Rapport de conjoncture 2019

Section 10 Milieux fluides et réactifs : transports, transferts, procédés de transformation

Composition de la Section

Françoise Massines (présidente de Section), Karine Loubiere (secrétaire scientifique), Jean-Luc Battaglia, Béatrice Biscans, Jacques Boree, Pierre Brancher (2019-), Patrick Carre, François Charru (2016-2019), Isabelle Chevalot, Stéphanie De Persis, Pascale Domingo (2016-2018), Hervé Doreau, Yoël Forterre (2018-), Pierre-Alexandre Glaude (2018-), Ramiro Godoy Diana, Khaled Hassouni, Chantal Leborgne, Patrick Le Quere, Jacques Magnaudet (2016-2018), Nicolas Mordant, Aurore Naso, Nolwenn Le Pierres, Ouamar Rahli, Konstantinos Termentzidis.

Résumé

La section 10 fédère les chercheurs autour d’une thématique commune, les milieux fluides et réactifs, dont elle traite toutes les facettes. Cette structuration, unique au niveau national comme international, forme un creuset favorable aux approches multiphysiques et multi-échelles, avec un fort niveau d’intégration des phénomènes couplés, rendu possible par l’essor du calcul intensif et d’outils expérimentaux avec des résolutions temporelles et spatiales élevées. La section 10 regroupe plus de 380 chercheurs répartis dans près de 80 laboratoires, parmi lesquels il existe à la fois des laboratoires comprenant jusqu’à 19 chercheurs de la section et des laboratoires rattachés à onze autres sections et six instituts différents dans lesquels la transversalité des thèmes traités par la section prend tout son sens.

Forte de ce potentiel, la section 10 rassemble une large diversité de compétences et d’expertises pour traiter de sujets fortement ancrés dans les sciences de l’ingénierie. Elle aborde, de façon fondamentale et appliquée, des problématiques allant de l’échelle atomique à celle de la planète afin de lever les verrous scientifiques au cœur de ses disciplines comme dans les zones d’interactions avec les domaines de la physique, des mathématiques appliquées, des sciences de l’univers, de la chimie, des matériaux, des sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC), de la biologie et de la santé. Les domaines d’application dans lesquels les milieux fluides et réactifs jouent un rôle clé ne cessent de s’élargir et de se renouveler pour répondre aux problématiques sociétales et économiques. Les milieux fluides et réactifs seront ainsi au cœur des enjeux d’au moins 7 des Objectifs du Développement Durable à l’Horizon 2030. Assurer cette flexibilité nécessite de veiller à constamment consolider et enrichir un socle de connaissances scientifiques fondamentales aptes à générer des solutions en rupture.

Sans être exhaustif, ce rapport est une photographie de l’ensemble de la communauté qui étudie les milieux fluides et réactifs ; communauté qui inclut environ 2 500 enseignants-chercheurs. Il met en avant les thématiques fortes et émergentes des 5 grandes disciplines constitutives de la section 10 : la mécanique des fluides (≈ 45 % des chercheurs), la thermique et l’énergétique (≈ 10 %), les plasmas et les lasers (≈ 20 %), la combustion (≈ 10 %) ainsi que le génie des procédés (≈ 15 %). Il formule aussi des recommandations.

I. Mécanique des fluides

La mécanique des fluides, qui s’est historiquement développée autour de l’hydraulique, de l’hydrodynamique et de l’aérodynamique pour leurs applications traditionnelles, civiles ou militaires, ainsi qu’en géophysique en raison de son importance en météorologie, s’est considérablement diversifiée ces dernières années. Elle s’est ainsi progressivement tournée et ouverte vers d’autres thématiques scientifiques et finalités applicatives, dans le domaine de l’énergétique et des transferts, de la combustion, du génie des procédés, de l’environnement, et plus récemment vers le domaine du vivant, des biotechnologies et de la santé. Parallèlement, des progrès méthodologiques considérables ont été accomplis, permettant de dénouer la complexité des phénomènes sous un triple éclairage, théorique, expérimental et numérique, renouvelant ainsi sans cesse le champ des questionnements scientifiques.

A. Positionnement international, structuration

Au plan international, la Mécanique des Fluides française bénéficie d’une très forte reconnaissance, comme attesté par le nombre de chercheurs impliqués dans la gouvernance et le fonctionnement des sociétés savantes (EUROMECH, IUTAM), par la très forte présence française dans tous les grands congrès internationaux généralistes ou plus spécialisés, ainsi que par l’implication nationale dans les comités éditoriaux des revues majeures du domaine. Cela se traduit d’un point de vue quantitatif : la France est ainsi le troisième pays, après les États-Unis et le Royaume-Uni, comptant le plus de publications dans la revue internationale référence du domaine, « Journal of Fluid Mechanics » ; elle est également deuxième en nombre de publications derrière les États-Unis dans les deux autres revues majeures du domaine, « Physics of Fluids » (IOP) et« Physical Review Fluids » (APS). Il est également significatif que les chercheurs français aient été majoritaires au sein des experts internationaux interrogés en 2018 par le Burgers Centrum (Pays-Bas) pour établir leur rapport de prospective sur « la mécanique des fluides du prochain siècle ».

Au plan national et au sens CNRS du terme, incluant les composantes universitaires, la Mécanique des Fluides est actuellement structurée au sein d’Unités de Recherche rattachées en principal à l’INSIS. Un certain nombre de laboratoires non rattachés en principal à l’INSIS hébergent également une composante Mécanique des Fluides dont les chercheurs relèvent de la section 10 du CoNRS, ou de la section 60 du CNU. Des chercheurs relevant d’autres sections du CoNRS (2, 5, 18, 19, 41 notamment) effectuent également une recherche en Mécanique des Fluides dans des laboratoires relevant en principal d’autres instituts (INP, INSU, INSMI). En outre, en raison de ses nombreuses finalités applicatives traditionnelles dans les domaines de l’ingénierie (aéronautique, énergie, etc.) et de la météorologie, la Mécanique des Fluides s’est développée au sein de grands organismes (CEA, ONERA, EdF, INRIA, IRSN, IRSTEA, IFPEN, IFREMER, IFSTTAR, METEO-France), avec lesquels la communauté académique entretient des liens étroits, notamment en raison des orientations des finalités applicatives des agences de moyens (UE, ANR, CNES, DGA, ADEME).

Par ailleurs, un certain nombre de GdR structure la communauté sur des sujets spécifiques (turbulence, contrôle, Énergies Marines Renouvelables, biomécanique, etc.). Ces GdR sont une plus-value considérable. Ils constituent un cadre important de structuration des sous-thématiques, permettant les nécessaires contacts avec les communautés des différents instituts et organismes pour développer les compétences interdisciplinaires et confronter, développer, les méthodologies. De ce point de vue on ne peut que regretter l’échec de la création du GdR « Dynamique des Fluides Géo- et Astro-physiques », qui aurait été l’occasion de fédérer fortement les recherches en mécanique des fluides trans-instituts (INSU, INP, INSIS).

B. Analyse des thématiques de recherche, développements récents et enjeux

Il est toujours frappant de constater la très grande diversité phénoménologique décrite par les équations de Navier-Stokes, pourtant connues depuis près de deux siècles. Ces équations décrivent en effet des situations aussi différentes que les écoulements supersoniques, les écoulements rampants, et toute la gamme intermédiaire de vitesses, couvrant une gamme considérable d’échelles spatiales, des échelles géophysiques à celles des micro-organismes. Cette pluralité de situations conduit à des spécialisations en sous-disciplines porteuses de problématiques distinctes, qui suscitent des développements méthodologiques spécifiques – théoriques, expérimentaux ou numériques – au sein de laboratoires ayant chacun développé au cours de leur histoire une culture propre.

Ce rapport présente tout d’abord un bref survol des avancées récentes et enjeux majeurs des huit sous-thématiques structurant actuellement la Mécanique des Fluides.

1. Turbulence (phénoménologie, modélisation, mélange, particules)

La turbulence reste un enjeu fondamental, comme attesté par le fait qu’elle soit l’objet d’un des prix du millénaire non encore résolus. Sur le plan conceptuel, les piliers de notre compréhension, qui sous-tendent la modélisation des écoulements turbulents utilisés quotidiennement dans l’industrie, sont revisités actuellement de façon très active en associant modélisation physique, simulation directe, calcul intensif et expérimentation lourde. Au regard du très large spectre d’échelles spatiales et temporelles impliqué, les enjeux propres à la section concernent en particulier la turbulence hors équilibre ou instationnaire, ainsi que la turbulence au voisinage de parois ou d’interfaces, qui gouverne la force de traînée en aérodynamique et les transferts de chaleur et de masse dans les procédés industriels et les milieux naturels. En termes de modélisation, des études fines de type simulation directe permettent aujourd’hui d’accéder à l’ensemble des quantités physiques. Les modélisations des grandes échelles (LES) et hybrides (LES-RANS) en proche paroi font l’objet d’efforts soutenus pour traiter de situations où les résolutions spatiales nécessaires pour résoudre les échelles de turbulence conduisent à des coûts de calcul excessifs. On notera également l’émergence de l’application de l’assimilation de données à la mécanique des fluides numérique, l’objectif global étant de contribuer à l’amélioration de la prévision numérique d’écoulements complexes.

La turbulence en situation de couplages (stratification, rotation) est également un sujet d’étude très actif, en raison de ses applications directes dans les machines tournantes ou dans les situations d’intérêt géophysique ou astrophysique, des liens étroits existant avec les communautés correspondantes. Un domaine en pleine activité est celui de la turbulence d’ondes internes de gravité ou d’inertie, ce qui s’explique par une phénoménologie très similaire à celle de la turbulence homogène isotrope, mais également par son importance en océanographie où par exemple, la paramétrisation du mélange de l’océan est nécessaire pour maintenir les grandes circulations océaniques d’importance dans les modèles climatiques.

Au-delà de ces situations purement hydrodynamiques, des phénomènes multiphysiques additionnels (acoustique, thermique, électromagnétisme, coexistence de phase avec ou sans changement de phase, réactions chimiques) enrichissent la problématique et élargissent les domaines d’application, notamment vers le génie des procédés, la combustion et les plasmas. Cette turbulence se retrouve également dans le contexte astrophysique avec les ingrédients supplémentaires de la magnétohydrodynamique et des plasmas (vents solaires, cœurs d’étoiles, disques d’accrétion). La turbulence superfluide reste également un sujet d’actualité, partagé avec la communauté physicienne en tant que paradigme de mise à l’épreuve de la théorie de la turbulence homogène isotrope.

Enfin, un domaine particulièrement actif, sur lequel la communauté nationale joue un rôle majeur sur le plan international, est celui des propriétés de dispersion et de mélange de particules ou de bulles dans un écoulement turbulent, tout particulièrement en ce qui concerne une variété de particules, déformables ou encore actives, en lien avec des finalités biologiques ou biomécaniques. L’enjeu est ici de déterminer les forces s’exerçant sur ces particules ou bulles dans le but d’en proposer des modélisations macroscopiques pour des codes de suivi lagrangien, à des fins industrielles, environnementales ou biomédicales.

2. Écoulements compressibles (super et hypersonique, gaz raréfiés, ondes de choc, aéro-acoustique)

Dans ce domaine traditionnel, renouvelé par des enjeux de santé publique (nuisances sonores) ou de nouvelles perspectives technologiques (micro systèmes gazeux), les efforts de modélisation des effets de compressibilité doivent être maintenus. La prise en compte des effets de thermodynamique hors équilibre et des interactions moléculaires sont également un enjeu important.

En aérodynamique, les interactions chocs-couche limite constituent toujours une problématique d’importance, en liaison notamment avec les instabilités de couplage fluide-structure et les phénomènes de fatigue des matériaux. En parallèle, l’augmentation continue du trafic aérien et les contraintes environnementales croissantes imposent de continuer à progresser dans la compréhension, l’identification et la réduction des sources de bruit à grande vitesse.

Dans le domaine spatial, la question des instabilités fluide-structure induites par les couplages entre les jets supersoniques non-adaptés et les résonances thermoacoustiques et mécaniques des structures reste un sujet d’actualité, partagé avec les communautés de la mécanique des structures et de la combustion. Les effets d’hydrodynamique dans les propulseurs plasma, et les problèmes d’érosion induits, constituent également un champ partagé avec la communauté plasma.

3. Instabilités et contrôle (transition à la turbulence, effets non linéaires, modèles réduits, apprentissage)

L’étude des instabilités hydrodynamiques a fait de grands progrès dans les années 1990, par le développement des concepts d’instabilité convective et absolue, de mode global, de réceptivité aux perturbations, et de perturbation optimale. Les développements non linéaires se sont largement appuyés sur la théorie des systèmes dynamiques, notamment pour l’étude de la transition à la turbulence. Ces concepts ont permis d’étendre considérablement l’accord entre observations expérimentales et calculs. Ils font aujourd’hui partie du « bagage culturel » des mécaniciens des fluides, et sont largement utilisés dans des situations très variées.

Les développements récents portent sur les écoulements inhomogènes, stratifiés en densité ou en température, en raison de leur intérêt en météorologie, en océanographie, ou dans les procédés. La présence de parois nécessite une meilleure compréhension de l’influence de la rugosité sur des mécanismes d’instabilité et de transition vers la turbulence, notamment par les effets de non-normalité et de transition by-pass.

Un domaine toujours actif est la manipulation et le contrôle d’écoulements ouverts au voisinage de la transition à la turbulence, à l’aide de techniques d’optimisation faisant appel aux concepts d’équations adjointes, du contrôle optimal, ou du contrôle en boucle fermée. Les derniers développements mettent en œuvre des méthodes de contrôle sur la base de modèles réduits issus des techniques d’apprentissage sur des données expérimentales ou numériques, couplées avec des algorithmes de contrôle en boucle fermée. Si l’on ne comprend pas toujours les raisons de la réussite de ces méthodes, ici comme dans d’autres domaines scientifiques, les résultats obtenus incitent à poursuivre l’effort dans cette direction sur laquelle la communauté nationale est très bien positionnée.

Sur le plan applicatif, un enjeu ambitieux consiste à manipuler un écoulement turbulent, ce qui suppose de disposer d’un modèle réduit de la dynamique de l’attracteur (ce modèle pouvant être atteint par différentes techniques : stabilité linéaire autour du champ moyen, techniques de machine learning sur des données couplant expérience et calcul) dans le but de le déplacer dans l’espace des phases en vue de modifier ses propriétés statistiques. Les champs applicatifs concernent l’aérodynamique ainsi que les propriétés de transfert ou de mélange.

Les domaines encore largement ouverts concernent les instabilités de systèmes couplés, faisant intervenir notamment des interactions fluide-structure (ce champ est dynamisé par le développement des énergies marines et éoliennes et de l’aérodynamique des ailes souples), ou des couplages avec des phénomènes thermiques ou réactifs (instabilités de combustion).

Enfin, un domaine classique, mais dans lequel les progrès sont relativement lents au regard des efforts mobilisés, est celui des instabilités magnétohydrodynamiques, dont les finalités concernent tant la géophysique (genèse du champ magnétique terrestre et ses renversements), que l’industrie métallurgique, ou plus récemment le stockage de l’énergie (batteries à métaux liquides).

4. Ondes de surface et ondes internes (hydrodynamique navale, océan et atmosphère, événements extrêmes, morpho-dynamique côtière)

Le domaine des écoulements à surface libre a longtemps été intimement lié à l’hydrodynamique navale, en raison des questions de résistance à l’avancement ou de tenue à la mer des engins flottants. C’est un domaine correspondant à des écoulements à grand nombre de Reynolds, dans lequel les capacités prédictives des outils de conception reposent toujours sur l’amélioration des lois de turbulence de paroi (cf. section 1), dans un contexte de géométrie complexe.

L’essor des énergies marines renouvelables a enrichi le domaine de nouvelles problématiques, liées à la prédiction des états de mer, à leur évolution sur des fonds variables, à leur caractérisation spectrale, à l’interaction entre houle et obstacles fixes ou flottants, et à la compréhension de l’impact environnemental des systèmes, notamment sur le plan hydro-sédimentaire. Une attention particulière doit être portée, en lien avec la physique non-linéaire, aux événements extrêmes, comme les vagues scélérates ou les tsunamis générés par les phénomènes sismiques. Au-delà des récits de marins, ces événements sont aujourd’hui mieux appréhendés grâce à la finesse spatio-temporelle atteinte par les moyens d’observation, notamment satellitaires. Ces avancées permettent la reconstitution d’états de mer, mieux résolus grâce à l’assimilation de données et à l’amélioration de l’identification des zones potentiellement dangereuses.

Notons encore l’importance croissante de la modélisation des zones littorales. L’impact des tempêtes est devenu ces dernières années un enjeu sociétal préoccupant, tant du point de vue de la sécurité des personnes et des biens, qu’en raison des conséquences des mouvements sédimentaires sur la morphologie du littoral. Par ailleurs, cette zone littorale est un biotope d’importance majeure et l’interaction entre dynamique des vagues et végétation fait également l’objet d’un nombre croissant d’études.

Enfin, l’étude des écoulements en eau peu profonde, au-delà de ses applications traditionnelles en hydraulique qu’il convient de poursuivre (notamment pour simuler de manière unifiée l’ensemble des situations – mouillé/démouillé, crues, etc.), offre des analogies stimulantes avec différents phénomènes de physique fondamentale, ouvrant ainsi des collaborations avec les communautés correspondantes.

5. Interactions fluide-structure (structures rigides, structures souples, poroélasticité, vol et nage, végétaux)

Un des problèmes les plus classiques de la Mécanique des Fluides est le détachement tourbillonnaire derrière des obstacles, où l’enjeu est de prédire la fréquence du détachement en fonction du nombre de Reynolds, tant pour son intérêt fondamental que pour son importance pratique (tenue des ouvrages). Ce problème se trouve réactualisé dans le contexte du développement des énergies renouvelables, éoliennes ou hydroliennes. Les questionnements correspondants concernent en particulier la compréhension des interactions de sillages, en lien avec l’optimisation de l’implantation de fermes d’éoliennes, dans le but de maximiser leur production et d’assurer une longévité maximale et des conditions sures de fonctionnement.

Par ailleurs, l’évolution des techniques de fabrication permet aujourd’hui de disposer de surfaces à géométrie variable (ailes souples), dont la forme peut varier de manière passive ou active en fonction des conditions opératoires. Le thème de l’interaction fluide-structure est ainsi renouvelé sur le plan expérimental ainsi qu’en termes de modélisation et de simulation numérique.

Enfin, notons que cette sous-thématique a débordé le champ des applications traditionnelles pour s’ouvrir vers les sciences du vivant, par exemple vers les problèmes concernant les écoulements biologiques ou ceux issus de la propulsion animale (nage de poissons, vol d’insectes ou d’oiseaux). Parmi les questions récurrentes se trouve celle du couplage entre la dynamique tourbillonnaire et l’élasticité du corps en mouvement, ainsi que les questions de texturation ou de fonctionnalisation des surfaces.

6. Interfaces (thermohydraulique, microfluidique, bulles, pulvérisation, mouillage et glissement, milieux poreux)

Au-delà de ses applications traditionnelles, le domaine des écoulements multiphasiques a bénéficié ces dernières années de nets progrès dans le domaine des techniques expérimentales (tomographie, caméras rapides, etc.), qui ont donné à percevoir une phénoménologie toujours plus riche et détaillée. Des progrès considérables ont également été réalisés dans le domaine de la modélisation et de la simulation numérique avec différentes techniques de prise en compte de l’interface ou des inclusions, des forts contrastes de densité et de viscosité, et de la tension de surface. Dans ce domaine, la communauté française se situe au tout premier plan international, avec le développement et la mise à disposition de plusieurs codes de simulation numérique, dont certains ont su s’imposer à l’échelle internationale. Ces outils ont permis de réaliser des avancées spectaculaires dans l’amélioration des capacités prédictives, notamment en matière de fragmentation et d’atomisation de jets liquides, et ainsi de revisiter les lois d’échelle entrant dans les modélisations à un fluide unique équivalent couramment utilisées chez les partenaires industriels. Ils ont également donné accès à des connaissances majeures dans l’identification des mécanismes élémentaires gouvernant les trajectoires de bulles ou de gouttes, ainsi que dans la détermination des forces hydrodynamiques entrant dans des modélisations plus globales de trajectoires de populations de bulles.

L’étude des milieux poreux constitue un autre thème majeur. Il s’est élargi à la fois du point de vue de la modélisation et des expériences vers les milieux déformables, réactifs et multiphasiques autour de questions ouvertes sur le séchage, la dissolution, le transfert de masse et de chaleur, en lien avec des problématiques liées aux milieux géologiques, manufacturés ou biologiques.

Au-delà des applications traditionnelles en thermo-hydraulique et en génie des procédés, des ouvertures nouvelles sont apparues, vers la microfluidique (micro-échangeurs, micro-réacteurs, lab on chip) et même la nanofluidique (nanotubes, membranes). Les phénomènes interfaciaux et les conditions aux limites de glissement prennent ici une importance déterminante dans la dynamique des écoulements et les propriétés de transfert et de mélange. Ces travaux sont réalisés en lien avec la communauté du génie des procédés, dans les domaines de l’environnement et l’énergie (désalinisation, conversion d’énergie par couplage électro-osmotique).

Enfin, un enjeu actuel important réside dans la prise en compte du changement de phase liquide-vapeur en présence d’une interface solide (cavitation hétérogène, ébullition), ainsi que les problèmes liés à la dynamique des lignes de contact triple et à leur modélisation (hystérésis, mouillage sur des solides mous).

7. Fluides complexes et milieux divisés (pâtes et boues, émulsions, milieux granulaires, gels, suspensions actives, mousses et poudres)

La notion de fluide complexe s’est considérablement élargie ces vingt dernières années, passant des fluides non-newtoniens classiques, déjà riches de par la multiplicité de leurs lois de comportement (fluides à seuil, visco-élastiques, etc.), à des fluides plus complexes, tels que les pâtes et boues, les émulsions et gels, ou encore la matière active d’origine biologique. Un domaine connexe est celui des milieux granulaires ou fibreux, où se manifestent des effets fortement non linéaires (formation d’agrégats ou de bandes de cisaillement, des transitions solide-fluide). Ce sont des sujets d’importance majeure compte-tenu de leurs applications industrielles (industries cimentière, cosmétique, agroalimentaire, galénique, chimique), ou environnementales (transport sédimentaire) liées aux risques naturels ou aux conséquences du changement climatique.

Les défis scientifiques ont trait à l’élaboration de lois de comportement de type milieu continu, en particulier dans des régimes de fortes concentrations où des travaux récents ont mis en évidence le rôle crucial des contacts solides et du frottement dans les suspensions denses, unifiant le comportement des suspensions et des milieux granulaires. Les mousses, les tensioactifs et leur effet sur l’hydrodynamique des films et la rhéologie constituent un autre sujet en plein développement. Pour toutes ces questions, l’impact et le rôle de la physico-chimie à l’échelle locale (cohésion, répulsion, mouvement Brownien, élasticité) sur les phénomènes macroscopiques restent à évaluer plus précisément. Un autre sujet porteur concerne l’élaboration en mode « reverse engineering » de milieux aux propriétés macroscopiques contrôlées ou ajustables.

Dans ce domaine, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques de changement d’échelle couplant les échelles microscopiques et l’échelle du continu, en s’assurant du caractère bien-posé des modèles proposés en vue de leur résolution numérique, et également du recours à des développements expérimentaux originaux pour voir dans l’opaque, à base de tomographie RMN, X-ray, acoustique. Des collaborations fructueuses entre mécanique, mathématiques appliquées, génie des procédés et physico-chimie sont à intensifier.

8. Mécanique du vivant (circulation du sang et des voies aériennes, morphogénèse, bio-mimétisme, végétaux, comportements collectifs, pathologies, etc.)

Longtemps délaissée en tant que déterminant de la structuration et des fonctionnalités du vivant au profit de la génétique, la Mécanique des Fluides est revenue en force ces dernières années dans les sciences du vivant. Il s’agit ici de modéliser la circulation du sang ou des voies aériennes, la croissance d’une tumeur, ou de comprendre le transport de l’eau dans les plantes ou l’influence du vent sur leur croissance, avec en toile de fond des préoccupations de santé, de biologie (morphogenèse, mécano-perception), d’environnement ou d’agronomie. Dans un premier temps, cette évolution a conduit à s’intéresser aux objets individuels (cellules, vésicules, écoulements intracellulaires, etc.). Elle s’est enrichie plus récemment de problématiques liées aux populations d’organismes cellulaires, à leur croissance et leur migration dans des milieux ou sur des substrats variés, irriguant ainsi la communauté de nouveaux questionnements. De nouvelles perspectives s’ouvrent maintenant vers l’élaboration de composants ou systèmes biomimétiques permettant de reproduire de manière synthétique des comportements multi-fonctionnels caractéristiques des systèmes vivants.

Enfin, au-delà de la compréhension de ces interactions particulièrement complexes entre écoulements et milieux vivants, la Mécanique des Fluides joue également un rôle important dans le développement de diagnostics médicaux plus performants et plus personnalisés (microfluidique, lab-on-chip, insuffisance respiratoire) ainsi que dans la conception et le développement de dispositifs de palliation de pathologies humaines (cœur artificiel, stents, larynx artificiel).

C. Analyse des forces et faiblesses, recommandations

La Mécanique des Fluides est une discipline au carrefour de nombreux champs disciplinaires qui débordent largement les sciences de l’ingénieur et avec lesquels elle partage de nombreux questionnements scientifiques. Une de ses caractéristiques est qu’elle n’est pas définie à partir de finalité(s) applicative(s). Elle n’étudie pas un objet, mais fournit les méthodes et concepts indispensables dans de très nombreuses disciplines et applications. Elle embrasse ainsi une très grande diversité phénoménologique qui entraîne des spécialisations en sous-disciplines distinctes. Cette situation est favorable du point de vue de la reconnaissance de son importance, mais présente néanmoins le risque d’une perte de vision unificatrice et de la maîtrise de ses questionnements propres, risque accentué par les politiques actuelles de financement sur appel à projets mettant en avant de manière quasi-systématique les finalités applicatives. Il paraît donc nécessaire de revenir à une situation plus équilibrée, en particulier dans les appels à projets de type ANR, sans même parler de revaloriser de manière significative les taux d’acceptation des projets.

Si la communauté nationale est perçue comme forte hors de nos frontières, sa diversité et son écartèlement entre différentes institutions et différents organismes peut être source d’une certaine fragilité institutionnelle, situation aggravée par l’absence d’une société savante qui porterait ses intérêts spécifiques, à l’instar de la Société Française de Thermique, de la Société Française de Génie des Procédés, du Groupement Français de Combustion. Un manque à combler ?

II. Thermique et Énergétique

A. Positionnement international, structuration

La Thermique et l’Énergétique sont centrées sur l’étude et l’optimisation des transferts, de la récupération, de la conversion ou du stockage de l’énergie dans les matériaux et les systèmes. À ce titre, elles sont étroitement liées aux autres disciplines de la section 10. Au-delà, la thermique est présente aux interfaces avec la chimie, la physique et le vivant notamment. Le grand nombre de projets collaboratifs, nationaux et internationaux, académiques ou avec l’industrie atteste de son rôle incontournable dans la réponse à des défis sociétaux majeurs. Cette vitalité se confirme également au travers du nombre toujours croissant de publications ainsi que de la forte évolution du contenu pédagogique de l’enseignement qui a eu lieu ces dernières années au sein des universités et des écoles d’ingénieurs. La communauté dispose aussi de plateformes uniques au monde comme celle pour le solaire sous très forte concentration.

B. Analyse des thématiques, développements récents et enjeux

1. Thématiques et développements

Les nouveaux développements, tant sur les aspects théoriques méthodologiques qu’expérimentaux sont liés aux évolutions technologiques des appareils de mesure, à l’élaboration de nouveaux matériaux et à l’augmentation continue des capacités et des méthodes de calcul intensif. Ainsi, le développement de nouveaux instruments de mesure de champs a augmenté l’échelle d’observation spatiale, de la matière condensée (nano-thermique) jusqu’à la thermique des zones urbaines ou du globe. Les répercussions sont également sensibles sur le domaine temporel exploré, de la fraction de picosecondes jusqu’à plusieurs années. La nano-thermique a connu un essor considérable via l’exploitation de nouveaux phénomènes, processus et fonctionnalités qui résultent du comportement singulier des porteurs de la chaleur (électrons, phonons, photons) dans des nanostructures ou des matériaux structurés. La dématérialisation du Kelvin par l’utilisation de la constante de Boltzmann est un point à souligner, qui rappelle les liens étroits avec la physique statistique.

D’autre part, l’augmentation des capacités de calcul intensif et des méthodes numériques permet de prendre en compte de manière de plus en plus précise le caractère multi-physique et multi-échelle d’une observation. Cette nouvelle possibilité ouvre non seulement la voie à de nouvelles techniques de simulation, mais permet aussi de répondre à des questions complexes relatives au changement d’échelle ; ces évolutions trouvent notamment des applications dans le domaine des milieux divisés, tel que les milieux poreux, mais aussi pour les transferts dans les écoulements granulaires ou particulaires. Les évolutions des méthodes numériques offrent également des perspectives importantes pour la prise en compte plus précise de phénomènes couplés, non-linéaires et possédant des dynamiques différentes, que ce soit entre différents modes de transfert ou dans le couplage avec d’autres physiques (écoulements fluides, chimie).

Ces évolutions entraînent une augmentation considérable de la quantité de données mise en jeu tant du point de vue de la mesure (champs en 2D ou tomographie en 3D) que des résultats de simulation, quantités d’autant plus grandes que l’on s’intéresse à des phénomènes transitoires. De nombreux progrès ont été réalisés pour réduire la quantité de données au travers de techniques statistiques inférentielles (le Big Data), la recherche de modèles compacts (pour le rayonnement des gaz par exemple) ou bien la dimension des modèles (réduction ou identification de modèles).

Il est important de mentionner les développements dans les techniques dites
« inverses », consistant à confronter mesures et simulations, dont une application importante est l’optimisation et le contrôle de procédés énergétiques en temps réel. Si cette application portait plutôt sur des critères macroscopiques jusqu’ici, les développements récents laissent entrevoir la possibilité d’optimisation sur des critères plus locaux, améliorant ainsi la finesse de l’optimisation. Notons également que l’intelligence artificielle a fait d’énormes progrès ces dernières années aussi dans la Thermique-Énergétique, et le développement des techniques d’apprentissage automatique (machine learning) trouve aujourd’hui des applications dans le design de matériaux aux propriétés thermiques prescrites a priori.

2. Enjeux

La Thermique-Énergétique se trouve à la croisée de cinq enjeux sociétaux : la transition énergétique et le développement durable, l’industrie du futur, les sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) et la santé.

La transition énergétique et le développement durable passent par la définition de nouvelles sources d’énergie à l’échelle globale, mais aussi par l’utilisation raisonnée d’énergies alternatives où le stockage, le transport, l’échange transitoire et contrôlé sont des enjeux clés. De nombreux travaux de recherche se focalisent sur la caractérisation et la mise en œuvre de matériaux nouveaux : matériaux biosourcés, matériaux à changement de phase, nanofluides, fluides supercritiques, matériaux pour la conversion thermo-photovoltaïque et matériaux pour le transport de la chaleur par rayonnement. Des questionnements restent ouverts, concernant en particulier la conversion et le transfert d’énergie pour la pile à combustible, les systèmes thermoélectriques et les machines thermiques. La dissipation de la chaleur contrôlée aux très petites échelles pose actuellement des questions aux frontières entre thermique et physique de la matière condensée (thermotronics ou cristaux phononiques). La thermique du bâtiment occupe toujours une place particulière dans la transition énergétique. Les enjeux en recherche sont relatifs à la modélisation multi-échelle et aux couplages à l’échelle des zones urbaines, pour laquelle il est nécessaire d’intégrer les réseaux intelligents (réseaux thermiques intelligents et hybrides). Les applications concernent la préservation du patrimoine et la qualité de l’air. Enfin, la gestion de l’énergie thermique dans les futurs systèmes de propulsion électrique (automobile et aérienne) est un champ en évolution rapide. La Thermique joue aussi un rôle en émergence dans le recyclage des matériaux, notamment les composites et les métaux précieux et terres rares dans les dispositifs électroniques.

L’apparition récente de nouvelles méthodes de conception et de fabrication dans l’industrie du futur est en partie due à l’instrumentation et au traitement des données générées à partir de modèles multi-physiques et multi-échelles. Il est donc envisageable d’appréhender l’évaluation non-destructive des propriétés des objets lors de leur fabrication. La prise en compte de l’environnement thermique du procédé sur la micro-structuration des matériaux est incontournable en regard des performances attendues. La thermique occupe une place importante dans l’étude des procédés de fabrication additive, incluant les critères de consommation énergétique et de performances thermiques dans la gestion de flux de production. L’association de la métrologie et de « jumeaux » numériques engendre de nouvelles méthodes de conception et de fonctionnement optimal de systèmes robotiques ainsi que la commande et le suivi de systèmes thermiques et thermodynamiques. Enfin, l’utilisation optimale de l’énergie dans l’industrie rejoint les problématiques de transition énergétique.

Dans le domaine des STIC, l’utilisation de composants électroniques nanostructurés entraîne des enjeux expérimentaux pour la mesure des propriétés thermiques à des échelles sub-micrométriques, le problème majeur restant ici en lien avec la quantification des mesures. On retrouve ces enjeux pour la modélisation autour des couplages de porteurs élémentaires à ces petites échelles ainsi que le couplage avec le continuum environnant. Les systèmes thermodynamiques sont aussi des objets d’étude intéressants à ces petites échelles. Le développement des MEMS/NEMS ouvre encore de nouvelles perspectives pour la métrologie, les actionneurs thermiques ou le fonctionnement en conditions extrêmes aux petites échelles. La multiplication de capteurs multi-physiques dans les systèmes (thermique du bâtiment, procédés de mise en forme des matériaux) implique aussi le développement de méthodes adaptées de gestion et d’analyse des données. Les problématiques de stockage d’énergie sont aussi réelles en vue du fonctionnement de capteurs autonomes, connectés, miniaturisés ou adaptés à des conditions sévères.

La thermique du vivant reste un domaine complexe et donc générateur de nombreuses collaborations entre thermiciens, biologistes, chimistes, médecins. De nombreux développements expérimentaux d’imagerie thermique 3D restent nécessaires pour atteindre et neutraliser des tumeurs au travers de méthodes thermiques. Les traitements par laser nécessitent un contrôle beaucoup plus complexe de la gestion des sources de chaleur en milieu biologique et le développement théorique des interactions laser-vivant. Le caractère multi-échelle est aussi fortement présent dans ces milieux biologiques et la microscopie thermique du vivant est un axe qui doit se développer. La résistance de l’homme aux conditions thermiques extrêmes est une application qui rentre dans le cadre général de l’homme augmenté. Dans ces applications on retrouve souvent le concept de thermique « bio-inspirée » ou « bio-mimé ».

C. Analyse des forces et faiblesses, recommandations

La Thermique et l’Energétique sont au cœur des grands défis sociétaux, en particulier la transition énergétique, le développement durable et l’industrie du futur, mais également la santé et la société numérique. Ces enjeux convoquent la thermique et l’énergétique sur des gammes d’échelles étendues, sur les plans spatial et temporel comme en termes de puissance ou de quantités d’énergie, nécessitant de nouveaux développements méthodologiques. Il en est de même pour répondre à des objectifs d’optimisation et d’amélioration de l’efficacité énergétique où la thermique est généralement perçue comme un phénomène limitant. Les développements métrologiques et numériques aidant, on constate que la recherche en thermique se place à des échelles spatiales et temporelles de plus en plus petites. Le lien méthodologique avec des finalités applicatives se situant à des échelles macroscopiques devient alors problématique. Ainsi, la thermique des zones urbaines est un bon exemple de cette difficulté. L’analyse des derniers recrutements effectués pour la discipline thermique au sein de la section 10 témoigne indéniablement de cette difficulté : pratiquement, il est plus facile de convaincre de l’intérêt et de la pertinence d’un projet aux nano-échelles que sur des projets aux échelles urbaines. La communauté de la Thermique-Energétique n’est pas la seule discipline confrontée à cette difficulté, mais elle est tout particulièrement concernée. Concilier la thermique aux nano-échelles et la problématique de l’amélioration des performances thermiques de l’habitat devient un enjeu majeur. Le cloisonnement entre disciplines est également un frein au rayonnement de la thermique en tant que discipline intégrative se situant au cœur du changement d’échelle.

III. Plasmas froids et Lasers

Les plasmas de décharge sont des milieux ionisés résultant du couplage d’énergie électromagnétique avec des fluides gazeux, et plus récemment, liquides. Suivant la pression et le mode de couplage, ces plasmas sont proches de l’équilibre thermodynamique (plasma thermique) ou hors équilibre (plasma froid). Dans les procédés lasers, l’énergie photonique transmise à un solide induit des changements de phase allant jusqu’à l’émission et l’ionisation de la vapeur. Le comportement et les caractéristiques de ces milieux ionisés, comme les procédés qui en découlent, sont gouvernés par des phénomènes fortement corrélés. Ces plasmas se différencient des plasmas de fusion (section 4) par leur caractère hors équilibre et/ou collisionnel, mais aussi par les phénomènes aux parois (électrodes).

A. Positionnement international, structuration

Les recherches conduites dans la communauté plasma-laser de la section 10 s’appuient sur une approche pluridisciplinaire pour traiter, de manière intégrée, les problématiques de physique des décharges (phénomènes de claquage), de physique des plasmas et des lasers (processus élémentaires, effets collectifs, interaction onde-plasma), physique atomique et moléculaire, cinétique chimique, changement de phases, phénomènes de transport, interactions plasma/matériau et laser/matériau. Cette communauté réunit des chercheurs de disciplines différentes travaillant aux interfaces avec le génie des procédés, la thermique, la mécanique des fluides, la combustion, le génie électrique, la chimie, la biologie, le biomédical, la science des matériaux et la micro électronique.

Au sein du CNRS, il existe des interactions entre les communautés « plasmas froids/procédés lasers » de la section 10 et « plasmas chauds » de la section 4 au niveau des travaux de la Fédération de Recherche FR3029 FCM-ITER sur la Fusion par Confinement Magnétique et de l’interaction laser/matière à haut flux. La communauté interagit également avec les sections 8 (micro- et nano- technologies, énergie électrique et photonique), 9 (ingénierie des matériaux : couches tribologiques, de protection des métaux, céramiques), 15 (chimie des matériaux, nanomatériaux et procédés) et 28 (Ingénierie et technologies pour la santé).

Au niveau national, la communauté plasma-laser, qui comprend environ 70 chercheurs et 300 enseignants chercheurs, se structure autour du « Réseau Plasmas Froids », créé en 2002, et du réseau « FEMTO » créé en 1997. Leur existence permet de transmettre les fondamentaux et de suivre l’évolution des techniques expérimentales et de modélisation pour enrichir le socle des connaissances indispensables à toute innovation. Soulignons que les avancées récentes dans la compréhension des mécanismes et phénomènes qui gouvernent ces milieux ionisés, leurs interactions avec l’environnement et les procédés associés ont été obtenues grâce au développement massif des outils de diagnostics et de modélisation numérique. Notons également que le GDR ACO-CHOCOLAS « Action Concertée pour l’Étude des Matériaux sous très grandes Vitesses de Déformations » regroupe la communauté Laser. En revanche, si les GDR HAPPYBIO « Application des procédés physiques à la biologie » et l’IRN « Nanomatériaux multifonctionnels » impliquent plusieurs équipes plasmas, il n’y a plus de GDR relevant spécifiquement des plasmas.

Au niveau international, les équipes plasma-laser interagissent très fortement avec des laboratoires étrangers. Si ces collaborations sont structurées par l’existence de LIA (MINOS avec la Grèce, LIPES avec le Luxembourg, KAPPA avec la Russie), d’un master international (STC avec le Canada), d’ITN, c’est surtout dans le cadre d’ANR internationales et de collaborations bipartites avec les meilleures équipes internationales qu’elles se développent. Les équipes françaises se positionnent au premier plan au sein de la communauté internationale plasma-laser. La France, avec les États-Unis et l’Allemagne, sont les seuls pays à se situer systématiquement aux 5 premières places en termes de publications, tant sur les thèmes fondamentaux qu’appliqués ou émergents. Ce positionnement se traduit également par un grand nombre d’invitations à présenter des conférences et une forte activité dans les comités scientifiques des congrès internationaux en lien avec le cœur de la discipline (ICPIG, ESCAMPIG, ISPC, GEC, Gordon, GD, CLEO, COLA, etc.) et les applications des plasmas et lasers (MRS, AVS, PSE, EUCASS, PLATHINIUM (ex. CIP)).

B. Dynamique de la recherche, questions fondamentales et applications

L’émergence de nouveaux champs de recherche avec des thématiques fortes est soutenue par trois dynamiques de recherche interdépendantes. La première est motivée par la capacité des plasmas à répondre aux cahiers des charges de très nombreuses applications dans des secteurs de plus en plus diversifiés. La deuxième est soutenue par le développement de nouvelles alimentations électriques qui permettent d’améliorer le transfert d’énergie vers les espèces du plasma et ainsi de multiplier les sources plasma. D’autant plus que la troisième dynamique liée à l’accès aux plateformes de nanotechnologies et à l’impression 3D a considérablement élargi le panel de configurations des cellules de décharge.

Ces trois dynamiques de recherche conduisent à une complexité croissante des systèmes étudiés : citons par exemple les précurseurs complexes de par leur chimie ou leur nature (particules, aérosols), le plasma dans un milieu multiphasique (gaz, nanoparticules, gouttelettes, liquide, bulles dans un liquide, microfluidique), ou l’évolution vers des échelles spatiales (micro- et nanométriques) et temporelles (décharges impulsionnelles, lasers ultra-courts…) de plus en plus petites et vers des milieux de plus en plus denses. Ainsi, si augmenter le niveau d’ionisation du gaz sans le chauffer reste une question clé, à la problématique des plasmas de grand volume succèdent les nouveaux champs de recherche ouverts par les décharges confinées, les décharges dans les liquides, les décharges impulsionnelles sub-nanosecondes, à haute pression et dans des conditions de très forte surtension. La maîtrise et la compréhension des instabilités et du transport dans les plasmas basse pression magnétisés connaissent également un très fort développement avec notamment des travaux autour des sources d’ions négatifs, d’intérêt pour ITER, pour les propulseurs ioniques et les procédés de traitement de surface. La recherche sur les plasmas thermiques est dynamisée par des travaux sur la synthèse additive par dépôt de fil à l’arc, le dépôt de couches céramiques par projection thermique, le développement de modèles hors équilibre de la couche plasma aux électrodes, les applications disjoncteurs sans SF6, etc.

L’exploration de ces nouvelles limites a conduit à l’émergence de nouvelles questions fondamentales sur la physique des décharges, la physique des plasmas et lasers, la physicochimie des milieux hors-équilibre, l’interaction plasma/laser-surface, etc. De réelles avancées ont eu lieu dans le domaine des diagnostics optiques résolus spatialement et temporellement grâce aux progrès récents sur les sources de photons et les systèmes de détection rapides ainsi qu’à l’utilisation des grands instruments (synchrotron, laser de puissance, maser X). Les cartographies résolues spatialement (μm) et temporellement (ns et en deçà), ainsi que les moyens de calculs haute performance, ont soutenu et permis le développement et la validation de modèles 3D couplant transport, phénomènes collisionnels, transfert radiatif et électro-magnétisme. Des modèles collisionnels radiatifs plus détaillés assurent une exploitation plus approfondie et plus quantitative des diagnostics spectroscopiques et des analyses chimiques du gaz. Les échanges avec les autres communautés de la section 10 ont conduit à l’implémentation d’approches méthodologiques communes, expérimentales et numériques.

Les champs applicatifs les plus traités portent sur les domaines de l’énergie, du biomédical, de la dépollution, de l’efficacité énergétique, des matériaux et des traitements de surface. Notons que plus de la moitié de la communauté plasmas froids et laser s’intéresse à ce dernier domaine où les travaux visent le développement de procédés et systèmes plasma-laser d’élaboration de matériaux multifonctionnels répondant à un cahier des charges de plus en plus exigeant pour des applications très diversifiées. Des besoins sont très clairement identifiés en nanotechnologies (nano-architecturation, micro-usinage, fonctionnalisation 3D, écriture de guides d’ondes, canaux fluidiques, et autres fonctionnalités lab-on-chip), pour les nanomatériaux (encapsulation de nano-micro- particules, nanostructuration en surface et en volume, films nanocomposites, analyses élémentaires au ppb ICP, LIBS), dans le secteur de l’énergie, notamment sur les aspects liés à la conversion et au stockage (capteurs, piles à combustible, cellules solaires, électrodes de batteries, stockage de H2, etc.). Les recherches en lien direct avec les nouvelles technologies de l’énergie et l’efficacité énergétique (méthanisation, syngas, assistance de la combustion, contrôle des écoulements) se développent fortement. Les applications médicales ont évolué, depuis la décontamination vers le traitement des tumeurs, avec d’excellents résultats dont l’aboutissement requiert un transfert vers les spécialistes du biomédical. Les nouveaux développements portent sur l’activation du système immunitaire par plasma.Un véritable engouement apparaît pour le traitement de l’eau ou de liquides plus complexes, que ce soit dans le but de remédier des micropolluants persistants ou bien d’activer le liquide. Les domaines d’applications sont autant le biomédical que l’agriculture. L’intégration de plus en plus forte de la finalité conduit les chercheurs à développer de nouvelles formes d’excitation du plasma pour contrôler le procédé, et à envisager des procédés hybrides couplant différentes technologies plasmas ou non.

Grâce à la maturité des nouvelles sources et des applications qui y sont associées, les procédés lasers ont fortement pénétré le milieu industriel renforçant les interactions entre le monde académique et l’industrie. L’interaction laser-matière est affinée par le façonnage spatio-temporel des faisceaux et la modélisation de tous les phénomènes physiques à l’échelle de temps de la femtoseconde. Ces avancées ont ouvert des débouchés dans l’instrumentation rapide, les systèmes optiques pour le contrôle non destructif (maintenance et réparation) et dans le domaine médical (chirurgie laser, ingénierie tissulaire, thermothérapie laser).

La modélisation est l’une des forces des équipes plasma dont la reconnaissance internationale est largement établie. Les données de base sont un point clé de cette activité. La France a développé une base de données en « open access » très largement utilisée au niveau international, néanmoins les équipes produisant les données de base sont très fragilisées par les départs des chercheurs et les difficultés de financement. Par ailleurs, bien que plusieurs équipes disposent de modèles fluides adaptés à une diversité de plasmas, il n’existe pas encore de plateforme communautaire comme on en trouve dans d’autres pays ou d’autres disciplines.

C. Analyse des forces et faiblesses, recommandations

Les recherches dans le domaine des plasmas froids et laser sont supportées par un grand enthousiasme national qui place la France à un excellent niveau international. Les équipes se fédèrent pour se donner plus de visibilité dans les AAP et réussissent à progresser sur le plan fondamental comme sur celui de l’innovation technologique. Les chercheurs et enseignants-chercheurs sont présents dans les comités stratégiques de la recherche internationale. Ils sont très bien positionnés sur le plan de la production scientifique et des reconnaissances internationales.

Le maintien/renforcement de l’esprit de communauté essentiel à la coordination des recherches françaises est néanmoins rendu difficile par la dispersion géographique des nombreuses petites équipes qui la constituent. Très peu de laboratoires, au plus 3-4 unités, ont des recherches entièrement dédiées aux plasmas ou aux procédés lasers. L’existence de réseaux, comme des GDR, est primordiale pour le futur de la communauté. En effet, si la diversité des domaines d’application des plasmas a facilité le succès des chercheurs dans les appels d’offres ciblés sur des domaines d’application, ce mode de fonctionnement a progressivement éloigné les chercheurs du cœur de leur discipline. Cette situation, conjuguée à la diminution drastique du nombre de formations centrées sur les plasmas et les lasers en France, pourrait avoir des conséquences négatives sur le futur de la communauté plasma-laser. Il est donc très important que la communauté ait les moyens de se structurer autour des questions fondamentales.

IV. Combustion et systèmes réactifs

La communauté de la Combustion et des Systèmes Réactifs étudie la combustion, contrôlée ou incontrôlée, et ses conséquences sur le climat et l’environnement. Les travaux allient études expérimentale, théorique et/ou numérique.

La combustion contrôlée correspond à l’ensemble des procédés de conversion chimique de l’énergie (moteurs terrestres, aériens et spatiaux, production industrielle : chaudières, turbines à gaz, incinérateurs, fours industriels, traitement thermique des matériaux). Ces procédés tiennent un rôle central dans la production d’énergie puisqu’ils représentent actuellement 50 % de la consommation d’énergie primaire en France et plus de 80 % dans le monde. Outre les ressources fossiles, dont les stocks limités conduisent à développer de nouveaux procédés utilisant des combustibles alternatifs et/ou renouvelables, des additifs biosourcés ou de nouveaux vecteurs énergétiques sont considérés. L’objectif général est la recherche de modes de production d’énergie propres, sûrs et efficaces minimisant la consommation, les émissions et les risques. Ceci passe par une meilleure connaissance intrinsèque des phénomènes en vue de simulations prédictives.

La combustion incontrôlée (incendies ou explosions) est également une thématique de recherche importante, car elle représente un danger majeur (risques industriels, explosions chimiques, feux de forêt) et une source de pollution atmosphérique qu’il est nécessaire d’anticiper par la mise en place de moyens de prévention, d’analyse de risques et de lutte. Les conséquences de la combustion en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de polluants sont aussi des objets majeurs d’étude en vue de comprendre la formation et le devenir des polluants pour le maintien de la qualité de l’air.

A. Positionnement international, structuration

La communauté scientifique est représentée nationalement par 17 laboratoires soit environ 150 chercheurs et enseignants-chercheurs, et est également présente dans d’autres organismes publics et privés (ONERA, IFPEN, CERFACS). Elle est structurée au travers du Groupement Français de Combustion, le GFC, qui est une section du Combustion Institute, la Fondation de Recherche Internationale sur les Flammes (FRIF), des Groupements de Recherche (GdR Feux et Suie), des réseaux nationaux, européens ou internationaux (e.g. International Energy Agency, IEA). Sur la base des publications, au cours des cinq dernières années dans les journaux majeurs, la combustion française se situe au 2e rang européen après l’Allemagne et au 5e rang mondial après les États-Unis, la Chine et la Russie.

B. Analyse des thématiques, développements récents et enjeux

Les problématiques de la communauté « Combustion et systèmes réactifs » concernent la chimie de la combustion, et en particulier la caractérisation des cinétiques de mélanges combustibles et des diagnostics associés, la formation et la réduction des polluants comme les suies, les HAP, les NOx, les SOx, les hydrocarbures imbrûlés et les GES. La caractérisation de la dynamique des flammes laminaires et turbulentes reste également une thématique importante, tout comme l’expérimentation et la simulation numérique des systèmes de combustion, la sécurité des systèmes industriels (vecteurs d’énergie, explosions chimiques, incendies, nucléaire), la propagation des feux, ou la pollution atmosphérique (étude du devenir des polluants via des campagnes de mesures en laboratoire et sur le terrain). Ces nombreux domaines ont un fort impact sociétal et couvrent de larges gammes de conditions opératoires (basse à haute pression, basse à haute température, large gamme de concentrations) et d’échelles spatio-temporelles.

Les thématiques qui émergent au niveau national et international se regroupent en trois axes majeurs. Le premier concerne la compréhension de la cinétique chimique et la mise en œuvre des diagnostics associés. Le second porte sur la caractérisation de la dynamique de combustion et le dernier sur les aspects théoriques, la modélisation et la simulation numérique. Ces axes peuvent être illustrés, de façon non exhaustive, par quelques exemples.

S’agissant de la compréhension de la cinétique chimique, l’objectif commun des études est de comprendre les mécanismes réactionnels mis en jeu dans des systèmes variés et complexes, comme, par exemple, les systèmes chimiques autres que CHONS résultant de l’étude de nouveaux vecteurs de stockage d’énergie, de valorisation du CO2 ou de nouveaux combustibles (H2, NH3, CH3OH, XtL, biomasse). Pour ce faire, des études expérimentales (diagnostics avancés et nouvelles techniques analytiques) et théoriques (calculs ab initio) se développent en vue de quantifier des espèces clés (intermédiaires, micropolluants) et de déterminer les cinétiques associées. La compréhension des mécanismes réactionnels en phase liquide (combustion supercritique) et le développement de la chimie hétérogène (catalyse, chemical looping) représentent aussi de nouveaux champs d’investigation.

Dans la perspective, à terme, de mesurer des champs instantanés 3D résolus en temps, la caractérisation de la dynamique dans des systèmes de combustion canoniques ou réels s’avère fondamentale. Cela passe par le développement d’expériences multi-physiques instrumentées pour déterminer la topologie des flammes, les conditions de stabilité et les émissions en fonction du combustible, en incluant des études portant sur la combustion en écoulements rapides ou détonants. La maîtrise des systèmes implique de contrôler les instabilités et les paramètres de mitigation de la combustion (inhibiteurs de flamme, diminution des intensités des ondes de choc), mais aussi de connaître le comportement aux feux de nouveaux matériaux. Afin de s’approcher de plus en plus de la réalité des systèmes et des grandes géométries, des avancées théoriques couplant modélisation et simulation numérique sont encore nécessaires. Les enjeux portent sur la prise en compte des différentes échelles et des différents régimes tout en incluant une chimie de plus en plus détaillée. Les techniques d’intelligence artificielle pour la modélisation, l’analyse des simulations et des données expérimentales, et même le pilotage des simulations en temps réel représentent des outils méthodologiques à développer.

C. Analyse des forces et faiblesses, recommandations

La communauté « Combustion et Systèmes Réactifs » est par nature pluridisciplinaire, car elle résulte du couplage entre la cinétique chimique, la thermodynamique, la mécanique des fluides, et les transferts thermiques. Elle est ainsi naturellement en interaction avec les autres communautés de la section 10, et aussi à l’interface avec d’autres disciplines : les mathématiques appliquées et l’informatique pour l’implantation des méthodes numériques, le développement du Calcul Haute Performance ou la génération d’algorithmes spécifiques, les sciences de la Terre, de l’Univers et la Climatologie pour le couplage combustion/captage du CO2, le lien avec la haute atmosphère terrestre ou l’atmosphère d’exoplanètes, les matériaux pour l’aspect tenue thermique et vieillissement, la biologie pour l’aspect toxicité des émissions, les Sciences Humaines et Sociales pour l’acceptabilité des solutions pour la transition énergétique ou la modélisation des comportements en cas d’incendies.

Les défis scientifiques de la thématique ne pourront être relevés que si les approches multi-physiques et multi-échelles (en collaboration avec les autres organismes notamment pour les essais à grande échelle) sont intensifiées : d’un point de vue expérimental, par des diagnostics avancés combinés dans des installations de plus en plus représentatives des conditions réelles d’application et d’un point de vue de la simulation, par l’accroissement de la diversité des phénomènes physiques (prise en compte dans les simulations du transfert thermique aux parois et de leur tenue, du rayonnement, de la formation des particules, etc.). Enfin, il apparaît primordial d’associer les travaux en combustion à ceux des communautés travaillant à la production de nouveaux combustibles ou aux traitements des émissions (génie des procédés, catalyse, plasma hors équilibre, matériaux).

La communauté « Combustion et Systèmes Réactifs » est au cœur de la transition vers un système énergétique plus durable, ce qui l’amène à réorienter ses activités de l’optimisation des rendements de combustion de systèmes dont l’acceptabilité sociale décroit, vers la combustion de la biomasse, les nouveaux vecteurs énergétiques, les risques industriels ou naturels. À l’avenir, la conversion chimique du combustible en énergie sera basée sur l’optimisation globale des nouveaux modes de combustion (combustion sans flamme, nouveaux cycles thermodynamiques, moteurs hybrides, etc.). L’utilisation de nouvelles sources énergétiques pour pallier l’épuisement des ressources fossiles (utilisation de combustibles solides de récupération) et pour rentabiliser le surplus d’énergie renouvelable (e-fuel) conduira à reconsidérer des concepts déjà connus et nécessitant encore des études fondamentales théoriques et expérimentales. La compréhension et la prise en compte des effets de ces systèmes réactifs sur le vivant, l’environnement et le climat seront également considérées de manière de plus en plus systématique.

V. Génie des Procédés

Les recherches conduites par la communauté du Génie des Procédés (« Chemical Engineering ») visent l’acquisition de connaissances scientifiques et technologiques permettant de décrire les transformations de la matière et de l’énergie, pour concevoir et optimiser des procédés industriels durables, en intégrant l’ensemble des phénomènes et des processus multi-échelles et multi-physiques, et leurs couplages. Une caractéristique forte du Génie des Procédés est qu’il s’intéresse à des objets réels, donc complexes. Cette complexité peut être liée à la distribution des phases du système (multiphasique ou multi-structuré), à l’évolution temporelle (milieux réactifs, transferts de chaleur et de masse), à des lois de comportement (rhéologiques, chimiques, biologiques, processus couplés présentant des effets dynamiques très divers).

A. Positionnement international, structuration

La recherche en Génie des Procédés est conduite par une communauté dynamique organisée au CNRS au sein d’une quinzaine d’UMR, 4 UMS, 10 GDR et 11 Fédérations relevant de la section 10 (entièrement ou en partie). Elle est également largement présente dans les universités ou écoles d’ingénieurs (600 ingénieurs en Génie des Procédés diplômés par an) et au sein d’autres établissements comme l’INRA, l’IFSTTAR, l’IRSTEA, le CIRAD, l’INERIS, l’INRS, l’IFPEN ou le CEA. Environ cinquante chercheurs de la section 10 du CoNRS relèvent du Génie des Procédés, mais au total, pour l’ensemble des établissements 1 800 enseignants-chercheurs/chercheurs et 1 800 doctorants/post-doctorants positionnent leurs activités en Génie des Procédés (source : livre blanc SFGP 2018). La Société Française de Génie des Procédés (SFGP) qui regroupe les personnes qui exercent une activité professionnelle dans le domaine du Génie des Procédés compte environ 500 adhérents. Elle est membre de l’European Federation of Chemical Engineering (EFCE), dans laquelle la communauté française est très active. Par exemple, elle anime 4 des 20 Working Party.

Sur la base du nombre de publications au cours des 5 dernières années (source Web of Science), le Génie des Procédés français se situe au 3e rang européen (après l’Allemagne et le Royaume-Uni), et au 7e rang mondial. Les articles sont publiés en grande partie dans les journaux historiques du domaine du Génie des Procédés (50 %), mais couvrent également de façon importante des journaux relevant des domaines de la chimie, de l’ingénierie, des sciences des matériaux, des sciences biologiques et de l’environnement.

B. Le Génie des Procédés au cœur des enjeux sociétaux

Le Génie des Procédés revendique un positionnement fort sur les enjeux sociétaux à travers des contributions axées sur l’industrie du futur, l’écologie industrielle, les bioprocédés et la valorisation des bioressources, la transition énergétique, la santé, l’alimentation, l’eau, la transition environnementale et l’économie durable. Le Génie des Procédés est présent dans 15 pôles de compétitivité.

1. L’industrie du futur et l’écologie industrielle

Les recherches en Génie des Procédés contribuent à l’élaboration d’un nouveau modèle d’usine moderne, connectée et modulaire qui répond à la fois aux enjeux économiques et sociétaux. Les recherches portent en particulier sur l’intensification des procédés, sur l’optimisation et l’aide à la décision multi-critère, et sur l’écologie industrielle dans un contexte de développement durable. Des procédés compacts, flexibles, robustes et modulables (intégrant la variabilité de la ressource dans le temps et dans l’espace, ainsi que différentes filières) permettent de minimiser l’utilisation des ressources non renouvelables (énergie, ressources fossiles et minérales). Par ailleurs, l’intégration des technologies numériques (réalité augmentée, nouvelles technologies manufacturières, internet des objets, simulation) aux procédés, renforcera l’opérabilité des environnements multiples notamment via des capteurs intelligents et permettra de revisiter les concepts et les technologies du Génie des Procédés, tout en permettant de gagner du temps et de la fiabilité dans les phases de conception.

2. Les bioprocédés et la valorisation des bioressources

Le développement de nouveaux matériaux et la production d’énergie durable, à partir de bioressources (agroressources, biomasse lino-cellulosique, bioressources marines, déchets) sont des axes en fort développement dans la communauté du Génie des Procédés. La viabilité économique de ces filières requiert des approches de bioraffinerie pour la valorisation de tous les constituants des bioressources, ce qui nécessite le développement de procédés efficaces et durables de transformation, d’extraction et de purification. De nouveaux procédés sont étudiés : pour la valorisation de la biomasse ligno-cellulosique et d’autres biopolymères issus de sous-produits de l’agriculture, pour la production d’énergie (bioéthanol de seconde génération) ou de compost, ou encore celle de composés à haute valeur ajoutée (cosmétiques, composés pharmaceutiques). Le génie des bioproduits (aliments, biomédicaments, matériaux biosourcés, biomatériaux) a été introduit, avec pour objets la conception du procédé en fonction des propriétés d’usage visées pour le produit fini (quality-by-design), et la transition alimentaire. En ingénierie pour la santé, la thérapie cellulaire et l’ingénierie tissulaire offrent de réelles promesses, mais nécessitent, pour répondre aux besoins croissants de cellules souches ou différenciées, la mise en œuvre de procédés intensifiés de culture de ces cellules.

3. La transition environnementale et énergétique et l’économie durable

Les recherches sur des systèmes de production durables, à faible consommation de matière ou d’énergie, de meilleure efficacité énergétique, intégrant des circuits de recyclage des produits, les énergies renouvelables ou générant moins de déchets, tout en agissant sur les propriétés ou la mise en forme de ces produits, sont en plein essor. On parle alors de génie de la réaction en solvants verts, d’écoconception et d’ingénierie verte (intégrant parfois une démarche de biomimétisme et bioinspiration, d’analyse du cycle de vie couplée à la simulation des procédés, d’empreinte environnementale, et d’ingénierie inverse) oud’écotechnologies (traitement de l’air et de l’eau, des effluents, des sols, des déchets). Des résultats ont déjà été obtenus pour la production et la valorisation de vecteurs énergétiques (biocarburants, biogaz, hydrogène, biopiles), sur des technologies de conversion et de stockage/déstockage de l’énergie (procédés de conversion, matériaux pour l’énergie), ou sur l’optimisation énergétique des procédés et des systèmes (procédés sobres, mix énergétiques).

C. Thèmes émergents et en évolution

1. Mine urbaine : Gestion Intégrée des Ressources Primaires et Secondaires

L’économie circulaire consistant notamment à récupérer les matières premières valorisables contenues dans les matériaux usagés (aimants d’éoliennes, batteries, panneaux solaires) ou issues de friches industrielles, contribuera de plus en plus à rendre autonome la France et à sécuriser son approvisionnement en métaux stratégiques (cobalt, nickel, terres rares, palladium, platine, niobium, tantale). Le développement de technologies innovantes, capables de répondre aux défis actuels, nécessite le regroupement de compétences transversales en géologie, minéralurgie, chimie et ingénierie. Les études portent sur la caractérisation fine des matières premières (matériaux usagés), les modèles thermodynamiques permettant de décrire le comportement des matériaux lors des procédés de lixiviation ou de précipitation et les mécanismes de sélectivité dans la séparation des composants d’intérêt.

2. Ingénierie de la matière molle

Dans les procédés de transformation, certains fluides et matériaux (polymères, gels, dispersions) voient leur structure altérée par les contraintes (mécaniques, thermiques, etc.) de l’ordre de grandeur des fluctuations thermiques. L’auto-structuration de cette matière molle à l’échelle mésoscopique détermine alors le comportement macroscopique de ces systèmes. Ce thème était généralement traité par les laboratoires de chimie ou de physique, mais désormais le couplage de ces comportements avec les conditions de mise en œuvre dans les procédés et l’interaction procédé-produit est clairement affiché par les laboratoires de Génie des Procédés. Il s’agit d’élaborer et de mettre en forme des matériaux divisés tels que les nanomatériaux hybrides, et de précipiter ou de cristalliser des nanostructures organisées, en contrôlant les arrangements et les interactions entre particules via les paramètres du procédé, afin de conférer de nouvelles propriétés d’usage aux matériaux obtenus.

3. Transition vers une bioéconomie

La conversion durable de biomasses renouvelables en produits industriels constitue une alternative à l’économie linéaire actuelle, basée sur la mobilisation des ressources fossiles. Une réflexion intégrant toutes les composantes de la chaîne de valeur, des ressources aux produits, avec leurs impacts environnementaux, économiques, sociétaux et éthiques, nécessite des approches de recherche systémiques et interdisciplinaires dans lesquelles le Génie des Procédés a toute sa place.

La valorisation des agroressources et de tous les co-produits et déchets obtenus lors de la transformation de ces matières premières va continuer à mobiliser des chercheurs du Génie des Procédés pour l’élaboration de nouveaux procédés efficients, économes en énergie permettant de réduire les impacts environnementaux des produits et des filières industrielles : il s’agira d’inventer des voies de transformation pour une valorisation « zéro déchet ». Dans cette optique, la biotransformation des résidus ultimes doit être envisagée, pour générer, par exemple, des vecteurs énergétiques (méthanisation, production d’hydrogène, etc.). Cette transition passe par de fortes interactions entre sciences économiques, sociales et sciences de l’ingénieur.

4. Bioprocédés pour la santé

L’industrialisation de la culture des cellules souches pour répondre aux besoins en médecine régénérative passe par une compréhension approfondie des relations entre les paramètres opératoires et les réponses cellulaires pour permettre une extrapolation réussie à l’échelle du bioréacteur. Cette phase est cruciale pour obtenir des cellules en quantité non limitée, dans des conditions standardisées, reproductibles, et validées sur le plan de la sécurité et de l’efficacité. On assiste actuellement au développement de technologies en rupture par rapport aux procédés biopharmaceutiques classiques, intégrant de nouveaux outils de contrôle en-ligne, qui ouvriront des possibilités de traitements médicaux entièrement nouvelles.

D. Analyse des forces et faiblesses, recommandations

La communauté du Génie des Procédés est bien structurée en France et interagit fortement dans le cadre de journées, de congrès spécifiques ou à travers la société savante SFGP. De par la nature transversale et pluridisciplinaire de ses activités, le Génie des Procédés a des interactions fortes au sein même de la section 10 et avec les autres instituts. Les recherches traitant de plus en plus de milieux hétérogènes hors équilibre sur des échelles ultimes de temps (ultra-rapide) et de dimension, elles s’enrichissent des avancées récentes en chimie théorique, en biologie fondamentale, en mécanique des fluides numérique, en mathématiques appliquées, mais aussi en méthodes d’analyse et d’instrumentation in-situ et en ligne. Il est également à noter que les chercheurs en Génie des Procédés participent activement au développement de nouvelles voies de synthèse (chimie verte, catalyse, flow chemistry, ingénierie enzymatique et microbienne, techniques d’activation telles que la lumière, les micro-ondes ou les ultrasons) et des procédés associés, en interagissant fortement avec la communauté des chimistes et des physiciens. L’interface avec la communauté matériaux est aussi très large à travers les procédés d’élaboration et la problématique des interactions entre surface et milieux réactifs. L’exploitation rationnelle des procédés, basée sur des modèles dynamiques et la mise en œuvre de capteurs conduit à la collaboration avec les spécialistes d’automatique. Les spécificités des bioprocédés impliquent également de fortes interactions avec les (micro)biologistes pour l’intégration des données omiques et génétiques dans l’optimisation et le contrôle des bioréacteurs, mais aussi pour explorer le monde du vivant et s’en inspirer.

L’analyse de la structuration française des activités du Génie des Procédés montre que les différents outils du CNRS (GdR, Fédération) pourraient être davantage utilisés pour accompagner et favoriser le développement et la pérennité des nouvelles thématiques identifiées. Au niveau international, des partenariats structurés sont à renforcer, sur des thématiques existantes ou émergentes, au travers de la mise en place d’IRP, d’IRN ou IRL.

Par ailleurs, bien que le Génie des Procédés se définisse par rapport à des finalités applicatives, il est surprenant de constater que cette discipline est peu connue du grand public. Sans doute des efforts de vulgarisation sont-ils à faire pour augmenter la visibilité des recherches en Génie des Procédés.

En conclusion, il apparaît que le Génie des Procédés est bien positionné pour traiter des grands enjeux sociétaux actuels comme l’énergie, l’environnement et la santé. Il a une longue tradition de partenariat avec l’industrie et le monde économique et contribue à l’avancée générale des sciences de l’ingénieur qui requièrent le développement d’approches conceptuelles pour relever les défis que posent les objets et les systèmes complexes.

Conclusion

La diversité scientifique au sein de la section 10 est unique ; à titre d’exemple, les disciplines qui la constituent se répartissent dans 7 sections du CNU. Elle réunit ainsi des chercheurs qui traitent toutes les facettes des questionnements fondamentaux comme des problématiques appliquées, en lien avec le transport, les transferts et les procédés de transformations des milieux fluides réactifs : mécanique des fluides, thermique et énergétique, plasmas et laser, combustion, génie des procédés. Cette structuration originale favorise les approches intégratives et la diffusion des méthodologies entre les disciplines. Ceci est tout particulièrement vrai pour les outils et concepts développés par les mécaniciens des fluides et les thermiciens, comme en témoigne leur implication quasi systématique dans les GDR. Si les approches scientifiques peuvent différer d’une discipline à l’autre, elles ont en commun le caractère multiéchelle et multiphysique et la synergie entre études fondamentales et intégratives qui assurent une réponse de qualité aux défis sociétaux et économiques.

La diversité des composantes de la section 10 a une autre conséquence : les différences de modes de fonctionnement et de culture des communautés qu’elle réunit conduisent de facto à considérer des profils de chercheur.e.s très variés. Cette attitude est par exemple favorable à la promotion des femmes comme en atteste le pourcentage de femmes qui est de 22 % pour les chargés.e.s de recherche et de près de 25 % pour les direct.eurs.trices de recherche. Néanmoins, ces dernières années, le pourcentage de candidates au concours d’entrée est devenu inférieur aux pourcentages de femmes dans la section et le nombre de femmes qui partent à la retraite est supérieur au nombre de recrutées. Ce dernier point est aussi en lien avec l’augmentation de l’âge moyen des chercheurs : 2 ans entre 2016 et 2019. Aujourd’hui le nombre de chercheur.e.s de 60 ans et plus est plus élevé que le nombre de chercheur.e.s de moins de 40 ans. La lente érosion des candidatures féminines déjà observée au cours de la mandature précédente s’est brusquement accentuée en 2018, de façon concomitante à la réduction du nombre de postes créés.

Les évaluations de la section n’ont pas mis en évidence de relation entre la taille des laboratoires et la qualité de la production scientifique associée. Par contre, lorsqu’au cours du processus de restructuration le cadre évolue à tel point que l’ensemble du projet doit être reconsidéré, la démotivation des chercheurs prend clairement le pas sur les bénéfices potentiels.

La dynamique des milieux fluides est source de phénomènes et d’images d’une grande esthétique visuelle, qui offrent un point d’entrée original et pédagogique vers les Sciences. Les recherches menées par les laboratoires de la section 10 sont ainsi particulièrement propices à la vulgarisation et à la diffusion vers le grand public, condition indispensable pour renouveler les vocations et maintenir un lien fort entre Science et Société.

Les développements méthodologiques récents s’appuient fortement sur le calcul intensif et les avancées métrologiques pour acquérir des données résolues finement en espace et en temps. Des techniques spécifiques ont été et continueront d’être adaptées et mises en œuvre pour traiter ces données massives. La poursuite de cette dynamique, très positive, requiert de disposer d’équipements mi-lourds qui restent aujourd’hui difficiles à financer. La mise en place par le CNRS de programmes de soutien de ce type d’achat est vivement souhaitable. Ces programmes devraient induire un effet de levier des collectivités territoriales et des agences de moyens. Le coût croissant de ces équipements impliquera des choix stratégiques sur leur implantation au niveau national, et la coordination avec les investissements régionaux en accord avec la dynamique actuelle du CNRS. Des personnels techniques hautement qualifiés et les moyens de maintenance de ces équipements seront aussi indispensables à l’optimisation de leur utilisation.

Par contraste, la situation est moins critique en ce qui concerne la simulation numérique, en raison de l’existence de centres de calcul nationaux, sur lesquels seules la qualité du projet et les performances computationnelles des codes de simulation gouvernent la mise à disposition d’heures de calcul. C’est un point à souligner, d’autant plus que les communautés de la mécanique des fluides, de la combustion et des sciences du climat consomment plus de la moitié des ressources en temps de calcul gérées sous l’égide de GENCI.

Les thématiques de recherche qui étaient centrées sur les fluides complexes évoluent vers les fluides actifs avec une prise en compte des interfaces sans cesse plus grande. Si les applications en biologie et médecine se sont considérablement développées, toutes disciplines confondues, le biomimétisme, les procédés sobres, la valorisation du CO2 et de la biomasse, les matériaux multifonctionnels aux propriétés optimisées, les énergies renouvelables, la dynamique des océans, et la prédiction de la météo sont au cœur de plus en plus de projets qui participeront à répondre aux défis de la transition énergétique, du changement climatique, de la santé et de l’environnement.

Soulignons également que l’enjeu des recherches sur les milieux fluides et réactifs va au-delà de leurs applications dans de très nombreux secteurs de la vie quotidienne. Les nouveaux développements méthodologiques permettent d’associer approches pointue et intégrative, de décliner les situations réelles en problématiques scientifiques, d’aborder des systèmes complexes couplés présentant de fortes raideurs, de conceptualiser de l’échelle atomique à l’échelle macroscopique. Ainsi, les chercheurs de la section 10 couvrent une large gamme de TRL. Ils bénéficient de plateformes indispensables aux études de situations réelles et participeront à 7 des ODD à Horizon 2030 : bonne santé et bien-être, eau propre et assainissement, énergie propre et d’un coût abordable, industrie innovation et infrastructure, ville et communauté durables, consommation et production responsables, mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques.

Cette aptitude à répondre à des enjeux sociétaux ou économiques est une force. Pour qu’elle le reste sur le long terme, alors que la réponse à des appels à projets successifs conduit à sans cesse débuter de nouveaux axes de recherche, les chercheurs doivent aussi pouvoir mener des projets indépendants de toute finalité, condition indispensable pour consolider leur socle de connaissances scientifiques. Ceci est tout particulièrement vrai pour les jeunes chercheurs. Les sociétés savantes, GDR, et congrès nationaux qui favorisent les échanges scientifiques sont tout autant indispensables pour établir des collaborations saines et permettre le développement et l’épanouissement de la personnalité scientifique du chercheur.

Réduire la complexité du paysage de la recherche, la diversité et la redondance des appels à projets et des structures entre les niveaux locaux, régionaux, nationaux et européens est fondamental pour redonner au chercheur le temps de chercher. Limiter le report des tâches administratives sur les chercheurs, leur complexification, les zones ZRR et les difficultés de recrutement associées sont aussi des moyens pour garantir la qualité des avancées scientifiques. De façon générale, réduire l’inadéquation entre la réalité de la recherche et celle de la vie dans les laboratoires est indispensable au maintien de l’enthousiasme des chercheurs et donc de leur créativité.

En conclusion, il est important de donner aux chercheurs les moyens de construire leur projet de recherche à une échelle de temps de 10 ans afin qu’ils s’appuient sur un socle scientifique solide, partagent les méthodologies et se positionnent avec force au cœur de l’ingénierie, en liens forts avec les défis sociétaux et le monde socio-économique. C’est ainsi que la qualité et l’originalité des travaux de la section 10 continueront à être au meilleur niveau international, comme en témoigne sa forte présence dans toutes les structures internationales.