Rapport de conjoncture 2019

Section 29 Biodiversité, évolution et adaptations biologiques : des macromolécules aux communautés

Composition de la Section

Fabrice Vavre (président de Section) ; Olga Otero (secrétaire scientifique) ; Anne-Geneviève Bagnères-Urbany ; Vincent  Bels ; Amandine  Blin ; Christophe  Bonenfant ; François  Brischoux ; Marie  Charpentier ; Jean-Philippe  David ; Christophe  Douady ; Xavier  Duchemin ; Jonathan  Filée ; Sébastien  Gibert ; Mohamed  Jebbar ; Hélène  Morlon ; Thierry  Pérez ; Ana  Rivero ; Tony  Robillard ; Irène  Till-Bottraud ; Xavier  Vekemans ; Mylène  Weill

Introduction

L’écriture de ce rapport a été l’occasion de nous pencher sur la science menée au sein de la section, comme attendu, mais aussi sur les questions connexes qui se sont imposées à nous durant cette mandature. Il s’agit d’une part de l’évolution du concours, des critères utilisés et de la question de la parité, lors du concours et dans l’avancement des carrières. D’autre part, devant les difficultés pour financer leurs travaux et le mal-être induit dont les chercheur.euse.s font état de façon croissante dans les rapports d’évaluation, nous avons mené une enquête sur le financement sur projet et son impact, auprès des CR et DR de la section. La place dédiée à la science et aux thématiques émergentes en a été d’autant réduite, mais la situation de la recherche et les perspectives actuelles appellent que l’on s’arrête sur les conditions dégradées de son exercice au moins autant que sur son exercice lui-même.

Les champs de recherche actuellement couverts par la section 29 sont centrés sur quatre thématiques majeures :

(i) Biodiversité (origine et dynamique spatio-temporelle à différents niveaux d’organisation et d’échelles de temps, notamment en lien avec les changements globaux),

(ii) Evolution (micro- et macroévolution, spéciation, mécanismes, dynamique, modélisation),

(iii) Adaptation (facteurs sélectifs, mécanismes, dynamique, impact),

(iv) Ecologie (interactions intra- et interspécifiques, écologie des communautés, dynamique des écosystèmes et populations, écologie de la santé, écologie comportementale).

Ces thématiques générales couvrent un large panel de disciplines et de méthodes : écologie expérimentale et de terrain, écologie évolutive, biologie, génétique et génomique des populations ; génomique environnementale et métagénomique, paléontologie, paléogénétique et paléogénomique, écophysiologie, épigénétique et omiques (transcriptomique, protéomique, métabolomique), bioinformatique, phylogénomique, modélisation (théorique, explicative et prédictive). Les travaux embrassent toute la biosphère, des plus hauts sommets continentaux aux grands fonds océaniques, et ce à toutes les échelles de temps et d’espace. La diversité des approches est au service d’objectifs communs : décrire la diversité biologique à différents niveaux d’organisation, du gène à l’organisme, à la population jusqu’à la communauté afin de comprendre les processus qui la façonnent. Si les recherches fondamentales menées au sein de la section en constituent le socle, elles résonnent également en termes d’application. La période actuelle, marquée par de profondes modifications environnementales et des pressions toujours plus grandes sur la biodiversité, oblige à renforcer encore ces recherches, afin d’affiner la compréhension de ces processus pour prédire le devenir de la biodiversité et finalement agir en conséquence.

Bilan des unités

34 unités sont rattachées principalement à la section 29, ainsi que 4 FR, 11 GDR et 5 UMS. Parmi les unités, la majorité sont des UMR (28). On compte également 2 UMI (Chili, Afrique du Sud), 2 USR et 2 FRE. 22 unités sont rattachées secondairement à au moins un autre institut du CNRS (6 instituts sont concernés), en particulier et de manière tout à fait logique étant donné les domaines de recherche de la section, avec l’INSB (15 unités). Outre les partenariats universitaires, les établissements partenaires sont notamment le MNHN, l’IRD, l’INRAE, le CIRAD, l’IFREMER, L’EPHE et de manière plus ponctuelle l’Institut Pasteur et l’INSERM. Les unités couvrent le territoire métropolitain, avec notamment une forte présence en région Île-de-France (8, représentant environ 20 % des effectifs chercheur.euse.s) et en Occitanie (7, représentant environ 40 % des effectifs chercheur.euse.s). Étant donné les enjeux de biodiversité et de santé globale dans les zones ultramarines, plusieurs unités y sont présentes (Guyane, Réunion, Nouvelle Calédonie, Polynésie Française).

Analyse rétrospective du concours CR

Nombre de postes et de candidatures

Dans un contexte de forte réduction du nombre de postes au concours CR, mais également d’une discussion des critères d’évaluation dans le cadre de la science ouverte, il nous a semblé judicieux d’analyser rétrospectivement l’évolution des profils des candidat.e.s et des personnes recrutées pour objectiver certains éléments de l’évaluation, notamment ce qui concerne l’âge au recrutement et les données bibliométriques.

Durant la dernière décennie, le nombre de postes ouverts annuellement aux concours CR en section 29 a baissé régulièrement passant de 10-11 postes au début des années 2010 à 5 postes en 2019 (Fig. 1).

Figure 1 : Nombre de postes CR au concours depuis 2009.

Parallèlement, le nombre de candidatures semble également diminuer au cours du temps (175 en 2011, 118 en 2018), mais cette tendance n’est pas significative et est accentuée par les candidatures multiples CR2 et CR1 avant la fusion des deux grades en 2018. Sur cette période, la proportion de candidats étrangers est restée relativement constante au cours du temps (~25 %), traduisant un maintien de l’attractivité du métier de chercheur.euse.s au CNRS à l’international au cours du temps. De manière intéressante, le nombre de candidatures étrangères est positivement lié au nombre de candidatures totales.

Expérience de recherche

L’analyse des profils de l’ensemble des candidats depuis 2013 montre que l’expérience de recherche moyenne des candidat.e.s a augmenté, passant d’une moyenne de ~ 5 ans en 2013 à ~ 6 ans en 2019 (mais voir la très grande variation de cet indicateur). En fonction du stade du concours, cette augmentation reste détectable uniquement pour les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale, pour lesquel.le.s l’expérience de recherche passe d’une moyenne de ~ 5 ans en 2013, à ~ 8 ans en 2019. Pourtant, l’expérience de recherche n’influence pas le fait de rester dans le concours aux autres étapes de celui-ci. Étant donné la grande variabilité dans les profils retenus et les faibles effectifs sur lesquels elle est calculée, cette tendance doit être analysée avec prudence. Différents facteurs pourraient l’expliquer, comme la meilleure prise en compte des arrêts au cours de la carrière, mais aussi, et de manière plus inquiétante, la réduction du nombre de postes. Avec seulement deux années depuis la fusion des grades CR1 et CR2 au profit d’un grade unique (CRCN), il est encore difficile de mesurer l’impact de cette mesure sur l’expérience au recrutement.

Figure 2 : Expérience de recherche de l’ensemble des candidat.e.s (en haut) et des candidat.e.s classé.e.s (en bas) en fonction de l’année du concours.

Dossier de publications

Durant cette même période, une relation positive entre l’expérience de recherche (temps écoulé depuis l’année de soutenance de thèse) des candidats et le nombre de leurs publications est détectée. On note, par contre, une très grande variabilité dans le nombre de publications pour une expérience donnée, illustrant la diversité des profils des candidat.e.s, mais aussi des stratégies de publication. Cette relation reste globalement similaire entre catégories de candidat.e.s (auditionné.e.s ou non, classé.e.s ou non), sauf entre les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale et liste complémentaire : la progression quantitative du dossier de publications tend à être plus marquée chez les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale.

Quantitativement, le dossier de publications des candidat.e.s n’a pas évolué significativement sur la période 2013-2019 et ce, quel que soit le stade du concours considéré (figure 3). Comme pour les autres indicateurs, il existe une très grande variabilité à la fois au niveau de la totalité des candidat.e.s (de 0 à 83 articles publiés au moment du concours), mais également pour les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale (de 11 à 45 articles publiés au moment du concours). Le nombre de publications est en général plus important chez les candidat.e.s qui sont auditionné.e.s que chez ceux.celles qui ne le sont pas. On trouve un résultat similaire pour les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale versus ceux.celles classé.e.s sur liste complémentaire. Néanmoins, comme montré ci-dessus, il est important de souligner la large gamme de dossiers de publications chez les candidat.e.s classé.e.s sur liste principale.

Figure 3 : Nombre d’articles de recherche publiés de l’ensemble des candidat.e.s (en haut) et des candidat.e.s classé.e.s sur liste principale (en bas) en fonction de l’année du concours.

Pour conclure, ces analyses montrent principalement qu’il n’existe pas de profil idéal pour être recruté en section 29. La très grande diversité des profils se retrouve à tous les niveaux du concours et parmi les recruté.e.s. Les aspects quantitatifs ressortent toutefois comme des éléments pouvant entrer en jeux dans certaines phases du concours sur lesquelles il conviendra de se pencher. L’augmentation de l’expérience moyenne au recrutement est une tendance forte, qui peut sans doute être rapprochée de cette même augmentation au niveau des candidatures. La baisse importante des postes mis au concours durant la dernière décennie en est certainement une des causes principales. L’analyse des conséquences de la fusion CR2/CR1 sera particulièrement importante pour les années à venir.

Parité : un bilan contrasté

Durant le recrutement

Concernant l’égalité femmes-hommes, l’analyse quantitative des candidatures reçues pour le concours CR à la section 29 montre que, sur la période 2013 à 2019, la proportion de femmes qui s’engagent dans le concours s’érode progressivement de 48 % en 2013-2014 pour se stabiliser à 30 % sur les trois dernières années (Fig. 4). À titre de comparaison, entre 2015 et 2018, la proportion de femmes qualifiées pour les postes de maître/maîtresse de conférence aux sections 67 et 68 du conseil national des universités (CNU) est de 51 % et 60 % respectivement, des valeurs que l’on peut raisonnablement considérer comme plus représentatives du « vivier » de femmes qui pourraient candidater à un poste de chercheuse au CNRS. Ces chiffres suggèrent donc une forme d’auto-censure relativement prégnante et croissante de la part des jeunes docteures vis-à-vis du concours CNRS. Les raisons pour lesquelles les femmes candidatent moins que les hommes sont multiples, et les stéréotypes de genre semblent jouer un rôle prépondérant lorsqu’il est difficile d’évaluer ses propres performances, comme cela est le cas lors du choix de déposer une candidature ou non afin de présenter un concours, ainsi que dans le contexte d’une compétition apparente accrue par la baisse récurrente du nombre de postes. Une incitation spécifique pour les jeunes docteures de la part du CNRS est une nécessité pour notre communauté.

Au cours du processus de sélection, les candidates et les candidats ont les mêmes probabilités de passer les différentes étapes du concours avec succès, qui est de l’ordre de 5 % du dépôt de candidature jusqu’au recrutement (Fig. 5).

Figure 4 : Variation annuelle de la proportion de femmes qui candidatent au poste de chercheuse au CNRS au sein de la section 29 (tendance temporelle sur l’échelle logit : � = – 0.07 ± 0.03, p = 0.04).

Figure 5 : Probabilité de réussite (conditionnelle à la candidature) au cours des différentes étapes du concours chercheurs / chercheuses CNRS pour les hommes et les femmes, en moyenne entre 2013 et 2019 (effet du sexe sachant celui du grade, avec une régression logistique : χ2 = 1.54, ddl = 1, p = 0.21).

Durant la carrière

L’égalité femme-homme est loin d’être atteinte en ce qui concerne la progression de carrière. La proportion de femmes diminue en effet très sensiblement entre les corps CR et DR, et entre grades au sein des DR (Figs 6,7). Si l’évolution au cours du temps est favorable avec proportionnellement davantage de femmes ces dernières années, elle s’effectue lentement (augmentation de 4 % par an en moyenne). Comme pour la présentation au concours, l’auto-censure est très importante sur la période 2014-2018, la proportion de candidates étant largement inférieure au vivier pour les promotions DRCE (8 % vs. 19 %) et DR1 (13 % vs. 31 %). Cet écart est moins important pour le concours DR2 où les candidates internes représentent 28 % des candidatures alors qu’elles sont 33 % au sein des CR. La probabilité de promotion est équivalente pour les femmes et les hommes, excepté en DR1 où elle est supérieure chez les femmes, suggérant une fois encore, qu’une incitation forte des chercheuses pour qu’elles déposent un dossier de promotion serait le principal levier d’action permettant de briser ce plafond de verre apparent.

Pour conclure, si les processus de sélection lors du concours et des promotions semblent permettre une égalité de traitement entre les candidatures, des actions doivent être menées pour améliorer le taux de candidature des femmes et ainsi leur représentation dans les différents grades de chercheur.euse.s.

Figure 6 : variation annuelle de la proportion de femmes promues dans les différents grades de chercheurs / chercheuses au CNRS au sein de la section 29  (tendance temporelle sur l’échelle logit : � = 0.30 ± 0.14, p = 0.05).

Figure 7 : Effectifs des différents grades en fonction du sexe (interaction entre sexe et grade avec une un modèle de Poisson : χ2 = 5.10, ddl = 4, p = 0.28).

Financement de la recherche

Un questionnaire anonyme sur le financement 2013-2017 des recherches a été proposé en décembre 2017 aux chercheur.euse.s de la section. Il portait sur les financements de types ANR, ERC et « autres », puis posait des questions sur le niveau général de satisfaction du système de financement actuel.  Nous donnons ici les principaux points qui en ressortent. Le questionnaire a été rempli par 68 % des chercheur.euse.s affilié.e.s à la Section 29, avec une répartition femme/homme et une distribution par grade proche de la composition de la section.

Financements ANR :

• 86,5 % des répondant.e.s ont déposé au moins un projet en tant que coordinateur.trice ou collaborateur.trice, avec en moyenne 3 projets par chercheur.euse sur la période. 66 % des répondant.e.s ont déposé au moins un projet en tant que coordinateur.trice avec une moyenne de 1,3 projets déposés par chercheur.euse.s.

• Lorsque que l’on analyse les projets financés, 49 % des chercheur.euse.s ayant déposé un projet en tant que coordinateur.trice ou collaborateur.trice n’ont pas obtenu de financement. Combinés avec ceux qui n’ont pas déposé de projet, ce sont au total 56 % des chercheur.euse.s qui n’ont obtenu aucun financement de l’ANR pendant la période. Au niveau de la coordination de projet, le taux de succès s’établit à 19 % par projet déposé et ce taux semble relativement stable en fonction des années (entre 16,7 % et 20,6 %). Il est légèrement supérieur au ratio moyen affiché par l’ANR (13 %). Au total, près de 77 % des chercheur.euse.s de la section n’ont pas coordonné d’ANR sur la période considérée.

• La grande majorité des projets coordonnés sont des « projets collaboratifs » (65 %) se distribuant principalement dans le Défi 1 (« Gestion sobre des ressources ») et dans le Défi AS (« Autres Savoirs »). Quelques projets financés relèvent aussi des Défis 4 et 5 (« Vie Santé Bien-Être » et « Sécurité Alimentaire »). Dans les Défis 4 et 5, le taux de succès est d’ailleurs sensiblement plus faible que pour les Défis 1 et AS (14 % contre 20 %). Le montant moyen alloué par projet coordonné est de l’ordre de 420 k€.

• Plus de 77 % des chercheur.euse.s sont insatisfait.e.s ou très insatisfait.e.s du fonctionnement de l’ANR, et cette valeur varie peu si l’on restreint l’analyse aux chercheur.euse.s ayant obtenu des financements (68 % d’insatisfaction).

• Plus concrètement, les chercheur.euse.s sont insatisfait.e.s ou très insatisfait.e.s de l’adéquation entre les critères des différents Défis et leurs problématiques de recherche (73 %), de la transparence du système d’évaluation (75 %), de la qualité des reviews (65 %) et, dans une moindre mesure, de la composition des comités d’évaluation (44 %).

Financements ERC :

• Un peu plus de 21 % des chercheur.euse.s de la section 29 ont déposé au moins un projet ERC avec une majorité d’hommes (24 % contre 15 % pour les femmes). 50 % des demandes ont été déposées dans la catégorie « Consolidator » contre 24 % pour la « Starting » et 22 % pour la « Advanced ». Le taux de réussite total est de 29 % : 20 % en Starting, 30 % en Consolidator et 22 % en Advanced.

•  A noter : plus de 72 % des chercheur.euse.s sont éligibles uniquement à la catégorie Advanced.

 

Autres sources de financements :

• Gros projets (> 100 k€) : 60 % des chercheur.euse.s ont demandé au moins 1 gros projet pour un taux de réussite totale de 33 %. Il s’agit majoritairement de projets nationaux (55 %) issus des régions, des LabEx et d’organismes privés, suivis de financements européens pour 20 % d’entre eux. En volume, ces projets ont rapporté aux chercheur.euse.s un montant médian de 269 k€ avec une forte dispersion (de 100 à 5 000 k€).

• Petits/moyens projets (< 100 k€) : 85 % des chercheur.euse.s ont demandé au moins un petit projet, que 70 % ont obtenu. Ces projets financés se répartissent principalement entre des financements locaux et nationaux (un tiers chacun), et plus rarement régionaux et internationaux. Le montant médian alloué est de l’ordre de 50 k€ avec là encore une forte dispersion.

Bilan financier global :

• 10 % des chercheur.euse.s ayant répondu au questionnaire n’ont obtenu aucun financement entre 2013 et 2017. Un quart ont obtenu moins de 10 k€/an et un tiers moins de 20 k€/an pour mener leurs activités de recherche. 40 % des jeunes chercheur.euse.s au grade CR2 rentrent dans cette dernière catégorie.

• On notera que le taux d’échec à l’ANR touche là encore principalement les ex-CR2 (60 %), le taux d’échec des ex-CR1 et des DR2 étant de respectivement 43 % et 41 %. Ces chercheur.euse.s qui disposent de faibles moyens pour leur recherche ont pourtant déposé en moyenne 6,5 projets (dont 2,5 projets ANR).

• Au total plus de 63 % des chercheur.euse.s considèrent ne pas disposer des financements suffisants pour être compétitifs sur le plan international. Au niveau des besoins en personnels non permanents, près de 75 % des chercheur.euse.s n’ont pas pu compter sur la collaboration suffisante de personnel IT. Respectivement 69 % et 57 % des chercheur.euse.s n’ont pas pu recruter suffisamment de postdocs et d’étudiant.e.s en thèse.

 

Conclusions :

• Point relativement positif, le taux de succès moyen à l’ANR des chercheur.euse.s de la section 29 (16-20 %) est légèrement supérieur aux taux moyens (12-13 %). Cet élément ne doit pas masquer le fait que plus de la moitié de nos collègues n’ont bénéficié d’aucun financement de ce type. Près de 80 % des chercheur.euse.s sont d’ailleurs insatisfait.e.s du fonctionnement de cette agence.

• Concernant l’ERC, le questionnaire fait état de taux de succès relativement bons pour notre section : 20 % pour la Starting et 30 % pour la Consolidator. La situation est plus problématique pour la catégorie Advanced : la grande majorité (70 %) des chercheur.euse.s de la Section est uniquement éligible à cette catégorie en raison des limites d’expérience, alors que l’ERC distribue uniquement 8-9 Advanced Fellowships par an en LS8 (Ecology, Evolution). On ne trouve d’ailleurs que 4 lauréats français entre 2013 et 2017.

• Que ce soit comme coordinateur.trice.s ou comme collaborateur.trice.s, 10 % des chercheur.euse.s de la Section n’ont obtenu aucun financement entre 2013 et 2017, un quart d’entre eux réalisent leur activité de recherche avec moins de 10 k€/an et un tiers avec moins de 20 k€/an. Les CR2 sont les plus touchés (40 % d’entre eux). Si cette somme permet de pallier des besoins élémentaires (participation à des conférences, frais de publication, indemnité stagiaire Master, achat de petit matériel de laboratoire etc.), elle ne suffit pas pour mener un projet de recherche dans de bonnes conditions. Enfin, les chercheur.euse.s ont identifié un manque de moyens financiers pour recruter suffisamment de personnels IT, postdocs et, dans une moindre mesure, d’étudiant.e.s en thèse. En conséquence, et de façon inquiétante, près des deux-tiers de nos collègues considèrent ne pas être compétitifs à l’international pour des raisons financières.

L’enquête révèle des situations très contrastées entre collègues. Les financements récurrents des laboratoires restent une ressource essentielle mais congrue pour nombre de chercheur.euse.s. La variabilité des ressources est également renforcée par des financements localement très hétérogènes (présence ou non d’instruments PIA, implication des régions…).

La situation des collègues jeunes recruté.e.s est d’autant plus aberrante qu’ils ont subi un processus de sélection poussé pour être recruté au CNRS. Recruté.e.s pour leurs qualités de chercheur.euse.s conjuguées à l’ambition et la pertinence reconnues de leur projet de recherche, c’est un gâchis humain, scientifique et financier.

Les enjeux scientifiques

Bilan des recrutements (unités, rattachements, thématiques)

De 2015 à 2019, la section 29 a recruté 30 (contre 42 sur la période précédente) chercheur.euse.s (13 CR2, 6 CR1 et 11 CRCN), ce qui correspond en moyenne à 6 postes par an (soit deux de moins que sur la période précédente). Cette période a été caractérisée par la fusion des grades CR2 et CR1 en 2018. Avec seulement deux campagnes de recrutement, le recul est encore insuffisant pour analyser les conséquences de cette fusion.

Les collègues recruté.e.s se répartissent au sein de 20 unités, dont 13 rattachées principalement à la section 29 (22 recrutements), 4 à INEE mais relevant d’autres sections (30, 31), et 3 à d’autres instituts (dont 2 à l’INSB).

Les recrutements reflètent très bien la philosophie de la section 29 énoncée ci-dessus, en couvrant de nombreux domaines et disciplines, mais partageant des bases conceptuelles communes à la communauté, pour appréhender les processus gouvernant la diversité, l’écologie et l’évolution des organismes. Les différentes thématiques de la section sont représentées avec par exemple l’étude de la dynamique de la biodiversité ; la génétique et la génomique des populations appliquées à l’étude de l’adaptation et de la spéciation ; l’évolution des génomes ; l’évolution des formes actuelles et passée ; l’écologie de la santé ; l’écologie comportementale ; l’évolution culturelle ; la biodémographie. La variabilité des échelles, à la fois d’organisation, d’espace et de temps est remarquable, permettant de couvrir les processus évolutifs et écologiques en jeu, du gène à la population, de l’espèce à la communauté, et depuis le temps court jusqu’au temps long. Les approches sont également remarquablement diverses, faisant appel aux outils complémentaires de modélisation, d’observation sur le terrain, d’expérimentation, de génomique, etc.

Thématiques émergentes

Les thématiques qui suivent ont été identifiées par les membres de la section au regard des nombreux dossiers évalués (de chercheur.ses, d’unités et diverses entités…) qui sont venus enrichir notre réflexion. Elles n’ont ni la prétention de faire le tour des thématiques émergentes, ni de faire office de feuille de route. Les thématiques vraiment émergentes sont celles que nous découvrirons demain et qui viendront non pas de larges consultations mais de l’esprit fertile de nos collègues.

1. Description et dynamique de la biodiversité

La description de la biodiversité et la compréhension de son évolution constituent un champ de recherche extrêmement actif mobilisant un nombre croissant de chercheur.euse.s et d’unités de recherche, et qui nécessairement se trouvent à la confluence de nombreuses disciplines. Dans un contexte de modifications anthropiques et climatiques sans précédent, la description de la biodiversité en vue de sa conservation n’a également jamais été autant d’actualité. Au xxie siècle, on décrit en moyenne 15 000 nouvelles espèces par an, mais dont seulement 2 000 sont marines, ce qui indique assez clairement l’insuffisance de l’effort alloué à l’exploration de la biodiversité marine, particulièrement dans les habitats peu accessibles.

Pourtant, les avancées tant méthodologiques que technologiques autorisent des avancées spectaculaires dans l’acquisition, le partage et le traitement des données de biodiversité, tant en quantité qu’en qualité, mais aussi leur analyse approfondie à différentes échelles spatiales et temporelles.

Décrire la biodiversité répond tout d’abord à la nécessité de classification du vivant à tous les niveaux de perception, chez les organismes actuels comme fossiles, ce qui couvre les champs de la taxonomie, de la paléontologie et de la systématique. L’avènement des « Omiques » a également permis de mettre en lumière de nouvelles branches du vivant, des « microorganismes » procaryotes ou eucaryotes, susceptibles d’apporter des réponses à la question majeure de l’origine de la vie sur Terre. Cette description du vivant met aussi en lumière des capacités adaptatives originales. Enfin, mieux décrire la biodiversité dans les milieux fortement impactés par les activités humaines, comme en zone urbaine par exemple, permet de mieux appréhender les phénomènes d’introduction d’espèces non-indigènes et leur impact sur la santé des écosystèmes et des humains.

La description de la biodiversité permet également la caractérisation des patrons de distribution de façon à pouvoir inférer les forces qui la font évoluer à différentes échelles de temps, ce qui couvre le champ de disciplines telles que la génétique des populations, la démographie et la biogéographie. Des questions classiques sur les modes de l’évolution de la biodiversité (évolution graduelle ou ponctuée, rôle des facteurs biotiques et abiotiques, rôle des radiations adaptatives, rôle de l’intégration phénotypique) voient un renouveau lié à l’acquisition de données phylogénétiques à des échelles de plus en plus larges et de données phénotypiques nouvelles. Des technologies récentes permettent par exemple d’acquérir à grande échelle des phénotypes complexes (e.g. phénotypes en haute dimension par la morphométrie 3D) et/ou des phénotypes liés au comportement, au mouvement, et à la physiologie. Le développement de méthodes d’analyses de plus en plus sophistiquées, et adaptées à ces données, permettent le test robuste d’hypothèses anciennes, y compris en intégrant des données fossiles et permettant alors d’approcher des processus sur du temps long au-delà de l’information portée par la seule biodiversité actuelle.

2. Le lien micro-macroévolution

Les dynamiques temporelles à différents niveaux d’organisation de la biodiversité (depuis des groupes d’individus jusqu’à des groupes d’espèces) résultent d’un même processus. Cependant les domaines de la micro et de la macroévolution, qui s’intéressent de façon respective aux niveaux intra- et interspecifiques, ont de manière historique été étudiés séparément. Par exemple, si des efforts importants sont menés pour comprendre les processus qui peuvent générer de la différentiation génétique entre populations (supposée être le facteur limitant à la spéciation), comment ces processus modulent effectivement les taux de spéciation est rarement étudié. En regard, les études qui s’intéressent à identifier les facteurs modulant les taux macroévolutifs (e.g. taux de spéciation et d’extinction, taux d’évolution phénotypique) prennent rarement en compte les facteurs intraspécifiques (e.g. diversité génétique, variation des tailles efficaces de populations).

L’étude du passage d’échelle micro à macro est en plein développement, notamment grâce à l’acquisition de données génétiques et/ou génomiques pour des groupes entiers d’espèces. Il génère la description de nouveaux patrons empiriques (e.g. lien entre diversité génétique et taux de spéciation) ainsi que des développements théoriques, notamment pour relier les paramètres clés de la macroévolution (taux de spéciation, extinction, et évolution phénotypique) à des paramètres de la microévolution (taux d’évolution moléculaire, héritabilité, matrice G, etc.). Ces développements sont à la fois importants pour une approche plus mécaniste de la macroévolution et pour une meilleure compréhension des conséquences à long terme des processus microévolutifs.

3. Spéciation : de la zone grise de la spéciation à l’évolution de l’isolement reproducteur

Les approches microévolutives de l’étude du processus de spéciation ont fortement bénéficié de l’explosion des approches empiriques de génomique des populations basées sur l’analyse du polymorphisme et de divergence entre paires de taxons à l’échelle de génomes entiers. A partir de ce type de jeux de données, la généralisation d’outils d’inférence a posteriori permet de tester explicitement différents modèles alternatifs de divergence post-spéciation, concernant notamment les scénarios de réduction historique des flux de gènes. Ces approches permettent de quantifier cette dynamique de réduction des flux de gènes et ont permis d’identifier une zone critique le long du gradient de divergence nucléotidique entre paires de taxons au sein de laquelle cette réduction de flux de gènes s’opère, appelée la « zone grise de la spéciation ». La dynamique d’apparition des barrières reproductives à travers le génome fait également l’objet d’études intensives en combinant des approches de type « top-down », en partant de la variation des phénotypes d’incompatibilités et en utilisant des approches de type QTL ou de cartographie d’association pour identifier les déterminants moléculaires sous-tendant les barrières reproductives, et des approches « bottom-up », au travers de scan génomiques de différenciation cherchant à identifier des « îlots de spéciation ». L’interprétation des résultats de ces dernières approches nécessite cependant des précautions importantes suite à la démonstration du rôle non négligeable de la sélection indirecte (au travers des processus d’autostop moléculaire ou de sélection d’arrière-plan) pouvant générer des signatures de forte différenciation dans les régions génomiques à faibles taux de recombinaison.

4. Génomes complets et espèces non-modèles

L’accès plus large aux technologies de séquençage à longs fragments pour des espèces non-modèles permet maintenant d’explorer de manière approfondie certaines régions génomiques restées récalcitrantes jusqu’à présent. Notamment les régions non-recombinantes le long des chromosomes sexuels peuvent être étudiées plus en détail et permettent de révéler une importante dynamique temporelle d’extension de ces régions non-recombinantes, ou, dans certains groupes, d’évolution récurrente de nouveaux chromosomes sexuels à partir de différents autosomes et leurs conséquences sur l’évolution des systèmes de reproduction (e.g. évolution de la dioécie chez les plantes). L’apparition privilégiée de barrières reproductives au sein de ces chromosomes sexuels comparativement aux autres régions du génome fait également l’objet de travaux intensifs.

En parallèle des études utilisant des génomes complets d’espèces modèles (e.g. A. thaliana), des études sur espèces non modèles se développent maintenant pour identifier l’architecture génétique de traits complexes (nombre, effet et position des gènes). La combinaison de ces informations génétiques et des approches d’écologie évolutive (jardins communs, expérimentations in situ) permet de mieux comprendre les mécanismes de maintien de la variabilité génétique en populations naturelles (flexibilité de l’architecture génétique entre populations).

5. Du génotype aux phénotypes, plasticité (et ses supports) vs. adaptation

Malgré une existence relativement ancienne de la théorie de l’évolution d’une part et de la génétique mendélienne d’autre part, et malgré l’apparente simplicité du mécanisme de sélection naturelle, nombre de subtilités sur les mécanismes génétiques de l’évolution adaptative nous échappent encore sur les liens entre phénotype, génotype et environnement.

Il est nécessaire de caractériser le phénotype de manière systématique et aussi exhaustive que possible en termes de nombre de caractères, diversité des environnements, et temporalité des réponses. Ainsi, l’étude de l’adaptation entre dans l’ère de la phénomique. L’utilisation des nouvelles technologies de séquençage permet maintenant de comprendre l’architecture de traits complexes (distribution des effets des allèles et des fréquences alléliques, la base la variabilité génétique), mais a montré que cette architecture est contexte-dépendante (notamment selon l’environnement). Or cette architecture est centrale dans les modèles de biologie évolutive. De manière concomitante, au-delà de l’écologie et de l’évolution, le dogme initial de l’évolution moléculaire, impliquant une relation causale simple entre un gène, un ARN messager, une protéine et une fonction, a été progressivement remplacé par une vision plus dynamique, qui tient compte de changements des niveaux d’expression des gènes au cours de la vie (notamment du développement) et en réponse à l’environnement. Ceci tend naturellement vers une vision plus plastique du déterminisme génétique des caractères, illustrée à travers un nombre croissant d’études de transcriptomique en environnements contrastés. De plus, des modifications héritables mais non liées à la séquence d’ADN jouent un rôle important dans des processus biologiques très divers avec des conséquences développementales, phénotypiques, écologiques et évolutives variées. Ce domaine naissant de l’épigénétique est en train de jouer un rôle clé dans notre compréhension des mécanismes moléculaires reliant génotype et phénotype, en particulier en ce qui concerne la biologie du développement et la relation environnement-phénotype. L’importance de l’épigénétique pour l’adaptation des populations reste cependant à évaluer tant d’un point de vue théorique qu’empirique.

Ces éléments ont remis sur le devant de la scène la notion de plasticité phénotypique (la capacité d’un génotype à produire plusieurs phénotypes en fonction de l’environnement dans lequel il se développe ou s’exprime). Celle-ci contribue fortement aux changements phénotypiques rapides observés in natura, que l’on attribuait parfois trop rapidement à des réponses à la sélection naturelle. Caractère à part entière, génétiquement variable, la plasticité phénotypique peut être sélectionnée en environnements hétérogènes et jouer un rôle central dans l’écologie et la persistance des espèces en environnement changeant. Elle peut également influencer les trajectoires évolutives, la diversification phénotypique et la macroévolution. L’intérêt croissant pour la plasticité phénotypique se traduit par un foisonnement de questions qui traversent la biologie (biologie du développement, génétique, biologie évolutive, écologie) et les sciences humaines (histoire des sciences, anthropologie, philosophie).

6. Les composantes de l’hétérogénéité individuelle et ses conséquences

La réponse et l’adaptation des organismes aux changements de leur environnement ont été majoritairement abordées à l’échelle des espèces et des populations. Or les processus sous-jacents peuvent être affectés par l’hétérogénéité individuelle. Ainsi, tous les individus d’une population ne montrent pas la même plasticité phénotypique [réponse] vis-à-vis d’un stress [d’un changement/ d’une variation d’environnement], affectant ainsi la nature et la diversité des mécanismes adaptatifs retenus par la sélection. Jusqu’alors souvent considérés à l’échelle populationnelle, les mécanismes adaptatifs et la plasticité phénotypique peuvent aujourd’hui être appréhendés au niveau individuel, notamment grâce au développement des outils de phénotypage et de génotypage à haut débit (e.g. single cell sequencing). Ces approches permettent notamment de mieux appréhender l’impact du « bruit génétique » sur les phénotypes moléculaires (e.g. variations individuelles d’expression des gènes) et comment ces variations impactent le phénotype global, les traits d’histoire de vie, et les trajectoires adaptatives des populations selon la fréquence et la prédictibilité des changements (constant, cyclique ou stochastique). Ces questions sont pour l’instant majoritairement abordées grâce à des approches d’évolution expérimentale utilisant des modèles adaptés (algues, bactéries, levures), bien que la prise en compte de l’hétérogénéité individuelle dans les études de terrain et les approches théoriques tende à se généraliser.

7. Lier génétique et biodémographie

Bien qu’étant liées par le principe de sélection naturelle des individus, les recherches en génétique quantitative et en démographie sont restées jusqu’alors relativement cloisonnées. D’un côté, les modèles démographiques permettent aujourd’hui de décrire la dynamique d’un trait phénotypique d’une population d’organismes, tout en prenant en compte le recrutement, la croissance et la sélection de viabilité des individus. La composante génétique est alors simplement appréhendée via la corrélation entre les phénotypes parents-enfants. De l’autre, la génétique quantitative décrit la résultante des associations génotypes / phénotypes sans prendre en compte le détail des processus démographiques sous-jacents.

Les études empiriques basées sur les suivis individuels à long terme ont mis à jour les limites actuelles dans nos capacités à prédire les variations d’abondance des populations ou des traits phénotypiques des espèces. Une meilleure compréhension de l’évolution phénotypiques au sein des populations, par exemple lorsque l’on s’intéresse aux changements en taille des organismes en réponse aux changements globaux, nécessite une meilleure intégration de l’hérédité génétique (héritabilité) et une prise en compte plus fine des liens complexes entre le génotype et le phénotype (e.g. plasticité phénotypique, épigénétique) dans les modèles démographiques. Il y a aujourd’hui un besoin de recherches se trouvant à l’interface de ces deux disciplines majeures de l’écologie afin de mieux prédire les dynamiques éco-évolutives des traits d’histoire de vie, des comportements ou encore des traits fonctionnels des espèces.

8. Dynamique éco-évolutive des systèmes hôtes-pathogènes

Lorsque les pathogènes évoluent rapidement, la dynamique épidémiologique et la dynamique évolutive se produisent aux mêmes échelles temporelles. Au cours d’un événement épidémique, des mutations sont générées de novo chez le pathogène. Ces mutations peuvent se propager à travers la population de pathogènes, créant ainsi un lien réciproque entre le polymorphisme génétique du pathogène et sa propension à se transmettre au sein d’une population hétérogène d’hôtes. De ce fait, pour bien comprendre la progression des maladies, il devient nécessaire d’étudier conjointement l’épidémiologie et l’évolution des agents infectieux.

Le domaine de l’épidémiologie évolutive est en plein essor, grâce au développement de nouveaux modèles théoriques dynamiques et des nouvelles technologies de séquençage à haut débit. Leur combinaison permet pour la première fois de combiner la surveillance épidémiologique traditionnelle avec des analyses évolutives à une échelle très fine incorporant des outils du domaine de la phylogénie (phylodynamique).  L’objectif commun de ces travaux est d’expliquer la distribution de la variation génétique des pathogènes dans le temps et dans l’espace, de permettre l’estimation des propriétés épidémiologiques des pathogènes à partir des données génétiques, et d’aider à prévoir l’apparition de nouvelles épidémies.

9. L’individu communauté

Ces dernières années ont vu un changement de paradigme dans le domaine de l’écologie et de l’évolution des maladies infectieuses. Les études basées sur les interactions entre un hôte et un parasite ont cédé la place à des approches plus réalistes basées sur le fait que, dans la nature, les infections impliquent de multiples hôtes, parasites et symbiotes.

Des travaux en conditions contrôlées sur le terrain et au laboratoire montrent que les infections multi-hôtes et multi-parasites peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la virulence et la transmission des parasites à des échelles temporelles courtes. En parallèle, des modèles théoriques suggèrent que l’évolution et la dynamique épidémiologique des maladies multi-hôtes et multi-parasites diffèrent considérablement de celles prévues dans les modèles impliquant un seul hôte et un seul parasite.

Enfin, la mise en évidence du rôle clé du microbiote de l’hôte dans la résistance et la tolérance aux pathogènes inscrit naturellement l’hôte comme une communauté d’organismes qui répond à l’infection. En revanche, si de nombreux travaux portent sur la diversité et l’importance fonctionnelle du microbiote, nous avons encore peu de prédictions sur son rôle dans la dynamique des maladies à l’échelle écologique et évolutive, avec notamment les conséquences possibles de cette immunité conférée par le microbiote sur l’évolution du système immunitaire lui-même.

Perspectives de valorisation

Les crises environnementales actuelles, que ce soit la crise de biodiversité ou encore celle, plus récente et espérons plus brève, liée à la Covid-19, placent les thématiques de la section 29 au centre d’enjeux particulièrement importants qui appellent une implication des scientifiques de notre communauté à de multiples niveaux de la société. Nous pourrions analyser l’ensemble des domaines dans lesquels les recherches réalisées par les chercheur.euse.s et laboratoires de la section ont des implications, que ce soit en termes de conservation, de gestion de populations, de patrimoine (e.g. dans le cadre des parcs et réserves naturels, de la pêche, mais aussi des espèces invasives, des ravageurs, des vecteurs…), de la gestion et de la prévention des émergences de pathogènes et des épidémies, de santé unique, globale et des ecosystèmes en lien avec les multiples expositions auxquelles nous sommes confrontés, ou encore de la place de l’humain dans la nature et son rapport au monde aujourd’hui et dans son histoire… La liste est (trop) longue, mais elle est néanmoins largement connue. Aussi, nous préférons regarder comment notre communauté s’investit en termes de valorisation.

La première manière concerne l’interaction avec les citoyen.ne.s et prend des formes très diverses, depuis l’information, la médiation scientifique, jusqu’au développement des sciences participatives et enfin des sciences citoyennes. La seconde est en lien direct avec les partenaires institutionnels (e.g. gestionnaires d’Espaces Naturels, collectivités territoriales, ministères…) et va du conseil à l’aide à la prise de décision. L’extension naturelle est la participation à des structures internationales comme par exemple le GIEC, l’IPBES ou l’IUCN où plusieurs membres sont impliqués. Enfin, l’interaction avec les industriels constitue un dernier élément possible de la valorisation.

Plus généralement, la crise environnementale que nous vivons, et dont les travaux de notre communauté participent largement à la compréhension et la mesure des conséquences, entraîne chez une partie des chercheur.ses de la section un questionnement particulier quant à la place de la recherche, et de la leur en particulier, au sein de la société. Comment étudier, mesurer, identifier les mécanismes à l’origine des crises biologiques et environnementales et proposer des solutions pour celle, actuelle, liée à l’anthropocène sans questionner aussi nos propres pratiques et agissements. Ces questionnements mériteraient une réflexion dédiée qui pourrait faire partie des prochains ateliers de prospectives de l’InEE.

Interfaces disciplinaires

L’analyse des candidatures aux concours de recrutement des CR et DR de la 29, et des projets de recherche développés par les candidat.e.s et les chercheur.euse.s de la section fait apparaître des recouvrements thématiques avec d’autres sections. Ces recouvrements sont partiels et concernent les sections et thématiques suivantes :

• Section 21 (organisation, expression, évolution des génomes, bioinformatique et biologie des systèmes). Les développements en paléogénomique, phylogénomique, génomique comparative grâce à l’utilisation des outils omiques et bioinformatiques développés en 21 servent la compréhension de l’organisation et le fonctionnement du génome alors que les questions abordées en 29 s’attachent à l’origine et la dynamique de la biodiversité.

• Section 23 (biologie végétale intégrative). Certains aspects d’écophysiologie végétale évolutive, mais également d’interaction plantes-microorganismes sont représentés en 23 et en 29. Néanmoins, elles sont abordées en section 29 au-delà du modèle végétal.

• Section 27 (relation hôte-pathogène, immunologie, inflammation). Les interactions évolutives hôte-microbes-pathogènes (microbiote), l’évolution et la dynamique de la pathogénicité des virus, bactéries sont représentées en 27 et en 29. Le questionnement en 29 met en avant la nature changeante et dynamique des interactions et leurs aspects populationnels.

• Section 30 (surfaces continentales et interfaces). Les recouvrements concernent l’écotoxicologie lorsque les aspects adaptatifs et évolutifs sont abordés, mais aussi la microbiologie environnementale (étude biodiversité ou ecologie de la santé), la paléoécologie et la dynamique des communautés et des écosystèmes lorsque des aspects de biodiversité, d’évolution et d’adaptation sont évoqués, et enfin l’écologie fonctionnelle et services écosystémiques. Sur ces derniers aspects, un risque est identifié de voir certains projets à la marge des deux sections finalement exclus.

• Section 31 (Homme et milieux : évolution, interactions). Le recouvrement porte essentiellement sur les questions d’évolution humaine par des approches génétiques et génomiques.

• CID 51 (Modélisation, et analyse des données et des systèmes biologiques : approches informatiques, mathématiques et physiques). Si la section 29 est très ouverte à la modélisation et aux aspects théoriques, les aspects les plus méthodologiques ne sont que partiellement couverts par la Section 29 et la Section 51 lui est parfaitement complémentaire sur ces aspects là, si tant est que les postes soient accessibles pour les laboratoires InEE.

• CID 52 (Environnements sociétés : du fondamental à l’opérationnel). Il y a recouvrement possible avec les thématiques de l’écologie de la conservation, de l’écologie de la santé et des services écosystémiques.

On retrouve également quelques candidat.e.s en commun avec les sections 20 (biologie structurale), 22 (evo-devo) et 26 (comportement).

En conclusion, rien ne faisant sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution, les thématiques de l’écologie et de l’évolution résonnent dans de nombreuses autres sections, notamment en sciences de la vie, et la section 29 est naturellement connectée à d’autres, au moins pour cette raison, ou pour le partage d’outils méthodologiques ou d’objets d’étude communs. Loin d’être problématiques, ces recouvrements sont au contraire séminaux, et assurent la couverture de la diversité des champs de recherche, à l’exception peut-être du point de vigilance signalé avec la section 30. On peut craindre que la baisse récurrente du nombre de poste au concours aboutisse à la disparition des recrutements sur les marges fertiles des sections.

En conclusion, la section 29 ne présente pas de redondance gênante avec une section particulière et les contours de la section ne sont pas à remettre en cause. Elle est identifiée comme la section où les questions d’ordre évolutif sont abordées. Son unité repose aussi sur le maniement d’un corpus de concepts partagés, et sur la large place de la question de la variabilité (des génotypes et des phénotypes), de sa distribution, et de sa dynamique temporelle.

Travail de section

La mandature fait apparaître un alourdissement de la charge de travail avec la multiplicité et la redondance des évaluations entre sections. Cela concerne notamment l’évaluation des unités ou structures de recherche (création et/ou renouvellement de GDR, GDRi, LIA, ET, ZA, etc.) dont le périmètre se situe en limite de section et/ou pour lesquels peu de chercheur.euse.s de la section sont impliqué.e.s. Il serait utile de limiter le nombre de sections consultables sur un même dossier, ou de déterminer, pour les dossiers multi-sections, le périmètre sur lequel la section est consultée.

Dans le cadre des réflexions en cours sur l’évaluation, une refonte des trames de rapports est également à envisager. Si nous voulons privilégier encore le qualitatif, l’évaluation des travaux de recherches pourrait porter uniquement sur une présentation de travaux majeurs choisis en nombre limité.

La mise en place d’un jury d’admissibilité pour le concours DR permettrait d’écarter les dossiers/candidats hors section ou bien ne satisfaisant pas aux critères de recrutement tels que définis et affichés par la section.

Les outils à la disposition de la section ne facilitent pas le travail collégial. Par exemple nous déplorons que tous les dossiers ne soient pas accessibles à tous les membres de la section alors que c’est bien la section dans son ensemble qui rend un avis et pas les seuls rapporteur.euse.s ou une catégorie de personnel. Enfin, des efforts ont été réalisés durant la mandature par la section pour intensifier la communication (descendante et ascendante) avec les chercheur.euse.s. Cet effort a notamment porté sur une communication accrue avec les chercheur.euse.s, mais aussi une enquête de satisfaction sur le financement de la recherche et la diffusion de comptes-rendus / lettres d’informations à destination de la communauté. Ces efforts doivent certainement être poursuivis et amplifiés avec la mise en place d’une page web permettant un accès permanent aux informations de la section.

Moyens et défis

Description de la biodiversité et suivis à long terme

Les grands défis posés par l’étude des changements globaux ne peuvent être relevés qu’en mettant en œuvre les capacités de notre communauté de scientifiques à explorer et décrire la biodiversité, ce qui oblige à limiter l’érosion de l’expertise taxonomique à laquelle on assiste depuis deux décennies.

En milieu océanique, cela passe aussi par le maintien de nos capacités d’exploration, particulièrement de nos accès à la flotte océanographique et aux engins de plongée habitables (e.g. Nautile) ou téléopérés. De manière concomitante, les suivis à long terme des paramètres environnementaux, de paramètres biologiques de description de la biodiversité (e.g. distribution des espèces, variation de la diversité génétique, suivis individu-centrés) et de paramètres sociologiques, ont montré toute leur puissance en alimentant des travaux de modélisation du changement global et de ses conséquences sur la biosphère. Ces défis nécessitent donc de l’instrumentation et des infrastructures pensées sur le long terme et soutenues (financièrement et humainement) sur le long terme. Le système de financement actuel, principalement sur projet, met en péril ces recherches au long cours pourtant particulièrement nécessaires. Ces soutiens apparaissent encore plus importants si notre communauté veut réussir une bonne application du protocole de Nagoya.

Des développements importants sont en cours pour permettre la mesure d’un grand nombre et d’une grande diversité de paramètres en continu de manière autonome in situ dans des conditions parfois difficiles. Les solutions portent à la fois sur la source d’énergie, la connectique, la transmission des données (aspect mode et logiciel) et les capteurs (développement de capteurs communiquant et intelligents). Si les possibilités offertes sont importantes, la rationalisation des coûts (financiers, écologiques) au regard des attendus, et l’anticipation des enjeux liés à l’accumulation et à l’utilisation de ces données sont nécessaires.

Le développement des sciences participatives concourt également à cette accumulation de données, tout en connectant recherche et société. Le travail mené pour la standardisation des protocoles et l’analyse des données issues de ces suivis permet aujourd’hui d’en récolter les fruits.

Big data, bio-info, intégration données hétérogènes

L’accès croissant à des données morphologiques, écologiques et génétiques, mais également environnementales, à grande échelle offre de nouvelles opportunités, mais pose aussi des défis en termes i) de standardisation, gestion et partage des bases de données et ii) d’intégration de données hétérogènes.

Au même titre que dans de nombreuses autres disciplines, les méthodes d’apprentissage permettent des avancées en écologie et biologie évolutive. Leur application pour faire de la classification ou de la reconnaissance d’images permettent un changement d’échelle dans l’acquisition de données (e.g. données de biodiversité, données comportementales). Elles se montrent également particulièrement utiles pour la modélisation de séries chronologiques, et pourraient jouer un rôle important pour établir des scénarios prédictifs dans un contexte de changement global. Certaines applications en génétique des populations, épidémiologie, phylogéographie et phylogénétiques sont également en cours de développement.

Ces éléments soulignent la nécessité de maintenir un lien fort avec les développements méthodologiques en mathématiques, statistiques et informatiques, au travers notamment des interactions avec la CID 51.

Partage des données

Le partage des données en science (mouvement Open Data) est une tendance lourde de cette dernière décennie qui, bien qu’elle soit largement acceptée dans de nombreuses disciplines, rencontre une certaine opposition en écologie. La plupart des agences de financement et des journaux demandent, avant même l’acceptation de publication, que les données utilisées soient accessibles sur un serveur de données public approprié (Dryad, PANGAEA, GeneBank…) dans un souci de transparence et réplicabilité des analyses et des recherches au sens large. lI est pourtant indéniable que le partage de données actuel permet de mutualiser les efforts de collecte de l’information à une échelle jusque là inégalée en écologie, et d’appréhender les questions scientifiques avec une généralité et une complexité nouvelle avec l’avènement du Big Data. De manière générale, la complexité croissante des analyses et l’utilisation d’outils informatiques relativement complexes devraient aller de pair avec le partage du code source utilisé par les auteurs. Bien entendu, le dépôt de données sur des serveurs étrangers ou privés pose la question de la pérennité de l’initiative, tout comme celle de l’utilisation des données.

Ce mouvement est évidemment à mettre en relation avec le mouvement d’Open Science où la question de la publication des résultats scientifiques et de leur accès sont en première ligne. Attachée à l’évaluation par les pairs, la Section soutient fortement le développement de méthodes alternatives de publication. Citons par exemple l’initiative Peer Community In… dont le fonctionnement permet à la fois une évaluation critique des résultats de manière transparente et une gratuité du processus de publication et d’accès. Les publications PCI sont d’ailleurs considérées au même titre que les publications dans des revues indexées pour l’évaluation et le recrutement par la section 29.

Outils (structures type ZA, OHM, etc.) et leurs intégrations

Les différents outils tels que les Zones Ateliers ou les Observatoires jouent un rôle essentiel pour le développement de programmes de recherche nationaux et internationaux et l’activité de chercheur.ses. A différentes échelles spatiales et temporelles, ils permettent de décrire la complexité des réponses organismes et de leurs communautés, mais servent également de structures de soutien pour aborder concrètement, et de manière objective, les nouvelles questions qui surgissent au sein de la communauté. Ces moyens permettent de générer une approche pluri-disciplinaire essentielle pour décortiquer la complexité des phénomènes observés. Ainsi peuvent se mettre en place des équipes du CNRS qui, en collaborations locale et internationale, développent les travaux nécessaires pour comprendre la biodiversité et ses changements. Un point important est en effet la compréhension de la dynamique de la biodiversité et des processus sous-jacents à son évolution en lien non seulement avec des conditions écosystémiques très différentes (zone tempérée vs zone tropicale, par exemple) mais surtout dans différents contextes d’anthropisation. Enfin ces outils servent à aider réellement les décisionnaires et jouent un rôle majeur de formation qui ne doit pas être négligé.

Emploi et moyens de la Recherche

Au fil des évaluations et par les enquêtes menées, nous constatons une triste réalité partagée de l’état de la recherche dans notre communauté et dont fait aussi état :

– Des laboratoires avec des besoins criants en personnel IT perenne et une perte de compétence IT qui continuent de s’éroder.

– Des chercheur.euse.s. sans les moyens de leur recherche et une part prégnante du temps dédiée à la recherche de financement et non à la recherche.

– Une précarisation accrue et la faiblesse de perspective d’emploi qui voit les meilleurs éléments formés dans nos laboratoires devoir abandonner leurs ambitions dans la recherche.

– Un mal être croissant induit chez les personnels permanents et contractuels, qui se traduit par des situations de souffrance au travail et parfois de burn out.

Pour conclure sur la conjoncture en 2020

La communauté qui relève de la section 29 est bien identifiée et sa visibilité peut-être mesurée y compris par des indicateurs tristement classiques (positionnement des universités dans les classements internationaux, chercheur.ses fortement cité.e.s, lauréat.e.s d’appel d’offre prestigieux…). Cette visibilité internationale a encore été renforcée par l’organisation et la tenue du congrès Evolution en 2018.

Néanmoins et malgré cette excellence reconnue, notre communauté est inquiète. Elle est inquiète non seulement des conséquences des changements globaux qu’elle mesure chaque jour, mais aussi de l’absence d’engagements adaptés pour une recherche indépendante et sereine qui seule peut permettre de mieux comprendre et répondre aux enjeux de demain. Au contraire, elle constate que l’écosystème de recherche se détériore, mettant toujours plus la compétition au centre du jeu, et que les moyens de la recherche ne sont pas suffisamment largement répartis et distribués sur la recherche fondamentale, et qu’ils sont soumis à des systèmes d’attribution chronophages et trop arbitraires. Ces systèmes impactent la qualité de la recherche et les conditions de sa réalisation. Elle est également inquiète de voir que les politiques d’emploi permanent IT et chercheur.euse.s continuent à accentuer la diminution des effectifs dédiés à la recherche.

C’est pour ces raisons, que nous nous opposons à la LPPR telle que proposée et comme nous l’avons fait savoir par la motion du 3 mars 2020.