche
CRCN : Chargé&point_med;e de recherche de classe normale
CRHC : Chargé&point_med;e de recherche hors classe
D2RT : Délégation régionale à la recherche et à la technologie
DDCS : Direction déléguée aux cadres supérieurs
DR1 : Directeur&point_med;rice de recherche de première classe
DR2 : Directeur&point_med;rice de recherche de seconde classe
DRCE : Directeur&point_med;rice de recherche de classe exceptionnelle
DRCE1 : Directeur&point_med;rice de recherche de classe exceptionnelle de premier échelon
DCRE2 : Directeur&point_med;rice de recherche de classe exceptionnelle de deuxième échelon
HAL : Archive ouverte du Centre pour la communication scientifique directe
HCERES : Haut conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
IN2P3 : Institut national de physique nucléaire et de physique des particules
INC : Institut de chimie
INEE : Institut écologie et environnement
INP : Institut de physique
INS2I : Institut des sciences de l’information et de leurs interactions
INSB : Institut des sciences biologiques
INSHS : Institut des sciences humaines et sociales
INSIS : Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes
INSMI : Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions
INSU : Institut national des sciences de l’univers
FEVAR : Fichier d’évaluation des risques
PIA : Programme des investissements d’avenir
TGIR : Très grande infrastructure de recherche