Rapport de conjoncture 2019

Section 08 Micro et nanotechnologies, micro et nanosystèmes, photonique, électronique, électromagnétisme, énergie Electrique

Composition de la Section

Claude Amra (président de Section), Philippe Benech, Marie-Paule Besland, Catherine Bru-Chevallier, Béatrice Dagens (membre du bureau), Frédéric Druon, Mauro Ettorre (membre du bureau, secrétaire scientifique), Eric Labouré, Judikaël Le Rouzo (2016-2019), Bernard Legrand (membre du bureau), Aude Lereu, Christophe Lethien (2016-2019), Valérie Madrangeas, Nathalie Malbert, Jean-Luc Moncel, Marie-Cécile Pera (membre du bureau), Frédéric Richardeau (2016-2018), Isabelle Roch, Nathalie Rolland-Haese, Patrice Salzenstein, Mathias Vanwolleghem, Catherine Villard.

Résumé

La rédaction de ce rapport a bénéficié d’une aide appréciable des laboratoires adossés à la section 08, tous sollicités pour cet exercice récurrent ; on en trouvera ci-après une synthèse non-exhaustive déclinée sous forme de six thèmes : micro-nanosystèmes, énergie électrique, électromagnétisme et ondes, photonique, électronique, micro-nanotechnologies. Ces thèmes disciplinaires nourrissent spontanément une recherche pluridisciplinaire et satisfont à des exigences de savoir-faire inhérentes aux sciences de l’ingénierie.

Introduction

Les domaines scientifiques au coeur de la section 08 (photonique, électronique, électromagnétisme, énergie électrique, micro-nanosystèmes, micro-nanotechnologies) relèvent d’une recherche propre à leur périmètre disciplinaire et nourissent parallèlement des activités pluridisciplinaires.

Les résultats de cette recherche favorisent la conception et la réalisation d’objets technologiques complexes qui satisfont à des objectifs sociétaux (énergie, environnement, santé, communication, spatial, défense…) tout en ressourçant les aspects disciplinaires. Les interfaces sont nombreuses avec les autres sections, dont en particulier les sections 09 et 10, les sections 06 et 07, les sections 03, 04 et 05, la section 28 et la CID 54.

De façon générale, la section 08, largement impliquée dans les domaines de l’énergie, du numérique et des procédés de fabrication, veut rappeler sa préoccupation face à la crise environnementale, incluant l’état des ressources fossiles et minières, les coûts énergétiques et écologiques de fabrication et de fonctionnement, le recyclage et la gestion des résidus. Ainsi, la dimension frugale des technologies constitue un axe à promouvoir. Elle trouve une déclinaison dans l’ingénierie verte dont les procédés sont développés dans le souci du respect de l’environnement, limitant la pollution générée et favorisant l’usage des matières premières naturelles et bio-sourcées pour la production des substrats et des substances intervenant dans la fabrication des dispositifs. L’effort dans ce domaine est essentiel compte-tenu des enjeux sociétaux globaux, et il convient de le soutenir et de l’amplifier.

I. Micro-nanosystèmes

A. Matériaux et technologies de fabrication

La réalisation des dispositifs micro-nanosystèmes exploite une grande variété de matériaux et de technologies de fabrication qui ont rapidement enrichi l’utilisation historique du silicium et de ses dérivés, micro-usinés voire nanostructurés par des techniques sacrificielles. Ainsi les matériaux actifs, fonctionnels, souples ou étirables font l’objet d’attentions toujours plus soutenues, en particulier lorsqu’ils peuvent être intégrés et structurés à large échelle par des méthodes descendantes ou ascendantes. Les propriétés physico-chimiques de volume, de surface et d’interface sont primordiales et requièrent une complémentarité disciplinaire avec la mécanique, la chimie – incluant nano-objets et nano-matériaux – et la biologie, prenant également en compte les problématiques de fonctionnalisation de surface. En particulier, les matériaux polymères et les gels confirment leurs intérêts et avantages pour des applications dans les domaines de la microfluidique, des laboratoires sur puce, des systèmes implantables mais également pour la robotique souple, le textile intelligent et le wearable (technologies portables). Parallèlement, les technologies additives de fabrication et d’impression 2D et 3D prennent une place grandissante pour la réalisation des dispositifs avec la mise en place de plateformes dédiées dans les laboratoires, offrant des possibilités nouvelles d’élaboration de structures multi-échelles complexes, d’intégration hétérogène organique / inorganique, et de bio-impression. Elles concourent aux approches éco-responsables de la fabrication en limitant les quantités de matière nécessaires, les résidus de fabrication et la dépense énergétique tout en réduisant aussi le coût global.

B. Systèmes autonomes en énergie et communicants

Les systèmes autonomes en énergie et communicants, distribués dans l’environnement, intégrés dans des biens, portés par des individus ou implantés dans des organismes, poursuivent un développement rapide dans la mouvance de l’essor des dispositifs nomades et de l’internet des objets. Ils sont portés par la convergence :

– des besoins socio-économiques : surveillance répartie de la qualité de l’environnement de la ville et des bâtiments, détection précoce des défaillances, santé et sécurité des biens et des personnes, applications médicales,

– des capacités offertes par les technologies de l’information, comme l’interopérabilité et l’intégration des communications dans le cadre des réseaux de 5e génération, la gestion et l’exploitation des grandes masses de données, l’intelligence artificielle.

Au niveau des dispositifs micro-nanosystèmes, les développements concernent la poursuite de la miniaturisation et de l’augmentation des performances des capteurs, actionneurs et circuits électroniques, l’intégration hétérogène et le développement des matériaux souples, biocompatibles et/ou biodégradables, l’encapsulation des systèmes, et la réduction des consommations. La gestion de l’énergie est cruciale pour une majorité de systèmes abandonnés dans le milieu environnant ou implantés dans un organisme. Ainsi, le grappillage énergétique et la télé-alimentation continuent à faire l’objet de recherches soutenues et d’innovations, comme par exemple le développement de matériaux et d’architectures nouvelles pour la conversion photovoltaïque et thermoélectrique, la production d’hydrogène par photo-catalyse à la micro-échelle pour une production différée d’énergie électrique, ou la transmission ultrasonore de l’énergie et de l’information à l’intérieur d’un organisme. Le stockage de l’énergie dans des dispositifs miniaturisés est par ailleurs incontournable pour pallier l’intermittence de la production, de la récupération et de la conversion de l’énergie, ainsi que pour répondre au profil de la consommation du système communicant notamment pour des applications dans le domaine de l’internet des objets (IoT). Il faut en effet disposer de la capacité énergétique suffisante pour assurer l’alimentation permanente du système mais également pour répondre aux appels de courant instantané lors des phases très énergivores de transmission de données sans fil sur l’interface radiofréquence. Une micro-batterie de type lithium-ion couplée à un micro-supercondensateur fabriqué sur substrat par les techniques collectives de microfabrication apparaît comme une combinaison idéale pour répondre à ce besoin. Cette thématique centrée sur la fabrication de micro-dispositifs de stockage électrochimique de l’énergie fait l’objet d’une activité intense, pluridisciplinaire. Elle est organisée autour du réseau RS2E au niveau national et elle se structure à l’échelle européenne dans le cadre de l’initiative de recherche BATTERY2030+.

C. Capteurs physiques

Les capteurs de grandeurs physiques constituent une part importante des applications des micro-nanosystèmes et nombre d’entre eux ont été adoptés par l’industrie depuis des décennies, équipant de multiples produits grand public et de large diffusion. Les enjeux résident dans l’amélioration des performances métrologiques, à la fois au bénéfice du service rendu par les applications, mais également pour répondre à des besoins de niche, de volumes moindres, dans les domaines militaire et spatial ou pour des applications exigeantes à haute valeur ajoutée par exemple. Les efforts se portent sur le développement de dispositifs capables d’opérer en environnements sévères, températures et pressions élevées, vibrations, rayonnements, agressions chimiques…, ce qui amène à l’utilisation de matériaux tels le nitrure de gallium, le carbure de silicium ou le diamant pour la réalisation des structures sensibles assurant la transduction du mesurande en un signal électrique exploitable.

Les aspects de conception fiable, résiliente et résistante aux défauts, associés au développement d’algorithmes de traitement des données, contribuent également et largement aux progrès dans le domaine. Il est important de noter que les performances ne bénéficient pas nécessairement de la miniaturisation ultime des structures sensibles. Elle peut même être contre-productive du fait des lois d’échelle des principes physiques exploités, par exemple pour les effets inertiels ou lorsque des phénomènes diffusifs vis-à-vis de surfaces de capture sont en jeu. Toutefois, l’exploitation de réseaux denses de nano-capteurs associés à un traitement corrélé des données est une approche avantageuse qui, à même surface de capteur, permet de concilier haute performance et fiabilité par redondance.

En termes de principe de transduction, l’optomécanique confirme son entrée remarquée dans les sciences de l’ingénierie. La thématique bénéficie de la convergence des travaux de la physique fondamentale des quinze dernières années et de la maturité de niveau industriel atteinte aujourd’hui par les plateformes de fabrication de la photonique sur silicium pour la réalisation de composants. Elle ouvre des fenêtres d’application inédites pour les micro-nano-capteurs vibrants en apportant une résolution et une sensibilité de mesure supérieures de plusieurs décades à celles des transductions électromécaniques usuellement employées pour ces capteurs MEMS et NEMS. Par ailleurs, des études font montre d’un intérêt grandissant pour l’exploitation des capteurs et des dispositifs dans des régimes qui auraient été auparavant évités dans les applications. Par exemple, le fonctionnement fortement non-linéaire des micro- et nano-dispositifs vibrants a dépassé le cadre de l’intérêt fondamental pour ouvrir des perspectives concernant la génération de nombres aléatoires et la cryptographie chaotique dont le micro-système électromécanique constituerait la clef physique.

D. Capteurs et dispositifs d’analyse pour l’environnement

La pression anthropique croissante sur l’environnement a un impact direct sur la biodiversité, la qualité des ressources et in fine la santé des populations humaines. La mise en place d’une surveillance des écosystèmes, de l’air et de l’eau, in situ ou in vitro, est un point essentiel pour la compréhension, l’analyse, l’anticipation et la prise de décision. Par exemple, la proposition d’outils de surveillance de l’air et de l’eau potable, utilisables sur le terrain sans nécessité d’infrastructure ni de savoir-faire particulier, permet de répondre à la stratégie des programmes mis en œuvre pour le respect des méthodes, protocoles et des normes nationales et internationales. La poursuite du développement des laboratoires sur puce constitue une clef pour répondre à ces besoins d’analyse des fluides. Qu’il s’agisse de la détection de molécules chimiques ou biologiques, ces plateformes basées sur la microfluidique visent à manipuler des volumes très réduits d’échantillons et de réactifs. Elles font appel à des transductions variées, fondées par exemple sur des principes électriques, électrochimiques, électromagnétiques, optiques ou mécaniques qui peuvent être combinés entre eux. Leurs performances sont essentielles et les efforts se concentrent sur l’amélioration de la limite de détection, de la résolution et de la rapidité de mesure. La fabrication de ces plateformes d’analyse tire avantageusement parti des technologies additives et des développements menés pour l’intégration hétérogène de matériaux fonctionnels ou nano-structurés, en particulier pour ceux formant les couches sensibles de détection dont la sélectivité demeure un enjeu majeur, notamment dans le domaine de l’analyse des mélanges gazeux complexes.

E. Systèmes et dispositifs en interface avec le vivant pour le médical et la santé

Les programmes liés aux grands enjeux sociétaux promeuvent de manière importante le développement des technologies et des dispositifs pour le vivant et la santé dans le cadre du diagnostic précoce, du suivi des maladies chroniques et dégénératives, du vieillissement de la population et de la médecine personnalisée. Ainsi, les activités et les forces mobilisées sur ces thématiques sont en constante croissance dans les laboratoires relevant de l’INSIS. Elles s’accompagnent de collaborations nombreuses et vertueuses avec des laboratoires de biologie et des sites médico-hospitaliers, permettant d’accroître la pertinence et la portée des expériences menées in vitro et in vivo, le développement de la médecine translationnelle voire la création de structures mixtes accueillant des personnels des mondes des sciences de l’ingénierie, hospitalier et médical.

Les applications concernent par exemple l’analyse non-invasive ou mini-invasive de marqueurs biologiques, le suivi continu de l’état de santé du patient à domicile, les dispositifs médicaux de délivrance ciblée de molécules thérapeutiques ou de stimulations nerveuses, ou les implants prothétiques atraumatiques réalisés spécifiquement pour la morphologie d’un patient. Ainsi, les enjeux de la biopsie liquide, technique non-invasive, concernent la capacité à isoler et à analyser des bio-marqueurs présents dans un échantillon de liquide physiologique pour le diagnostic précoce et le suivi thérapeutique de maladies telles les cancers. Ces bio-marqueurs peuvent être des molécules, des fragments d’ADN, des exosomes ou des cellules tumorales circulantes. Par ailleurs, les interfaces bioélectroniques permettent par exemple d’étudier et de stimuler l’activité neuronale à des fins de connaissance fondamentale et d’applications thérapeutiques. Un axe de recherche consiste à augmenter la densité des électrodes des micro-nano-dispositifs et la qualité des contacts électriques au bénéfice de la résolution de mesure des systèmes, qu’il s’agisse de plateformes électro-physiologiques in vitro ou d’implants in vivo. Ces derniers sont aussi confrontés aux problématiques de l’insertion dans le tissu vivant, ce qui nécessite de développer des matériaux fonctionnalisés qui soient biocompatibles voire bio-résorbables, qui réduisent la réponse inflammatoire tout en ayant des caractéristiques de rigidité mécanique comparables à celles du tissu.

Finalement, en liaison avec les systèmes autonomes et communicants, nombre de dispositifs destinés aux applications médicales et à la santé mettent en œuvre des communications par ondes électromagnétiques à proximité de, voire dans l’organisme vivant, pour lesquelles les antennes constituent un élément essentiel. Leur conception et leur rayonnement doivent non seulement prendre en compte la proximité du milieu biologique hétérogène et complexe mais également les effets des ondes sur les cellules biologiques et les tissus vivants, ce qui contribue à la thématique de recherche concernant le bio-électromagnétisme.

F. Systèmes micro-physiologiques micro-fluidiques

Les systèmes microphysiologiques sont des systèmes modèles qui permettent l’étude de phénomènes complexes, en particulier biologiques, dans des systèmes maîtrisés, simplifiés et reproductibles. Ils ont bénéficié des progrès récents dans les domaines des matériaux et des techniques de fabrication, en particulier l’impression 3D et la bio-impression. Ils permettent de réaliser sur puce des modèles biologiques 3D, permettant la formation et la croissance d’organoïdes dans un environnement contrôlé proche de celui de l’organisme réel. En parallèle de la maîtrise des conditions biologiques de développement, les travaux se concentrent sur le contrôle et l’analyse dynamique des paramètres de culture et des facteurs biochimiques secrétés. Du point de vue technologique, l’enjeu consiste à reproduire la vascularisation micro-fluidique de l’organe, ainsi que les propriétés physiques, biochimiques et topographiques de la matrice extracellulaire. Il peut s’agir également de stimuler mécaniquement l’assemblage cellulaire pendant sa croissance et sa différentiation, ou alors de réaliser des matrices « 4D » qui évolueront au cours du développement des organoïdes qu’elles supportent. Ces systèmes micro-physiologiques sont appelés à servir de base à des recherches fondamentales comme les mécanismes d’initiation de maladies telles les cancers, ou les facteurs menant au développement et à la progression des tumeurs. Egalement, ils ouvrent la voie à la médecine régénérative par la reconstruction d’assemblages cellulaires capables d’assurer la fonction d’un organe, et ceux-ci pourront par ailleurs être utilisés pour des essais thérapeutiques dans le cadre de la pharmacologie et de la médecine personnalisée.

II. Énergie électrique

La part de l’électricité dans le mix énergétique global est incontestablement en forte croissance. Les projections estiment une croissance de 60 % entre 2016 et 2040 de la consommation de cette forme d’énergie finale. Cette forte augmentation tient au fait que l’énergie électrique peut satisfaire tous les services énergétiques avec des performances inégalées du fait de la contrôlabilité et de l’efficacité des dispositifs de conversion. L’énergie électrique a cependant actuellement un défaut de taille, au plan mondial, puisqu’elle est issue actuellement à près de 80 % de ressources primaires non renouvelables qui sont très souvent très polluantes (43 % de la production électrique était générée en 2016 par des centrales à charbon). Toutefois, dans le même temps, elle est également la forme d’énergie finale qui présente le plus grand potentiel de génération à partir de ressources renouvelables. Elle a donc la capacité de constituer un puissant moteur de développement durable.

Dans cette dynamique de forte croissance, les systèmes de motorisation électriques industriels représentent un tiers de l’augmentation de la demande d’énergie. En parallèle, l’augmentation du niveau de vie global signifie que des millions de ménages acquièrent des appareils électriques (avec une part croissante d’appareils connectés) et installent des systèmes de refroidissement. Notons également dans la projection globale, la montée en puissance des initiatives sectorielles et du soutien politique dans le domaine des transports poussant, par exemple, les prévisions pour le parc mondial de voitures électriques à 280 millions d’ici à 2040, contre 2 millions aujourd’hui. L’utilisation croissante des technologies numériques dans l’ensemble de l’économie est également une évidence. Ces technologies facilitent en particulier le fonctionnement flexible des systèmes électriques, mais contribuent de manière significative à l’augmentation de la consommation électrique.

L’ampleur des futurs besoins en électricité et le défi de la décarbonation du bilan énergétique (ou du mix énergétique) expliquent pourquoi les investissements mondiaux dans l’électricité ont dépassé ceux du pétrole et du gaz pour la première fois en 2016.

Pour ces raisons, les recherches en génie électrique au niveau mondial sont très largement orientées par les fortes préoccupations sociétales actuelles. Ainsi, transports électriques, bâtiments intelligents, micro-réseaux, écoquartiers, villes intelligentes et sites autonomes sont devenus des terrains de recherche de la communauté scientifique.

A. Réseaux d’énergie

Les infrastructures électriques vivent un profond changement de paradigme, avec notamment l’arrivée massive de sources peu prévisibles et à haute variabilité et l’arrivée de nouveaux acteurs dans le domaine de la gestion et de la distribution de l’énergie électrique. Les activités de recherche sur ces thèmes vont de la modélisation de ces nouveaux réseaux pour le contrôle et le diagnostic, leur dimensionnement et leur optimisation technico-économique en prenant en compte la possible hybridation des sources, jusqu’au contrôle et la supervision de ces réseaux hautement flexibles à tout niveau (sources, charges, stockage) et possiblement de nature diverse et potentiellement fortement couplée (électrique, thermique, hydrogène, etc..). Parmi les problématiques émergentes, citons en particulier les études dans les domaines suivants : le contrôle de systèmes multi-sources et multi-niveaux décisionnels, l’intégration forte des énergies renouvelables et des véhicules électriques dans les réseaux électriques, et la stabilité et la protection de ces réseaux. Sur ces thématiques, on note une convergence des technologies de l’information et de la communication avec celles de l’énergie électrique. En effet, associées à la très grande complexité des données et à leur caractère fortement stochastique, de nouvelles questions émergent et sont traitées, notamment en collaboration avec les domaines des mathématiques appliquées et des STIC, par les chercheurs du génie électrique. Citons également des activités de recherche croissantes dans le domaine des réseaux haute tension à courant continu (HVDC) avec en particulier l’émergence de convertisseurs électroniques de puissance dédiés à ces applications (convertisseurs modulaires multi-niveaux : MMC) et les études sur les matériaux diélectriques associés à ce type de réseau. Une autre problématique majeure concerne la durée de vie des installations dédiées, 30 ans pour une installation éolienne par exemple.

B. Stockage et grappillage d’énergie

La pénétration du vecteur électricité s’accélère également dans les applications embarquées à différents niveaux de puissance. D’une part, la propulsion de véhicules terrestres, maritimes, et aéronautiques pour les puissances élevées, d’autre part les dispositifs nomades et connectés pour les faibles puissances. Dans ces systèmes les contraintes sont majoritairement liées à la masse, la fiabilité, l’efficacité… L’alimentation autonome en énergie de dispositifs électroniques, comme les capteurs communicants, conduit à rechercher de nouvelles solutions de « grappillage énergétique » et de stockage d’énergie. On retrouve ainsi les problématiques décrites dans le cadre des nano et micro-systèmes, liées au développement de dispositifs énergétiques (récupération, stockage et gestion de l’énergie) à faible coût et à faible impact environnemental fabriqués par des techniques de micro- et nanofabrication à basse dimensionnalité (nano-structuration, matériaux électro-actifs, magnéto-actifs, électro-thermiques, magnéto-thermiques…).

C. Électronique de puissance

La contrôlabilité et l’efficacité des dispositifs de conversion électrique actuels tiennent en grande partie aux progrès réalisés en électronique de puissance. Pour ces dispositifs, les exigences de compacité, de rendement et de fiabilité sous-tendent de nombreuses activités. L’émergence des composants à semi-conducteur à grand gap, en particulier, soulève actuellement de nombreuses questions d’ordre scientifique et technologique en matière de compatibilité électromagnétique (CEM), d’intégration, d’architectures de conversion, de montée en tension et de montée en température de fonctionnement. La problématique de la fiabilité de ces nouveaux composants est un point particulièrement crucial dans le contexte d’une intégration poussée et de composants technologiquement complexes soumis à de fortes sollicitations dans des régimes de fonctionnement extrêmes ou fortement cyclés thermiquement. La multiplication des structures électroniques de conversion de puissance dans des systèmes de plus en plus complexes s’accompagne également de problématiques liées au contrôle. Il s’agit en particulier de gérer de façon optimale les transferts d’énergie en assurant une continuité de service nécessitant des fonctions de diagnostic, tant pour effectuer des reconfigurations que pour planifier des maintenances.

D. Actionneurs bio-compatibles

De nombreux travaux sur les actionneurs s’orientent vers une descente d’échelle, notamment à l’interface avec le vivant et le transfert d’énergie sans contact, rejoignant les problématiques déjà évoquées (dont les actionneurs bio-compatibles) dans le cadre des nano et micro-systèmes. Un champ important de recherche a ainsi émergé il y a quelques années, avec notamment la modélisation et l’étude des interactions entre les champs électromagnétiques et la « matière vivante ».

E. Actionneurs électromécaniques

Les chaînes de conversion électromécanique d’énergie constituent une activité historique du génie électrique. Ce thème est en évolution et s’oriente actuellement vers de nouvelles structures électromagnétiques pour la génération d’énergie ou l’actionnement soumis à des problématiques de réduction vibratoire, de fonctionnement à haute température ou de très haute fréquence de rotation. Ces travaux portent également sur des ensembles convertisseurs-machines à haute tolérance de défaillance, avec des considérations de dimensionnement sur cycle et de compatibilité électromagnétique (CEM). Dans ce domaine émergent également de nouveaux procédés basés sur la fabrication additive.

F. Systèmes de conversion électrochimique

Outre les traditionnelles voies de conversion électromécanique (magnétique, piézoélectrique…) ou de conversion par électronique de puissance, les systèmes de conversion électrochimique pénètrent fortement le génie électrique. En effet, la variabilité des sources et des charges, de même que les applications embarquées nécessitent le développement de solutions de stockage sûres, propres et efficaces menant ainsi à des travaux sur l’intégration des supercondensateurs, des accumulateurs électrochimiques, des piles à combustibles, des électrolyseurs. Ces dispositifs sont complémentaires car ils visent des dynamiques et des horizons temporels de stockage différents. Les activités portent sur la caractérisation, le diagnostic et le pronostic de l’état de santé, le dimensionnement et la gestion de l’énergie transitant dans ces dispositifs de stockage avec prise en compte du vieillissement. Dans cet ensemble, le vecteur hydrogène ou hydrogène-énergie occupe une place importante car il permet d’envisager un stockage de masse de long terme, ce que ne permettent pas les supercondensateurs et les accumulateurs. La versatilité de son usage permet aussi des couplages avec d’autres flux énergétiques, notamment les flux thermiques et la plurigénération (électricité, chaleur, froid par exemple) ou la conversion du dioxyde de carbone en méthane power to gas.

G. Matériaux pour l’énergie électrique

L’évolution des performances des matériaux joue également un rôle considérable dans le traitement de l’énergie électrique. Dans ce domaine les activités du génie électrique se portent historiquement sur les matériaux magnétiques, les matériaux diélectriques, les isolants ou bien encore sur les interfaces entre matériaux dans les contacts électriques. Elles concernent en particulier la caractérisation en termes de performances électriques et énergétiques. Il s’agit en particulier de développer des modèles permettant de prédire les performances des matériaux, de modéliser leurs pertes et/ou d’étudier les mécanismes de détérioration. Citons par exemple les nombreux travaux sur les matériaux magnétiques doux et durs (aimants) pour en accroître les performances environnementales et la compacité (utilisation de matériaux abondants, recyclables et/ou dont l’extraction et le raffinement sont à faible impact sur l’environnement), comme par exemple les travaux relatifs à des matériaux magnétiques durs sans terres rares ni métaux stratégiques comme le cobalt. Des travaux récents portent également sur l’exploitation de propriétés multiphysiques de certains matériaux comme les matériaux électrocaloriques ou magnétocaloriques avec des applications directes en matière de refroidissement ou de réfrigération.

H. Outils méthodologiques

La modélisation et les méthodes numériques jouent un rôle essentiel d’accompagnement des démarches de conception et d’optimisation. Les thématiques traitées dans ce domaine concernent la modélisation de phénomènes multi-physiques fortement couplés, les approches multi-échelles et la réduction de modèle dans le cas de systèmes complexes.

Du point de vue de l’optimisation et de l’éco-conception, comme pour l’ensemble des sciences de l’ingénieur, les évolutions des contraintes nécessitent d’introduire de nouveaux concepts et d’optimiser les dimensionnements des chaînes de conversion pour réduire encombrement, masse, coûts, échauffements tout en améliorant encore l’efficacité énergétique, la réduction des pollutions (électromagnétiques, acoustiques, vibratoires, environnementales…) ou encore la tenue aux environnements extrêmes. Dans ce contexte, il est fondamental de comprendre en détails et de maîtriser les processus de vieillissement pour éco-concevoir les systèmes électriques durables pour le futur.

III. Electromagnétisme et ondes, antennes

Le domaine des ondes comprend les ondes électromagnétiques, l’optique et une partie des ondes acoustiques. Si des concepts sont communs aux trois disciplines depuis de nombreuses années, de nouvelles idées ont émergé et ont été explorées dans les trois domaines. Cependant, les techniques, les instrumentations associées et les sujets de recherche sont différents. Il faut aussi tenir compte du fait que de nombreuses applications font appel aux différents types d’ondes sans s’y référer spécifiquement. Il existe de ce fait de nombreuses interactions avec d’autres domaines relevant de la section 08 comme la photonique, les micro- et nanosystèmes, l’électronique millimétrique et THz, ce qui conduit à des approches multi-physiques.

A. Modélisation électromagnétique et méthodes numériques

Plusieurs concepts ou applications sont à l’origine des recherches concernant les ondes électromagnétiques. Parmi ceux-ci, des travaux importants ont été conduits d’une part sur la base de méta-matériaux ou de méta-surfaces, et d’autre part par le développement de nombreuses communications radio liées au développement des objets connectés et nomades, et des liaisons spatiales. Dans ce contexte où les ondes électromagnétiques ont vu leur utilisation augmenter continuellement, les interactions ondes-vivant constituent également l’un des sujets de recherche en développement. Tous ces travaux passent par des phases faisant appel aux outils numériques de simulation pour la compréhension des phénomènes ou pour la conception de nouveaux objets.

Dans le domaine des ondes, les méthodes numériques sont des outils indispensables. Même si l’on doit tenir compte du caractère spécifique de l’onde (optique, électromagnétique ou acoustique), la modélisation électromagnétique reste au cœur des travaux menés dans différents domaines comme la compatibilité électromagnétique (CEM), l’intégrité des circuits, la sécurité des systèmes de communication, ou plus largement dans le domaine des composants (filtrage spatial et/ou spectral par exemple).

Les méthodes numériques reposant sur des maillages de l’espace (différences finies, éléments finis, intégrale volumique ou intégrale surfacique), qui étaient a priori considérées comme « gourmandes » en moyens de calcul, sont maintenant largement utilisées avec la montée en puissance de ces moyens, tant en mémoire qu’en vitesse. Les techniques de modélisation basées sur l’homogénéisation ou sur la notion de milieux effectifs sont maintenant sophistiquées et leur domaine de validation les rend exploitables. Elles sont utilisées dans les domaines des cristaux photoniques, des méta-matériaux et des méta-surfaces.

Un défi de la modélisation numérique concerne la propagation des ondes dans les milieux désordonnés et dans de très grands volumes (sondage radar de la biomasse, analyse optique de tissus vivants), où il faut arriver à extraire l’information utile de signaux complexes. Plusieurs travaux sont dédiés à la transition entre les équations d’ondes et les équations de diffusion & transport, qui peuvent être source de simplification. Il faut également signaler les outils d’analyse spectrale et d’analyse complexe, qui s’appuient sur les modes de résonances et sur l’exploitation des représentations spectrales et des prolongements analytiques (PMLs : Perfectly Matched Layers, extrapolation et représentation de grandeurs physiques). D’autres travaux en émergence concernent des méthodes numériques d’ingénierie inversée (reverse engineering) basées sur des algorithmes de type « apprentissage automatique » (ou machine learning) qui pourraient s’avérer prometteuses, à la fois pour l’imagerie inverse et la synthèse de composants.

B. Rayonnement et antennes

L’utilisation des ondes électromagnétiques pour les communications est en forte croissance. Si les antennes sont étudiées depuis de nombreuses années, les travaux concernant ces composants sont d’une importance capitale dans un contexte de réduction de la consommation énergétique, de limitation de la pollution électromagnétique, de mobilité des objets et des utilisateurs, et au final d’une meilleure qualité des transmissions radiofréquences. Ces composants sont aussi utilisés dans les applications d’imagerie micro-ondes et jusqu’au THz.

L’activité de recherche actuelle focalise essentiellement ses efforts sur la définition de nouveaux systèmes rayonnants, et ce pour une multitude d’applications en pleine expansion et à impact sociétal majeur (futurs réseaux 5G, méga-constellations de satellites, IoT -Internet of Thing, IoE-Internet of Everything), pour les communications très haut débit, la connectivité en tout point, la sécurité, la défense, la santé, l’imagerie et le bien-être. On peut distinguer deux grandes familles de travaux :

– architectures antennaires millimétriques et au-delà. L’état de l’art des solutions à base de réseaux repose sur des formateurs de faisceaux à base de systèmes quasi-optiques, de réseaux réflecteurs et de réseaux transmetteurs dont les efficacités en rayonnement sont très élevées grâce à leur alimentation par ondes d’espace, de réseaux d’antennes à balayage électronique à large bande et large champ de vision angulaire, et de méta-surfaces qui offrent des avantages uniques en termes de compacité et de simplicité d’excitation. Ces solutions nécessitent de mettre en synergie des outils avancés d’analyse électromagnétique et de nouvelles techniques de fabrication (diffusion bonding, circuits imprimés multi-couches haute densité, impression 3D, SIW-Substrate Integrated Waveguide, micro-usinage).

– Antennes miniatures et ultra-miniatures. La conception et le développement des antennes miniatures, des antennes intégrées sur des supports non standard (textile, polymères ultra-souples…), des antennes reconfigurables, et des sources large bande ou multi-bandes est aujourd’hui indispensable pour de nombreuses technologies ou applications (RFID, radio cognitive, Internet des Objets, informatique ubiquitaire, villes intelligentes, GreenIT…). Parmi les nombreux défis à relever, on peut souligner le nécessaire développement des systèmes complexes d’antennes miniaturisées directives, voire super-directives, à formation de multifaisceaux reconfigurables, utilisant des méta-matériaux et méta-surfaces et fonctionnant sur plusieurs bandes de fréquences de façon à occuper et façonner de manière optimale le volume du support 5G tout en repoussant les limites de nouvelles techniques pour la formation de faisceaux d’antennes compactes. Les applications envisagées sont les systèmes communicants embarqués compacts, les systèmes compacts pour la focalisation électromagnétique en champ proche et la réalisation de systèmes de lentilles planaires à fréquences quasi optiques.

C. Compatibilité électromagnétique

Le domaine des travaux sur la CEM est large tant sur le plan fréquentiel que sur celui des applications. Plusieurs sujets sont au cœur de cette thématique :

– la modélisation des interactions onde-structure afin de développer des outils pertinents pour l’étude des menaces envers la sécurité des systèmes électriques et électroniques ;

– la conception CEM liée à l’intégration d’électroniques complexes, particulièrement dans le contexte de systèmes modulaires et de plus en plus autonomes, qui évolue vers l’analyse de risque. La modélisation probabiliste de ce risque deviendra un pivot de la modélisation CEM ;

– le test CEM encadré par des normes actuelles définissant des contraintes, normes qui devront évoluer pour tenir compte des nouveaux usages et de la vulnérabilité aux attaques électromagnétiques des systèmes ;

– le domaine des transports autonomes (avions, chemin de fer, automobiles) exploite des bandes de fréquences de plus en plus étendues, ce qui nécessite de combiner différentes approches reposant tant sur la modélisation que l’expérimentation. Les défis dans ce domaine sont de parvenir à une simulation globale des moyens de transport connectés et communicants, passant par une co-simulation des différents éléments composant le véhicule.

D. Ondes acoustiques

Les techniques de transformation d’espace ont positionné les méta-matériaux comme un paradigme dominant pour contrôler les écoulements de flux en géométrie arbitraire, incluant les effets de mimétisme, illusion et invisibilité. Surtout concentrées sur les ondes électromagnétiques à l’origine, ces techniques ont essaimé vers l’acoustique à toutes les échelles.

Les orientations et les thèmes émergents dans le domaine de l’acoustique au niveau de la section 08 sont :

– le développement de méta-matériaux sensibles à des stimuli externes, qu’il s’agisse d’un champ électromagnétique externe pour obtenir une réponse accordable ou d’une commande optique des propriétés acoustiques pour créer des cristaux spatio-temporels ;

– l’instrumentation ultrasonore pour environnement à fortes contraintes (nucléaire, chimiques…) ;

– la caractérisation ultrasonore qui se porte vers des structures de tailles micrométriques avec des techniques de microscopie acoustique ;

– l’étude des structures périodiques intégrant des matériaux piézoélectriques (cristaux phononiques) pour réaliser des cellules élémentaires, l’exploitation de la distribution spatiale de ces cellules élémentaires et leur couplage via la diffusion multiple (réalisation de la première lentille plate pour l’acoustique).

Les enjeux sociétaux et les attentes restent très importants dans le domaine des ondes. Les laboratoires relevant partiellement ou totalement de la section 08 sont aujourd’hui, dans la plupart des domaines mentionnés, au meilleur niveau international. Parmi les points en émergence on soulignera : les développements dans le domaine de la modélisation et de la simulation numérique, les interactions avec le vivant, les éléments rayonnants et les rayonnements.

IV. Photonique

La photonique remplit une multitude de fonctions, multiphysiques et multiéchelles, passives et actives, à visée applicative ou fondamentale, spécialisée ou interdisciplinaire. Son évolution est fortement marquée par une tendance à l’intégration et à l’exploitation de couplages multiphysiques ou résonants, alimentés par l’exploration de nouveaux matériaux (semiconducteurs, oxydes, 2D, “méta-”…) et de nouveaux concepts d’architectures (topologiques, chirales, hyperboliques, désordonnés…).

A. Photonique intégrée et hybride, télécoms

Le développement actuel des PICs (circuits photoniques intégrés) s’appuie fortement sur les acquis en technique d’hybridation locale par report (oxydes fonctionnels piézo-électriques, thermo-optiques, magnéto-optiques..), par croissance localisée, ainsi que par dépôts colloïdaux ou polymères (boîtes quantiques, émetteurs organiques…), ou avec fonctionnalisation par matériaux 2D (graphène, chalcogénure…) ou non-linéaires, principalement développés sur la plateforme silicium ou SOI (silicium sur isolant). De manière générale la photonique intégrée est aujourd’hui concernée par une grande gamme de fréquences, de la photonique visible et des apparences jusqu’au THz en passant par le proche (NIR) et moyen (MIR) infra-rouge. Les retombées les plus marquantes concernent les sources de lumière, d’une part à base de structures « localement » hybrides de III-V sur silicium, d’autre part avec des empilements épitaxiés (intégration monolithique) maîtrisant la qualité cristalline des couches (Ge, SiGe contraints, antimoniures, oxydes, ZnO, GaN…). Egalement, une plateforme d’intégration prometteuse pour l’optique non-linéaire et transparente se développe avec les substrats hybrides en couche mince de niobate de lithium. Les guides optiques eux-mêmes évoluent et sont composés de nanostructures (guides silicium sub-longueurs d’ondes, guides plasmoniques, guides à plasmons localisés, nanofils) afin de préparer notamment la photonique intégrée sur substrat flexible. Les dispositifs et circuits réalisés sont compacts et/ou embarquables associant plusieurs fonctions en série ou en parallèle comme les spectromètres intégrés avec capteurs associés, le couplage accéléromètres MEMS et atomique, les horloges optiques & peignes de fréquences ultrastables, le lidar pour voiture autonome, l’interférométrie basée sur des architectures piégées, intégrée avec moyen d’analyse (Raman/Brillouin sur puce…). D’autres systèmes réalisent des fonctions complexes faisant appel au calcul optique ou neuromorphique, à la convergence calcul/mémoire/communication, à la cryptographie et photonique quantique sur puce.

En complément du graphène, les matériaux 2D tels que les dichalcogenides de métaux de transition (TMDC) et le nitrure de bore hexagonal (hBN) présentent un fort potentiel pour générer des polaritons (excitons dans le TMDC, phonons dans l’hBN, plasmons dans le graphène) et peuvent s’empiler pour former des hétérostructures de Van der Waals, ce qui peut ouvrir la voie à des circuits photoniques intégrés polaritoniques, pour de l’optique diffractive, des matériaux hyperboliques, et des structures photoniques topologiques. En parallèle les télécoms continuent leur évolution vers les très hauts débits et densités d’échanges de données en exploitant de nouveaux multiplexages de signaux, et tout particulièrement le guidage multimode qui vient renforcer et compléter les évolutions précédentes autour du multiplexage de signaux modulés en phase et en polarisation. Cela ouvre un nouvel axe de la photonique guidée et/ou intégrée multimode, active et passive, qui consolide actuellement le « bimode » avant d’explorer l’enrichissement modal spatial : superposition de modes spatiaux, modes orbitaux angulaires… Les nouveaux systèmes télécoms optiques cherchent également à exploiter les traitements quantiques ou neuromorphiques de l’information, ainsi que les optimisations basées sur les techniques d’apprentissage.

Le domaine des fibres optiques contribue à ces évolutions avec le développement de fibres multicoeurs et/ou multimodes, pour les transmissions de nouveaux formats de signaux, pour l’optique non-linéaire (notamment la génération de peignes de fréquence), pour des fonctions de capteurs ou pour une nouvelle génération de sources (fibres à cristal photonique et cœurs creux, remplis de gaz).

B. Couches minces optiques, cristaux photoniques, nano-résonateurs, nano-antennes, méta-matériaux, méta-surfaces, milieux désordonnés

Les multicouches optiques (ou filtres interférentiels) ont atteint un niveau de maturité élevé pour les applications en espace libre, pour des applications allant du spatial à la défense, l’observation de la terre, les télécommunications optiques… Les domaines spectraux ont été considérablement étendus (des rayons X au moyen infra-rouge) et motivent une recherche pour de nouveaux matériaux dont la pérennité et la compatibilité écologique doivent être garanties. Des efforts considérables sont également consentis pour un contrôle additionnel de la dispersion de phase, pour la réduction des pertes jusqu’à des valeurs inférieures à un millionième du flux incident, et pour le contrôle des propriétés non-optiques. On note enfin que les spécifications exigeantes (dont le bruit thermomécanique, la diffusion lumineuse et l’uniformité de matière, ou la pixellisation des composants pour les matrices de détecteurs) imposées pour le bon fonctionnement des systèmes dévolus à la détection des ondes gravitationnelles, ou spécifiques des systèmes pour le multiplexage spatial, ne manqueront pas de porter encore cette activité vers de nouvelles ruptures technologiques.

Pour le contrôle tridimensionnel de la lumière, voire pour les applications en champ proche, les cristaux photoniques demeurent une solution clé pour contrôler l’onde électromagnétique. Pour accroître l’efficacité de l’interaction lumière-matière, en particulier pour des exaltations « large-bande » ou dans le cas d’objets isolés (de type nano-antennes), les résonateurs mêlant nano-cavités plasmoniques et diélectriques constituent aujourd’hui le cœur de nombreux micro-systèmes opto-électroniques ou opto-mécaniques pour des applications dévolues aux capteurs et au sondage (localisé, global) du vivant, ou à la définition de micro-sources classiques ou quantiques. Les (nano-)sources thermiques, ou la thermo-photonique, viennent également enrichir ces fonctionnalités.

Les méta-matériaux sont venus compléter cette panoplie de composants en introduisant de nouveaux degrés de liberté comme les indices « anormaux » (négatifs, nuls…), et en apportant de nouvelles techniques de synthèse autorisant le contrôle arbitraire de flux en géométrie complexe, dont la création d’illusions (mimétisme, invisibilité) est un exemple phare. Si ces techniques ont largement diffusé dans d’autres domaines (micro-ondes, acoustique, mécanique, hydrodynamique, sismique, thermique… et plus récemment dans l’utilisation clinique de l’imagerie par résonance magnétique), elles doivent cependant faire face, dans le domaine de l’optique, à une problématique de contrôle de dispersion, et à l’élaboration de nouveaux matériaux inhomogènes anisotropes. Dans ce contexte, les procédés d’homogénéisation pourraient apporter des réponses très attendues. Parallèlement les méta-surfaces proposent une alternative majeure pour pallier ces difficultés, notamment eu égard à leur facilité (relative) de fabrication. Ces derniers composants ont atteint en peu de temps une maturité remarquable pour le contrôle de la lumière (phase, amplitude, polarisation, hélicité, moment optique) et devraient rapidement être étendus à un contrôle spectral (simultané).

Enfin, parallèlement à ces développements s’appuyant sur une structuration (ou un gradient) de la matière, on assiste à l’émergence d’une véritable ingénierie du désordre, qui consiste en particulier à extraire, imager ou transporter une information à travers un milieu complexe (ou trouble, ou diffusant). Un grand nombre d’idées ambitieuses, théoriques, numériques ou expérimentales, ou relevant de l’optique statistique, ont été explorées et affichent un succès remarquable qui devrait s’accroître rapidement, avec des applications potentielles phare (médecine, vivant, navigation, sécurité…). On note également l’utilisation d’effets collectifs (dont l’auto-organisation) dans ces structures désordonnées pour élaborer de nouvelles fonctions de filtrage et de codage.

C. Bio-détection, imagerie, application vivant

Les techniques de détection optique appliquées à la biologie ou au vivant sont intrinsèquement des thématiques interdisciplinaires, largement utilisées dans des domaines fondamentaux et appliqués. Les bio-détecteurs ou bio-capteurs rencontrent de grands défis pour combiner sélectivité, sensibilité, intégrabilité ou implantabilité, diversité et bas coût. Dans ce contexte, le sondage du vivant tire activement profit de chaque avancée en photonique (composants, systèmes et traitement numérique), en parallèle du développement de bio-indicateurs ou bio-marqueurs.

L’imagerie optique pour la biologie rencontre elle aussi des défis importants, notamment pour quantifier des propriétés physiques/chimiques/biologiques intriquées et complexes, à haute résolution temporelle et spatiale, et sur de larges échelles. Elle doit également aujourd’hui répondre à des questions biologiques (développement, adhésions, trafic cellulaire…) et biomédicales (neurosciences, tissus cancéreux, virologie/immunologie…) de plus en plus ambitieuses. Certaines directions principales mais non exhaustives, pour répondre à ces défis, sont l’imagerie fonctionnelle et quantitative, l’imagerie en profondeur et sans marquage basée sur des concepts d’optique non-linéaire pouvant avoir des spécificités chimiques, l’imagerie super résolue, l’imagerie intelligente qui se base sur de nouveaux couplages entre analyse et mesure – comme la co-conception de l’imageur et de l’analyse exploitant des algorithmes d’apprentissage profond. Les systèmes endoscopiques restent un mode de développement de ces différentes techniques.

D. Sources, et composants actifs associés

La réalisation de nouvelles sources de lumière connaît actuellement un essor considérable. De nombreuses ruptures technologiques ont eu lieu dans des domaines aussi divers que les lasers de très haute puissance, domaine qui a été distingué par le prix Nobel de physique en 2018, les sources de lumière non classiques pour les technologies quantiques, les sources attoseconde, les sources électriques de plasmons, les sources de rayonnement infrarouge ou THz…

Les futurs développements dans ces domaines s’orientent ainsi vers plusieurs axes, comme par exemple l’extension des gammes de longueurs d’onde :

– des projets ambitieux visent à améliorer les sources XUV et les technologies des sources attoseconde vers des sources haute cadence et compactes en alternative aux grands instruments. Des développements technologiques importants sont à réaliser, conjointement au domaine de l’optique ultrarapide (sources au cycle optique, à haute puissance moyenne) ou d’un point de vue applicatif à l’électronique PHz.

– l’extension vers le moyen infrarouge (MIR) implique des systèmes variés tels que les lasers à cascade quantique, les sources à base de nouveaux matériaux et d’effets paramétriques, les fibres non-linéaires adaptées à ces fréquences et des sources à haut rendement et faible consommation, intégrables et accordables. Le domaine s’attache à développer toutes les fonctionnalités requises, actives (sources, détecteurs, modulateurs) et passives (filtres, résonateurs, guides), en s’appuyant principalement sur différentes plateformes d’intégration combinées avec de l’hétéroépitaxie (GeSn contraint, GaInAsSb) ou des matériaux 2D. Les objectifs concernent principalement l’imagerie et la spectroscopie, à base de peignes de fréquences (générés optiquement ou électriquement), ou exploitant des effets optomécaniques, photoacoustiques.

– le domaine du THz se situe à l’interface entre l’électronique haute fréquence et le MIR et est en passe d’atteindre un fonctionnement `haute température’ pour des sources de puissance suffisante, utilisant des lasers à cascade quantique (QCL) THz, des photomixeurs (émetteurs et détecteurs rapides), ou des sources pulsées (non-linéarités dans des systèmes excitoniques, rectification optiques, matériaux 2D), et pour d’autres fonctions à base de concepts innovants d’excitation collective (spintronique THz, laser THz à polariton). Comme pour le MIR, la tendance est à l’intégration sur Silicium avec des défis liés aux dimensions, et les applications concernent non seulement la spectroscopie, l’imagerie et le biomédical (y compris la manipulation d’objets biologiques), mais aussi les nouvelles générations de télécommunication sans fil qui nécessitent des émetteurs-récepteurs THz intégrés avec source, modulateur, diodes rapides, réseau d’antennes avec contrôle de faisceaux.

Un autre exemple concerne la manipulation des faisceaux. La génération de nouvelles sources de lumière doit être accompagnée par des techniques de contrôle et de manipulation des faisceaux dans les domaines spatial, temporel ou spectral (réduction des bruits notamment pour la détection d’ondes gravitationnelles (VIRGO/LIGO), systèmes pour horloges atomiques, lasers de quelques cycles, holographie temporelle, couplages spatio-temporels en régime non-linéaire intense ou combinaison cohérente de faisceaux…). Les manipulations de la lumière incluent enfin les développements de systèmes utilisant de la co-conception et l’intelligence artificielle.

E. Optique quantique, interférométrie atomique

On assiste également à une convergence de l’optique quantique et des nanotechnologies, qui devrait accélérer la mise en oeuvre des futures technologies quantiques. Les travaux sur les horloges intégrées, les instruments de métrologie ainsi que sur les systèmes pour la cryptographie quantique ont en perspective cette intégration. L’optique quantique intégrée connaît ainsi des développements considérables avec une maturité applicative remarquée. Les protocoles de cryptographie quantique en variables continues peuvent aujourd’hui être mis en œuvre sur différentes plateformes de photonique, et des plateformes de nanophotonique silicium permettent d’effectuer du boson sampling. Pour un autre champ d’application, les interféromètres atomiques constituent des solutions pour une nouvelle génération de capteurs inertiels (gravitomètres, gyromètres, accéléromètres) ou pour le développement de grands instruments de physique fondamentale (ondes gravitationnelles, métrologie spatiale).

V. Électronique

Le domaine de la microélectronique connaît aujourd’hui une mutation importante avec les technologies silicium nanométriques et la difficulté pour diminuer plus encore la taille des transistors. De plus, les coûts de ces technologies sont tels que peu d’entreprises au niveau mondial sont en mesure d’investir dans ces unités de fabrication. Les travaux menés dans ce domaine connaissent de ce fait une évolution importante avec l’introduction de concepts comme l’utilisation de la troisième dimension, l’hétérogénéité des objets et des technologies intégrées sur un même support silicium ou non. Les travaux qui accompagnent cette mutation technologique concernent aussi la réduction de la consommation des circuits, la gestion du budget thermique, l’étude de packages adaptés. Parallèlement, l’introduction de matériaux organiques et hybrides permet le développement de composants et de systèmes à faible empreinte environnementale, en particulier pour les applications bio.

La « digitalisation » de la société est sans aucun doute la quatrième révolution industrielle. De nouveaux défis sociétaux font leur apparition comme l’industrie du futur, l’e-santé, et les « smart-cities » qui ont un impact majeur sur la conception des circuits et des systèmes embarqués (au sens électronique et informatique), supports indispensables de ce monde numérique. La conception de ces systèmes fait face à des exigences de temps de développement, de performances – en tout premier lieu d’efficacité énergétique, de fiabilité, de résilience et de sécurité. Les nouveaux enjeux et nouvelles applications nécessitent également l’intégration, en plus du ou des cœurs de calcul, de capteurs et actionneurs innovants. On parle alors de systèmes cyber-physiques (CPS : Cyber-Physical Systems). Cette numérisation s’appuie sur le nomadisme permettant à chacun d’accéder à un espace numérique ambiant et requiert des développements en communication numérique, afin de gérer les canaux de communication avec un nombre d’objets communicants dépassant plusieurs milliards. Cet ensemble distribué devra de fait s’adapter et évoluer de façon plus ou moins autonome, en s’appuyant alors sur l’intelligence artificielle.

A. Nouvelles technologies, nouveaux paradigmes

Les technologies micro-nanoélectroniques permettent de réaliser des fonctions de calcul (nanofils, nanotubes, SET, etc.), de mémorisation (MRAM, ReRAM, etc.) ou de communication (nanophotonique, spin, terahertz, optique visible, etc.) dont les impacts sur les futurs systèmes sont attendus en termes d’efficacité énergétique, de puissance de calcul et de robustesse (fiabilité et sécurité) des systèmes sur puce (SoC). Bien entendu, ces attentes s’avèrent importantes dans le cadre des paradigmes conventionnels de calcul. Par exemple, les mémoires magnétiques (STT RAM, SOT RAM…) et résistives (OxRAM, PCM RAM, MottRAM) sont plus que jamais pertinentes industriellement, d’autant plus qu’elles se complètent parfaitement avec les technologies CMOS FD SOI et FinFET.

Les approches d’intégration hétérogène tri-dimensionnelle pour ces mémoires intégrées dans le Back-End-Of-Line (OxRAM, MRAM) et l’amélioration des performances des sélecteurs (vitesse, compacité, surcoût énergétique) sont aujourd’hui largement admises mais les solutions d’avenir ne sont pas encore disponibles en Europe ; d’autres approches plus prospectives telles que l’intégration de matériaux ferroélectriques dans le Front-End-Of-Line pourront autoriser des stratégies de calcul plus agressives en termes de budget performances/consommation, ainsi que des supports matériels pour l’intelligence artificielle.

De façon plus prospective, ces évolutions technologiques ainsi que celles en photonique sur silicium, en spintronique (spin-orbitronique) ou en calcul quantique ouvrent également la voie à de nouvelles architectures basées sur des paradigmes plus en rupture.

Le déploiement de ces nouveaux paradigmes de calcul comme la logique multi niveaux, le calcul approximatif, asynchrone, neuro-inspiré…, s’anticipe en tirant profit des propriétés innovantes des technologies émergentes. Dans ce cadre, une réflexion sur les paradigmes en rupture qui entraînent des convergences calcul/mémoire, calcul/communication et mémoire/communication est menée. Les technologies ainsi développées doivent donc être évaluées pour déterminer leur degré de maturité et anticiper leur intégration dans les circuits par le développement de modèles compacts et l’évaluation de leur niveau de fiabilité.

Par ailleurs, de nouveaux langages et mode de stockage de l’information basés sur la programmation moléculaire ont vu le jour. Ils constituent un nouveau paradigme basé sur la synthèse de l’ADN dont la réplication peut être contrôlée de façon spatio-temporelle par des réactions enzymatiques. Ce nouveau champ scientifique repose ainsi sur des approches computationnelles, mais aussi biochimiques tout en utilisant les technologies microfluidiques pour former les micro-réacteurs compartimentalisant les réactions.

Outre la possibilité d’implanter des fonctions logiques, ce langage de programmation moléculaire irrigue d’autres thématiques de recherches touchant le vivant, visant par exemple à mieux comprendre l’émergence de l’ordre au cours des processus de morphogenèse, ou encore à fabriquer des matériaux auto-organisés capable de créer des interfaces dynamiques avec le vivant. Les réseaux de réaction complexes formés à partir d’acides nucléiques synthétiques ont également des applications en diagnostic moléculaire.

B. Edge computing

La volonté de réduire l’empreinte énergétique et carbone des centres de calcul conduit à repenser la localisation des traitements et à réduire la quantité de données transférées depuis le capteur jusque dans le cloud. Dans ce contexte, le paradigme du « edge-computing » (calcul proche capteur) répond à cette problématique puisqu’il propose de placer des traitements de données au plus proche du capteur afin d’extraire des informations pertinentes qui seront alors envoyées vers les centres de calcul situés dans le cloud. Les challenges scientifiques de ce domaine concernent alors tous les niveaux de conception des capteurs et du calcul associé. Par exemple, les nouveaux paradigmes de calcul s’appuyant sur le calcul au plus proche des mémoires (logic-in-memory) demandent une intégration plus intime d’éléments mémoire avec les composants de calcul. Au niveau des capteurs, leur alimentation est un enjeu important, et les techniques de récupération d’énergie sont essentielles pour assurer une durée de vie et / ou de fonctionnement suffisante. On notera dans ce contexte que les capteurs spintroniques ont connu un développement important.

C. Intelligence artificielle

L’intelligence artificielle, et tout particulièrement l’apprentissage automatique/statistique, est au cœur des révolutions du numérique. La complexité calculatoire relative non seulement à la phase d’entraînement mais également à l’exploitation (inférence) implique l’utilisation de ressources matérielles de calcul spécialisées (accélérateurs). L’impact énergétique crucial et le développement durable, notamment dans les data-centers et les systèmes relevant du « Edge Computing » devront être pris en compte. Les avancées dans le domaine des nouvelles technologies combinées à l’émergence d’architectures de calculs neuromorphiques permettent aujourd’hui d’envisager l’exploitation de l’intelligence artificielle à divers niveaux et dans des enveloppes énergétiques largement réduites en comparaison des solutions actuelles.

D. Sécurité des systèmes matériels

La sécurité des systèmes-sur-puce complexes et hétérogènes qui équipent de plus en plus de systèmes électroniques connectés est un enjeu majeur aux nombreux verrous : efficacité des attaques physiques avec la réduction de dimensions des dispositifs et l’augmentation de la complexité, mise en évidence de nouveaux chemins d’attaques internes du matériel au logiciel et vice-versa, sécurité vis-à-vis des moyens de tests et de correction d’erreurs… L’implantation matérielle efficace (consommation énergétique, sécurité, performance, surface) de nouveaux schémas de chiffrement, tels que le chiffrement homomorphe et le chiffrement post-quantique, est une problématique actuelle importante. Enfin dans le domaine des attaques par canaux cachés (analyse de consommation de puissance et / ou électromagnétique), des implémentations cryptographiques matérielles et logicielles, ou des techniques récentes d’apprentissages automatiques (machine learning, deep learning) ont donné de très bons résultats en termes d’efficacité même sur des implémentations sécurisées. Ces avancées ouvrent un nouveau champ de recherche sur l’exploitation de l’intelligence artificielle pour la sécurité des systèmes matériels, à mener en collaboration avec les sections 06 et 07.

E. Communication haut-débit

Les systèmes cyber-physiques requièrent le développement des éléments matériels permettant de relier à faible coût le système d’objets connectés (IoT), d’un côté au monde physique via des capteurs, et de l’autre côté au monde numérique via des communications sans fil. La prise en compte et la gestion de la consommation orientent la conception des circuits analogiques / RF / hétérogènes vers plus de modularité et d’agilité et une plus grande intégration. Les interfaces de communication utilisent donc des capteurs intelligents, des éléments de récupération d’énergie, la connaissance du réseau et de l’usage, la puissance du calcul numérique (adaptation, correction).

Les émetteurs-récepteurs 5G devront faire preuve d’une grande flexibilité en fréquence et en modes de fonctionnement afin de satisfaire aux spécifications du très haut débit tout en maintenant une faible consommation d’énergie. Les techniques de correction numérique seront de plus en plus utilisées pour corriger les imperfections dans les circuits analogiques/mixtes/RF et millimétriques.

Il faut noter que la spintronique a permis également le développement de fonctions radiofréquences (RF) de base prometteuses pour des composants hyperfréquences compacts, économiques et à faible coût pour répondre en particulier aux enjeux de l’IoT (Internet of Things).

F. Électronique organique

L’effort de recherche consenti au niveau national et mondial a permis durant ces 10 dernières années d’améliorer les propriétés des semi-conducteurs organiques jusqu’à un niveau proche de leurs homologues inorganiques. Une grande partie de la recherche en France est encore aujourd’hui focalisée sur des applications « traditionnelles » comme les cellules solaires (OPV), les photodiodes organiques (OPD), les diodes électroluminescentes (OLED) et l’éclairage pour lesquels les défis majeurs persistent. On citera par exemple le transfert entre l’efficacité de la conversion d’énergie très élevée à l’échelle du laboratoire vers une échelle d’une production industrielle par impression, le développement et la stabilité de nouveaux matériaux, l’amélioration des mobilités des semi-conducteurs, l’extension de la gamme spectrale au proche infrarouge…

En parallèle, la grande variété de ces semi-conducteurs et leurs propriétés (électrochimiques, mécaniques, morphologiques, optoélectroniques…) très spécifiques ouvrent de nouvelles perspectives en particulier pour la biologie et la médecine. Parmi les applications émergentes, on peut citer la spintronique organique, le laser organique et la bio-électronique, avec les bio-capteurs ou les Bio-MEMS où les défis résident dans l’intégration des matériaux organiques et leur bio compatibilité. Des cellules solaires organiques ultra-minces et extensibles ont été également réalisées. De nouveaux matériaux, de nouvelles architectures et technologies de traitement sont donc à développer pour répondre aux exigences uniques des appareils extensibles.

VI. Micro-nanotechnologies

La réalisation des micro-nanodispositifs fait appel à des étapes de micro-nanotechnologies, que ce soit pour des applications en électronique, en photonique, en optique ou en magnétisme, incluant les micro-nanosystèmes. Dans ce domaine, les laboratoires ont bénéficié de manière inestimable de l’organisation des grandes centrales technologiques sous la forme du réseau RENATECH, qui trouve aujourd’hui un prolongement et une ambition renouvelée dans le cadre de RENATECH+.

Les progrès des technologies de la nano, micro et optoélectronique permettent une diversification des fonctionnalités intégrées sur un même dispositif, laquelle nécessite le développement de matériaux fonctionnels intégrables sur une plateforme technologique de base, la plus développée et maîtrisée étant celle du silicium, suivie par le GaAs. Les matériaux et la maîtrise de leur mise en forme constituent donc un socle essentiel des activités de recherche. Ce domaine fait appel à des compétences pluridisciplinaires partant de la chimie des matériaux et des spécificités de leur élaboration, jusqu’à la réalisation de systèmes et dispositifs. Les développements impliquent une synergie croissante entre chercheurs issus de différents domaines de la chimie et science des matériaux, de la physique, de l’électronique, de la mécanique, de la micro et nano-fabrication, des systèmes et des méthodes de caractérisation avancées pour contrôler les étapes réalisées.

A. Matériaux

Les évolutions des besoins en fonctionnalités variées amènent à envisager l’utilisation de nouveaux matériaux (ou de matériaux sous de nouvelles formes) en fonction du domaine d’applications. Si l’élaboration d’hétéro-structures et nanostructures de semi-conducteurs III-V est toujours d’actualité – notamment pour les domaines MIR et THz, on assiste à un accroissement de l’hétérogénéité des matériaux (association semi-conducteurs avec diélectriques, oxydes, nitrures…) pour améliorer et diversifier les fonctionnalités des dispositifs : isolants topologiques, matériaux à changement de phase pour l’agilité des dispositifs photoniques (accordabilité, modulation, non-linéarités…) ou pérovskites ferroélectriques pour le photovoltaïque, les sources visibles et la polaritonique.

Par ailleurs, les évolutions des architectures de dispositifs nécessitent le développement de nouvelles briques technologiques dans le domaine des semi-conducteurs, comme par exemple les matériaux à grand gap (type SiC, GaN) pour la réalisation de composants de puissance sur GaN et SiC. La synthèse de semi-conducteurs poreux, tels que Si et SiC, amène à des applications innovantes ; en particulier le Si poreux fournit un substrat électriquement isolant pour l’intégration de composants microélectroniques RF et de puissance,  et les tranchées ou vias réalisés par gravure électrochimique du Si ouvrent vers les applications 3D (connectique ou capacités 3D).

Dans bon nombre de domaines, les matériaux en couches minces constituent les couches actives des dispositifs, de la microélectronique à l’optique/photonique ou l’énergie avec les cellules solaires et les dispositifs de stockage : carbones nano/microporeux et oxydes de métaux de transition ou de ferroélectriques pour les micro-super-condensateurs ; matériaux lamellaires ou matériaux à charpente poly-cationique pour les électrodes de micro-batteries Li-ion ; dispositifs à base de couches minces micro- et nanostructurées optiquement transparentes (discrétion visuelle), matériaux multi-ferroïques flexo-électriques (plastronique hyperfréquence, agilité)…

B. Matériaux fonctionnels, actifs

Parmi les matériaux fonctionnels, les oxydes occupent une place croissante pour la réalisation de fonctionnalités spécifiques ou encore leur association au sein d’un système. Depuis deux décennies, leur introduction en tant que matériau épitaxié en premier lieu en microélectronique, a permis l’intégration de plusieurs fonctionnalités sur un même substrat. Ces développements se poursuivent et se diversifient : oxydes fonctionnels pour la thermoélectricité ou la plasmonique IR ; matériaux ferroélectriques (exemple HfZrO2) pour la nanoélectronique ; matériaux piézoélectriques…

Dans l’élaboration des matériaux actifs (ou fonctionnels), des innovations importantes sont obtenues par association de matériaux magnéto-élastiques avec des matériaux piézoélectriques ou ferroélectriques pour la réalisation de dispositifs magnétoélectriques. On note également l’utilisation des matériaux fonctionnels de l’optique pour la réalisation de composants hyperfréquences. La miniaturisation des méta-matériaux, auxquels la structuration spécifique confère des propriétés inhabituelles, couplée au concept de « méta-matériaux actifs » ou « méta-surfaces », permet d’envisager de nouvelles potentialités en termes d’agilité des composants (programmation/reconfiguration), de localisation ou de couplage photon-phonon.

C. Techniques de nano-structuration

Les techniques de nano-structuration visent l’obtention de nanostructures (notamment à base d’oxydes métalliques comme les nano-fils (NFs) de ZnO pour la récupération d’énergie) ou de nanoparticules (par exemple : utilisation comme outil pour le diagnostic et le theragnostic des nanoparticules (NPs) magnétiques actives en optique non-linéaire). Les NFs à base de semi-conducteur, bien maîtrisés au cours des dernières décennies, trouvent d’autres champs d’applications (exemple : les nanofils de III-V pour le water-splitting). Parmi les thèmes émergents, on peut citer les nanostructures semi-conductrices à petit gap auxquelles sont associés des effets plasmoniques (incluant l’approche colloïdale) pour des applications en MIR/THz et la réalisation d’hétérostructures originales intégrant des couches magnétiques.

Bien au-delà de leur utilisation pour des études physiques théoriques, les « matériaux 2D » prennent de l’essor et sont développés pour des dispositifs. Après le graphène, le silicène ou le germanène, on assiste à la réalisation d’hétérostructures hBN/graphène. La recherche sur les matériaux 2D s’oriente vers les hétérostructures de dichalcogénures de métaux de transition pour des applications en microélectronique et optoélectronique. Dans le domaine de la spintronique, on constate l’émergence de matériaux multifonctionnels pour des dispositifs en rupture (applications mémoires, capteurs, radiofréquences, quantiques et neuromorphiques), ainsi que de nouveaux matériaux à propriétés originales (oxydes magnétiques ultra-minces, matériaux 2D magnétiques, couches moléculaires, isolants topologiques, systèmes hybrides ferromagnétiques/supraconducteurs, etc.). Les méta-matériaux spintroniques reconfigurables pour le traitement de signal permettent de générer, contrôler et traiter l’information dans un domaine fréquentiel commençant au GHz et pouvant s’étendre jusqu’au proche THz.

D. Énergie

Dans le domaine de l’énergie, la réflexion porte sur les solutions technologiques innovantes en matière de récupération de l’énergie (thermique, solaire, mécanique, RF…) et du stockage (comme évoqué en Micro et NanoSystèmes : micro-batterie, micro- supercondensateur, dispositifs miniaturisés). En photovoltaïque, les technologies les plus soutenues sont le photovoltaïque en couches minces de silicium, les cellules Tandem III-V sur Si et les cellules solaires à contacts sélectifs. Les études sur le photovoltaïque portent aussi sur la structuration en films minces de matériaux photosensibles constitués d’éléments abondants sur Terre (visant à pallier la pénurie annoncée des éléments rares et à prévenir les tensions géopolitiques d’approvisionnement), ainsi que sur l’utilisation de matériaux 2D pour l’ingénierie de bandes au sein de cellules tandem sur une base silicium.

En parallèle, le photovoltaïque organique occupe une place toujours croissante au niveau national et international avec le développement de matériaux pour l’électronique organique et l’élaboration de nanoparticules. On note par ailleurs la place des modulateurs optiques à base de semi-conducteurs organiques ou la progression exponentielle des pérovskites ferroélectriques. L’innovation durable impose la mise en œuvre de nouveaux matériaux (basse dimensionnalité, nano-structuration, anti-ferroélectrique…) et de dispositifs à faible coût, ayant un faible impact environnemental dans une démarche écoresponsable. Les enjeux futurs sont conditionnés par les nouvelles solutions pour la récupération, l’économie et la gestion intelligente de l’énergie.

E. Nouveaux paradigmes de traitement de l’information

Le développement actuel particulièrement rapide de l’intelligence artificielle, basée sur l’utilisation de réseaux de neurones, s’opère au prix d’une consommation énergétique gigantesque. La voie d’avenir va consister à passer des réseaux de neurones logiciels très énergivores actuels à des réseaux « matériels » de neurones et de synapses artificiels. L’émergence de nouveaux concepts et l’utilisation de nouvelles classes de matériaux pourraient apporter de réelles ruptures dans la prochaine décennie. On peut citer les démonstrations récentes utilisant des dispositifs spintroniques bio-inspirés comme neurones et / ou synapses artificiels. Egalement, on note l’engouement croissant, tant au niveau national qu’international, pour les matériaux isolants de Mott, à la fois pour des aspects fondamentaux mais surtout plus récemment pour leur potentiel applicatif. L’étude de systèmes neuro-morphiques hardware génériques, non dépendant d’une application, pourrait constituer une future évolution.

F. Technologies de fabrication

Les technologies et les différentes étapes nécessaires au sein d’un procédé complet se sont complexifiées, en particulier avec la miniaturisation des systèmes qui impose une diminution constante des dimensions des zones actives ou d’intérêt. Les techniques de nano-fabrication de nano-objets et de nano structuration des surfaces au niveau 2D ou 3D sont directement inspirées de la nanoélectronique pour des applications en nano-optique et/ou nano-photonique. La maîtrise des paramètres structuraux (géométrie, taille, cristallinité…) des nano-objets, leur organisation sur des surfaces et le contrôle des interactions champ proche (exemple : réalisation de nano-gaps « ultimes » de taille sub-nanométrique) est un élément de plus en plus crucial dans la mise au point des procédés. Des technologies génériques (telles que les préparations/traitements de surface, les étapes de dépôt/croissance/reprise de croissance, la lithographie, les nouveaux procédés de structuration) sont développées comme les micro-technologies pour le décollement / report et le recyclage du substrat pour fabriquer des dispositifs optoélectroniques.

Que ce soit pour une approche « top-down » ou « bottom-up », de nouveaux concepts de nanostructuration sont en émergence :

– Nanostructuration 3D : lithographie à 2 photons associée au développement de résines multifonctionnelles pour une haute résolution spatiale et de nouvelles fonctionnalités optiques : assemblage 1D, 2D et 3D de NPs et réalisation de structures 3D ; transfert d’une structure 3D par gravure du substrat (Si) ou par infiltration du moule 3D par des matériaux transparents dans l’IR (TiO2, ZnO)…

– Nanofabrication sur substrats singuliers de type membrane (épaisseur de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres) et substrats souples. Les techniques de fabrication de nano-objets en solution par des techniques de synthèse chimique et de fonctionnalisation des surfaces (issues de la chimie) font appel à plusieurs procédés comme le développement de méthodes de synthèse chimique et de fonctionnalisation de boîtes quantiques (BQs) à base de semi-conducteurs (en visant un rendement maximal) et dépôt spatialement contrôlé de nano-cristaux, ou l’ingénierie de synthèse et de fonctionnalisation pour greffer avec une précision nanométrique des BQs isolés afin d’intégrer des nano-sources de photons uniques dans des dispositifs photoniques. Les technologies imprimées sur substrats ultra-flexibles sont particulièrement intéressantes en raison de leur adaptabilité et du grand nombre de degrés de liberté offerts.

– Nano-structuration d’objets à l’aide d’ADN, qui est une approche issue du couplage direct entre les domaines technologiques et la biologie moléculaire, avec la réalisation d’assemblages de type origami en solution et l’utilisation d’ADN comme agent d’aide à la mise en œuvre de nanostructures complexes. Ces approches permettent ainsi le contrôle des interactions moléculaires et constituent les prémices du développement d’approches nouvelles de bio-construction 3D (technologie additive).

De façon générale, il faut souligner l’importance des compétences en élaboration des matériaux et celle de leur pérennisation. Le contrôle, via l’épitaxie ou le procédé de dépôt, de la qualité cristalline des matériaux devient de plus en plus crucial et son impact sur les performances des dispositifs est déterminant, en particulier à un niveau de miniaturisation ultime. Le contrôle et la maîtrise du dopage des nano-cristaux, leur auto-organisation et leur couplage avec des nano-objets et nanomatériaux, sont indispensables pour la réalisation de nanostructures plasmoniques et matériaux 2D (graphène, dichalcogénures de métaux de transition…). L’intégration monolithique hétérogène a amené le développement et la maîtrise de l’hétéro-épitaxie de semi-conducteur sur silicium puis sur GaAs, et a ouvert ensuite la voie à de nouveaux concepts pour la germination et la croissance, la nano-structuration des substrats, la croissance sélective et/ou latérale. Les derniers développements concernent l’organisation et l’épitaxie sur substrat fonctionnalisé.

La prise en compte de ces nouveaux développements n’est fructueuse que dans le cadre d’un couplage fort entre théorie, expérience et caractérisation, nécessitant la synergie entre chercheurs de différentes sections. Pour tous ces thèmes en consolidation ou en émergence, les études théoriques et les simulations numériques (dynamique moléculaire, calculs de structure électronique, approches multi-échelles, modélisations multi-physiques, simulation de transport quantique) occupent une place essentielle en complément des activités expérimentales. De nouvelles approches en caractérisation locale sont nécessaires pour atteindre une maîtrise ultime. En particulier, on voit l’émergence de la modélisation à l’échelle atomique des procédés de fabrication par des méthodes inspirées de l’Intelligence Artificielle.