Rapport de conjoncture 2019

Section 19 Système Terre : Enveloppes Superficielles

Composition de la Section

François Lott (président de Section), Isabelle Chiapello, (secrétaire scientifique), Gwénaël Berthet, Laurent Bopp, Agnès Borbon, Dominique Bouniol, Malik Chami, Nicole Collas, Boris Dewitte, Thierry Correge, Thierry Fouchet, Jonathan Gula, Annie Huyghe, Myriam Khodri, Benoit Laurent, Olivier Magand, Anne Monod, Frédéric Parol, Sophie Rabouille, Géraldine Sarthou, Joël Savarino, Alexei Sentchev, Kazuyo Tachikawa.

Résumé

Nos recherches ont montré que le changement climatique s’était accéléré au cours des 10 dernières années de façon très significative, et que les séries temporelles issues d’observations modernes (1979-aujourd’hui) sont souvent trop courtes pour nous permettre de bien comprendre certains mécanismes fondamentaux contrôlant ce changement. Les mesures et les études fondamentales se sont intensifiées, leurs précisions compensent en partie cette faible profondeur temporelle mais révèlent aussi de nouvelles formes de pollution, de nouveaux mécanismes. Malgré ces défis scientifiques, la demande sociétale en termes d’explications, de prévisions locales et de stratégies d’adaptations a dicté de plus en plus l’agenda de nos recherches. Nous avons aussi été de plus en plus sollicités pour surveiller les changements environnementaux. Si on ajoute à cette demande sociétale et à ce besoin de surveillance, le développement de modèles de plus en plus complexes ou le partage et la mise en réseau des résultats de nos modèles et de nos observations, l’accroissement des efforts demandés aux chercheurs de notre section ne s’est pas traduit, au cours des dernières années, par un accroissement des moyens humains à la mesure des enjeux. Il nous semble pourtant que renforcer les thèmes portés par la Section 19 est une opportunité pour le CNRS : nos domaines souffrent aussi d’un déficit d’enseignants-chercheurs à l’université et dans les grandes écoles, déficit lié au fait que les sciences de l’environnement ont encore peu de débouchées dans l’industrie et les services ; elles sont aussi encore trop peu enseignées à tous les niveaux académiques. Si élargir la base de recrutement dans notre section est nécessaire pour répondre à ces défis, on peut aussi souligner que certaines de nos questions les plus fondamentales relèvent de « disciplines » (physique, chimie, biologie, biogéochimie, mathématiques appliquées…). On pourrait donc envisager que nos sections « disciplinaires » s’ouvrent plus aux questions environnementales, et/ou que des sections interdisciplinaires dédiées aux questions climatiques, ce qui inclue la qualité de l’air et des océans, soient plus orientées vers ces disciplines fondamentales. Enfin, nos activités de surveillance nécessiteraient de recruter plus d’ »astronomes » dans les services nationaux d’observation mis en place par l’INSU dans les domaines de l’environnement.

Introduction

Les recherches développées dans la section 19 recouvrent de nombreuses préoccupations sociétales telles que les prévisions météorologiques, l’océanographie opérationnelle, la qualité de l’air et de l’eau, la reconstruction de la couche d’ozone, la prévision des extrêmes météorologiques, le changement climatique, ou l’acidification et la désoxygénation des océans.

Les chercheurs relevant de la section sont très actifs dans la mise en place des grands traités internationaux, la rédaction des rapports d’évaluation du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) et du rapport d’évaluation de l’état de la couche d’ozone. Les efforts de communication vers le grand public sont devenus intenses et prennent des formes très diverses : ouvrages personnels, interviews, conférences « grand public », journées portes ouvertes, actions de médiations scientifiques (« train du climat ») et sciences participatives. Les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec les autres grands organismes de recherche Français (Universités, IFREMER, Météo-France, CEA, CNES, IRSTEA, INRIA, IRD…) et internationaux (universités, CEPPMT, Mercator-Océan International, ESA, NASA). Ils ont des liens forts avec de nombreuses entreprises françaises, par exemple pour développer l’instrumentation, la télédétection spatiale, la prévision des pollutions atmosphériques ou les services climatiques. Ils développent des partenariats avec les collectivités locales et régionales dans le cadre de la prévision des aléas climatiques (inondations, risques glaciaires), et des pollutions.

Dans l’ensemble de ces interactions économiques et sociétales, les collaborations avec les chercheurs CNRS sont toujours appréciées car ils bénéficient de l’indépendance que leur permet leur statut. Cependant, ces sollicitations du milieu socio-économique ont une incidence certaine sur le temps alloué à la recherche fondamentale alors que de nombreuses questions scientifiques restent à élucider. Par exemple, les caractéristiques de l’écoulement basal des grands glaciers continentaux sont encore mal connues. Cet écoulement basal conditionnera la débâcle des glaces en Antarctique et au Groenland et la montée des eaux qui en découlera. L’organisation à grande échelle des nuages dans les tropiques demeure mal comprise alors qu’elle conditionne largement notre capacité à prédire les changements climatiques futurs. L’impact chimique des nouvelles énergies reste presque entièrement à évaluer, tout autant que les cycles biogéochimiques dans un océan plus acide, plus chaud et désoxygéné.

I. Faits marquants

A. Physique de l’atmosphère et climat

La période 2014-2019 a été marquée par une succession d’événements extrêmes, dont certains tout à fait inattendus, comme le cyclone tropical Ophélia en septembre 2017 qui a fini son cycle de vie sur l’Irlande, ou les pluies cévenoles de l’automne 2018 dont l’amplitude a été exceptionnelle. Dans un climat qui se réchauffe, il est également probable que les événements extrêmes tels que l’événement El Niño dans le Pacifique équatorial observé en 2015-2016 et accompagné de précipitations tropicales particulièrement intenses vont augmenter.

Nos recherches montrent que ces événements météorologiques rares dépassent la variabilité naturelle du climat et sont attribuables aux activités anthropiques. Des dérives, telles que l’arrivée d’un été climatique plus précoce sont aussi clairement détectées. La période a également vu les efforts de la communauté récompensés en termes de prévision saisonnière. Cette prévisibilité peut concerner les moussons et provient des composantes « lentes » du système climatique (l’océan et les sols). Ainsi, la « pause » récente du réchauffement global est due à une absorption de l’énergie supplémentaire par les océans. Cette pause est aujourd’hui bien terminée !

Notre confiance dans les attributions du changement climatique et de sa prédictibilité est liée au développement de bases de données multi-modèles (CMIP), mais la période a aussi vu la maturation de simulations climatiques régionalisées (programme CORDEX). En illustrant l’amplification régionale que peut avoir le changement climatique, ces recherches montrent qu’il reste encore de grandes incertitudes, sur les liens entre circulation atmosphérique et précipitations, ou sur le rôle des nuages et des aérosols.

B. Chimie atmosphérique et pollutions

La période a été marquée par la recrudescence d’événements extrêmes de pollution atmosphérique en Asie (Inde, Chine), mais également en Europe, en Amérique, en Afrique, en Arctique… L’ampleur de ces événements s’étend aux grandes échelles, induisant des impacts inédits sur la qualité de l’air et la santé (baisse de l’espérance de vie, millions de morts prématurés). Si une tendance à la baisse est observée sur la période dans certaines régions et pour plusieurs polluants primaires réglementés (SO2, NOx, PM10), la communauté a vu émerger de nouvelles problématiques telles que celles de l’aérosol organique secondaire et des particules fines.

L’étude de la qualité de l’air intérieur bénéficie des approches et expertises mises en place pour l’atmosphère extérieure, tout en se démarquant par la spécificité du milieu (confinement, effets des parois, sources spécifiques…). Par ailleurs, la question de la contribution à la pollution extérieure des émissions liées aux activités domestiques et tertiaires commence à être posée.

Les observations de la chimie atmosphérique en régions polaires (Antarctique essentiellement) ont mis en évidence des mécanismes inédits de réactivité à l’interface glace de mer / calotte polaire Antarctique / atmosphère pendant l’hiver impliquant l’ozone, le mercure, le nitrate et les halogènes.

Enfin, pour la stratosphère, l’analyse des séries temporelles issues des observations spatiales, sol et ballons (notamment dans le cadre du réseau NDACC) a permis de mettre en évidence les signes d’un début de reconstruction de la couche d’ozone stratosphérique.

C. Océanographie Physique

L’accès à des observations de plus en plus nombreuses, avec des résolutions de plus en plus fines, et l’augmentation de la puissance de calcul des modèles numériques ont permis d’étudier l’impact des fines échelles océaniques sur la dynamique de surface, de montrer qu’elles jouent un rôle de premier ordre sur les flux verticaux de chaleur et de traceurs biogéochimiques (oxygène et carbone) et qu’elles contribuent ainsi à la structuration des écosystèmes.

L’amélioration de la qualité des observations globales de l’océan profond, a permis de montrer que la circulation abyssale inter-hémisphérique était en grande partie contrôlée par les échanges de chaleur (géothermiques) et de quantité de mouvement (via la turbulence et les ondes de gravité) se produisant sur les fonds marins. L’amélioration des modèles océanographiques et des techniques d’assimilation de données associées montrent une grande sensibilité potentielle des circulations profondes aux modifications en cours de la couverture en glace de l’Arctique.

D. Biogéochimie Marine

Le nombre croissant d’études couplant des approches de biologie moléculaire, de biogéochimie et d’écophysiologie, a permis d’avoir une vision nouvelle du rôle des communautés planctoniques dans la pompe biologique de carbone et les flux de matière dans l’océan.

La période a été marquée par la très forte implication de la communauté française dans des grands programmes internationaux (BGC-ARGO, GEOTRACES, IMBeR ou SOLAS). Ils ont permis une meilleure caractérisation de la phénologie du phytoplancton et une meilleure compréhension des cycles biogéochimiques des éléments traces et des isotopes dans l’océan.

La mise en orbite de nombreux capteurs satellitaires ces 5 dernières années a permis de cartographier de nouveaux groupes algaux phytoplanctoniques fonctionnels à l’échelle globale.

L’intégration de modèles biogéochi-miques dans les modèles du système Terre développés par la communauté française, ainsi que le développement de modèles océaniques représentant l’ensemble de l’écosystème marin, du phytoplancton aux niveaux trophiques supérieurs, ont permis de mieux comprendre le rôle de l’écosystème dans les grands cycles biogéochimiques, et d’offrir les premières projections de l’impact du changement climatique sur l’ensemble de l’écosystème marin.

E. Glaciologie

Les études cartographiques récentes montrent l’accélération des vitesses d’écoulement des glaciers côtiers du continent Antarctique et du Groenland, conjuguée à une diminution de l’épaisseur de ces derniers. Ce processus est attribué au double effet du réchauffement des océans et de l’atmosphère. La période a aussi permis une meilleure appréciation des impacts du changement de la cryosphère en terme d’évolution du niveau des mers, ou de modification et de diminution de la ressource en eau.

L’impact du déclin de la banquise arctique sur le climat des moyennes latitudes est en cours d’évaluation. Ce changement majeur a poussé la communauté internationale à mettre en place une « Année de la Prédiction Polaire » (2017-2019).

La période est également marquée par une meilleure compréhension de la fonte du permafrost. Le pergélisol arctique, en dégelant, permet à l’activité bactérienne de métaboliser le carbone ancien, qui y est stocké depuis des millénaires. Les émissions de dioxyde de carbone et de méthane qui en découlent agissent à leur tour sur le climat.

F. Paléoclimats

La période a vu le renforcement des comparaisons modèles-données pour contraindre les modèles et permettre le développement d’outils numériques intégrant explicitement les proxies. Cela a permis d’étudier la variabilité climatique de faible amplitude et/ou de courte durée. Les recherches récentes révèlent ainsi l’importance du forçage volcanique durant les derniers millénaires. La circulation méridionale dans l’Atlantique Nord durant l’Holocène a été reconstituée et des scénarii possibles des changements observés ont été proposés. Ces résultats sont appuyés par des simulations plurimillénaires et dans le cadre de l’action internationale PAGES 2k qui synthétise les données de reconstitution. Enfin, on peut noter d’importants travaux en paléoclimatologie tropicale (zones de mousson, ENSO), qui font parfois le lien avec l’anthropologie.

G. Atmosphères planétaires

Le survol de Pluton par New Horizons a révélé une surface beaucoup plus active qu’attendu, sculptée par des événements récents de cryovolcanisme, d’activité glaciaire, et d’interaction surface-atmosphère. La modélisation du transport atmosphérique a permis d’expliquer la répartition géographique et topographique des glaces de N2, CO et CH4 à la surface de la planète naine. La fin de la mission Cassini et la mission JUNO ont permis par des mesures gravimétriques inédites, d’établir la profondeur de la rotation différentielle de Jupiter et Saturne : au-delà de 3 000 km de profondeur pour Jupiter et 8 000 km pour Saturne, la rotation de la planète devient « solide » ou uniforme, une transition maintenant bien expliquée en termes de magnéto-hydrodynamique.

La mission ExoMars de l’ESA a récemment montré que la concentration du méthane dans l’atmosphère martienne est plus basse que celle établie par les « détections » précédentes. Ce résultat est de nature à clore le débat sur la présence de méthane dans l’atmosphère martienne et ses implications sur une possible activité biologique.

II. Thèmes émergents

Une part significative des résultats majeurs de la période est due à une amélioration constante de la résolution des modèles de simulation de toutes les composantes du système climatique, ainsi qu’à une amélioration de la paramétrisation des processus physiques dans ces modèles. La précision et la résolution des données fournies par les sondeurs spatiaux, la réduction des coûts de mesures et d’analyse de données obtenues in situ ou en laboratoire, et l’élargissement du nombre de constituants chimiques et biogéochimiques mesurés ont également joué un rôle important.

Comme dans d’autres domaines scientifiques, cette révolution lente va se poursuivre : la miniaturisation des capteurs va permettre d’équiper les citoyens (mesures individuelles de pollution), mais aussi des mammifères (océanographie), des ballons, des drones. Des constellations de micro satellites vont peut-être aussi voir le jour. Ces avancées permettront d’échantillonner l’environnement à des échelles de plus en plus fines et vont fournir des masses de données considérables qu’il va falloir exploiter. L’ensemble de la communauté s’intéresse donc de plus en plus aux techniques d’intelligence artificielle, ou d’apprentissage profond.

A. Physique de l’atmosphère et climat

La courte période d’observation intense durant laquelle le système climatique est à peu près stable (depuis le début de l’ère des satellites en 1979 jusqu’aux premières années du xxie siècle en 2005) fait que pour l’ensemble du système climatique, la période d’apprentissage des modèles statistiques est extrêmement courte. Invalidant en partie l’idée d’apprentissage profond en ce qui concerne le climat global, on s’oriente vers des pistes novatrices combinant statistiques traditionnelles, modélisations, observations in situ, observations satellites et archives naturelles. L’une de ces pistes consiste à mieux exploiter les boucles de rétroaction du cycle saisonnier et qui doivent se retrouver dans le changement climatique (notion de « contraintes émergentes »). Une autre piste consiste à sortir des techniques statistiques habituelles, où un modèle est fixe avec des conditions initiales et des scénarii de forçages variés et à proposer des « histoires » pour lesquelles des événements extrêmes du passé sont réactualisés dans le futur en faisant varier la formulation des modèles.

La période a vu la banalisation de techniques stochastiques pour améliorer la physique des modèles et la dispersion des ensembles de prévision climatique. Ce type d’approche est justifié par le fait que la résolution des modèles globaux devient proche de l’échelle des phénomènes que l’on cherche à paramétrer. On parle de « zone grise » et les interactions entre ces petites échelles et les échelles résolues restent au cœur des problématiques à venir. L’organisation de la convection atmosphérique le long de structures d’échelles planétaires comme les ondes équatoriales ou l’oscillation de Madden Julian dans les tropiques sont des exemples caractéristiques de structures grandes échelles mal prédites. La période voit ainsi l’émergence de modèles ou toutes ces échelles sont résolues, ce qui permettra de reproduire ces organisations aux échelles planétaires.

La période a vu également l’émergence de misions spatiales opérationnelles (Metop-SG) ou de recherche (ADM-Aeolus, EartCare) combinant des outils innovants (imagerie, optique passive, active, polarisée, sondeur…) ainsi que la consolidation des réseaux sur le plan national et européen (ACTRIS).

B. Chimie de l’atmosphère

Le croisement des données physico-chimiques sur l’aérosol et la toxicologie améliore la quantification des impacts de la qualité de l’air sur la santé. Des projets émergents voient le jour sur la recherche de nouveaux indicateurs de toxicité et de sources, sur l’augmentation de la résolution temporelle des données aérosols, et sur la prévision à long terme des pollutions.

La transition énergétique et écologique en cours changera notablement les sources de polluants. On peut penser par exemple au passage du carbone à l’hydrogène pour les transports ou du fioul au feu de bois pour le chauffage. Ces changements de sources de polluants vont profondément modifier le réacteur chimique atmosphérique, voire impacter le climat. L’émergence de nouveaux matériaux et composés (nanoparticules, revêtements actifs des bâtiments, pharmacologie, etc.) et de nouveaux modes de vie et d’organisation vont être des éléments à considérer afin d’orienter les choix politiques.

Sur le thème des gaz à effet de serre (GES), les nouvelles techniques instrumentales (télédétection sol et spatiale, drones) et celles moins récentes mais en constante amélioration (spectrométrie infrarouge in situ) vont permettre l’étude des tendances récentes et à plus fine échelle. On note le rôle croissant des missions spatiales à venir pour le CO2 (MICROCARB, 2021) et le CH4 (MERLIN, 2024), et l’extension des réseaux sol pour les gaz à effet de serre en général (ICOS).

C. Océanographie Physique

Les thématiques émergentes concernent souvent les interfaces (atmosphère, fonds océaniques, cryosphère et continents). Ainsi, les interactions aux fines échelles et à haute-fréquence qui vont impacter les couches limites atmosphériques et océaniques sont au cœur de nombreux projets internationaux (ex : EUREC4A-ATOMIC). Un autre aspect important est la dynamique de l’océan profond, où les interactions des courants et des ondes océaniques avec la topographie génèrent le mélange à petite échelle qui contrôle la circulation thermohaline et les équilibres à grande échelle de l’océan. À l’interface de l’océan et de la cryosphère, les interactions entre la glace de mer, les vagues et la turbulence océanique représentent un effet important sur le système couplé. Le continuum qui va des zones estuariennes et côtières jusqu’à l’océan hauturier est une zone particulièrement sensible qui va être de plus en plus étudiée.

D. Biogéochimie Marine

La complexité et l’efficacité de la pompe biologique de carbone est maintenant abordée avec des approches nouvelles, combinant des outils innovants d’observations (haute fréquence, nouveaux capteurs autonomes optiques, acoustique, imagerie, etc.), et des techniques d’analyse de pointe. Ces approches permettent notamment de mieux comprendre et quantifier les processus de reminéralisation de la matière organique qui se produisent dans la zone mésopélagique, une zone clef encore mal caractérisée.

Ces dernières années, un rapprochement très novateur entre la biogéochimie marine, les sciences dites « Omics » (océanographie moléculaire) et la biodiversité fonctionnelle, a émergé et a abouti à des résultats particulièrement originaux, notamment concernant la pompe biologique de carbone, les flux de carbone et d’azote, les micro-organismes et la physiologie/écologie du plancton. La combinaison des études de biogéochimie, de microbiologie, d’écologie, de physiologie, de physique et de chimie est un des enjeux majeurs de notre communauté pour les années à venir.

La présence de polluants émergents, en particulier les plastiques, est une problématique environnementale cruciale pour les océans et les écosystèmes marins. Une meilleure compréhension de leur devenir, que ce soit biogéochimique, physique ou écologique est absolument indispensable.

E. Glaciologie

Les progrès techniques en observation et en modélisation permettent d’intégrer toutes les composantes de la cryosphère (pergélisols, calottes polaires, glaciers, glace de mer, etc.) dans les modèles de climat. Les comportements transitoires de la cryosphère deviennent accessibles, et cela concernera même les paléoclimats. On s’oriente de plus en plus vers des prévisions de l’évolution future des glaciers, de la banquise et cela depuis les échéances courtes (jour-semaine) jusqu’aux prévisions interannuelles voir climatiques.

L’étude de la réactivité chimique atmosphérique dans les zones polaires anthropisées voit l’émergence progressive d’une thématique dédiée à la « qualité de l’air polaire » en lien avec les enregistrements des archives glaciaires et l’anthropisation de ces milieux.

F. Paléoclimats

On voit émerger des prévisions des périodes chaudes très anciennes (Miocène, Pliocène) qui pourraient constituer un analogue à notre futur. On commence aussi à faire des simulations de proxy et des essais d’assimilation de paléodonnées. La grande transition climatique du Mid-Pleistocene (1 200 à 700 ka) est une des cibles afin d’évaluer les processus de rétroaction interne. Elle est en accord avec le projet européen glaciologique Beyond EPICA Oldest Ice qui a l’objectif d’étendre l’enregistrement de la concentration en CO2 atmosphérique à 1,5 Ma par forage de glace antarctique.

Par ailleurs, les études du climat des périodes chaudes (interglaciaires) et des événements rapides du passé restent d’actualité. Sur ce dernier point, on note que la déconvolution des signaux interannuels et saisonniers devient possible par l’analyse individuelle de nombreux microfossiles.

G. Atmosphères planétaires

L’apparition d’instruments à haute résolution angulaire tels que SPHERE, va permettre d’obtenir d’excellents spectres dans l’infrarouge des exoplanètes, qui révèlent la présence d’eau, de CO, éventuellement de CO2. En termes de modélisation, des simulations de plus en plus réalistes de la circulation générale des planètes géantes vont apparaître.

III. Forces, Faiblesses, Opportunités, et Menaces

Les questions relatives à l’emploi scientifique, l’attractivité des carrières de chercheur en France, la complexité du paysage scientifique, les moyens alloués pour la recherche, les limites de l’ANR, étant des problématiques communes à toutes les sections, elles sont traitées globalement dans le bilan et les propositions faites par la CPCN dans le cadre de la future loi de programmation de la recherche. Les représentants de la section souscrivent largement aux conclusions de ce document. Ces faiblesses seront peu reprises ici.

A. Forces

La section 19, regroupe une forte pluridisciplinarité en rassemblant océanographes, météorologues, glaciologues, physiciens et chimistes de l’atmosphère, paléoclimatologues les biogéochimistes marins. Cette pluridisciplinarité est parfaitement adaptée à l’étude du changement global, celui-ci impliquant le couplage entre toutes les composantes du système climatique.

Une des forces de la recherche française est sa capacité à s’organiser pour combiner des campagnes de mesures in situ et des capteurs satellitaires, avec des retombées rapides en recherche et en modélisation. Cette spécificité nationale fait que nos chercheurs s’impliquent dans la mise en place de missions satellitaires internationales. Ils participent aussi à la mise en place de grands programmes nationaux et internationaux, tels que MISTRAL, med-CORDEX, ou « l’Année de la Prévision Polaire ».

En physico-chimie atmosphérique, la communauté est importante, relativement bien structurée et bénéficie d’une très bonne dynamique sur les chambres de simulation atmosphériques : EUROCHAMP2020 est un instrument européen piloté par la France. Sur le terrain, la France a coordonné plusieurs grandes campagnes de mesures incluant une synergie sol/avions/ballons (ex : MISTRALS – Charmex).

Le thème de la surveillance de la qualité de l’air, aux échelles régionales et continentales, bénéficie d’outils performants reconnus à l’international : données spatiales IASI, mesures aéroportées, réseaux sol (ICOS, ACTRIS), développements spectroscopie IR (CRDS, OF-CEAS). Concernant les GES, il faut noter la bonne visibilité du « global carbon project », et une participation française importante aux synthèses annuelles du bilan carbone mondial.

Dans tous les domaines, la communauté française est active dans le développement de la modélisation numérique. Ainsi, elle coordonne le consortium européen NEMO et le modèle communautaire côtier CROCO, participe systématiquement aux exercices d’intercomparaison de modèles CMIP6, est leader sur les projets d’intercomparaison de simulations des paléoclimats, et dans le développement de modèles de circulation générale des atmosphères planétaires.

Une des forces de notre communauté est également la très forte implication de nombreux chercheurs dans la rédaction des rapports du GIEC (5e et 6e rapports, rapports sur l’objectif 1,5oC, sur l’Océan et sur la Cryosphère), dans les grands programmes internationaux (WCRP, Future Earth…), ou dans la structuration de grandes campagnes d’observations.

En glaciologie, la France est l’un des rares pays à réaliser des observations continues et de long terme dans chacune des régions englacées (calottes polaires, glaciers) à travers le monde (Arctique, Antarctique, zones alpines, andines et himalayennes). En paléoclimatologie, les quatre grandes unités relevant de la S19 (CEREGE, EPOC, IGE et IPSL) mènent des projets complémentaires et en association. La communauté française devient ainsi un leader dans le développement de modèles incluant les proxies.

B. Faiblesses

Les systèmes d’observations sur lesquels sont basées nos recherches ont des soutiens techniques et financiers qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le développement de nouveaux outils et de systèmes d’automatisation des mesures risque d’être freiné voire compromis du fait d’un manque de soutien technique et financier adapté.

Les secteurs d’embauche dans nos thématiques restent encore essentiellement académiques et en raison d’une difficulté croissante à être recruté, le nombre d’étudiants a tendance à diminuer. Il conviendrait d’élargir le socle des débouchés en promouvant par exemple un enseignement des sciences du climat et de l’environnement à tout les niveaux académiques.

Enfin, nous n’avons pas encore changé nos modes de travail pour nous adapter aux conditions nouvelles du changement climatique et nous devons penser nos activités futures dans ce contexte (cf. C.3).

C. Opportunités

L’augmentation de la puissance de calcul des modèles combinée à l’amélioration des moyens d’observations, avec l’arrivée de nouveaux satellites (SWOT, WaCM, SEASTAR, Metop-SG) et la mise-en-place de réseaux d’observations (ARGO, EMSO, ACTRIS, Observatoires côtiers) vont permettre de produire et d’obtenir de plus en plus de données de haute qualité. Les nouvelles méthodes issues des sciences des données, actuellement en plein essor, seront essentielles pour permettre d’extraire les informations utiles de ces bases de données conséquentes. Les avancées technologiques pour la mesure in-situ (planeurs et drones sous-marins, flotteurs lagrangiens ARGO) seront cruciales pour améliorer la compréhension des processus dynamiques au sein et au fond des océans.

La synergie des données in-situ et satellitaires avec la modélisation permet d’améliorer notre vision 3D des océans et de l’atmosphère. L’automatisation et la diminution des coûts en biologie moléculaire (« Omics ») ouvrent de nouvelles pistes d’exploration du lien entre biogéochimie marine et processus biologiques, ainsi que de nouvelles thématiques.

La présence de nombreuses bases françaises en zone polaire et subpolaire via le soutien de l’Institut Polaire IPEV, mais aussi d’une Unité Mixte Internationale sur le sujet (Takuvik-France/Canada) sont des opportunités uniques qu’il convient de renforcer, d’ouvrir plus largement à la communauté et de pérenniser dans le temps.

D. Menaces

Il est notable que les recherches dans l’identification et la compréhension des processus fondamentaux sont de plus en plus difficiles à financer : les financements s’orientent en effet vers des questionnements à court terme liés à des demandes sociétales et cela au détriment de recherches nécessitant des études sur le long terme.

Une menace importante concerne les grandes infrastructures de recherche qu’elles soient aéroportées ou océanographiques. Le renouvellement de l’avion de recherche Falcon constitue une priorité pour la communauté (notamment pour les études physico-chimiques).

On constate depuis une dizaine d’années en France et plus généralement en Europe une perte de vitesse des observations de la composition chimique et particulaire de l’atmosphère moyenne (stratosphère notamment).

Malgré l’urgence alarmante que constitue le thème de la qualité de l’air, le suivi des particules fines est à renforcer, mais nécessite une instrumentation coûteuse dans un contexte où les budgets se restreignent (comparé aux pays voisins, tels que l’Allemagne), d’où la nécessité d’une organisation entre recherche et surveillance (INERIS, ACTRIS, réseaux de surveillance).

Une menace importante résulte du morcellement et de l’empilement des structures administratives et décisionnaires. Ce problème de multiplication des « guichets » est très sensible dans le montage des campagnes en mer, ou pour les études de la cryosphère. Cette complexité est démotivante lorsqu’il s’agit, pour de jeunes chercheurs, de monter une grosse campagne (par exemple océanographique). Un problème de « leadership » va se poser, les coordinateurs d’aujourd’hui partant à la retraite.

Les évolutions en modélisation vers une plus grande résolution spatiale, vers une plus grande complexité des processus représentés et vers des méthodes ensemblistes nécessitent des moyens de calcul toujours plus importants. Le manque de visibilité à long terme sur les potentiels de calculs fait peser une menace sur l’évolution future et l’utilisation de nos modèles (voir aussi IV.B.5). Le manque d’infrastructures adaptées (GPU) à l’utilisation des algorithmes d’intelligence artificielle oblige actuellement les chercheurs à se tourner massivement vers les multinationales du monde internet, ce qui impactera la reproductivité des résultats.

IV. Organisation de la recherche, ressources humaines

A. Périmètre de la section, aspects pluridisciplinaires

La compréhension du système climatique est par essence pluridisciplinaire, cela transparaît dans les mots clés de la Section19 que nous souhaitons faire évoluer en « physique, dynamique, chimie et biologie des domaines océanique et côtier, de l’atmosphère et de la cryosphère ». On le retrouve également dans les rattachements des unités aux sections autres que la S19 et aux instituts : près de 75 % des unités de recherche ayant la S19 comme section principale sont rattachés à des sections secondaires.

Les thèmes liés entre autres au domaine côtier, à la biodiversité, aux paléoclimats et à la sédimentologie, ou encore à la planétologie créent des liens forts avec la S30 (17 labos), la S29 (6 labos), la S18 (4 laboratoires), et la S17 (3 laboratoires). Les relations directes avec les sections disciplinaires sont moins fréquentes mais réelles, signe que les laboratoires de la S19 sont fortement attachés à des recherches fondamentales disciplinaires. Le GSMA, par exemple a pour institut de rattachement principal l’institut de physique. De ce point de vue, il est aussi à noter que les collaborations entre les physiciens, les biologistes, les biogéochimistes, les chimistes et les géologues ont notamment augmenté via les politiques de sites (ex : Labex CaPPA à Lille, Clervolc à Clermont Ferrand, LabexMER/EUR ISBlue à Brest). Par ailleurs, environ 10 % des chercheurs de la S19 sont dans des unités n’ayant pas la S19 comme section principale.

La S19 est aussi étroitement liée à la section interdisciplinaire CID52, même si ces liens pourraient se renforcer, par exemple dans le cadre de la prise de conscience de la pollution par les plastiques et leur transformation en micro et nanoparticules. Il est aussi notable que les études en géo-ingénierie et en énergie renouvelable se font en collaboration étroite avec les spécialistes du climat de la S19 (IPSL, LATMOS, LEMAR…). On peut aussi noter que les interactions avec l’économie, la santé, l’agriculture, la biologie, et les sciences sociales se mettent en place et se développent. À titre d’exemple, l’utilisation des produits aérosols satellitaires comme MODIS ont permis l’étude des épidémies de méningites en Afrique de l’Ouest associés à l’occurrence d’événements de poussières. De manière plus générale il semble incontournable que les relations entre environnement (changement climatique) et inégalités deviennent un sujet d’étude important.

B. Outils de la recherche

1. Grands chantiers

La période a été marquée par la maturation du méta-programme MISTRAL et du chantier ARCTIQUE, c’est à dire deux chantiers axés sur la compréhension de la régionalisation du changement climatique dans deux zones particulièrement sensibles. MISTRAL dans sa forme est extrêmement ambitieux puisqu’il regroupe plusieurs programmes d’envergures, par exemple : ChArMEx, (chimie), HyMex (météorologie et cycle de l’eau), MerMex (biogéochimie) et PaleoMex (paléoclimats). L’ensemble a pour but affiché l’interdisciplinarité, afin de mieux comprendre les interactions entre climat, sociétés et civilisations. Si chacun des programmes a permis de porter des recherches pertinentes concernant par exemple la spécificité de la régionalisation dans le changement climatique ou le rôle des aérosols, la lourdeur de l’ensemble a rendu difficile les actions transverses, pourtant objectif initial du programme. La difficulté de la mise en place a aussi eu tendance à figer ensuite les thèmes de chacun des programmes.

Le Chantier ARCTIQUE Français souffre moins de ces défauts, un de ces thèmes privilégiés concernant les interactions aux interfaces ; thème à la fois central pour la compréhension de l’évolution des glaces et très ouvert scientifiquement. En contrepartie, ce programme est beaucoup moins large en termes de nombre d’équipes investies et d’ouverture.

2. Infrastructures

Les chercheurs de la section 19 bénéficient pour leurs recherches en physique et en chimie de l’atmosphère d’aéronefs instrumentés opérés par l’infrastructure SAFIRE. Cela permet à la France de se situer (et de s’intégrer) à un très bon niveau Européen. On note cependant que deux avions de recherche arrivent en fin de vie (le Falcon 20 et l’ATR-42), entraînant une inquiétude de la part de la communauté concernée vis-à-vis de leur renouvellement.

En océanographie côtière et hauturière ainsi qu’en paléocéanographie les chercheurs bénéficient de la TGIR « Flotte Océanique Française », qui leur permet d’atteindre des résultats scientifiques tout à fait remarquables. Cependant, les difficultés de financement de campagnes de grandes envergures et de projets collaboratifs font qu’il est de plus en plus compliqué d’utiliser la flotte française.

Dans le milieu polaire, la France bénéficie d’un contexte extraordinaire, propices aux observations de terrains interdisciplinaires avec les îles des Terres Australes et Antarctiques Françaises, les stations australes Concordia et Dumont d’Urville et celles boréales de Rabot et Corbel au Spitzberg. Ces infrastructures doivent être préservées tout en renforçant les collaborations avec d’autres nations.

3. Observations spatiales

La position des chercheurs de la S19 dans le domaine de l’observation satellitaire de pointe est tout à fait remarquable : nombreux sont PI ou co-I de projets internationaux. Cette activité se développe toujours plus du fait de la demande de surveillance des pollutions à l’échelle globale/régionale, ou de la compréhension des mécanismes d’échelles de plus en plus petites (micro-physique des nuages, filaments océaniques). Cette surveillance est une responsabilité qui pèse de plus en plus sur les chercheurs de la S19. Elle dicte à nouveau un agenda qui peut éloigner de préoccupations plus fondamentales.

4. Moyens analytiques et mesures in Situ

L’analyse des éléments traces et des isotopes, la compréhension des cycles biogéochimiques ou des réactions chimiques dans l’atmosphère (les atmosphères si on inclue les planètes) nécessite des moyens analytiques de pointe et des réseaux de mesures in situ. De ce point de vue, la recherche en France est bien positionnée. À titre d’exemple, elle a accompagné le développement de moyens de mesures à vecteurs autonomes, (bouées/flotteurs dérivants, planeurs sous-marins). Cette tendance à la miniaturisation est générale dans nos disciplines, avec le développement des micro-capteurs citoyens pour suivre la pollution atmosphérique, des sondes autonomes pour les sondages en Arctique et Antarctique (bouées IAOOS, sonde Subglacior).

Sur ces questions, les chercheurs de la S19 ont aussi su se coordonner, via l’INSU, dans la mise à disposition des données et leur jouvence à long terme en mettant en place des services nationaux d’observations (SNOs), eux-même administrés en observatoires (OSU). Bien que cela ait tendance à produire des structures nouvelles, et à alourdir le millefeuille administratif, cela permet de constituer des bases de données continues sur le moyen terme, et de veiller à leur sauvegarde et à leur valorisation.

5. Modélisation

La météorologie, l’océanographie et l’ensemble des sciences du climat ont toujours été parmi les plus grosses disciplines en termes de besoin numérique. La recherche en France de ce point de vue se situe à un très bon niveau international. Un effort majeur a été fait ces dernières années pour adapter le cœur de nos modèles à la structure des machines de demain. Cette recherche a bénéficié de la mise en commun des moyens alloués grace à la mise en place du GENCI. Cependant, alors que notre domaine est régulièrement cité en exemple d’utilisation de ces calculateurs, la visibilité pluri-annuelle d’allocation de demandes d’heures reste difficile. De ce point de vue, le paysage futur, ou l’Europe sera appelée à jouer un rôle important, ne nous permet de gagner en visibilité.

C. Science ouverte, relations avec l’université, empreinte environnementale

1. Science ouverte

La question de la science ouverte est assez peu tranchée en section 19. Les journaux dominants pratiquent peu l’ « Open Access », certains pratiquent au mieux le semi- « Open-Access », et les chercheurs commencent à donner régulièrement accès à leurs articles via la base de données HAL.

Cette question de l’accès libre se pose également pour les données, et cela dans le contexte des techniques d’apprentissage profond, où des multinationales du monde internet pourront accéder et valoriser les données en utilisant des logiciels propriétaires.

2. Relation avec l’université

Le lien entre le CNRS-INSU et les universités reste fort, en particulier au travers des UMRs. Cependant, les profonds changements qui ont affectés les universités françaises ces dernières années ont modifié ce rapport. Pour l’INSU, un des éléments forts de la politique vis-à-vis des universités se fait par l’intermédiaire des OSU, et force est de constater que la situation est loin d’être homogène en France.

Dans certaines universités, le rôle structurant que peut jouer un OSU a été bien intégré lors des regroupements/ restructurations. L’IUEM à Brest ou Pythéas à Aix-Marseille en sont de bons exemples. Dans ces universités, les UMR de la section 19 bénéficient de la dynamique instaurée par l’OSU et le rôle du CNRS-INSU y est assez clair. Dans d’autres universités par contre, l’OSU, quand il existe, reste un objet difficile à appréhender et à intégrer dans l’organigramme. À Lille par exemple, le regroupement des trois universités a conduit à la mise en place de Facultés de grandes dimensions qui semblent exclure la possibilité de créer un OSU. À Bordeaux, l’OSU existe déjà depuis un certain temps, mais il n’a pas trouvé une place visible dans la restructuration en Départements.

En Ile de France le réseau en constante évolution avec la création de plusieurs universités de très grandes taille a rendu les réorganisations plus difficiles. Les structures existantes se sont « emboitées » moins bien qu’ailleurs : plusieurs OSU ont été créés (par exemple Efluve, OVSQ, Ecce-Terra) et une a été supprimée (l’IPSL en tant qu’OSU). Ce morcellement a rendu les OSU moins visibles qu’auparavant même si la situation se stabilise. Pour les UMR, dont certaines sont associées à plusieurs universités et grandes écoles, la compétition entre les tutelles apparue dans le sillage de la LRU a pu avoir un effet déstabilisateur. Dans ce contexte, il apparaît encore plus essentiel que le CNRS continue à jouer un rôle fédérateur, tant au niveau d’une mise en commun de certains outils que pour l’animation de la communauté scientifique : les universités se focalisent de plus en plus sur des appels d’offre et dans la création de structures inter-disciplinaires.

Le réseautage de plus en plus intense des universités au niveau européen, au travers de programmes structurants comme la European University Initiative risque aussi de réduire le rôle du CNRS dans le pilotage de la recherche française (UBO dans le projet European University of the Seas) ou le LIENS (ULR dans le projet European University for Smart Coastal Urban Sustainability). Si ces projets apparaissent avant tout comme des réseaux d’éducation, ils pourraient déboucher sur des associations en recherche, où le rôle du CNRS ne semble pas clairement défini pour le moment. De même, le rôle du CNRS dans la mise en place des EUR (« graduate schools ») est parfois flou, surtout quand le nombre de partenaires est important (une dizaines de partenaires pour l’EUR ISblue à Brest, voire plus pour l’EUR IPSL en Ile de France).

Au final, dans le secteur scientifique couvert par la section 19, mais aussi plus généralement en sciences dures, il existe un sentiment de perte de vitesse du CNRS dans la structuration de la recherche française au profit des universités. Dans notre discipline, le CNRS à cependant un rôle à jouer, par exemple en maintenant des structures de taille critique, réparties sur plusieurs pôles universitaires. De ce point de vue, la « base » joue un rôle remarquable : de plus en plus de chercheurs CNRS s’impliquent dans des tâches d’enseignement.

3. Empreinte environnementale

Une adéquation entre nos pratiques de recherche et l’urgence environnementale sur laquelle nombre d’entre nous travaillent est absolument nécessaire : l’empreinte carbone liée à nos déplacement et missions, à l’utilisation de plus en plus massive de supercalculateurs, aux campagnes de terrain dans les mers, les airs, et jusqu’aux zones polaires, ou encore aux lancements de satellites n’est pas négligeable. De nombreux groupes de réflexion sur ce thème ont vu le jour dans les laboratoires et des collectifs comme Labos 1point5 se sont formés. Ils proposent de discuter de recommandations raisonnables permettant de modérer cet impact (réduire le nombre de déplacements, privilégier le train par rapport à l’avion, encourager de nouveaux outils de communication comme la télé-présence immersive, etc.).

V. Aspects statistiques

A. Parité

Figure 1 : Répartition hommes/femmes selon les grades et les corps de chercheurs.

Sur les 283 chercheurs de la section 19 au 1er janvier 2019, 39 % sont des femmes. Ce déséquilibre par genre est présent dans toutes les disciplines sauf en chimie atmosphérique. Il est particulièrement marqué en planétologie et en glaciologie où l’on trouve moins de 25 % de femmes. Le rapport femmes/hommes est fortement déséquilibré si l’on considère la répartition par corps (Fig. 1). Parmi les CR, 46 % sont des femmes, elles ne sont plus que 33 % chez les DR, dont 29 % chez les DR1.

Ces dernières années, le pourcentage de femmes candidates au concours CRCN est de l’ordre de 30 % et ce nombre décroit fortement pour le concours DR2 (20-25 %). En revanche, il ne reflète en rien celui des femmes promouvables DR2, qui est de 46 % en section 19. Pour remédier à ce biais systématique, un travail de sensibilisation est en cours, afin d’inciter les jeunes chercheuses à postuler sur des concours et promotions.

B. Unités

Au 1er janvier 2019, 23 unités de recherche (21 UMR et 2 UMI) sont rattachées principalement à la section 19. En 2017, on peut noter la création de l’IGE à Grenoble regroupant le LGGE (Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement) et le LTHE (Laboratoire d’étude des Transferts en Hydrologie et Environnement). En plus de l’INSU, presque toutes les unités sont rattachées à l’INEE avec la double tutelle ou en institut secondaire, certaines également à l’INC (1), l’INSIS (3), et l’INSB (2).

C. Chercheurs

Figure 2 : Évolution de l’âge des chercheurs relevant de la section 19 en 2010, 2013, 2019.

En comparaison avec les rapports de conjoncture du CNRS de 2010 et 2014, la section 19 subit un vieillissement marqué, avec une nette diminution de la proportion des chercheurs dans la tranche d’âge 25-34 ans, et une forte augmentation dans celle des 55-65 ans (Fig. 2). On notera en particulier que 7 chercheurs ont plus de 65 ans alors qu’ils n’étaient que 2 en 2014.

Au 1er janvier 2019, 3 % des chercheurs sont Directeurs de Recherche de Classe Exceptionnelle (9 chercheurs), 19 % Directeurs de Recherche de 1re classe (55 chercheurs), 29 % de 2e classe (82 chercheurs), 48 % sont CR (137 chercheurs).

En ce qui concerne les concours CRCN, plusieurs faits sont marquants. Le passage à un concours unique pour le corps des chargés de recherche en 2018 a amené, en 2018 et en 2019 à une légère augmentation du nombre de candidats expérimentés (avec plus de 4 ans d’expérience post-thèse). Pour remédier à cela, un effort de sensibilisation systématique a été fait pour encourager les candidatures jeunes. En cohérence, pour les deux années 2018 et 2019, la moyenne du nombre d’années d’expérience des recrutés est proche de celle des chercheurs recrutés en CR2 en 2017, montrant que la suppression des deux catégories n’a pas eu pour effet de favoriser les candidats ayant le plus d’expérience. Enfin, la section note que relativement peu de candidats se présentent conjointement dans les sections interdisciplinaires (CID) et en S19, malgré les enjeux majeurs relatifs aux questions actuelles sur le changement climatique et ses impacts. Il serait pertinent que les interactions se renforcent.

D. Autres organismes

Dans les 21 UMR rattachées principalement à la section 19, le nombre de chercheurs d’autres organismes est important : 472 Enseignants-chercheurs, 102 chercheurs IRD, 40 chercheurs Météo-France (CNRM essentiellement), 56 chercheurs CEA (surtout au LSCE), et 40 chercheurs de l’IFREMER (LEMAR et LOPS).

E. Ingénieurs, techniciens et administratifs

Dans les 21 UMR rattachées principalement à la section 19, on recense 852 IT pour environ 1 087 chercheurs tous organismes confondus. Le CNRS est bien le principal organisme qui y contribue avec 322 IT. Météo-France (192 IT) est le second contributeur avec une position particulière liée à ses missions opérationnelles. L’université n’arrive qu’en 3e position avec 175 IT.

Si l’on prend en compte, en plus de ces 21 UMR, les 8 UMS rattachées principalement à la section 19 (ICARE, IUEM, SAFIRE, FOV, OVSQ, OSU-Réunion, EFLUVE, OMP), le nombre total d’IT s’élève à 1 041 pour 1 097 chercheurs tous organismes confondus. Le CNRS reste le 1er contributeur (398 IT), devant l’université (273 IT), Météo-France (204 IT), l’IRD (57), le CEA (45, tous au LSCE) et l’IFREMER (41 à Brest) qui contribuent également aux personnels des UMR et UMS rattachées principalement à la section 19.