Composition de la Section
Isabelle Thery-Parisot (présidente de Section) ; Étienne Cossart (secrétaire scientifique) ; Membres élus – Collège A1 : Vincent Jomelli ; Isabelle Théry-Parisot ; Valéry Zeitoun ; Collège A2 : Pascal Adalian ; José Braga ; Étienne Cossart ; Collège B1 : Alexa Dufraisse ; Nejma Goutas ; Laurent Klaric ; Collège B2 : Laurent Bruxelles ; Agnès Lamotte ; Collège C : Véronique Humbert ; Véronique Mathieu ; Philippe Klein ; Membres nommés – Collège A1 : Sandrine Costamagno, Gregor Marchand, Stéphen Rostain ; Collège A2 : Cyrille Billard ; Collège B1 : Jérôme Dubouloz, Mathieu Langlais ; Collège B2 : Carole Bégeot.
Résumé
Face à l’ampleur des enjeux (notamment environnementaux) auxquels est confrontée actuellement notre société, la section 31 promeut des recherches visant à comprendre les modalités de l’implantation progressive de l’Homme et la part des transformations de la planète qui lui revient. En favorisant et soutenant l’interdisciplinarité (archéologie, anthropologie biologique, géographie physique), elle contribue à explorer des fronts de recherche répondant aux défis sociétaux et environnementaux du xxie siècle. Dans un contexte de fragilisation de l’emploi scientifique, le renouvellement des effectifs et la stabilité liée au statut de fonctionnaire sont essentiels dans le cadre des travaux scientifiques couverts par la section 31. En effet, la production de données primaires à travers le travail de terrain (fouille, étude des collections, cartographie fine, métrologie et suivis environnementaux, etc.) comme l’expérimentation sont nécessairement chronophages et nécessitent un temps d’acquisition long, incompatible avec le rythme effréné du « publish or perish ». De même, l’investigation de terrains « sentinelles » des changements environnementaux ou encore d’archives sédimentaires ou mobilières singulières, emblématiques des transitions du passé, nécessite un investissement en temps antagonique avec des emplois non pérennes. La liberté de recherche et l’autonomie des chercheur.e.s sont des conditions sine qua non pour permettre d’avoir un recul dépassionné sur des sujets d’actualité parfois débattus, voire clivants, et faire émerger des thématiques novatrices et motrices sur le plan international.
Introduction
La mandature actuelle du Comité National fait face à une diminution drastique des emplois de la recherche scientifique, concernant tous les corps de métiers : chercheur.e.s, ingénieur.e.s, technicien.ne.s. Déjà mentionnée lors du précédent rapport, cette diminution menace dorénavant directement la structuration de la recherche, et ce à différents niveaux. Sont ainsi menacées les recherches de fond, nécessitant des développements lents et l’acquisition minutieuse de données inédites, sur des terrains parfois lointains ou difficiles d’accès. À travers l’étiolement du recrutement des personnels en appui à la recherche, sont également entravés tant le développement inédit de méthodes de traitement et de bancarisation de données, que le maintien des savoir-faire (le plus souvent reconnus internationalement) développés au sein des plateaux techniques de nos unités. Cette menace fait que des champs thématiques et méthodologiques entiers sont actuellement en péril, faute de pouvoir être revitalisés par de nouveaux recrutements.
Par son positionnement systémique en interface directe entre les sociétés et les milieux qu’elles occupent, la section 31 produit pourtant des connaissances fondamentales permettant de relever les défis majeurs qui attendent la société du xxie siècle notamment l’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique et aux changements environnementaux associés à l’anthropisation, la diminution programmée des ressources, etc.
La recherche développée au sein de la section s’inscrit dans différentes temporalités (les quelques dernières années ou décennies, les temps géologiques remontant jusqu’au Mio-Pliocène). Cette amplitude temporelle permet un décryptage des modalités de l’implantation progressive de l’Homme et l’identification des impacts de l’anthropisation sur la planète. Une recherche de fond sur ces sujets vise à reconstituer et qualifier de façon dépassionnée, ces transformations qui ont abouti à l’effondrement d’un système tout comme celles qui ont donné lieu à des transitions réussies.
I. Périmètre et positionnement général
La section 31 est pilotée par l’INEE (14 UMRs en rattachement principal, 152 chercheur.e.s) en étroite collaboration avec l’InSHS (7 unités en rattachement principal, 70 chercheur.e.s). Quelques unités ont aussi un rattachement secondaire avec l’INSU, 2 chercheur.e.s, et 2 chercheur.e.s sont affectées dans des unités pilotées par l’INSB et l’INSIS. Ce rattachement multiple témoigne d’un ancrage très fort de la section dans les Sciences environnementales et dans les Sciences Humaines et Sociales.
1. Contours disciplinaires
La section 31 est structurée autour de trois grands champs disciplinaires, l’anthropologie biologique, les approches culturalistes (incluant la bioarchéologie : étude des pratiques sociétales liées à l’utilisation des ressources biologiques), et les approches environnementales (paléoenvironnements et géographie physique).
2. Acteurs et démographie
Les chercheur.e.s
La section compte, au 1er septembre 2019, 226 chercheur.e.s, dont 102 femmes et 124 hommes. La répartition des chercheur.e.s dans les grands domaines est la suivante (figure 1) : Anthropologie biologique : 47 (dont 2 paléogénéticiens) ; Approches culturalistes : 136 (Préhistoire et Protohistoire 82 ; Bioarchéologie, 43, Science des matériaux/archéométrie : 11) ; Approches environnementales : 44 (Paléo-environnements : 24 ; Géographie Physique : 21).
Figure 1 : Représentation par champs disciplinaires.
La pyramide des âges n’est pas équilibrée (figure 2) : 54 départs à la retraite sont prévus dans les 10 prochaines années (57 ans et plus). Depuis le rapport de conjoncture de 2009, la section a perdu trois fois plus de chercheur.e.s. que l’ensemble du CNRS (15 personnes au total). Au rythme des recrutements actuels, une érosion drastique des effectifs de la section 31 s’opère alors que le CNRS et son président clament haut et fort leur engagement dans les problématiques sociétales actuelles, notamment les défis environnementaux.
Figure 2 : Profil d’âges.
La section compte 72 % de CR (dont 68 % de CRCN et 4 % de CRHC), et 28 % de DR (dont 19 % de DR2, 7 % de DR1 et 2 % de DRCE).
Figure 3 : Représentation par grade et par genre.
La section 31 compte moins de femmes que d’hommes avec un défaut notable d’accès aux différents grades de DR pour les femmes, malgré les efforts de rééquilibrage depuis plusieurs années (figure 3). Les chiffres masquent des trajectoires individuelles non strictement genrées mais ces disparités, présentes également au CNRS, reflètent des différences structurelles de parcours professionnels encore profondément ancrées dans la société.
Les ingénieurs et les techniciens
L’effectif total est de 195 agents affectés à des laboratoires rattachés en principal à la section 31. Ces agents sont rattachés aux instituts INEE (145) et INSHS (50) (figure 4).
Une caractéristique de la section est le très faible nombre d’IT des BAP B et surtout C. Les effectifs de la BAP A sont nettement inférieurs à ceux des BAP D, J et E, et équivalents à ceux de la BAP F. Les BAP A, B et C représentent seulement 15 % du nombre total d’ITA, 28,8 % si l’on ajoute la BAP E. La forte représentation de la BAP D s’explique par les métiers de l’archéologie et de l’archéométrie, des sciences de l’information géographique et de la « production, traitement et analyse de données ».
39 ITA sont en situation de prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent (57 ans ou plus). Parmi eux, 14 agents de la BAP D (26 % de l’effectif), 12 de la BAP J (30 %), 9 de la BAP F (37,5 %, la plus exposée). Les agents de plus de 46 ans représentent 63 % de la population des IT de la section 31, prémisses d’une érosion préoccupante des effectifs des différentes catégories IT qui constituent des acteurs irremplaçables du bon fonctionnement des laboratoires et plateaux techniques.
Figure 4 : Répartition des IT par BAP et Instituts.
II. Thématiques
A. Anthropologie biologique
L’anthropologie biologique étudie l’histoire évolutive de la lignée humaine (en interaction avec son milieu, à toutes échelles d’espace et de temps). Elle traite des adaptations, des propriétés biologiques et sociales des membres de la lignée (homininés), ce qui peut conduire à prendre en compte certains référentiels non-humains. Son approche est diachronique (du Mio-Pliocène à l’actuel) et traite tant des structures que des processus concernant les individus et les populations dans leurs différentes composantes biologiques, à l’exclusion des sciences des maladies et de l’art de les guérir.
L’anthropologie biologique peut être subdivisée en 5 grandes thématiques :
– l’anthropologie du vivant incluant l’anthropologie médico-légale (13 %) ;
– la paléoanthropologie étudiant l’évolution et l’origine de notre lignée du Mio-Pliocène jusqu’à l’Holocène (32 %) ;
– la bioanthropologie s’intéressant aux dynamiques biodémographiques et aux causes et conséquences des variations des populations pré-protohistoriques et historiques (17 %) ;
– l’archéothanatologie qui recouvre les dimensions culturelles, sociétales et bioanthropologiques (25 %) ;
– la paléogénétique, paléogénomique et la génétique de grands marqueurs populationnels (par exemple, les groupes sanguins), abordant l’évolution d’humanités aujourd’hui fossiles, l’étude des peuplements, les structures de parentés, les causes de la diversité humaine par le prisme du génome (13 %).
La paléoanthropologie est bien visible à l’international mais devrait investir davantage les périodes les plus anciennes de son périmètre et diversifier ses supports d’étude aujourd’hui souvent très spécialisés, essentiellement odontologiques. Des recherches plus généralistes produisant et analysant de larges bases de données sont encouragées. Des perspectives nouvelles s’ouvrent avec le développement de nouveaux outils phylogénétiques permettant d’intégrer les données fossiles aux modélisations fondées sur les référentiels actuels.
L’archéothanatologie sert souvent de modèle à l’international ; depuis l’analyse détaillée de la sépulture à la caractérisation des parentés au sein de l’espace funéraire, des groupes biologiques, des territoires, des trajectoires culturelles et des processus évolutifs. Ses efforts doivent porter une réflexion méthodologique de fond sur la représentativité des échantillons et les biais dans les interprétations nécessitant un élargissement du spectre culturel / chronologique / géographique.
L’anthropologie du vivant est en net déclin. La recherche forensique, bien que répondant à une nécessité sociétale n’est portée par aucun chercheur.e. CNRS.
Si les nombreuses archives produites (données de base) constituent le fondement des raisonnements, leur diffusion et leur accessibilité font également défaut, notamment faute de support dédié. La combinaison des approches classiques et novatrices (géochimie, génomique, imagerie, etc.) s’avère indispensable pour le renouvellement des questionnements. Cependant cette ouverture ne doit pas se faire au détriment des approches qui fondent les questionnements de la discipline.
L’anthropologie biologique se situe à l’interface ou interagit avec plusieurs thématiques d’autres sections telles que la section 32 du CoNRS pour l’archéothanatologie, la 29 pour la paléoanthropologie ou la 21 pour les développements en génomique. Au titre des outils et des plateformes techniques, l’anthropologie biologique a investi les domaines de la géochimie isotopique, des éléments traces, des outils d’imagerie (synchrotron, etc.) et de la génétique. Elle doit désormais aborder le renouvellement lié à l’essor de la métagénomique.
B. Les approches culturalistes
1. Préhistoire et Protohistoire
L’archéologie appliquée au Paléolithique traite de l’Homme dans son environnement passé, témoin et déjà acteur de la transformation des milieux et de la biodiversité. Les études sur cette vaste période portent sur les sociétés et les milieux des populations de chasseurs-cueilleurs-collecteurs, mais aussi sur l’évolution des comportements des homininés sur un temps long ou court. Ainsi, du Paléolithique ancien au Paléolithique final, la chronologie des peuplements, les transitions, les migrations et mobilités, les territoires, les productions matérielles et leur évolution / diffusion, les « marqueurs identitaires », la fonction des outils en matières minérales, dures animales, l’acquisition et l’exploitation différenciée des ressources, les processus de formation des sites, leurs fonctions et fonctionnements, les organisations sociales, les pratiques cynégétiques, symboliques et funéraires, les savoir-faire et la transmission, constituent autant de champs de recherche pertinents pour comprendre ces sociétés passées et proposer des scénarios culturels évolutifs. Si l’Europe constitue un terrain privilégié, la Préhistoire au CNRS compte des terrains dans le monde entier.
Les travaux sur le Mésolithique participent de la dynamique de recherche portée par la Préhistoire ancienne, notamment en ce qui concerne les analyses spatiales des habitats, l’identification des pratiques de mobilité collective ou les techniques, mais avec des interrogations particulières liées aux ensembles funéraires. Se pose aussi la question du mode de participation des sociétés autochtones au processus de néolithisation. La question des dynamiques historiques porte sur différents milieux spécifiques ayant constitué des barrières ou des interfaces (littoraux, montagnes) et à différentes échelles (Europe, Monde).
Pour les sociétés agraires et agro-pastorales et les premières sociétés complexes de l’Holocène, dans l’Ancien et le Nouveau Monde, les recherches s’appliquent à mieux cerner les mécanismes de diffusion des modes de vie néolithiques et à mieux appréhender les processus de persistance des chasseurs-collecteurs et d’émergence des sociétés complexes, des villes et de l’État. Ainsi, sont traitées les questions de la variabilité temporelle et spatiale des fonctionnements, dynamiques et stratégies socio-économiques des différentes communautés et des interactions entre différents courants de néolithisation.
La technologie culturelle, les sciences des matériaux, mais aussi l’anthropologie des techniques, l’ethnoarchéologie et l’ethnohistoire (référentiels actualistes), les pratiques funéraires, la chronométrie, les modélisations spatiales et prédictives, la taphonomie des assemblages, sont mises en œuvre pour examiner l’évolution des systèmes techniques et des structures sociales durant ces périodes. Cette approche concerne les productions artisanales, les pratiques alimentaires, l’utilisation des ressources, les unités de production. Sont aussi étudiés la répartition (âge/genre/lieu) des tâches, les formes de l’habitat, le statut des sites, de même que les mécanismes d’innovation, de diffusion et d’emprunt technique, ou encore la dimension symbolique de ces pratiques. Des référentiels taphonomiques, technologiques, tracéologiques ou géologiques (passés ou actualistes) concernant différents matériaux (os, pierre, argile, métal, etc.), tous types d’artefacts ou matériaux d’usage (ex. : colorants) et différentes aires géographiques sont élaborés. Plusieurs mobilisent de nouveaux outils (bio-géochimie, imagerie RX, spectrométrie, introspection numérique, modélisation). Les UMRs développant ces approches ont un fort rayonnement à l’international, comme la technologie culturelle appliquée à différents matériaux ou la tracéologie.
Les sites archéologiques ou les paléo-paysages sont des objets d’étude complexes qui nécessitent l’interaction de dizaines de disciplines. Les sciences des matériaux permettent de pondérer les contraintes qui pèsent sur les choix techniques, tandis qu’une connaissance approfondie des écosystèmes permet de juger des organisations économiques et de leur degré de résilience. On note ces dernières années le développement d’analyses des crises environnementales et sociales et leur mise en perspective avec l’Actuel. Il émerge également un intérêt nouveau pour le patrimoine immatériel actuel en danger (compétences techniques, savoir-faire traditionnels). Une véritable ambition émerge dans l’essor d’analyses intégrées des structures économiques et culturelles du passé, adossées à des modélisations à large échelle. Par des approches multiscalaires, elles visent notamment à éclairer la géographie des réseaux sociaux, les rythmes des phénomènes culturels, les modes de transmission, de contact, d’emprunt, de résilience et d’hybridation culturelles. Les approches éco-éthologiques et écométriques sont désormais couplées à des paramètres culturels quantifiés, mais aussi à des contextes anthropologiques et environnementaux. Le défi de parvenir à un dialogue interdisciplinaire doit s’accompagner d’un renouvellement épistémologique et conceptuel.
Les méthodes de datation disponibles ou en développement restent essentielles pour maîtriser la variable temporelle des phénomènes étudiés. Par ailleurs, il apparait crucial d’instaurer une relation équilibrée entre archéologie et paléo/génétique-génomique pour répondre à des problématiques fondamentales mais moins médiatiques que celles liées aux questions populationnelles et identitaires.
2. Bioarchéologie
À la croisée des sciences biologiques et archéologiques, la bioarchéologie est un champ de recherche par essence interdisciplinaire, nécessitant des compétences plurielles. Restes végétaux et animaux, sous toutes leurs formes, sont étudiés par des approches variées qui se déclinent selon la spécificité des matériaux d’étude. Les thématiques développées sont tout autant tributaires du matériau d’étude que de la période chronologique considérée.
En ce qui concerne les restes fauniques, les économies de chasse, de pêche et de collecte sont abordées dans leur contexte socio-écologique avec des développements importants sur les techniques d’acquisition et d’exploitation des ressources animales au moyen d’approches actualistes (ethnoarchéologie, archéologie expérimentale). Cette approche anthropologique des techniques, qui rejoint les problématiques relatives aux cultures alimentaires, est une spécificité française qu’il est essentiel de continuer à promouvoir et à développer. C’est notamment le cas des études portant sur les coquillages, crabes et poissons qui, en contexte archéologique, restent largement sous-exploitées en dehors de la communauté des archéozoologues français. L’approche actualiste est au cœur des études taphonomiques qui font surtout l’objet de développements en contexte paléolithique. Les problématiques relatives à l’élevage et à la zootechnie sont de fait circonscrites aux périodes plus récentes ; l’origine de la domestication et sa diffusion ou non selon les contextes géographiques y apparaissent comme des thématiques clés.
Pour ce qui est de l’archéobotanique, la diversité des restes végétaux conservés en contexte archéologique (pollen, semences, bois, charbons de bois, phytolithes, etc.) et leur condition de conservation impliquent le plus souvent une spécialisation des chercheur.e.s même si certains cumulent plusieurs spécialités. Dans le cadre de l’étude des interactions hommes-milieux, l’archéobotanique s’intéresse à la caractérisation et à l’exploitation des ressources végétales, à l’histoire de l’agriculture et de l’alimentation, à la domestication des plantes et à leur diffusion, au commerce, aux usages et aux modalités de mise en gestion des ressources forestières, au combustible, à l’artisanat. Elles sont développées dans tous types de contextes, le plus souvent sur la longue durée et au sein d’unités géographiques cohérentes. Ainsi, les thématiques de l’archéobotanique alimentent directement les problématiques liées aux modalités d’adaptation des sociétés à leur milieu. Elles enrichissent également nos connaissances sur l’impact des changements environnementaux par l’étude de l’évolution des formations végétales, de la paléoécologie forestière, des routes de diffusion de certains taxons ou encore de l’existence de zones refuges.
Par l’étude des pratiques humaines, l’archéozoologie et l’archéobotanique interrogent en interdisciplinarité la complémentarité des ressources alimentaires pour les périodes anciennes (Paléolithique et Mésolithique). Pour les périodes plus récentes, les parallèles entre domestication animale et végétale, la diversité des systèmes sylvo-agro-pastoraux, leur résilience, et les modalités de structuration des paysages qui en résultent sont étudiés, participant ainsi directement au débat actuel de l’agroforesterie face au changement climatique.
C. Géographie physique et paléoenvironnements
La géographie physique s’intéresse à la dynamique spatio-temporelle des processus qui animent les milieux physiques, et leurs interactions avec les sociétés humaines. Elle comprend quatre principaux champs de recherche : la géomorphologie (processus d’érosion, enregistrements morphologiques et sédimentaires des changements climatiques et de l’anthropisation), la biogéographie (dynamiques spatiales de la biosphère), l’hydro-climatologie, les paléoenvironnements. Les fenêtres temporelles explorées sont variées, de l’échelle du Quaternaire à celle de la décennie avec des projections sur le futur (scenarii prospectifs, vers l’horizon 2100).
La reconstitution des dynamiques passées à travers les archives sédimentaires constitue un point fort de la géographie physique, aux applications renouvelées, notamment en géoarchéologie. L’amélioration récente tant des méthodes de prospection géophysique que des méthodes de datation est à l’origine de ce dynamisme. Généralement focalisées sur l’Holocène, les études sont le champ d’interactions scientifiques privilégiées entre le domaine des sciences de la Terre et les SHS. Autour de consortiums structurés et de vastes programmes de recherche, la communauté scientifique française est bien reconnue à l’international. Sur des terrains emblématiques des changements environnementaux passés (le bassin méditerranéen, les grands corridors fluviaux, les zones de montagne), la communauté française a développé une expertise particulièrement reconnue dans l’analyse de marqueurs chronostratigraphiques et biochronologiques permettant de définir les conditions environnementales des sociétés du passé (gestion des ressources, stratégies face aux aléas et risques naturels).
La « morphodynamique actuelle » associe des échelles temporelles multiples variant de l’événement instantané (typiquement l’aléa naturel) à l’évolution séculaire des systèmes. Le recours plus systématique à de la métrologie fine (imagerie drone, Lidar) couplée à des méthodes relevant de la géomatique permettent de produire et synthétiser de riches bases de données quantitatives permettant de comprendre l’évolution des milieux en prise avec les changements climatiques, et/ou les forçages anthropiques. Ces méthodes investissent également des terrains archéologiques.
Un enjeu actuel est de dépasser ces deux échelles de temps dont la modélisation constitue en soi un champ de recherche fécond. Il s’agit notamment de dépasser les reconstitutions diachroniques « discrètes » effectuées à travers de simples clichés statiques pour prendre en compte le temps « continu ». S’ouvrent alors de nombreuses perspectives pour modéliser les équilibres possibles dans le fonctionnement d’un système et comprendre pourquoi un équilibre a été particulièrement atteint et pas un autre. Ces démarches peuvent notamment servir de fondement à une rétro-analyse du fonctionnement dynamique des milieux du passé et à mieux cerner, hiérarchiser, les forces qui ont animé ces systèmes.
II. Forces et faiblesses, analyse SWOT
A. Forces et faiblesses transversales à la section 31
Face à l’ampleur des enjeux (notamment environnementaux) auxquels est confrontée actuellement notre société, une force de la section 31 est de favoriser et soutenir l’interdisciplinarité pour explorer des fronts de recherche, ou encore de stimuler les coopérations inter-institutionnelles. Grâce aux UMRs, associées aux universités, aux DRAC, à l’Inrap et aux collectivités territoriales, elles collaborent également avec des institutions locales et des partenaires socio-économiques. La stabilité liée au statut de fonctionnaire est essentielle dans le cadre des travaux scientifiques couverts par la section 31. En effet, la production de données primaires à travers le travail de terrain (fouille, étude des collections, cartographie fine, métrologie et suivis environnementaux, etc.) comme l’expérimentation sont nécessairement chronophages et reposent sur un temps d’acquisition long, incompatible avec le rythme effréné du « publish or perish ». De même, l’investigation de terrains « sentinelles » des changements environnementaux ou encore d’archives sédimentaires ou mobilières singulières, emblématiques des transitions du passé, nécessite un investissement en temps antagonique avec des emplois non pérennes. La liberté de recherche et l’autonomie des chercheur.e.s sont des conditions sine qua non pour permettre d’avoir un recul dépassionné sur des sujets d’actualité parfois débattus, voire clivants, et faire émerger des thématiques novatrices et motrices sur le plan international.
Au chapitre des principales faiblesses de la recherche conduite dans les UMRs de la section 31, on ne peut manquer de citer celle liée à la complexité grandissante du paysage de l’ESR et des outils pilotés par le monde politique. La place du CNRS et de ses UMRs y est souvent difficile à appréhender. Les grands équipements de recherche sont de leur côté souvent mal connectés aux réalités de la recherche dans les unités, tant institutionnellement que dans l’adéquation des solutions apportées.
La multiplication des appels à projets engendre elle aussi plusieurs effets collatéraux contreproductifs. Le premier est celui du temps consacré à la réponse puis à la gestion des offres, qui empiète directement sur la mise en œuvre concrète de la recherche, et ce pour des taux de réussite extrêmement faibles. En effet, la section 31 est en position d’interface entre Sciences de l’Environnement et SHS, ce qui place la plupart des projets en inadéquation avec les panels d’évaluation (dans le cadre des ERC et des ANR notamment).
Le second est afférent aux thématiques dites « prioritaires » qui conduisent à se focaliser sur une recherche en quête de retour médiatique sensationnel ou d’opérationnalité immédiate au risque de délaisser des problématiques qui seront demain prioritaires. Parallèlement, un manque préjudiciable de financements en interne au CNRS, notamment en SHS, est notable pour des projets à moyen terme à coûts intermédiaires (10 à 15 k€ sur plusieurs années). Ces projets permettraient pourtant une continuité des collaborations et des projets sur le terrain et le développement d’outils légers adaptés à nos disciplines ; en témoigne la baisse du nombre de projets type IEA, IRL, IRN, etc, jusque-là soutenus. Si des solutions ponctuelles existent pour des équipements d’instrumentation et d’imagerie (via les DIM des régions par ex.), leur capacité et leur pérennité sont trop souvent amoindries par la faiblesse du support RH qui leur est associé. Enfin, le manque de personnels en délégation en appui réel au montage de projets sur financements (ANR, ERC, H2021 Europe, etc.) est en profonde contradiction avec l’exhortation de l’ensemble du système de recherche à la quête de financements de ce type.
Du point de vue des moyens humains, financiers et techniques, une menace récurrente est liée au sous-effectif ou à l’absence des personnels pour l’ingénierie, le soutien et le support à la recherche : gestion, administration et informatique en premier lieu ; mais aussi géomatique, analyses 3D, gestion BDs, Web en soutien et développement. Cela affecte en premier chef la fonction de direction d’Unité sur-sollicitée avec une grande hétérogénéité des supports administratifs. Les plateaux techniques sont également menacés : difficultés de maintenance, difficultés à mettre en œuvre les traitements analytiques, mise en péril de savoir-faire technologiques, difficultés à capitaliser les données, faiblesses des recrutements en ingénierie de haut niveau, etc.
B. Forces et faiblesses en anthropologie biologique
1. Positionnement institutionnel
L’anthropologie biologique s’inscrit totalement au sein de la 20e section du CNU ; les champs disciplinaires de l’anthropologie du vivant et de la paléogénétique étant également concernés par les 67e et 68e sections du CNU. Les effectifs des enseignant.e.s-chercheur.e.s en anthropologie biologique à l’Université (dépendant des sections 20 ou 67-68 du CNU) sont bien trop faibles au regard de ce qui existe dans nombre de pays occidentaux, avec 5 professeurs (Poitiers, Toulouse, Aix-Marseille, Bordeaux) et 7 maîtres de conférences (Aix-Marseille, Bordeaux, Poitiers, Paris), la complémentarité du MNHN est insuffisante pour pallier ce déficit (3 professeurs et 9 maîtres de conférences). En conséquence, l’anthropologie biologique se développe majoritairement au CNRS. En section 31, elle regroupe 47 chercheur.e.s (49 % de femmes) répartis sur quatre pôles principaux : Paris (UMR 7194, 7206, 7207, 7041, 7179, 8096), Marseille (UMR 7268), Bordeaux (UMR 5199) et Toulouse (UMR 5288, 5174). Elle est particulièrement bien positionnée dans la communauté internationale, et ce à plusieurs niveaux, ce qui constitue une première force pour les UMRs mais, à l’instar des autres thématiques de la section 31, cette démarche n’est pas toujours suffisamment soutenue.
2. Bilan pluriannuel des recrutements CNRS en termes de thématiques et de méthodes de recherche
L’archéothanatologie est une spécialité où la France reste en pointe. Toutefois, une meilleure formalisation des fondamentaux doit accompagner la mobilisation des outils et des méthodes mis en œuvre. Ayant subi une politique d’orientation préférentielle de ses emplois vers l’archéologie préventive entre 2010 et 2015, un rattrapage récent a été opéré en termes de recrutement au CNRS.
Les anthropologues de la section 31 doivent continuer de s’approprier les nouveaux outils utiles pour l’étude de la diversité génétique des populations humaines actuelles et la paléogénétique / génomique / épigénomique / métagénomique afin d’en maîtriser l’usage et de les adapter aux contextes archéologiques.
Les implications et les activités des paléoanthropologues sur le terrain restent très visibles à l’international. Toutefois un regard sur les phases les plus anciennes de l’histoire de la lignée humaine (Mio-Pliocène) et une diversification des cibles anatomiques (non dentaires) doivent être opérés.
Au cours des 5 dernières années (depuis 2014), 8 chercheur.e.s ont été recrutés ; 3 en paléoanthropologie, 3 en archéothanatologie / bioanthropologie, et 2 en anthropologie du vivant. Ces recrutements permettent de soutenir certains développements méthodologiques, dont les approches de terrain en bio-anthropologie ou l’imagerie appliquée à la paléoanthropologie, tandis que d’autres, dont la paléogénétique mais surtout l’anthropologie forensique, ont été peu favorisés.
L’anthropologie biologique est globalement sous-représentée en France et sa répartition sur le territoire national est déséquilibrée, distribuée en quatre pôles. L’avenir de l’anthropologie biologique est par ailleurs très préoccupant au regard de sa balance démographique déficitaire depuis dix ans. Cette tendance devrait s’aggraver suite au départ supplémentaire de 13 % de son effectif d’ici à 10 ans. De façon plus détaillée, l’anthropologie du vivant ne compte que six chercheur.e.s en poste dont deux partiront à la retraite d’ici 2020. D’un intérêt sociétal renouvelé, cette thématique doit se développer, en particulier dans le domaine forensique qui peine à trouver sa place au CNRS malgré l’existence de trois pôles en France (Paris, Toulouse et Marseille).
C. Forces et faiblesses en archéologie culturaliste
1. Positionnement institutionnel de l’archéologie au CNRS
La section 31 compte 82 chercheur.e.s en archéologie auxquels il faut ajouter 7 spécialistes des datations relevant de la section. Une force majeure de la recherche en archéologie au CNRS réside dans la diversité et la complémentarité des profils et des thématiques qui y sont représentés (technologie lithique : 30 ; technologie céramique : 15 ; structuration de l’habitat : 12 ; « matières dures animales » (technologie et tracéologie) : 7 + 2 IR ; art/symbolisme : 6 ; métallurgie : 5 ; tracéologie (lithique essentiellement) : 5 ; sel : 1 ; modélisation : 1).
De la fouille à l’étude des collections en passant par différentes analyses, l’archéologie articule une démarche culturaliste à des approches généralistes et plus spécialisées. Elle repose donc sur un équilibre vital mais fragile entre tous les champs disciplinaires, via des recrutements réguliers et raisonnés de chercheur.e.s tout autant que d’ingénieurs polyvalents, au risque d’une perte de savoir-faire et d’une diminution de la manne documentaire qui contraindrait, à terme, les spécialistes à dépendre d’organismes extérieurs au CNRS pour leurs objets d’étude.
En France métropolitaine, le développement de l’archéologie préventive depuis les années 1990 a révolutionné les connaissances sur les premières sociétés agro-pastorales. Les apports de ces nouvelles méthodes d’exploration des sites (mécanisation, surfaces de fouilles étendues, gestion de grands corpus de données) ont eu un peu moins d’impact pour les recherches sur la Préhistoire plus ancienne, qui restent principalement dépendantes des recherches dites programmées, sauf pour la mise au jour de sites de plein air. Les UMRs d’archéologie intègrent toutes désormais des personnels de l’INRAP, des collectivités territoriales, du ministère de la culture. La mise en concurrence d’opérateurs privés/publics dans les débats sur les restructurations du paysage de l’archéologie nationale a souligné la nécessité de garantir qualité, éthique, conservation pérenne et restitution vers le public. Les interactions en termes de politique patrimoniale et de programmation de la recherche entre institutions demeurent encore trop souvent superficielles, s’exprimant surtout à des échelles individuelles et/ou de manière hétérogène sur le territoire. Une réflexion sur les liens, partenariats, échanges à tisser entre le CNRS et les différents acteurs devrait aussi être mise en place. L’amorce d’une réflexion commune sur la gestion, la valorisation et l’étude des collections et des archives entre MC, CNRS, INRAP, etc., apparaît en outre essentielle. L’heure est bien à la co-construction de synergies dès la phase de terrain, ce qui nécessite l’établissement de modes d’échanges plus formalisés pour résister intelligemment aux lois actuelles sur la concurrence.
Si la recherche française doit « tenir son rang » dans les problématiques largement internationalisées, il est également impératif que les spécificités historiques de la recherche nationale soient soutenues. En regard de la suractivité de l’archéologie préventive, en particulier pour les périodes récentes, le peu de chercheur.e.s en poste au CNRS sur ces périodes devient préoccupant. Il convient aussi de développer l’étude globale des sites préhistoriques, en favorisant les monographies de sites à l’issue de toute opération de terrain. Il s’agit d’un enjeu de politique scientifique, patrimoniale et éditoriale majeur qui mériterait d’être mieux soutenu dans l’avenir.
Les fouilles programmées restent primordiales, d’abord pour l’archéologie à l’étranger, pour l’acquisition de données primaires et la possibilité de tester les modèles, éprouver les données et les développements méthodologiques. Ce sont aussi à la fois des lieux irremplaçables de formation et de transmission des connaissances, et des creusets interdisciplinaires permettant l’élaboration d’approches modélisatrices innovantes dans des contextes maîtrisés. Soutiens financiers spécifiques et recrutements d’archéologues en capacité de mener ces travaux interdisciplinaires de grande envergure doivent être reconnus comme indispensables et effectivement mis en œuvre. De grandes disparités de financement liées aux politiques régionales s’accordent mal avec une programmation de la recherche archéologique à ambition nationale. La question est similaire à l’échelle internationale et l’appui du CNRS est tout à fait indispensable dans le cadre d’une synergie largement perfectible avec le MEAE.
L’ensemble des chercheurs de la section a été questionné sur son implication archéologique sur des terrains à l’étranger (fouille, enseignement/formation, expertise, activité muséale ou exposition). Sur l’ensemble des personnes interrogées, 66,8 % ont répondu à l’enquête, 21,8 % indiquant n’avoir aucune implication (direction/co-direction/participation) à une action archéologique à l’étranger.
Deux-cent-trois programmes archéologiques concernent 91 chercheur.e.s (74,3 % dans plusieurs programmes). La parité est presque respectée puisque les programmes sont portés à 52,2 % par des femmes. Le taux de participation est de 58,1 % (dont 53,4 % de femme), celui de co-direction, de 27,6 % (dont 58,6 % de femme), et de direction 14,3 % (dont 46,4 % de femme). Le rôle des femmes est majoritaire pour la participation et la co-direction, et minoritaire pour la direction.
À noter que 15,8 % des actions archéologiques à l’étranger ne porte pas directement sur le terrain mais qu’en revanche l’expertise concerne 91,6 % des programmes, l’enseignement ou la formation 25,2 %, l’action muséale ou les expositions 7,4 % et, seulement 4 % recouvre l’ensemble des quatre types d’action.
Les thématiques abordées très variées concernant l’archéologie ont été regroupées suivant les catégories définissant la section : anthropologie (16,8 %) ; géo-archéologie/géochronologie (19,3 %) ; bio-archéologie (22,3 %) ; archéologie culturelle (41,6 %).
La répartition géographique (figure 5) des projets portés par les chercheur.e.s de la section 31 montre un large spectre avec deux pics : le pourtour méditerranéen et le Moyen-Orient, un déficit très net pour l’Afrique centrale ou occidentale et une absence totale en Australie. En ce qui concerne l’éventail chronologique le Paléolithique et le Néolithique, qui constituent la spécificité de la section, sont les plus représentés. Un déficit important apparaît pour le Mésolithique et l’Âge du Bronze. La participation non négligeable pour les périodes historiques est principalement liée à l’archéologie américaine.
Figure 5 : L’archéologie à l’étranger.
Enfin, il convient de noter que 27 membres de la section 31 dirigent une des 159 missions soutenues par la commission des fouilles archéologiques du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et que, 8 dispositifs du CNRS contribuent au soutien de l’archéologie à l’étranger : 3 LIA, 3 GDRI, 1 PRC et 1 PICS (essentiellement sur l’Europe et le Paléolithique).
2. Bilan pluriannuel des recrutements CNRS en termes de thématiques et de méthodes de recherche
Au cours des cinq dernières années, la section 31 a recruté 11 chercheur.e.s dont 5 spécialistes du Paléolithique (Pal. Inf., 1 ; Pal. Moyen, 3 ; Pal. Sup, 1), 2 mésolithiciens et 4 néolithiciens. Il s’agit de 2 tracéologues, 3 spécialistes de la céramique, 5 technologues (4 « industries lithiques » 1 « matières dures animales » et 1 « colorants »).
3. Thématiques émergentes ou déclinantes, à développer ou à soutenir
À l’échelle européenne, le Paléolithique moyen et la transition avec le Paléolithique supérieur et le Tardiglaciaire sont des périodes qui ont bénéficié de recrutements ces quinze dernières années. Il est important de maintenir cette dynamique qui a permis la création de collectifs de recherche solides, et de l’étendre à d’autres segments chronologiques (ex : Paléolithique supérieur moyen et DMG, Mésolithique) pour lesquelles de tels collectifs ne sont pas encore solidement établis. Les recherches sur l’art pariétal et mobilier et plus généralement sur les expressions symboliques, historiquement l’un des fers de lance de la Préhistoire française, souffrent d’un renouvellement insuffisant.
L’adaptation des groupes humains aux contextes environnementaux (ex : gestion des ressources du milieu en eau, sols, ressources minérales, animales, ligneuses) ; les rythmes et étapes des processus évolutifs (ex : asynchronie des innovations techniques selon le mobilier étudié) ; le positionnement cognitif de l’homme dans son milieu ; les transitions, les transmissions et les interactions entre groupes frontaliers ; la géographie culturelle des territoires et les migrations humaines (modélisations paléoclimatiques/ culturelles) ou encore la construction/déconstruction du savoir en archéologie préhistorique sont des thématiques en développement qui mobilisent des approches interdisciplinaires, empruntant aux sciences des matériaux (géochimie, géophysique, etc.), aux sciences sociales (anthropologie sociale, sociologie, etc.) ou encore à l’imagerie 3D et au SIG.
Concernant la Protohistoire des sociétés agro-pastorales de l’Ancien Monde et les processus culturels holocènes complexes dans les Amériques ont émergé des études sur les mobilités et les processus de peuplement, les dynamiques d’occupation des sols, l’archéologie des estrans, la fonction des sites, l’architecture et les matériaux de construction ou l’étude des matériaux en profitant de développement en imagerie 3D à haute résolution/multi-échelle, spectroscopie, biogéochimie, tracéologie, taphonomie, et modélisation/simulation. Si la technologie culturelle doit être soutenue à son rang international, un soutien particulier doit porter sur les approches, ethnoarchéologiques (référentiel actualiste), archéo-métallurgiques, la tracéologie, l’archéologie des estrans et des montagnes. Le Mésolithique et les Âges des Métaux restent des domaines en sous effectifs alarmants. Ces périodes clés pour comprendre les premières sociétés urbaines ou les phénomènes de complexité sociale, connaissent par ailleurs un déclin dans la recherche universitaire sur l’ensemble de leurs terrains européens ou extra-européens (surtout les âges des métaux). Comme déjà pointé lors du dernier rapport, les archéologies andine, amazonienne océanienne, africaine, proche et moyenne orientales ont été fragilisées par le non remplacement de départs à la retraite sans que d’autres organismes de recherche ne prennent le relais. Dans de nombreuses régions du monde, la présence française se maintient grâce à des expertises très spécifiques et quelques culturalistes généralistes. Plus généralement, on ne peut que s’inquiéter du désengagement progressif du MEAE concernant les missions archéologiques françaises.
Le CNRS doit appuyer les nouveaux développements méthodologiques autour des analyses des chaînes opératoires lithiques, osseuses ou céramiques, que ce soit en amont par les approches structurales des matériaux ou en aval par les analyses fonctionnelles. Si les démarches modélisatrices (scénarios culturels et modèles prédictifs) sont bien en phase d’expansion en archéologie, le CNRS doit soutenir le développement de bases de données à large échelle et leur modalité de diffusion et d’interopérabilité, tout comme il doit assurer le développement et la promotion d’outils statistiques pour des modélisations mieux contrôlées par les données de l’archéologie.
L’interdisciplinarité reste un enjeu majeur des recherches menées au CNRS, mais elle peut handicaper le profil des jeunes chercheur.e.s par effet dispersif. Le découpage chronologique fait sens pour certaines disciplines mais peut rendre difficile le positionnement de travaux qui s’appuient sur des méthodes empruntées aux sciences expérimentales ou physiques, appliqués aux périodes antiques ou historiques, et qui trouvent difficilement leur place en section 32 et sont hors-champs chronologiques dans la section 31.
D. Bio-archéologie
La bio-archéologie, bien qu’appartenant au champ des études culturalistes, fait ici l’objet d’un développement spécifique afin de montrer, aussi finement que possible, la répartition des forces au sein de la section.
1. Positionnement institutionnel
La section 31 comprend 37 chercheur.e.s paléontologues/archéozoologues dont le champ chronologique s’étend du Plio-Pléistocène aux périodes historiques : Plio-Pléistocène (3), Paléolithique inférieur/moyen (10), Paléolithique supérieur (7), Mésolithique (2), Néolithique (7), Protohistoire (1), Périodes préhispaniques (2), Antiquité (1), Moyen Âge (1). Les objets d’étude sont principalement les restes de grands mammifères (24 dont 2 spécialistes des carnivores et 1 de la mésofaune), viennent ensuite la microfaune (3), l’ichtyofaune (2), l’avifaune (2) et la malacofaune (1 + 2 autres chercheur.e.s tournés vers des questionnements d’ordre paléoenvironnemental non décomptés dans les 36). La plupart des chercheur.e.s sont généralistes mais la section comprend aussi des spécialistes en cémentochronologie (2), en biogéochimie isotopique (3), en morphométrie géométrique (2) et en datation (1). Deux chercheuses sont spécialistes de l’ADN ancien sur restes animaux (et humains).
Au CNRS, la section 31 constitue un des piliers de la communauté des paléontologues et le socle des archéozoologues (4 archéozoologues en section 32, spécialistes des périodes protohistoriques et historiques). Les études sur l’ADN ancien sont à l’interface des sections 31 et 29 (1 chercheur spécialiste de l’ADN ancien) tandis que la CID 52 recrute plutôt des profils de paléoenvironnementalistes. La géochimie isotopique est présente dans la section 18 (1 chercheur). Dans le paysage national, le CNRS est le principal point d’ancrage de la discipline qui compte aussi 16 enseignant.e.s-chercheur.e.s dont la majeure partie est rattachée au MNHN, 19 agent.e.s de l’INRAP, 4 agent.e.s de services archéologiques territoriaux et 1 conservatrice.
Seul.e.s 11 chercheur.e.s en archéobotanique malgré 2 nouveaux recrutements en 2015 et 2017 sont présents en section 31 soit 1(+ 1 IE) dendrochronologues, 1 xylologue, 3 (+ 1 IR) carpologues, 6) dont 1 spécialiste en phytolithes et 2 départs à la retraite d’ici 2024) anthracologues, et 5 ITA (AI et IE) en appui à la recherche. Si l’anthracologie reste mal représentée, la situation de la carpologie et de la dendro-archéologie sont alarmantes, en particulier pour le début de l’Holocène. Les forces sont réparties dans 5 UMRs (AASPE, CEPAM, Chrono-Environnement, CReAAH, ISEM). Les champs géographiques les mieux couverts sont l’Europe de l’Ouest, le pourtour méditerranéen, le Moyen Orient, le Nord-Est de l’Afrique. Le continent américain se réduit à un poste de MC pour l’Amérique centrale. Les périodes chronologiques vont de la fin du Pléistocène à nos jours. Deux anthracologues et un carpologue ont été recrutés en section 32. Malgré des effectifs faibles, le CNRS reste le principal pourvoyeur de spécialistes puisque seuls 8 postes d’enseignants (2 Professeurs et 3 Maitres de Conférences, universitaires et MNHN) viennent compléter le cortège. Une quinzaine d’agents est répartie entre l’INRAP, les collectivités territoriales, les opérateurs privés et les autoentrepreneurs.
Les recherches en bioarchéologie impliquent le plus souvent des études sur le temps long et couvrent de fait des périodes qui relèvent des sections 31, 32 et 33. Dans les faits, la bioarchéologie relève du périmètre de la 31. Dans la pratique, la section 32 opère également de rares recrutements ciblés de bioarchéologues. Le flou de cette situation nuit aux bioarchéologues des périodes postérieures à la protohistoire qui trouvent plus difficilement leur place dans une section.
La communauté française des bioarchéologues est l’une des plus importantes sur le plan international. Fortement impliquée dans les structures et réseaux internationaux, elle contribue également largement à la formation à la recherche. Le GDR BioArcheoDat constitue une trame structurante pour les périodes récentes du Paléolithique jusqu’aux périodes historiques mais gagnerait à être élargi à l’ensemble de la communauté afin de décloisonner les pratiques et dégager des perspectives de recherche sur le temps long.
Les référentiels de comparaison sont au cœur de la pratique bioarchéologique et tous les laboratoires de recherche disposent de « thèques » en lien avec les matériaux étudiés. Un soutien administratif et juridique pour le statut des collections (propriétés, usages, conservation, pérennité) devient indispensable du fait du nombre toujours plus faible de personnels en appui à la recherche permettant de les gérer. Les premières phases d’analyse du matériel, ainsi que le tri, nécessiteraient également du personnel technique dédié. Depuis 2011, la création de l’UMS BBEES permet un soutien technique et scientifique aux chercheur.e.s de l’INEE souhaitant structurer, pérenniser ou mutualiser leur travail autour des bases de données de recherche sur la Biodiversité naturelle et culturelle, actuelle et passée. Cet effort devrait servir de modèle et, face à la nécessité de mettre en œuvre des traitements de données de plus en plus complexes, il faudrait l’étendre aux biostatistiques ou encore ériger un service de coordination nationale des référentiels actualistes accessibles à tous via des plates-formes open-source.
Seul un contexte de recherche ancrée au sein d’une institution telle que le CNRS, dont la force est de permettre une recherche à la fois fondamentale, interdisciplinaire et au plus proche du terrain, permettra à la bioarchéologie de développer, sans déconnection avec l’anatomie comparée, de nouvelles approches (géochimie, génétique, morphométrie) et être compétitive face aux appels d’offres nationaux et internationaux.
2. Bilan pluriannuel des recrutements CNRS
Ces 5 dernières années, 6 paléontologues/archéozoologues ont été recrutés au CNRS : 5 en section 31 (1 spécialiste en morphométrie sur l’Holocène, 3 spécialistes de la grande faune aux profils complémentaires, 1 spécialiste des micromammifères) et 1 spécialiste des micromammifères en CID 52. En archéobotanique, deux nouveaux recrutements viennent renforcer la discipline, l’un en carpologie-anthracologie spécialisé sur le Moyen-Orient et le Nord-Est de l’Afrique et l’autre en anthracologie sur la transition Pléistocène/Holocène. À cela s’ajoute le recrutement d’un carpologue des périodes historiques en section 32 (2019).
3. Enjeux de l’évolution démographique
L’étude des restes fauniques ou végétaux des périodes récentes (Protohistoire et périodes historiques) est peu représentée dans la section 31 et n’est nullement compensée par les chercheur.e.s de la section 32. Dans le paysage national de la recherche, ce sont les structures d’archéologie préventive (INRAP, Collectivités territoriales) qui emploient le plus souvent ces profils de recherche. Pour le Néolithique, à très brève échéance, la réduction drastique d’archéozoologues et d’archéobotanistes dont les compétences premières reposent sur l’anatomie comparée est très inquiétante. La perte de ces connaissances fondamentales est d’autant plus alarmante que le vivier de jeunes chercheur.e.s est très limité au regard des thèses soutenues depuis 2014. D’autres champs disciplinaires comme l’ichtyologie et l’étude des invertébrés marins sont en péril et d’autres restent inexistants. Si les recrutements récents ont permis de renforcer l’archéozoologie pour le Paléolithique, le Mésolithique doit faire l’objet d’une attention particulière puisque, d’ici 5 ans, il ne restera plus qu’un seul chercheur au CNRS. Les nouvelles approches développées en archéobotanique nécessitent des compétences particulières et induisent de ce fait l’arrivée de nouveaux profils de chercheur.e.s, parfois complètement déconnectés du terrain et du matériel d’étude. Dans le même temps, une perte de compétences alarmante concerne l’archéopalynologie et la carpologie (notamment pour l’Holocène).
4. Thématiques émergentes
En archéozoologie, la reconstitution des biocénoses et leur évolution au fil du temps en lien avec les changements climatiques et l’emprise progressive des humains sur leur milieu a vu un regain d’intérêt ces dernières années avec, pour le Pléistocène et les débuts de l’Holocène, un renouveau méthodologique visant à croiser différents proxies (géochimie isotopique, micro-usures dentaires, morphométrie géométrique, cémentochronologie) afin de mieux cerner la paléoécologie des populations animales fossiles. L’histoire évolutive des espèces animales est abordée via la morphométrie classique et géométrique. Le développement de ces outils n’est que complémentaire de l’anatomie comparée dont la connaissance se perd. Parallèlement au développement de méthodes de pointe (sclérochronologie / cémentochronologie morphométrie géométrique, géochimie isotopique, imagerie 2D et 3D via microscope confocal notamment, méthode shotgun pour l’étude de l’ADN ancien, biostatistiques), de nouvelles thématiques s’étendent : écologie historique, biogéographie et paléoéthologie des espèces animales, modalités de contrôle des populations animales sauvages avant le Néolithique, modélisation des systèmes et de scénarios régionaux, caractérisation biomoléculaire de l’évolution des taxons, ontologie des populations passées par le prisme de leur relation au monde animal et végétal.
L’étude des restes végétaux repose sur une démarche actualiste (collection de référence, ethnologie) et expérimentale (création de référentiels) mais emprunte également à la géochimie isotopique, la morphométrie géométrique, l’ADN ancien, l’intégration de l’écologie fonctionnelle. Ces dernières années voient l’apparition d’approches pluri-méthodologiques (morphométrie/isotopes, dendro-anthracologie/isotopes) avec des problématiques variées (climat, pratiques agraires et sylvicoles) ou encore le développement de la chimie organique pour identifier les substances végétales.
E. Géographie physique et environnementale, paléo-environnements
1. Positionnement institutionnel
Les chercheur.e.s actuellement en poste au CNRS travaillant sur les domaines de la géographie physique, des paléo-environnements, sont au nombre de 31 et affectés à 13 UMRs distinctes. Deux unités accueillent à elles seules 1/3 de ces chercheur.e.s à Paris et à Chambéry. L’accrétion autour de ces unités a renforcé la reconnaissance de compétences à l’international sur les reconstitutions paléo-environnementales ou encore sur les milieux sentinelles des changements climatiques (haute latitude et haute altitude).
Les autres chercheur.e.s sont homogènement répartis entre plusieurs sites scientifiques : Toulouse, Lyon, Clermont-Ferrand, Besançon, Nice, Aix-Marseille, Nantes et Brest où, souvent peu nombreux à relever de la section 31, ils peuvent coopérer avec des chercheur.e.s d’autres sections : section 39 principalement, mais également sections 30, 32 et 18. Ces associations favorisent des démarches interdisciplinaires selon trois principales modalités : (1) une collaboration fructueuse avec des écologues dans l’étude des interactions entre la biosphère et le cycle hydro-sédimentaire ; (2) un investissement dans les études paléo-environnementales et notamment géo-archéologiques avec des chronoécologues et des géochimistes ; (3) une collaboration pour l’étude, voire la modélisation, des socio-écosystèmes avec des spécialistes de Sciences Humaines et Sociales.
La communauté des géographes physiciens est très ouverte sur l’université. Les chercheur.e.s CNRS sont en effet directement associés à des enseignant.e.s-chercheur.e.s dans leurs unités dans un équilibre vertueux, mais précaire lié à la pénurie de renouvellement des postes. La spécificité des chercheur.e.s CNRS réside tout d’abord dans l’investigation scientifique de terrains lointains, avec des missions de longue durée, incompatibles avec un calendrier universitaire. Beaucoup de ces terrains se situent en position de sentinelle des changements globaux : Mondes polaires et subpolaires, Himalaya, Cône sud-américain, Proche-Orient et mondes méditerranéens, par exemple. Une autre spécificité des chercheur.e.s est la réalisation de suivis temporels fins et systématiques de processus biophysiques sur un temps pluriannuel, nécessairement chronophages : suivi de l’érosion en domaine fluviatile ou littoral, par exemple.
2. Bilan pluriannuel des recrutements
Depuis 2014, soit sur les 5 dernières années, 8 chargé.e.s de recherche ont été recruté.e.s (2 hommes et 6 femmes). Trois d’entre eux travaillent sur des temporalités longues (Pléistocène, Holocène) et développent des analyses multi-proxies, interdisciplinaires, permettant de cerner au plus fin les modalités du déroulement de transitions environnementales passées. Deux travaillent sur des temporalités courtes (de quelques décennies à l’Actuel) en développant des approches métrologiques sur des espaces sensibles fortement exposés aux changements climatiques ou aux activités anthropiques. Ces recrutements ne compensent pas les départs en retraite ni les manques déjà identifiés dans le précédent rapport. Parmi ces manques on relèvera l’étude des milieux karstiques, indispensable à la compréhension des modalités de fréquentation des abris et karsts par les communautés animales ou humaines : elle constitue de fait un enjeu paléoenvironnental fort, transversal au sein de la section 31.
3.Thématiques émergentes
Parmi les thématiques actuellement émergentes, ressort le développement de méthodes d’investigations pour une lecture affinée des archives sédimentaires, en vue d’une hiérarchisation des processus qui animent les changements environnementaux. Des indicateurs toujours plus spécifiques sont en cours de développement pour une lecture à haute résolution temporelle de l’évolution des milieux. Des perspectives émergent ainsi sur la reconstitution de la paléo-biodiversité à diverses échelles spatiales, ou encore du paléo-pergélisol. Aux côtés des études portant sur le rôle des facteurs climatiques et anthropiques dans le forçage des systèmes environnementaux, une part croissante des études porte sur la mise en évidence d’une auto-organisation de ces systèmes complexes. Il s’agit alors d’identifier des effets de seuil, des points de bascule, caractéristiques d’une non-linéarité des réponses des systèmes étudiés. La part croissante de travaux à large échelle permet également d’englober des contextes locaux différents et de monter en généralité dans le décryptage des transitions et évolutions du passé.
Aux échelles de temps plus fines, la modélisation de la trajectoire évolutive des socio-écosystèmes prend une nouvelle ampleur. Cette modélisation numérique (géomatique, statistique, simulations multi-agents), nourrie des données de terrain, peut avoir plusieurs objectifs. Le premier est de formaliser le fonctionnement de systèmes complexes. Le second est de tester des hypothèses quant aux processus ayant pu animer les socio-écosystèmes, ce travail peut être mené aussi bien en vue d’une rétro-analyse des fonctionnements passés que dans l’élaboration d’une démarche prospective. La démarche peut alors servir d’aide à la décision dans une logique d’adaptation.
D’une façon générale, le recours toujours plus fréquent aux outils numériques permet dorénavant une approche géographique (territorialisée) des interactions milieux-société et ce à des échelles spatiales fines. En effet, grâce aux outils de la télédétection, de la modélisation, couplés à des mesures in-situ, des perspectives s’ouvrent pour enrichir les modèles climatiques et les proxies globaux par des méthodes d’analyse spatiale. Il est alors possible de produire des données affinées, adaptées au contexte spécifique de territoires ciblés, voire de sites.
Sur un plan davantage conceptuel, la communauté cherche à dépasser la lecture des évolutions environnementales à travers le seul diptyque Homme/Milieu. De façon concrète, il ne s’agit plus de considérer les activités humaines comme un forçage extérieur au système étudié. Il s’agit davantage de les prendre en considération comme un agent à part entière pouvant, par le jeu d’interactions complexes variables dans le temps et dans l’espace, être aussi bien un moteur d’évolution (voire de dégradation) environnementale qu’un gage d’homéostasie.
III. Organisation et pratiques de la recherche
Le développement des projets de recherche à durée de vie courte (de type ANR, DIM, Labex) autorise le financement de programmes pluridisciplinaires à forte valeur ajoutée en matière de coopérations intersectorielles et, plus généralement, d’acquisition et de partage d’équipements scientifiques mi-lourds, notamment pour les SHS. Cependant, se posent les questions du temps consacré au montage et à la gestion de ces projets, du taux de réussite extrêmement faible du fait de l’inadéquation entre les champs des panels d’évaluation et notre interdisciplinarité intrinsèque. Il existe un décalage entre des « offres à rendu immédiat » et le temps long nécessaire à la mise en commun des objets et pratiques de recherche nécessaire dans nos thématiques. La garantie de moyens constants (financiers et en personnels) est entachée par la baisse continue des crédits récurrents des UMRs et de leurs tutelles.
La mise en place de financements complémentaires de petits projets « blancs » (< 15.000 euros) est davantage adaptée à nos disciplines et peut offrir des possibilités nouvelles d’innovation et de planification de la recherche.
Le CNRS doit poursuivre son soutien à la création de plateformes d’ingénieries dédiées à la recherche. Celles-ci, doivent devenir plus autonomes (recrutements, budgets, formations) et être examinées par le Comité national. Des pôles techniques forts, centralisant diverses compétences (Radiocarbone, ADN, isotopes, statistique, modélisation, etc.) permettraient d’éviter une division des moyens et de favoriser les échanges bilatéraux de compétences. Elles ne doivent toutefois pas remplacer ni se substituer aux pôles techniques de proximité dans les laboratoires. La surenchère compétitive internationale conduit à une production scientifique à obsolescence programmée qui peut poser des problèmes éthiques dans notre pratique de la recherche, si, pour obtenir des financements, il nous faut sans cesse rechercher le sensationnel. Quelle place alors pour une recherche moins sensationnaliste, mais tout aussi fondamentale ?
Un soutien du chercheur dans son effort de production de données primaires et de transfert (aides à la traduction, à la communication, etc.) est ainsi indispensable pour garantir leur non-caducité. Il s’agit de maintenir ainsi une recherche de fond à laquelle on doit donner le plus large écho car elle offre un socle pérenne et robuste à toute approche plus théorique qui ne peut venir qu’en seconde intention. Ces données sont naturellement valorisées dans les revues françaises puisqu’en lien direct avec la communauté scientifique concernée en premier lieu. Il est donc essentiel de soutenir les organes de publication existants en les labélisant.
Il est important qu’un soutien accru soit apporté au développement de la « science ouverte » (open access). Si ce projet de « science ouverte » est très souhaitable, il doit être conçu sans mettre en péril l’activité de certains modèles éditoriaux expérimentés qui ne vivent que sur la base des abonnements (associations, sociétés savantes).
Conclusion
Par cette contribution au rapport de conjoncture, nous nous alarmons d’un affaiblissement de la recherche publique garante du bien commun. Attachés à l’établissement pluraliste qu’est le CNRS, nous constatons que les pertes en termes d’emplois scientifiques pérennes (chercheur.e.s, ingénieur.e.s et technicien.ne.s) mettent en péril notre aptitude collective à mener des recherches scientifiques de fond, indépendantes et affranchies d’une quête de sensationnel. Dans les domaines couverts par la section 31, qui permettent de bien comprendre les modalités de l’implantation progressive de l’Homme et la part des transformations de la planète qui lui revient, il est particulièrement urgent d’inverser cette tendance et de permettre au CNRS de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux, comme le demande la société contemporaine.