Rapport de conjoncture 2019

Section 11 Systèmes et matériaux supra et macromoléculaires : élaboration, propriétés, fonctions

Composition de la Section

Véronique Schmitt (présidente de Section) ; Elise Deniau (secrétaire scientifique) ; Christophe Boisson ; Fouzia Boulmedais-Tounsi ; Laurent Chazeau ; Fabrice Cousin ; Guylaine Ducouret ; Alain Durand ; Eliane Espuche ; Guillaume Fleith ; Simon Harrisson ; Pascal Hebraud ; Emmanuèle Helfer-Cozic ; Laurent Heux ; Daniela Legros ; Anthony Maggs ; Pascal Martin ; Hélène Montes ; Alain Rivet ; Daniel Taton ; Guillaume Tresset.

Résumé

La section 11 rassemble une large communauté de chimistes des polymères, de physico-chimistes, de spécialistes des matériaux et de physiciens de la matière molle et des systèmes biologiques, ayant comme approche commune de comprendre, concevoir et développer des assemblages multi-échelles aux propriétés et fonctions originales à partir de la connaissance des interactions entre briques élémentaires (macromolécules, colloïdes, cellules…). La section 11 correspond à une communauté pluridisciplinaire par essence qui oeuvre au développement et à la compréhension de systèmes ou matériaux communs, ce qui confère une grande cohérence et complémentarité à ses acteurs. Pour construire les assemblages, la connaissance des interactions et de la dynamique des systèmes étudiés est de toute première importance. Certains de ces systèmes présentent de fortes hétérogénéités spatiales ou temporelles, et les échelles de temps et de longueur qui les caractérisent sont très variables ce qui implique le développement de dispositifs expérimentaux adaptés. Depuis sa création, les activités de la section sont également positionnées à l’interface des sciences fondamentales et appliquées. En conséquence, il existe de fortes interactions avec le monde industriel. Le présent rapport comporte cinq parties consacrées aux grandes thématiques de la section et deux plus transverses dédiées aux approches théoriques et numériques et aux grands instruments. La première partie aborde les avancées et les perspectives de la « chimie macromoléculaire ». Les principales évolutions concernent l’accroissement du contrôle des architectures, des réactions et l’extension à des monomères dits difficiles, grâce au développement de nouvelles méthodes de synthèse et de procédés de polymérisation. Le respect de l’environnement et plus généralement tout le cycle de vie y est une préoccupation centrale et une source de renouveau. La « physico-chimie de la matière molle », qui fait l’objet de la deuxième partie, est l’étude de l’assemblage de briques élémentaires, identiques ou différentes. Les systèmes étudiés se complexifient avec la recherche d’un plus grand contrôle de leur (auto-)assemblage. Ainsi, il est essentiel de comprendre l’aspect dynamique de ces systèmes afin de contrôler les réponses à différents stimuli. Une des voies émergentes est de guider l’auto-assemblage des briques élémentaires. Les états métastables, si les chemins de formulation sont bien maîtrisés, sont également à l’origine de nouvelles formes d’organisation de la matière. La troisième partie concerne les « matériaux » et leur grande diversité de structure, de propriétés et d’usage. Elle est organisée autour des enjeux sociétaux. La structuration des matériaux à partir de briques issues du pétrole ou bio-sourcées, qui peuvent avoir des spécificités très différentes, a considérablement évolué et a bénéficié de techniques nouvelles de structuration à différentes échelles se nourrisant des progrès de la chimie macromoléculaire et supramoléculaire et de la physique de la matière molle. Dans tous les cas, le lien entre la brique élémentaire, le procédé d’élaboration, l’architecture complexe des matériaux obtenus et les propriétés visées restent des problématiques fondamentales de la section. La question de la recyclabilité de tous les matériaux se pose avec une importance grandissante et des solutions variées ciblant la brique ou l’assemblage sont étudiées. La quatrième partie est dédiée à la « physique de la matière molle » qui se focalise sur la structure et la dynamique des assemblages ainsi que sur leur réponse à des champs extérieurs. Il s’agit, par exemple, de décrire les comportements de fluides complexes lorsqu’ils sont soumis à des sollicitations mécaniques extérieures faibles ou fortes ou de déterminer le comportement de ces systèmes lors de processus variés, souvent d’importance industrielle, tels que le mouillage, l’écoulement en milieu confiné ou le séchage. La spécificité des approches développées réside dans le souci de prendre en compte précisément les caractéristiques physico-chimiques des systèmes étudiés plutôt que de rechercher des classes d’universalité. La cinquième partie résume les fortes évolutions de l’« interface physique – biologie ». Les systèmes reconstitués ou biomimétiques ont considérablement progressé pour mieux tenir compte de la complexité des systèmes biologiques en associant membranes lipidiques, biopolymères du cytosquelette, moteurs moléculaires et diverses protéines pour mieux mimer les architectures cellulaires et leur activité (formation, rupture…). À moyen terme, il devient envisageable d’élaborer des proto-cellules échangeant de la matière et de l’énergie avec l’environnement. L’étude des propriétés mécaniques hors équilibre et de la mécanosensibilité de ces assemblages reconstitués et de systèmes vivants s’est développée en collaboration de plus en plus étroite et réciproque avec les biologistes. Ces systèmes servent également d’inspiration pour développer une physique de la « matière active », un champ en plein essor. Cette complexité croissante dans tous les champs thématiques de la section se retrouve évidemment dans le développement de « la théorie et la simulation pour la matière molle » abordée dans la première partie transverse. En effet, la théorie et les simulations numériques tiennent compte à la fois de la complexité structurale, morphologique et de la dynamique des systèmes en incluant des échanges d’énergie qu’il s’agisse de systèmes polymères ou biologiques. Ces développements théoriques se font en forte interaction avec les expérimentateurs et avec les concepteurs de matériaux. En plus de ces méthodes théoriques et numériques, il incombera aux théoriciens, bien au-delà du périmètre de la section, de développer et de faire connaître des méthodes transverses comme le « machine learning » ou de gestion du nombre croissant de données expérimentales et de traitement d’images ou «  big data ». La seconde partie transverse fait le point sur l’état actuel des très grandes infrastructures de recherche liées à la diffusion du rayonnement (principalement les synchrotrons et les centres de diffusion neutronique) en relevant les points d’inquiétude et les améliorations à venir. Pour finir, dans ce contexte de forte dynamique scientifique et de grande compétition internationale, la section réaffirme ses inquiétudes quant à la diminution du nombre de postes de chercheurs permanents.

Introduction

La section 11 du comité national est dédiée à la conception, l’élaboration et l’étude de systèmes et de matériaux à partir de briques élémentaires issues de la matière molle. La section est pluridisciplinaire par ses façons d’aborder, de créer et de caractériser ces systèmes. En effet, les regards des physiciens, des chimistes, des physico-chimistes et des biologistes sont complémentaires et s’enrichissent mutuellement. De même, le travail expérimental ainsi que le développement de la théorie et de la simulation ne peuvent être dissociés et contribuent de façon constructive au déploiement des thèmes de la section. La section se positionne également à l’interface entre ce qui est communément appelé la science fondamentale et la science appliquée. Celles-ci sont si intimement imbriquées au sein de la section qu’elles deviennent indiscernables, les applications alimentant l’émergence de questions fondamentales et les résultats fondamentaux venant soutenir des applications. En contrepartie de ces points extrêment positifs, cette pluridisciplinarité apporte également des difficultés. En effet comment maintenir les équilibres et la diversité des thèmes de la section lorsqu’une discipline prend de l’ampleur ? Comment rester compétents pour évaluer les travaux lorsque les interfaces s’éloignent du cœur de la section ? Comment rester compétitifs dans l’attractivité vis-à-vis des jeunes chercheurs lorsque le secteur privé, très dynamique, recrute parmi le même vivier ? Faire vivre une section, c’est accompagner la grande créativité scientifique provenant des chercheurs qui lui sont rattachés, les encourager et les soutenir tout en restant vigilants aux difficultés que des chercheurs peuvent rencontrer tout au long de leur carrière. Le rôle de la section est donc tout à fait enthousiasmant mais il devient également très difficile en cette période de forte diminution de postes de chercheurs permanents. La section 11 est donc particulièrement inquiète quant à sa capacité à maintenir, à l’avenir, l’équilibre des thématiques en son sein.

Environ 280 chercheurs permanents dont 30 % de femmes sont affectés à la section 11(1) qui est pilotée de façon principale par l’Institut de Chimie et de façon secondaire par l’Institut de Physique. Ces chercheurs permanents entourés des autres catégories de personnel à la fois au CNRS et dans les autres organismes de recherche sont à l’origine d’une science dynamique et de très grande qualité. Le but de ce rapport de conjoncture n’est pas d’établir une liste exhaustive des travaux de recherche de l’ensemble de la communauté mais plutôt de partager, à un instant donné, les points de vue des membres de la section sur les évolutions des thématiques scientifiques correspondant à son périmètre et de mettre l’accent sur des points remarquables ou des difficultés présentes ou prévisibles.

Ce rapport devant s’adresser à la fois à la communauté scientifique de la section, aux directions des instituts de rattachement de la section et à la direction générale du CNRS, la rédaction d’un texte unique n’est pas aisée. Les membres de la section ont fait de leur mieux afin de relever le défi de répondre aux attentes des divers lecteurs.

Le rapport est divisé en cinq parties thématiques reprenant les principales sous-disciplines de la section que sont la chimie macromoléculaire, la physico-chimie de la matière molle, les matériaux, la physique de la matière molle et l’interface physique-biologie. À cela s’ajoutent deux parties transverses, dédiées l’une à la théorie et aux simulations numériques pour la matière molle et l’autre aux très grands instruments et plus spécifiquement à la diffusion de rayonnement très utile à la communauté de la matière molle.

I. Chimie macromoléculaire

La chimie macromoléculaire est une discipline phare de la section 11. Plus d’une vingtaine d’unités de recherche consacrant une partie de leurs activités à la chimie macromoléculaire sont rattachées à la section 11. Les années 1990 et 2000 ont connu des avancées majeures, notamment avec le développement des méthodes de polymérisation radicalaire contrôlée. Ces développements ont créé un mouvement de dynamisme dans tous les domaines de la chimie macromoléculaire. D’un point de vue fondamental, la chimie macromoléculaire s’est revitalisée en innovant en termes de méthodologies et de procédés de synthèse des polymères. La synthèse de copolymères de structures diverses et variées, via des réactions de copolymérisation relève aussi pleinement du domaine de la chimie macromoléculaire, ce qui permet de moduler à l’infini les propriétés physico-chimiques et thermomécaniques des matériaux polymères. Certaines innovations se sont inspirées de concepts d’autres disciplines de la chimie, comme la biochimie, les catalyses organométallique et organique ou encore la chimie supramoléculaire. Plusieurs lignes de forces ont émergé au cours de la dernière décennie en chimie des polymères, celles-ci sont discutées ci-après.

A. Contrôle des polymérisations, des séquences et de la structure des polymères

Les chimistes des polymères savent bien maîtriser la sélectivité des espèces réactives pour induire des processus de polymérisation « vivante/contrôlée » et ainsi produire des polymères de structure bien définie. La contribution des polyméristes français à ce domaine a été très significative, notamment en polymérisation radicalaire contrôlée (PRC), ces efforts de recherche ayant été fortement soutenus par l’industrie chimique. Les méthodes de PRC, arrivées à une période de maturité, sont aujourd’hui totalement intégrées dans la « boîte à outils » des polyméristes à des fins d’ingénierie macromoléculaire, à travers la synthèse d’une variété d’architectures « sur mesure » presque infinie (copolymères à blocs, brosses polymères, etc.).

La PRC s’avère également pratique pour introduire des unités stimulables (sensibles à des variations de pH, de température ou photosensibles) dans les chaînes de (co)polymères.

Les équipes françaises ont été pionnières dans le domaine de la PRC en milieux dispersants (voir paragraphe B). Un des verrous de la PRC, à savoir l’obtention de polymères de très fortes masses molaires, a aussi été levé via le développement de procédés spécifiques. Des avancées importantes concernant le contrôle de monomères réputés « difficiles », tels que les monomères vinyliques fluorés ou phosphorés et surtout l’éthylène peuvent également être citées. Quelques équipes françaises se sont par ailleurs impliquées dans le domaine émergent de la photo-PRC dans un contexte international très compétitif, où il s’agit maintenant de déclencher des processus de polymérisation dans le domaine du visible de faible énergie, avec des sources de lumière peu coûteuses.

À l’instar de la PRC, les polymérisations ioniques ont atteint aujourd’hui la maturité mais restent très importantes pour la production industrielle de polymères de spécialité et particulièrement importantes pour le design d’architectures macromoléculaires.

Des systèmes catalytiques permettant le contrôle de la polymérisation des oléfines et des diènes conjugués, via un mécanisme de transfert dégénératif, ont émergé et suscitent un fort engouement. D’ores et déjà de nouveaux polymères issus de l’ingénierie macromoléculaire ont été industrialisés.

Le développement de polymères codés, dans lesquels les unités monomères sont agencées en une séquence précise via une chimie dite « de précision » et reposant sur des approches multi-étapes est un domaine qui progresse très rapidement. Il est maintenant possible de synthétiser de longues chaînes uniques codées et aussi de les lire facilement. Le prochain défi sera probablement d’accéder à des bibliothèques de chaînes, organisées en deux ou trois dimensions, permettant de stocker et de gérer la matière codée.

B. Polymérisations en milieux dispersants

Des laboratoires français ont, historiquement, apporté une contribution fondamentale dans ce domaine. Les développements visent essentiellement des applications dans l’eau, alors que le CO2 supercritique tend à être utilisé comme solvant/dispersant de polymères, les phases dispersantes organiques étant dédiées à des applications spécifiques. Dans le domaine de la polymérisation en milieu dispersant, l’innovation la plus marquante de ces dernières années est l’auto-assemblage induit par la polymérisation (ou polymerization-induced self-assembly, PISA). Ce procédé PISA consiste à tirer profit des avantages de la PRC pour réactiver en solution des chaînes de polymère dans le but de polymériser un monomère donnant lieu à la formation in situ d’un bloc insoluble. La formation et l’auto-assemblage simultanés des copolymères à blocs conduisent à des particules de diférentes morphologies (sphères, fibres, vésicules) à des taux de solide allant jusqu’à 50 %. Un tel procédé permet de produire des latex sans tensioactifs. Ce domaine a rapidement profité de l’expérience des laboratoires français spécialistes de la polymérisation en émulsion et connaît un engouement fort à l’échelle internationale. Par les concepts auxquels il fait appel, le procédé PISA se situe à l’interface de la chimie macromoléculaire, de la physico-chimie et à certains égards aussi de la biologie. Au-delà du procédé PISA, les succès concernent également la préparation de particules hybrides dont l’importance ne cesse de grandir, le renouveau des recherches dans le domaine des latex de polyéthylène ou l’utilisation de la polymérisation par ouverture de cycle par métathèse (ROMP) pour la préparation de particules multi-fonctionelles.

De manière générale, la morphologie des particules polymères obtenues en milieux dispersants conditionne fortement leurs propriétés. Le contrôle de ces propriétés nécessite donc d’associer la chimie et le génie des procédés dans les études en polymérisation. Au-delà des réacteurs « standards » de polymérisation en milieux dispersants, les procédés utilisant notamment la nano- et la microfluidique présentent des possibilités de mise en forme de particules, d’amélioration de transfert thermique, d’intensification de procédés grâce à des écoulements différents. Plusieurs laboratoires français possèdent une expertise en ingénierie de la réaction et en modélisation, permettant de développer des procédés plus performants.

C. Valorisation des bio-ressources, recyclage et dépolymérisation

Le renouveau de la chimie macromoléculaire implique aussi de développer des méthodes et des procédés de synthèse diminuant significativement la consommation d’énergie et la quantité de sous-produits avec un haut degré de fiabilité et de sécurité. La discipline doit ainsi évoluer en tenant compte de la règlementation et de la transformation vers un développement plus durable. Il s’agit notamment de s’affranchir progressivement de l’utilisation du pétrole comme ressource principale. L’utilisation de ressources renouvelables, qui ne concurrencent pas la chaîne alimentaire, est un domaine très actif pour le développement de matériaux éco-compatibles, qu’ils soient pour des applications de commodité ou à plus haute valeur ajoutée. Plusieurs équipes françaises sont très bien identifiées dans ce domaine, notamment concernant i) l’exploitation de polymères d’origine naturelle, tels que la lignine, les tannins, la cellulose ou le chitosane, ii) la valorisation de synthons moléculaires biosourcés comme les terpènes, les huiles végétales, ou la noix de cajou et iii) l’utilisation du CO2 en tant que co-monomère, par exemple pour la synthèse de polyuréthanes ou de polycarbonates.

Si les laboratoires académiques s’intéressent essentiellement à de nouveaux synthons, il apparaît que les monomères « de commodité » tels que l’éthylène, le butadiène ou le méthacrylate de méthyle deviennent accessibles par une voie non fossile. La préoccupation, en terme de polymérisation, concerne le développement de catalyseurs capables de polymériser ces monomères qui n’ont pas toujours les mêmes spécificités que les monomères issus du pétrole. Ceci positionne également certaines grandes familles de polymères dans un enjeu de développement durable.

Le futur des polymères va dépendre de l’analyse de leur cycle de vie dans le cadre d’une économie circulaire. De ce point de vue, l’éco-conception des matériaux et le recyclage chimique et mécanique sont des enjeux majeurs pour l’avenir.

D. Catalyse de polymérisation

Les catalyseurs métalliques restent très utilisés en chimie de polymérisation, non seulement pour la production de polymères de spécialité, mais aussi ceux de commodité. La catalyse de polymérisation des oléfines pour la production de différentes gammes de polyéthylènes (PEBDL et PEHD) et du polypropylène représente presque la moitié des matières plastiques. Cette industrie est toujours en forte croissance et innove via la production de polyoléfines de hautes performances. L’utilisation de monomères gazeux sous pression exige à la fois une expertise en chimie et en « ingénierie de la réaction » pour gérer les problématiques de transfert de chaleur et de matière. Cependant peu de groupes dans le monde possèdent cette expertise, notamment en France, dans un secteur très important, qui a aussi pris une orientation vers une économie circulaire via la production de monomères bio-sourcés et le recyclage chimique et mécanique. Les domaines de la polymérisation des diènes conjugués pour la production de caoutchoucs synthétiques, de la copolymérisation des diènes conjugués avec des oléfines et de la synthèse de polystyrène stéréospécifique, font l’objet d’efforts de recherche soutenus avec un très bon positionnement des laboratoires nationaux. La synthèse de polyesters ou de polycarbonates par catalyse a connu un fort engouement du fait du caractère bio-sourcé des monomères. Des études relevant de la catalyse de polymérisation sont également menées pour la synthèse des polymères issus des polymérisations par étapes, des réactions de post-fonctionnalisation et de réticulation. Un objectif important vise à remplacer les métaux nobles et/ou toxiques. Ces activités de recherche sont menées par des groupes en forte interaction avec l’industrie chimique.

La catalyse organique qui se caractérise par l’absence d’un centre métallique a connu un bel essor au cours des quinze dernières années, notamment pour la polymérisation par ouverture de cycle, mais aussi pour la polymérisation des (méth)acrylates ou la synthèse de polyuréthanes. Les enjeux, aujourd’hui, semblent se situer au niveau du stéréo-contrôle de la réaction et au niveau des gains en termes de sélectivité et d’activité pour rivaliser avec la catalyse métallique qui reste actuellement bien plus performante. Plusieurs laboratoires français ont su se faire une place dans la compétition mondiale. La catalyse enzymatique a, en revanche, plus de mal à émerger, en raison du faible nombre d’équipes françaises impliquées dans ce domaine malgré l’importance des enjeux.

E. Renaissance en « Ring-Opening Polymerization »

Les matériaux (co)polymères obtenus par polymérisation par ouverture de cycle (ring opening polymerization ROP) représentent une part importante de l’industrie des « plastiques techniques ». C’est aussi par ROP que le poly(acide lactique), un des rares polymères issus de la biomasse, est produit industriellement.

La ROP utilise le plus souvent des composés organométalliques pour amorcer / activer les monomères hétérocycliques. Avec le développement de la catalyse organique et, dans une moindre mesure, de la catalyse enzymatique, de nombreux (co)polymères peuvent être maintenant synthétisés par des procédés de ROP combinant sélectivité et activité, sans par ailleurs être contaminés par des résidus métalliques toxiques.

Dans ce contexte, de nombreux travaux portent sur des réactions de copolymérisation par ouverture de cycle (ROcP) en associant de manière inédite des co-monomères afin d’atteindre de nouvelles propriétés. À ce titre, une perspective possible serait de « croiser » des monomères de réactivité très différenciée (hétérocycle et monomère vinylique par exemple).

Un autre enjeu dans ce domaine concerne la possibilité de contrôler la stéréochimie de la réaction de ROP par une voie non-métallique, notamment celle du lactide, pour obtenir un matériau biodégradable dépourvu de métal, aux propriétés thermomécaniques optimales.

Au delà d’aspects méthodologiques en catalyse de polymérisation (cf. paragraphe D), un certain nombre de monomères cycliques ont été (re)considérés ces dernières années, pour préparer des (co)polymères de hautes performances. Par exemple, des hétérocycles à trois chaînons tels que les épisulfures, les aziridines ou les éthers glycidiques ont suscité un regain d’intérêt. Il en est de même pour les phosphoesters cycliques à cinq chaînons, tandis que le (ré)engouement pour la ROP des oxazolines semble perdre de la vitesse. De « nouveaux » monomères ont aussi été évalués en ROP, incluant notamment les cétènes acétals cycliques (polymérisables par voie radicalaire) ou des lactones à cinq chaînons d’origine bio-sourcée.

F. Chimie supramoléculaire et chimie dynamique

Les concepts de base de la chimie moléculaire, notamment la création d’interactions supramoléculaires et de liaisons covalentes dites dynamiques (réversibles), ont continué à être appliqués avec succès à la synthèse de matériaux polymères « intelligents ». Ceux-ci incluent notamment des polymères auto-réparables, de nouveaux polymères supramoléculaires et, bien sûr, les vitrimères qui ont été inventés par une équipe française.

Ces approches consistant à introduire des liens fragiles spécifiques au sein des chaînes, non seulement des polymères thermo-plastiques, mais aussi des polymères thermo-durcissables, permettront certainement de reconsidérer le mode actuel de production et de gestion des matériaux polymères, en prenant en compte leur cycle de vie, en particulier leur recyclage. Les vitrimères peuvent, en particulier, changer de topologie sans perte de connectivité pendant leur réorganisation. Ce sont donc des réseaux infusibles même à haute température. Les chimies mises en jeu pour induire cette réversibilité des liaisons covalentes reposent généralement sur des réactions élémentaires simples : transestérification, transuréthanisation, etc. Un des enjeux dans ce domaine est de transposer ces concepts de chimie aux matériaux élastomères, à nouveau dans la perspective de leur recyclabilité.

Des équipes françaises se sont aussi distinguées par des résultats marquants concernant l’utilisation de la chimie supra-moléculaire dans des domaines variés comme l’électronique organique, la catalyse ou les additifs rhéologiques.

G. Organique électronique

Cet axe thématique repose sur des développements nouveaux en chimie mais concerne également les matériaux et la physico-chimie.

De nouvelles avancées ont été réalisées ces dernières années pour augmenter le rendement de conversion des cellules photovoltaïques organiques (OPV). Ces avancées sont encore associées à la possibilité d’élaborer des polymères à « low bandgap » alternant unités monomères riches et pauvres en électrons. Des questions liées à la durée de vie des dispositifs, à la stabilité des interfaces, au contrôle de la morphologie de la couche active et à la qualité des électrodes se posent toujours.

Des efforts importants ont été consacrés à la synthèse de nouveaux synthons, de monomères et de polymères π-conjugués. Aussi, de nombreux travaux spécifiques portant sur une catalyse « plus propre » (sans métaux) ou la mise au point de procédés moins énergivores ont été rapportés dans la littérature.

H. Contrôle spatio-temporel des réactions de polymérisation

Au-delà du besoin de polymères fonctionnels « sur mesure », il est également nécessaire de pouvoir accéder aux propriétés et aux performances procurées par ces polymères « à la demande ». Il semble désormais possible de bien mieux contrôler les réactions de polymérisation dans l’espace et dans le temps. Cette thématique a percé depuis moins de dix ans, avec des inspirations venant de la nature où la production de protéines, d’acides nucléiques et de polysaccharides aide à réguler les systèmes multi-composants et à maintenir l’homéostasie.

Diverses stratégies ont été développées pour un tel contrôle des polymérisations, en mettant en jeu des stimuli externes, incluant l’utilisation de simples réactifs chimiques à réactivité retardée sous l’effet de la température, des réactions d’oxydo-réduction, l’application d’un courant, d’un faisceau lumineux ou d’une force mécanique.

Le potentiel (industriel) de ces technologies est évident et concerne de très nombreux matériaux à base de polymères, tels que les revêtements, les mousses, les adhésifs, les encres, les résines dentaires, etc. Ce domaine, dans lequel plusieurs groupes français se distinguent par leur expertise, est extrêmement actif et compétitif.

I. Fonctionnalisation de polymères réactifs

Longtemps perçue comme un « mal nécessaire », c’est-à-dire un processus à ne considérer que si la synthèse d’un polymère par voie directe se révèle impossible, la modification chimique de polymères par « post-polymérisation » a évolué de manière très significative au cours de la dernière décennie. La « post-polymérisation » repose sur des réactions élémentaires simples, comme la chimie de couplage thiol-ène ou thiol-yne, l’ouverture d’une fonction époxy par un nucléophile, des réactions formant des liens réversibles de type imine ou oxime par exemple, l’amidation d’esters activés, la réaction « click » de cycloaddition de Huisgen, et aussi des réactions dites multi-composants.

Des progrès importants ont été réalisés pour atteindre les critères d’idéalité de « post-polymérisation », à savoir la mise en œuvre des réactions rapides, dans des conditions équimolaires, avec de hauts rendements, de façon orthogonale, sans besoin de purification compliquée. Les travaux récents ont montré que les groupes fonctionnels peuvent être introduits avec une grande précision à divers endroits de la chaîne macromoléculaire. Plusieurs réactions de modification peuvent même être menées à partir d’une seule et même fonction réactive. Si ces chimies s’avèrent en effet efficaces, les conditions réactionnelles limitent encore la possibilité d’un développement industriel.

L’introduction de fonctions ou de blocs spécifiques permet aussi d’atteindre les propriétés de surface ou d’améliorer la compatibilité d’un polymère avec des charges ou avec d’autres polymères.

Parmi les procédés de fonctionnalisation, l’extrusion réactive demeure très performante et permet de travailler sans solvant. Elle bénéficie des avancées en chimie pour un contrôle toujours plus précis des matériaux obtenus que ce soit des polymères fonctionnels, greffés ou chargés.

En conclusion, sur le plan industriel les « grands polymères » (polyéthylène, polypropylène, polychlorure de vinyle, polystyrène, etc.), contribuent grandement à notre vie quotidienne en raison de leur apport dans de nombreuses applications comme par exemple pour conserver des aliments et réduire le gaspillage alimentaire, isoler les bâtiments et les habitations et ainsi diminuer la consommation d’énergie, alléger les matériaux dans l’industrie automobile et celle des transports, en minimisant la consommation de carburant, pour constituer des réserves d’eau de pluie, ou encore pour stocker des résidus industriels. Cependant, faute de bien savoir les recycler, ils posent également des problèmes d’accumulation dans l’environnement, notamment dans les océans. Les experts de la chimie macromoléculaire et des matériaux sont conscients qu’ils doivent encore faire preuve d’imagination pour pouvoir s’affranchir progressivement du pétrole comme ressource principale, privilégier son remplacement par des ressources renouvelables, et également promouvoir le recyclage de ces matériaux. En parallèle, la communauté scientifique s’est emparée de la question du devenir et de l’impact des plastiques. Aujourd’hui, les polyméristes sont engagés dans une thématique émergente qui vise à une meilleure compréhension du comportement des débris plastiques en milieu environnemental (eau, sol, air). En effet les micro et nanoplastiques se révèlent être de potentiels vecteurs de polluants. Cette problématique pluridisciplinaire implique les chimistes, les physico-chimistes et les biologistes.

II. Physico-chimie de la matière molle

Dans le périmètre de la section 11, la physico-chimie de la matière molle s’intéresse à des systèmes très variés incluant les molécules/macromolécules donnant lieu à des interactions intra- ou intermoléculaires à l’état solide ou liquide (hydrogélateurs, organogélateurs, homo- ou copolymères, lipides, cristaux liquides, tensioactifs…) ainsi que les dispersions colloïdales (mousses, émulsions, suspensions) et dans certains cas les polymères solides multiphasés (cf. partie « matériaux »). Les propriétés macroscopiques de ces systèmes sont contrôlées à une échelle mésoscopique définie tant par la nature des constituants (macro)moléculaires (systèmes monophasiques) que par la morphologie des dispersions (systèmes polyphasiques). La compréhension de ces systèmes complexes nécessite de les décrire à l’échelle mésoscopique et d’identifier les mécanismes à l’origine du lien entre phénomènes moléculaires et macroscopiques. La démarche d’investigation consiste à contrôler la force et la nature des interactions ainsi que l’organisation structurale et les dimensions caractéristiques associées pour comprendre les phénomènes et, de façon ultime, les modéliser. Le contrôle des paramètres chimiques d’un système constitue un outil de maîtrise de ses propriétés macroscopiques (cf. partie « chimie macromoléculaire ») voire d’examen de la généralité des modèles. L’étude physico-chimique permet donc de préciser les descriptions microscopiques dans les modèles en passant d’une approche essentiellement phénoménologique à une description plus détaillée des structures et des interactions (aux échelles moléculaire et mésoscopique). La physico-chimie est donc d’une part une des clés du contrôle des propriétés macroscopiques de nombreux systèmes complexes et d’autre part une source de perfectionnement de modèles plus généraux issus de la physique (cf. partie « physique de la matière molle ») pour la description de systèmes spécifiques, comme le montrent les quelques exemples (non exhaustifs) décrits ci-dessous. La dynamique de mouillage d’un liquide fait intervenir des interactions de Van der Waals, la cinétique d’adsorption et la rugosité de surface. Plus généralement, l’écoulement d’un liquide à une échelle nanométrique est modifié par la structuration du liquide à cette échelle qui se traduit par la longueur de glissement qui dépend de la structure des (macro)molécules et de leurs interactions avec le substrat. Il est d’usage, dans de telles études de modifier de façon contrôlée les surfaces (greffage, texture) et les (macro)molécules. Le temps de vie d’une mousse ou d’une émulsion résulte de la combinaison d’interactions décrites par la théorie DLVO et de la cinétique d’échange surface/volume des molécules (stabilisants ou phase dispersée).

Dans ce qui suit, les derniers développements et les tendances émergentes dans l’élaboration d’objets et leur auto-assemblage en milieu monophasique, en surface et dans des milieux polyphasiques seront résumés. Enfin, les interactions entre des systèmes de la matière molle et des systèmes biologiques seront abordées.

A. Élaboration des objets

Les principaux objets d’étude sont les synthons macromoléculaires, les polymères en solution et à l’état fondu, les molécules amphiphiles, les cristaux liquides, les colloïdes et les assemblages moléculaires et supramoléculaires. Les méthodes d’élaboration suivent le plus souvent une voie ascendante (« bottom-up ») dans laquelle les briques élémentaires sont produites puis organisées pour former les structures et conférer des fonctionalités ciblées.

Les dernières avancées en chimie organique, macromoléculaire, supra-moléculaire et inorganique permettent l’élaboration d’objets originaux, mieux définis en composition chimique, masse molaire et architecture, et la maîtrise de leur état de dispersion et de leurs propriétés d’auto-assemblage ou de complexation.

En synthèse, il s’agit principalement des méthodes de polymérisations contrôlées et vivantes ou de chimie supramoléculaire par des mécanismes de scission/recombinaison, des procédés en milieu dispersé (particules ou capsules polymères). S’y ajoutent de nouvelles techniques pour l’élaboration de nanomatériaux à l’état solide (chimie, broyage, manipulation de poudres, mélange, ultrasons, irradiation, extrusion, electrospinning, couplage mécanosynthèse/frittage, chimie sol-gel…).

La grande variété des briques élémentaires mises en œuvre et des structures accessibles offre de très larges possibilités en termes de propriétés. Essentiellement trois stratégies peuvent être distinguées. D’abord, la mise en œuvre de réactions de polymérisation contrôlée en chaîne ou par étapes, pour l’obtention de macromolécules de longueur et de microstructure maîtrisées, conduit à de nombreuses possibilités d’associations non covalentes et de dynamiques d’échange. La synthèse de molécules capables de s’auto-assembler de façon supramoléculaire via leurs groupements fonctionnels (urée, amide, acide carboxylique, cycles aromatiques…) constitue une stratégie analogue. Ensuite la modification chimique de particules organiques (particules « tout carbone », nanocristaux de cellulose…) ou inorganiques (oxydes métalliques, quantum dots…) ont pour but de permettre leur dispersion dans le milieu souhaité voire de contrôler cette dernière à l’aide d’un stimulus physico-chimique. Cette modification peut être effectuée soit par une fonctionnalisation de la surface, soit par une polymérisation amorcée depuis la surface. Enfin, la polymérisation en milieu dispersé qui combine toutes les possibilités de la chimie macromoléculaire avec celles issues du contrôle de l’état de dispersion et de la localisation des réactifs, permet de préparer des particules polymères de morphologies (matricielles ou capsules à cœur liquide) et propriétés de surface très diverses. Certains travaux abordent le contrôle des caractéristiques des dispersions finales (distribution de tailles) à l’échelle du réacteur pilote ou industriel, soit par une connaissance approfondie des aspects colloïdaux, soit en utilisant toutes les ressources du pilotage du procédé.

L’utilisation de briques biosourcées (protéines, brins d’ADN, bases nucléiques, acides aminés…) est une tendance émergente depuis plusieurs années, qui constitue une rupture et qui ouvre des perspectives nombreuses.

B. Auto-assemblages et complexes en milieu dilué ou concentré, en surface

Les objets de la matière molle interagissent via des forces qui correspondent toutes à des énergies de l’ordre de quelques kBT où kB est la constante de Boltzman et T est la température ambiante (interactions de Van der Waals, électrostatiques, interactions de déplétion, liaisons hydrogènes, hydrophobes…). Les systèmes organisés réversibles qui en résultent sont notamment caractérisés par leurs dynamiques d’assemblage et de dissociation ainsi que par leurs durées de vie. Une fois constitués, ces assemblages peuvent interagir entre eux pour former des organisations à des échelles supérieures et conduire à des structures hiérarchiques.

Ces assemblages peuvent se former en volume ou sur une surface. Dans le cas des surfaces, l’assemblage peut se faire depuis une interface, par exemple les couches minces obtenues par la technique « couche par couche », ou bien se faire par transfert de systèmes assemblés en volume vers une surface.

In fine, les propriétés macroscopiques des systèmes assemblés dépendent de leur structure et des forces d’interactions entre morphogènes. Du fait des faibles énergies d’interaction, une faible variation des conditions expérimentales (pH, température, concentration…) peut induire des transitions morphologiques. Ceci permet l’élaboration de systèmes « intelligents », id est stimulables, très étudiés durant ces quinze ou vingt dernières années. Ils sont généralement élaborés à partir d’au moins un constituant dont la structure est stimulable, par exemple un polymère à LCST ou UCST, ou encore un polyélectrolyte faible.

Historiquement, les études se sont focalisées sur les mécanismes d’auto-organisation de systèmes fondés sur un type d’objet (tensioactifs, macromolécules, colloïdes) formant des phases ordonnées à l’équilibre thermodynamique (cristaux liquides ou colloïdaux, phases cristallines lyotropes) qui sont assez bien compris. Cependant des recherches encore très actives s’intéressent à de tels systèmes lorsque les objets sont dispersés dans des phases continues non conventionnelles (suspensions colloïdales dans des liquides ioniques), qui nécessitent de revisiter les théories classiques.

Des approches, plus récentes, visent à former de nouvelles architectures par auto-assemblage en utilisant des associations pertinentes d’objets de natures différentes, impliquant parfois plusieurs types d’interactions pour former des phases variées : hydrogels et organogels physiques moléculaires et macromoléculaires, coacervats, complexes électrostatiques, complexes de macromolécules biologiques… Ces espèces hybrides peuvent concerner des objets interagissant entre eux, comme dans les complexes, ou n’interagissant pas directement mais co-organisés de façon structurée aux échelles nanométriques, comme par exemple des hydrogels réticulés double réseau ou des hydrogels dopés de protéines. Tous ces systèmes ne sont pas nécessairement à l’équilibre thermodynamique et peuvent être piégés cinétiquement dans des minima locaux d’énergie libre avec des temps de vie caractéristiques très longs. Un point clef pour les applications de tels systèmes est de pouvoir associer/dissocier les espèces en fonction de l’environnement physico-chimique, par exemple pour la libération contrôlée de molécules.

Une thématique de recherche émergente vise à la formation maîtrisée de complexes hors équilibre par co-assemblage non-covalent d’espèces macromoléculaires ou colloïdales. La structure de l’état métastable peut être modulée par le chemin de formulation utilisé, via les paramètres physico-chimiques, par exemple par la sélectivité de solvant en nano-précipitation, ou via le procédé (temps, ordre de mélange). Les techniques micro- et millifluidiques permettent notamment le contrôle fin de tels chemins de formulation.

Une stratégie émergente et en très fort développement pour le design d’architectures colloïdales complexes à façon consiste à guider l’assemblage, soit en utilisant des interactions directionnelles et/ou spécifiques entre objets (particules « patchy » ou fonctionnalisées en surface, interactions réversibles via l’hybridation de brins d’ADN) soit en jouant sur des effets entropiques subtils dans des mélanges de colloïdes binaires, en particulier lorsque ces mélanges impliquent des particules anisotropes. Ceci conduit à des structures originales uniques, qui peuvent généralement être prédites en amont par des simulations numériques, et qui ont des applications particulièrement importantes dans le domaine des métamatériaux.

En suspension, des nano-architectures de morphologie contrôlée sont obtenues par copolymérisation in situ, i.e. par PISA. En surface, la génération électrochimique de morphogènes, molécules ou ions induisant une réaction chimique ou une interaction attractive entre deux (macro)molécules, permet le contrôle spatiotemporel de l’assemblage de films nanométriques sur des surfaces conductrices. Par ailleurs, l’auto-assemblage de peptides par voie enzymatique est un sujet de recherche en pleine expansion. Réalisé en mélangeant le peptide et l’enzyme en solution, l’auto-assemblage est obtenu par modification chimique du peptide ou par protonation induisant la formation d’un hydrogel. Lorsque l’enzyme est immobilisée en surface puis mise en contact avec la solution de peptides, la couche d’hydrogel obtenue est de taille micrométrique.

C. Auto-assemblages/complexes aux interfaces/interphases

Une part importante des travaux de physico-chimie de la matière molle concerne des systèmes dispersés colloïdaux constitués de deux phases condensées ou d’une phase condensée et d’une phase dispersée gazeuse ou supercritique. Les interfaces y ont un rôle déterminant. La démarche générale vise à comprendre les liens entre la nature des objets, les phénomènes d’auto-organisation/de complexation aux interfaces, le protocole d’élaboration et les propriétés macroscopiques des systèmes dispersés (rhéologie, évolution temporelle).

Si le comportement des tensioactifs et des polymères amphiphiles (synthétiques ou naturels) aux interfaces liquide/liquide et liquide/solide a longtemps constitué une grande part des travaux, le domaine s’est renouvelé durant les dix dernières années avec l’émergence de nouvelles thématiques. Une tendance forte a été la diversification des espèces adsorbées aux interfaces, motivée entre autres par le souhait de limiter l’utilisation de tensioactifs moléculaires. Ainsi, le comportement de particules solides (dures ou molles, voire stimulables) aux interfaces liquide/liquide a concentré beaucoup d’attention, notamment pour la préparation d’émulsions dites de Pickering. De la même façon, l’adsorption aux interfaces liquide/liquide de complexes de biopolymères (polysaccharides ou polysaccharides/protéines) suscite un intérêt croissant. Une autre orientation a été la diversification des systèmes dispersés eux-mêmes. Les mousses, le contrôle du comportement mécanique des interfaces liquide/gaz et les liens qui existent entre eux sont autant de sujets en émergence. Les émulsions eau-dans-eau ou huile-dans-huile sont aussi des sujets en développement, de même que les nouveaux stabilisants qu’elles font intervenir.

Beaucoup de ces sujets rejoignent la thématique des matériaux. Ainsi les mousses liquides sont des précurseurs de mousses solides. La compréhension des mécanismes de stabilisation des mousses et l’utilisation de polymères permettant de contrôler le comportement mécanique des interfaces sont autant de connaissances précieuses pour l’obtention de matériaux poreux ayant des performances inédites (isolation thermique ou phonique…). De façon plus large, différents systèmes dispersés peuvent être employés comme des précurseurs de matériaux (suspensions de particules inorganiques, mélanges de polymères de faible compatibilité…) de sorte qu’un nombre croissant de travaux se situent à l’interface du domaine des colloïdes et du domaine des matériaux et visent à atteindre des structurations de ces derniers à des échelles nanométriques.

D. Interactions avec les systèmes biologiques

Les liens entre la physico-chimie de la matière molle et les systèmes biologiques sont particulièrement marqués. Dans ces thématiques, les chercheurs de la section 11 sont particulièrement intéressés par les aspects d’élaboration des systèmes, les fonctions et la compréhension des mécanismes d’interaction avec un substrat. Deux axes d’études sont représentés : i) le développement d’objets ou de surfaces ayant une action thérapeutique et/ou de diagnostic et ii) l’utilisation d’outils ou de matériaux pour répondre à des questions biologiques.

1. Assemblages et interfaces à visée thérapeutique et/ou diagnostique

Les systèmes de la matière molle permettent d’offrir une palette riche d’assemblages ayant pour objectif la vectorisation de principes actifs. Ces assemblages sont à base de lipides, de phospholipides, de glycolipides, de composés fluorés, de dendrimères ou de copolymères amphiphiles (polymersomes synthétiques, dérivés d’acides aminés ou de sucres). Ils doivent encapsuler une quantité maximale de molécules bioactives (hydrophiles ou hydrophobes), être furtifs dans la circulation sanguine, cibler spécifiquement les cellules à traiter et enfin assurer une libération contrôlée du principe actif. Hydrophiles et non toxiques, leur furtivité est assurée par la présence de polymères non adsorbants vis-à-vis des protéines du sang. L’immobilisation d’anticorps reconnaissant une protéine, surexprimée par les cellules visées, permet un ciblage spécifique. Une alternative séduisante fondée sur la formation d’une empreinte de la protéine est actuellement explorée, en particulier au sein du revêtement polymère fonctionnalisant des nanoparticules inorganiques. La délivrance est assurée par endocytose suivie par la dégradation ou la dissociation de l’assemblage libérant ainsi le principe actif au sein de la cellule. Grâce aux développements récents en chimie macromoléculaire, de nouveaux systèmes médicamenteux sont développés tels que des macromolécules à action cytolytique (induisant la rupture de la membrane cellulaire) ciblée sur les cellules tumorales ou encore à action angiogénique comme alternative aux anticorps monoclonaux. Afin d’améliorer l’efficacité et le ciblage des traitements anticancéreux, deux stratégies sont en plein essor. D’une part, la thérapie photodynamique permet de traiter localement les cellules tumorales par production d’espèces réactives de l’oxygène sous irradiation lumineuse. Dans ce cadre, des (macro)molécules complexes associant un photosensibilisateur, un quencher et une molécule de ciblage sont développés. D’autre part, l’approche théranostique permet simultanément le suivi de la biodistribution par imagerie par résonance magnétique et la délivrance contrôlée in vivo. Ainsi des nanoparticules d’oxyde de fer fonctionnalisées, jouant le rôle d’agent de contraste, permettent une hyperthermie locale sous champ magnétique induisant une libération contrôlée du principe actif par perméabilisation des assemblages.

De nombreuses thérapeutiques chirurgicales font appel à des biomatériaux qui soulèvent des questions de biointégration (colonisation par les cellules du tissu lésé) et/ou d’infection bactérienne. L’ingénierie de surface par adsorption ou greffage de polymères permet de moduler les interactions de ces matériaux avec l’environnement biologique. La caractérisation des interactions protéines/biomatériaux est toujours d’actualité avec l’utilisation des outils pointus de la protéomique. Les propriétés hydrophiles ou hydrophobes des polymères immobilisés permettent d’inhiber ou de favoriser la colonisation cellulaire. La fonctionnalisation par des peptides d’adhésion (par exemple RGD tripeptide d’Arginine, Glycine et Aspartate) est largement utilisée pour induire l’adhésion sur des surfaces anti-adhérentes vis-à-vis des cellules. Dans le domaine des cellules souches (capables de se différencier en tous types cellulaires), l’utilisation des propriétés de surface des matériaux pour induire leur différentiation est une thématique émergente. D’une part, les caractéristiques intrinsèques (mécaniques, topographiques, chimiques), des surfaces permettent une différenciation spécifique des cellules souches (« matériobiologie »). D’autre part, les revêtements de polyélectrolytes permettent d’immobiliser une grande quantité de facteurs de croissance, rendant possible une présentation plus efficace que lorsqu’ils sont en solution. Des surfaces antibactériennes sont également développées permettant la libération locale d’agents antimicrobiens au niveau du site d’implantation. Ces types de revêtements sont des alternatives à l’administration d’antibiotiques par voie systémique. Les surfaces peuvent être soit bactériostatiques (empêcher l’adhésion bactérienne) soit bactéricides (tuer les bactéries) par contact ou libération de principes actifs. L’étude de revêtements ou de matériaux polymères auto-défensifs, i.e. actifs uniquement en présence des pathogènes, est en pleine expansion. L’action bactéricide est obtenue par libération du composé antimicrobien soit par changement local de pH dû à la présence des bactéries soit par la dégradation des revêtements par les enzymes produites par les bactéries.

2. Outils ou matériaux répondant à des questions biologiques

Contrôle des populations

La maîtrise des propriétés physico-chimiques de systèmes dispersés a permis le développement technologique d’outils permettant d’étudier différents systèmes biologiques. Ainsi, les forces générées par des filaments d’actine ont été étudiées grâce à l’assemblage contrôlé de microparticules magnétiques fonctionnalisées par des molécules induisant leur polymérisation. Utilisant la technologie milli-fluidique, l’encapsulation de bactéries ou de cellules uniques dans des capsules d’hydrogels calibrées à haut débit offre un outil de choix pour leur criblage, l’étude des biomolécules sécrétées ou le développement de nouveaux médicaments. Cette technologie ouvre aussi la voie à l’ingénierie tissulaire où le contrôle de l’organisation cellulaire tridimensionnelle est recherché.

Contrôle des interactions cellules/surfaces

La maîtrise de la chimie de surface offre un moyen unique d’étudier la réponse cellulaire à différentes (macro)molécules. Des modèles membranaires de cellules ou de bactéries (monocouche, bicouches planes ou vésiculaires) sont développés pour l’analyse qualitative et quantitative des interactions molécule/membrane, dans leurs aspects cinétiques, mécanistiques et fonctionnels. Le contrôle spatiotemporel de l’adhésion cellulaire est un outil de choix permettant la manipulation à l’échelle de la cellule unique. L’utilisation de polymères thermostimulables permet de faire adhérer ou de détacher les cellules de manière contrôlée grâce à l’élévation de température. L’utilisation originale de la chimie click afin d’immobiliser des peptides d’adhésion sur une surface microstructurée en présence des cellules peut être notée. Des circuits microfluidiques fonctionnalisés par des polymères ou endothélialisés, i.e. recouverts de cellules endothéliales fonctionnelles, sont développés afin d’étudier la dynamique de globules rouges ou de lymphocytes T.

Ces quelques exemples montrent comment la physico-chimie de la matière molle peut être à l’origine d’outils d’étude quantitative de phénomènes biologiques.

III. Matériaux

Les matériaux supra- et macromoléculaires, qui sont au cœur des thématiques de la section 11, regroupent de nombreuses sous-catégories qui forment parfois des communautés à part entière avec leur littérature propre : thermodurcissables, thermoplastiques, (nano)composites, matériaux moléculaires, gels, agromatériaux, matériaux biosourcés, hybrides… Les matériaux peuvent être ainsi de commodité, structuraux ou fonctionnels et s’inscrivent dans des défis sociétaux majeurs comme le transport, l’énergie, la santé, le développement durable et l’émergence de matériaux intelligents et stimulables (« smart materials »)

Pluridisciplinaire par nature, le domaine des matériaux fait intervenir de nombreux acteurs thématiques pour leur élaboration, leur transformation (chimie des polymères et supra-moléculaire, physico-chimie, matière molle, génie des procédés) et pour la caractérisation de leurs propriétés (rhéologiques, mécaniques, propriétés physiques de transport, électriques, acoustiques, optiques ou électroniques). Les projets collaboratifs, tels qu’ils sont pratiqués comprennent quasi-systématiquement des chimistes, physico-chimistes, des spécialistes de caractérisation structurale ou fonctionnelle, voire des spécialistes d’autres champs disciplinaires (physique, mécanique, santé, biologie…).

Par delà la nature du matériau lui-même, la thématique est, depuis de très nombreuses années, pilotée en partie par les applications à court ou moyen terme, répondant à des enjeux sociétaux et/ou économiques portés par un secteur industriel encore très dynamique à l’échelle française et européenne. Ce secteur, directement lié à des applications identifiables et porteur d’innovations, offre des perspectives valorisantes et se positionne donc en concurrence avec les recrutements scientifiques académiques.

En raison de la grande diversité des matériaux et des questions scientifiques s’y rapportant, il est difficile de structurer leur description par problématiques scientifiques ou approches méthodologiques. Le choix a donc été fait de structurer cette partie sur les matériaux en fonction des usages et enjeux sociétaux : i) les matériaux de structure : thermoplastiques, elastomères, thermodurs, composites, nanocomposites, multimatériaux en interaction avec les communautés de mécanique et de physique statistique, ii) les matériaux innovants à propriétés spécifiques : conductivité, transport, barrière ou membranes, optiques, diélectriques, acoustiques, qui nécessitent de prendre en compte des domaines variées de l’hydrodynamique ou de la physique de la matière condensée, iii) les matériaux biosourcés, issus de la polymérisation de monomères, transformés ou natifs, en lien avec la chimie (catalyse de polymérisation, modification) mais aussi le contrôle de la ressource, en interaction avec d’autres organismes de recherches comme l’INRA et iv) les matériaux pour la santé ou biomatériaux, en lien avec le domaine médical, incluant des matériaux hybrides, pour lesquels l’efficacité fonctionnelle et la biocompatibilité sont des problématiques centrales.

A. Matériaux de structure

Les matériaux de structure sont principalement destinés à résister, sans rompre, à des sollicitations mécaniques. Les polymères sont très largement utilisés pour cela, en raison de la très grande diversité de leurs propriétés mécaniques, de leur légèreté par rapport aux autres classes de matériaux et de leur bonne processabilité : selon leur nature, ils apportent une raideur spécifique élevée, acceptent une grande déformation de façon réversible et sans rupture, présentent un bon comportement en fatigue, ou bien possèdent d’excellentes capacités d’adsorption d’énergie mécanique lors d’un choc. Les améliorations de ces propriétés peuvent avoir un impact sociétal signicatif puisqu’elles concernent des matériaux utilisés en abondance.

Une meilleure compréhension du comportement mécanique avec pour objectif une modélisation, et donc un dimensionnement des pièces plus performant, reste d’actualité en ces temps où l’impact environnemental devient un souci majeur. Cette question par nature pluridisciplinaire implique davantage de chercheurs en mécanique, soucieux d’intégrer dans les lois de comportement nécessaires à ce dimensionnement, les mécanismes physiques de la déformation. La thématique ancienne de la transition vitreuse et des mécanismes relaxationnels dans les polymères vitreux continue donc d’intéresser les chercheurs. Elle est tout particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit d’appréhender les propriétés de résistance au choc ou de dissipation d’énergie à haute fréquence. Cette thématique bénéficie du développement croissant de la simulation, qui permet l’étude de systèmes toujours plus grands et donc une meilleure gestion/compréhension des transitions des échelles moléculaires aux échelles macroscopiques (cf. § VI). Elle est aussi alimentée par la synthèse de nouveaux polymères dont la structure chimique implique différents types de liaisons intermoléculaires (plus ou moins faibles, reversibles ou échangeables, cf. § I) et donc rend plus difficile la compréhension et la prévision de leur comportement mécanique.

Ainsi, ces nouveaux matériaux sont souvent nanostructurés du fait des séparations de phases qu’impliquent la présence d’unités chimiques parfois très incompatibles La mobilité du polymère aux interfaces ou confiné peut s’en trouver modifiée et avoir des conséquences sur la réponse mécanique de ces matériaux. Cette question est également posée dans l’étude des polymères semi-cristallins, dont les polyoléfines, matériaux très abondamment utilisés dans de nombreuses applications et qui continuent d’être le sujet de nombreuses publications scientifiques. Là encore, la simulation (avec l’appui d’une modélisation physique des phénomènes) semble une voie très prometteuse pour progresser dans la compréhension du comportement mécanique… Elle est généralement complétée par des approches expérimentales qui bénéficient de techniques de synthèse de systèmes modèles de mieux en mieux contrôlés, qui permettent, en parallèle, une optimisation du matériau. Par ailleurs, les progrès constants des techniques de caractérisation microstructurale, généralement utilisée sous déformation, permettent une meilleure connaissance des différents processus mis en jeu. Dans ce cadre, un rapprochement, très pertinent, entre la communauté des physiciens des polymères et celle des mécaniciens peut être constaté ces dernières années, afin de traiter le problème de la fatigue des matériaux polymères de structure, problème jusque-là essentiellement abordé de manière macroscopique et phénoménologique. Ceci est valable pour les matériaux semi-cristallins et aussi pour les élastomères qui ont suscité un vif regain d’intéret ces dernières années. La compréhension, et donc la maîtrise, des propriétés en fatigue de ces matériaux reste un enjeu important pour de très nombreuses applications. Le lien entre ces propriétés et l’architecture du réseau élastomère est de mieux en mieux compris. Son étude bénéficie pour cela de collaborations plus étroites entre les chimistes – notamment via l’intégration dans l’élastomère de groupes chimiques mécano-sensibles capables de renseigner sur les événements précurseurs de la rupture – les mécaniciens et les physiciens (en particulier, pour leurs approches de physique statistique). L’optimisation des matériaux de structure peut être obtenue via une chimie inventive (nouveaux copolymères, nouveaux systèmes de réticulation, etc., cf. § I) mais aussi via des formulations innovantes. Il s’agit le plus souvent de comprendre les relations entre le procédé qui génère une structure et les propriétés mécaniques. Les aspects mécaniques et de durabilité des composites à renforts microniques sont surtout pris en charge par les mécaniciens, mais ces matériaux intéressent également les polyméristes quand il s’agit d’améliorer le procédé et d’optimiser et de caractériser les interfaces.

L’étude des nanocomposites reste d’actualité pour les chimistes et physiciens des polymères, même si une très grande diversité de charges/renforts nanoscopiques a déjà été étudiée. Les liens entre les interfaces et interphases et la réponse mécanique de ces matériaux restent un sujet d’étude.

L’architecturation à l’échelle macrosco-pique, préalablement à la mise en œuvre, est une autre voie d’amélioration des propriétés des matériaux de structure. Cet important travail de design pourra, dans les années à venir, bénéficier des progrès de l’intelligence artificielle. Une partie de la très forte communauté française travaillant sur les mousses (organiques et inorganiques) s’est emparée de ce sujet. Par ailleurs, le développement considérable de procédés innovants, comme la fabrication additive (impression 3D), rend possible des architectures (parfois bio-inspirées) de complexité croissante. La maîtrise du cycle de vie et la question de la recyclabilité est toutefois une préoccupation sociétale majeure. Il faudra davantage l’intégrer dans la conception des matériaux, impliquant la compréhension de leurs mécanismes de vieillissement. Cette question, par essence très pluridisciplinaire, est rendue plus ardue par la complexification des formulations et architectures des multi-matériaux. Ce défi pourra être relevé, grâce à l’utilisation de matériaux bio-sourcés, la synthèse de polymères et additifs biodégradables, ou à l’architecturation de matériaux facilitant le recyclage.

B. Matériaux innovants à propriétés spécifiques

Les polymères occupent une place de choix en constante évolution dans la classe des matériaux à propriétés spécifiques. Leur comportement mécanique, allié à des modes de mise en œuvre aisés, leur confèrent des atouts non négligeables vis-à-vis des autres familles de matériaux (métalliques, céramiques, inorganiques). Ils couvrent un large éventail de propriétés allant des propriétés en masse (basées sur les mécanismes liés aux transports d’électrons ou d’ions, l’optique, l’acoustique, l’existence de barrières ou la fonction de séparation) aux propriétés en surface (en lien avec la mouillabilité, l’adhésion, la friction, la lubrification contrôlées…). Les matériaux de fonction représentent l’exemple type de l’exploitation de l’ensemble de la chaîne allant de la chimie à la physicochimie jusqu’aux matériaux, chaîne ancrée sur les disciplines socles de la section. Ils constituent un domaine de recherche riche et varié, très dynamique où les acteurs cherchent sans cesse à améliorer la fonction et la compréhension des relations structure-propriétés ainsi qu’à innover pour développer de nouvelles fonctions en étroite relation avec la perpétuelle évolution des enjeux sociétaux.

En ce qui concerne les matériaux conducteurs, les approches de synthèse et l’utilisation d’objets conducteurs tels que les nanotubes de carbone et plus encore à l’heure actuelle le graphène occupent des places de choix dans le développement de ces matériaux. La recherche de films transparents et conducteurs est, par exemple, un défi à relever pour remplacer l’oxyde d’étain (ITO). Les recherches s’intensifient également autour du développement de matériaux thermoélectriques avec les objectifs d’atteindre des performances améliorées et de mieux comprendre les phénomènes de conduction électrique et thermique ainsi que leur couplage.

Pour les matériaux électro/photoactifs, la synthèse de copolymères à blocs donneurs et accepteurs d’électrons, les systèmes auto-assemblés, l’introduction au sein des matériaux de groupes ou agents structurants pour faciliter le transport des charges par une meilleure organisation du matériau sont autant de voies de recherche développées dans le domaine du photovoltaïque organique. L’assemblage des différents matériaux au sein de la cellule et la gestion des interfaces sont également des aspects importants et nécessaires à traiter pour aller jusqu’au dispositif.

Les recherches se sont également intensifiées ces dernières années sur les différents moyens d’associer polymères et liquides ioniques (LI) (mélanges, greffage, imprégnation de supports membranaires poreux, confinement de liquides ioniques dans des membranes de NTC, association de LI et de semi-conducteurs électroniques…) avec l’objectif d’élaborer des membranes conductrices ioniques, des membranes pour la séparation du dioxyde de carbone, le stockage d’énergie… Les questions fondamentales relèvent du choix des briques de base, de la structuration des LI au sein du matériau, de leur mobilité, de leur accessibilité selon les degrés de confinement et de la limitation de leur migration potentielle pour conserver des systèmes stables.

Pour les mousses, la compréhension des mécanismes contrôlant la structuration des mousses solides, dont dépendent les propriétés, sont un enjeu majeur. En particulier, une meilleure compréhension des mécanismes de nucléation, croissance des cellules et solidification en lien avec, d’une part les procédés utilisés et leurs paramètres de contrôle et d’autre part le choix des matériaux (nature, rhéologie, ajout de plastifiants ou de charges) est d’une importance capitale. Il en va de même pour l’utilisation de charges, fibres pour s’orienter vers de nouvelles structures et atteindre de nouvelles propriétés mécaniques et acoustiques… Enfin l’élargissement des études de compréhension des mécanismes de formation de systèmes poreux jusqu’aux aérogels contribue aux voies de recherche en pleine expansion.

L’assemblage de matériaux à structure multiéchelle et un contrôle de la cinétique de formation des assemblages (en lien étroit avec les approches de physico-chimie) peuvent donner naissance à des comportements très intéressants dans le domaine de l’optique. Une large palette de nanomatériaux à base de métaux nobles est explorée dans ce cadre en faisant varier la nature des objets, leur forme, leur constitution (monomatériau ou matériaux de type cœur/écorce). La structuration au sein de polymères, copolymères, gels voire mousses de résonateurs à réponses électriques et magnétiques déterminées est également au cœur de recherches en plein essor concernant le domaine des métamatériaux. De la même façon, la structuration de matériaux à propriétés mécaniques contrôlées permet de concevoir des métamatériaux acoustiques. La capacité à élaborer des nano-objets de constitutions et formes variées ainsi que la capacité à diriger les auto-assemblages font partie des axes de recherche essentiels pour le développement de ces nouveaux matériaux.

Le contrôle du transfert de matière au sein des systèmes à base de polymères régit le vaste domaine allant des membranes de séparation jusqu’aux matériaux barrière et les enjeux de « l’ultra-barrière ». Ces axes de recherche sont indissociables des enjeux sociétaux liés, en particulier, au domaine de l’énergie (pile à combustible, batteries, récupération du CO2, organique flexible, transport et stockage d’hydrogène…). Les approches (nano)composites alliant polymères et (nano)charges ou multinanocouches mettent en jeu des problématiques de structuration et la gestion des interfaces qui sont des clés de l’optimisation des propriétés des matériaux.

L’apport et le contrôle de propriétés de surface fait également partie des enjeux des matériaux de fonction allant de surfaces super-hydrophobes à des surfaces à propriétés d’adhésion, friction ou lubrification contrôlées. Dans ce cadre, outre les voies de modifications chimiques par greffage, des voies de texturation de surface originales, allant de la nanostructuration par des ions aux interfaces polymères hydrophobes/eau à la construction d’édifices de nanocouches par la voie « couche par couche ou layer-by-layer » en passant par la diversité des approches plasma, sont des voies de développement en plein essor.

C. Matériaux biosourcés

Sous la pression de la demande sociétale pour des matériaux à plus faible impact environnemental, mais également en raison de leurs propriétés spécifiques, les matériaux bio-sourcés sont maintenant considérés par de nombreux acteurs du domaine des matériaux les traitant indistinctement de ceux issus de ressources non-renouvelables. Cependant, généralement ces matériaux nécessitent des approches méthodologiques qui diffèrent de leurs homologues synthétiques. Il est indispensable, entre autres, de prendre en compte leurs propriétés intrinsèques et l’origine de la ressource. De ce point de vue, une distinction peut être faite entre les matériaux polymères issus de monomères bio-sourcés, dont la problématique relève pleinement de la chimie macromoléculaire (voir section I), de ceux qui sont utilisés en tant que tels, directement après extraction, purification et éventuellement modification. Parmi ces derniers, une disctinction peut également être faite entre les matériaux transformables (amidon, protéines, lignines…) qui se comportent comme des thermoplastiques et ceux non transformables (cellulose, chitine) qui sont utilisés comme des charges ou des renforts.

1. Les matériaux biosourcés transformables peuvent être utilisés en substitution de matériaux thermoplastiques après formulation (plastification, modification…) et les progrès récents portent sur le développement de nouvelles approches de type extrusion réactive ou incorporation de nanocharges. Ces matériaux souffrent cependant de performances moindres en raison de leur manque de stabilité thermique et leur sensibilité à l’eau, mais l’essor récent de l’utilisation de ce type de matériaux, en particulier dans l’emballage ou les produits de grande consommation (pour se conformer à la législation européenne en évolution), incite à s’intéresser de près à leurs comportements. L’apport d’une approche fondamentale de caractérisation et d’établissement de relations structures-propriétés pertinentes apparaît essentielle dans ce domaine pour accompagner les démarches de formulation et tirer le meilleur parti de ces matériaux.

2. Les matériaux biosourcés non-transformables, utilisés essentiellement en volume, comme les fibres ligno-cellulosiques, sont envisagés comme matériaux de renfort, avec une filière structurée depuis de nombreuses années en pôles d’excellence portés par les collectivités locales et les industries agro-alimentaires. D’un point de vue scientifique, la rationalisation de la compréhension de ces matériaux se heurte à la complexité et la variabilité de ces substrats due à leur origine. Les progrès récents ont porté sur l’amélioration des méthodes de mesure et la prise en compte de la polydispersité dans les modèles de prédiction, ainsi que sur le développement de méthodes de compatibilisation.

Lors des dernières années, la thématique, liée aux nanocharges bio-sourcées, s’est considérablement développée. C’est tout particulièrement le cas des nanocelluloses. Cet accroissement de production est visible à la fois dans la littérature scientifique et dans le dépôt de brevets. Portée par une industrie papetière et agro-alimentaire, désireuse de valoriser ses produits ou sous-produits, et par l’engouement pour ce qui est bio-sourcé, cette thématique pose un grand nombre de questions scientifiques liées aux spécificités de ces objets (anisométrie, propriétés de surface, chiralité…).

Enfin, des matériaux naturels d’usage séculaire (textile, papier, bois, cuir, soie…) qui jusqu’alors n’étaient étudiés que dans leur contexte applicatif direct, peuvent maintenant être considérés comme des matériaux polymères à part entière et bénéficier d’une approche scientifique relevant pleinement des thèmes de la section ou ils peuvent constituer des sources d’inspiration pour l’élaboration de matériaux biomimétiques.

D. Biomatériaux

Dans le domaine des biomatériaux, le développement de systèmes tridimensionnels capables d’être colonisés par des cellules et permettant leur prolifération est en pleine expansion, répondant au besoin de l’ingénierie tissulaire, dédiée à remplacer tout ou partie d’un organe défaillant. Les matériaux peuvent être obtenus par des méthodes conventionnelles (par gélification physique ou chimique, utilisation de porogène, fluide supercritique) ou de prototypage (électrofilage de nanofibres c’est-à-dire électrospinning, lithographie, impression 3D). La bioimpression 3D de polymères avec les cellules est un domaine foisonnant qui ouvre la voie à la reconstruction de tissus multicellulaires et stratifiés. Un des enjeux de cette technique est la mise au point d’une bioencre biocompatible aux propriétés rhéologiques adéquates. De même, les matrices hydrogels injectables offrent la possibilité de délivrer et d’assembler in vivo des cellules souches au pouvoir thérapeutique. Les matrices fondées sur des polymères synthétiques ou naturels doivent être non-seulement biocompatibles, assurer la diffusion des nutriments (grâce à leur porosité) mais également guider la colonisation cellulaire. Le contrôle de leurs propriétés mécaniques est primordial pour induire l’adhésion cellulaire : dureté et viscoélasticité optimales sont spécifiques à un type cellulaire. Les gels interpénétrés (présentant au minimum deux types de réseaux) sont l’objet d’intenses développements grâce à des améliorations synergiques de leur résistance ou leur ténacité. De plus, l’introduction de la chimie dynamique dans ces gels permet leur réarrangement sous sollicitations mécaniques. Par ailleurs, l’introduction de groupements protéolytiques (dégradables par les enzymes produites par les cellules) qui favorise ainsi la migration et la prolifération cellulaire peut être notée. Enfin, l’immobilisation de biomolécules (facteurs de croissance) sous forme de gradient est recherchée afin de guider la colonisation cellulaire du matériau.

En guise de conclusion, il convient de souligner qu’une préoccupation commune aux chimistes, physico-chimistes et spécialistes des matériaux est la provenance des matières premières, le devenir des matériaux après usage et la réduction des déchets générés tout au long de leur cycle de vie.

IV. Physique de la matière molle

La physique de la matière molle est centrée sur l’étude de la structure et de la dynamique des systèmes de polymères, de colloïdes, de tensioactifs, ou de cristaux liquides ainsi que leur réponse à un champ extérieur, le plus souvent une déformation mécanique. Si la section 11 a une forte interface avec la section 5 par l’étude de phénomènes physiques communs, elle s’en distingue néanmoins essentiellement à travers les systèmes étudiés pour lesquels la physico-chimie a un rôle essentiel. Ces systèmes présentent une très large gamme de réponses temporelles et d’échelles spatiales pertinentes pour la description de leur structure et de leur dynamique. Cependant, de nouveaux systèmes, partageant le même type de comportement ou posant de nouvelles questions, apparaissent. Ainsi, la matière active continue de susciter un engouement expérimental important, en forte connexion avec des avancées théoriques en physique statistique hors équilibre. Désormais, il devient possible d’envisager des matériaux dont les propriétés sont issues des caractéristiques propres des systèmes actifs. Ces systèmes sont de plus motivés par des questions relevant de la physique des systèmes biologiques vivants. Enfin, les développements expérimentaux récents dans la fabrication de dispositifs à l’échelle nanométriques permettent de sonder les écoulements aux très petites échelles et offrent de nouvelles descriptions des systèmes historiques de la matière molle.

A. Les systèmes de la matière molle

1. Polymères

Dynamique et écoulement

Les polymères, que ce soit les solutions concentrées, les fondus et éventuellement les phases vitreuses, possèdent une très large gamme de temps de relaxation. La réponse de ces systèmes à une contrainte mécanique revêt une grande importance à la fois fondamentale et pour les applications. La compréhension de ces temps en fonction de la nature des interactions, dans des conditions de confinement, ou près d’une surface (par exemple pour décrire la mécanique des matériaux composites), reste un sujet d’actualité. Des développements instrumentaux tels que la microscopie à champ proche ou la diffusion de la lumière ont permis de sonder ces dynamiques sur des gammes spectrales et spatiales de plus en plus larges. Dans le régime de la réponse linéaire, l’utilisation de sondes de contraintes locales a permis de comprendre les mécanismes de grande déformation, de la génération de l’écoulement jusqu’à la fracture du matériau. Ces expériences sont à placer en regard de modèles micromécaniques de plus en plus raffinés, dans lesquels les interactions hydrodynamiques sont de mieux en mieux prises en compte.

Polymères aux interfaces et effets de confinement

L’étude des propriétés dynamiques des polymères à une interface a connu des progrès récents, en particulier près de la transition vitreuse. Aux mécanismes de glissement des élastomères, des fondus de polymères, et des solutions de polymères, de mieux en mieux compris, s’ajoute l’étude du glissement et du frottement des hydrogels, notamment dans les hydrogels chargés.

En particulier, le rôle de la déformabilité des surfaces et de l’énergie élastique qu’elles peuvent stocker, dans les mécanismes de friction et d’adhésion sont des sujets d’actualité.

2. Systèmes auto-assemblés

Rhéologie et dynamique lente

Les systèmes vitreux présentent des hétérogénéités spatiales et stockent localement de la contrainte, qui peut être lentement relaxée. La compréhension des mécanismes de relaxation, du couplage entre les relaxations de différentes zones du système reste un sujet d’actualité. Différents outils (microscopie optique ou de force atomique notamment) ont permis de caractériser ces relaxations. Le lien avec les propriétés rhéologiques, par exemple le fluage, est étudié en associant des mesures rhéologiques et de diffusion du rayonnement sous écoulement. À l’instar des comportements des systèmes polymères aux grandes déformations, ces travaux s’appuient sur des progrès théoriques importants dans les modèles micromécaniques et l’introduction de la physique de la réponse linéaire. Ils ont, de plus, une importance dans la création de nouveaux matériaux, dont les propriétés finales dépendent de la façon dont le matériau vitreux a été préparé.

Auto-assemblage

L’auto-assemblage de particules colloïdales continue d’être une thématique importante, motivée notamment par la formation de nouveaux matériaux, tels que les cristaux photoniques à large bande interdite ou les métamatériaux pour l’optique. L’utilisation de leur auto-assemblage offre une voie alternative aux techniques de nanofabrication et est rendue possible grâce à la compréhension fine des mécanismes associés. Ainsi, des efforts ont été fournis afin de synthétiser des particules colloïdales possédant des symétries spécifiques susceptibles de contrôler leur assemblage. D’autres directions explorent l’auto-assemblage sous champ ou contraint par la présence d’une phase continue structurée par des phases de tensioactifs ou de polymères.

Cristaux liquides

La même motivation (la formation de nouveaux matériaux pour l’optique) a conduit à un regain d’intérêt pour les cristaux liquides. Une approche consiste à fabriquer des particules colloïdales formées elles-mêmes de cristaux liquides, afin de conférer à leur auto-assemblage une structure particulière. Sont alors utilisées des contraintes topologiques (par exemple en plaçant les cristaux liquides dans une sphère ou une coque) permettant de contrôler la nature et le nombre de défauts. Cela permet de générer des particules possédant des fonctionnalités liées à la présence des défauts, précisément réparties sur leur surface. Par ailleurs, la génération de défauts topologiques statiques et dynamiques en volume, à l’équilibre ou hors équilibre, a permis de développer de nouveau matériaux pour leurs propriétés optiques.

B. Thématiques aux interfaces

1. Séchage et mouillage de systèmes complexes

Une part importante de l’activité dans le domaine de la physique de la matière molle est motivée par la réalisation de matériaux et par l’amélioration ou la compréhension du comportement de matériaux. Cependant, la mise en œuvre des systèmes de la matière molle constitue aussi un axe de recherche important qui fait appel à des compétences de plus en plus pointues en physique du transport. En effet, si la compréhension de leur écoulement est généralement suffisante, dans de nombreux procédés, cet écoulement est associé à des transports de matière induits notamment par le séchage ou le mouillage. Le mouillage d’une surface par un liquide complexe a été étudié dans différents régimes, sur des surfaces hydrophiles ou hydrophobes. La dynamique du mouillage et celle des gouttes elles-mêmes est bien établie. Les recherches dans ce domaine s’orientent d’une part dans la compréhension du mouillage dans des conditions très éloignées du cas idéal (surfaces non contrôlées, composition du fluide complexe…) conditions motivées par des applications industrielles et d’autre part vers la prise en compte des phénomènes de transport de plus en plus riches dans la description des phénomènes interfaciaux (échanges thermiques, changements de phase aux interfaces par exemple). Enfin, la génération de contraintes internes lors du séchage d’une suspension colloïdale est importante car elle conditionne les propriétés fonctionnelles du matériau sec : ses propriétés mécaniques, son adhésion au substrat… De nouveaux dispositifs microfluidiques permettent d’étudier le séchage des suspensions colloïdales dans des géométries et des conditions de transport extrêmement contrôlées et ont permis la compréhension des mécanismes en jeu qui contrôlent la microstructure et le stockage de la contrainte lors du séchage.

2. Confinement et transport

Les écoulements aux échelles nano-métriques sont présents dans les films et jouent un rôle important dans la stabilité des mousses ou des émulsions. Il est aussi important de comprendre les propriétés de ces écoulements aux échelles ultimes de quelques nanomètres. Plusieurs types d’expériences permettent de réaliser ces mesures, soit en étudiant l’écoulement près d’une surface, soit en milieu semi-infini. Néanmoins, le confinement dans des tubes ou entre des parois distantes de quelques nanomètres ont montré, qu’à des échelles inférieures à 5 nm, les lois de l’écoulement étaient profondément changées. Leur description implique la compréhension des propriétés électroniques du substrat et des interactions électroniques entre le substrat et le liquide. Les mécanismes de ces écoulements sont étudiés à la fois par nanofabrication de nanopores ou nanofeuillets et par appareil à force de surface. La compréhension de ces mécanismes ouvre la voie à de nouveaux mécanismes de séparation. Outre les liquides simples, les mécanismes d’écoulement des électrolytes en milieu confiné ont de nombreuses applications liées à la conversion de l’énergie : batteries ou piles à combustibles par exemple.

3. Matière active

Les systèmes actifs sont composés de particules capables de convertir l’énergie stockée dans l’environnement, souvent sous forme chimique, en énergie cinétique pour s’auto-propulser. L’énergie injectée à l’échelle microscopique, au niveau de chaque particule, est transmise aux grandes échelles où des comportements collectifs émergents sont observés. La matière active connaît un engouement croissant à la fois pour ses applications pratiques envisagées, son importance en biologie et parce qu’elle pose des questions fondamentales de physique statistique hors équilibre. Il est ainsi envisageable d’utiliser un système actif afin de réaliser des moteurs très efficaces. Par ailleurs, l’utilisation des propriétés actives afin de produire de nouveaux matériaux est un axe de recherche qui commence à se développer. Enfin, se développe l’étude des macromolécules biologiques qui possèdent une structure interne (filaments d’actine, microtubule, ADN) en milieu confiné : de nouvelles structures, dues au confinement apparaissent, leur dynamique reste à résoudre. Le transport de ces bio-filaments dans des gradients de champ est à l’origine de nouveaux mécanismes de moteurs.

Certaines problématiques citées ci-dessus se retrouvent naturellement dans la thématique « Interface physique-biologie ».

V. Interface physique-biologie

L’interface entre la physique et la biologie fait partie intégrante des thématiques de la section 11 depuis maintenant une vingtaine d’années. Les outils et les concepts interdisciplinaires de la physique et de la physico-chimie de la matière molle se sont, en effet, révélés particulièrement adaptés pour appréhender certains aspects de la matière biologique, par exemple pour caractériser ses propriétés rhéologiques à l’équilibre et hors d’équilibre, déterminer comment elle répond à des sollicitations mécaniques ou chimiques extérieures, ou comprendre l’émergence d’une organisation aux méso-échelles à partir d’interactions physico-chimiques entre un grand nombre de « briques élémentaires » (molécules, cellules ou bactéries). Réciproquement, les systèmes vivants ont également servi d’inspiration pour développer une physique de la matière molle hors équilibre – une forme de « matière active », sans que la problématique biologique soit nécessairement la motivation principale. Ce dernier champ est actuellement en plein essor un peu partout dans le monde. Bon nombre de travaux à l’interface physique-biologie résultent de collaborations étroites entre expérimentateurs et théoriciens, dans la pure tradition des activités interdisciplinaires développées dans la section.

La section 11 réaffirme son plein soutien à cette interface(2) et remarque qu’elle est très attractive vis-à-vis des jeunes chercheurs.(3) Ceci pose une difficulté à la section qui est dans l’impossibilité de répondre à cette pression sans mettre en péril l’équilibre thématique entre les diverses disciplines qui cohabitent dans la section.

L’interface avec la biologie représente un champ d’action très large et concerne un nombre important de sections : les sections 02, 04, 05 de l’INP, la section 08 de l’INSIS, les sections 11 et 16 pilotées par l’INC, les sections 20, 21 et 22 de l’INSB et les commissions interdisciplinaires 51 et 54 peuvent ainsi être citées. Avec l’essor remarquable et extrêmement positif de l’interface physique-biologie, les problématiques étudiées en section 11 se diversifient, avec des systèmes qui, en devenant de plus en plus pertinents pour la biologie, se complexifient. Cela peut, parfois, créer des difficultés pour l’évaluation et le recrutement des chercheurs à l’interface physique-biologie, en particulier en raison du langage et d’un état de l’art spécifiques à chaque système étudié. L’évolution des thématiques et des systèmes à l’interface physique-biologie est cependant un signe de vitalité scientifique. Dans un contexte inquiétant de réduction de poste, les interfaces risquent d’être les premières à souffrir. En raison du nombre important de candidatures de grande qualité aux concours et du dynamisme remarquable de ce champ disciplinaire, il convient de s’interroger sur les moyens de soutenir l’interface physique-biologie en section 11, et de façon plus large au niveau du CNRS, sans doute en concertation étroite avec les autres sections concernées.

Dans la suite, quelques domaines marquants de l’interface physique biologie en section 11 sont décrits.

A. Systèmes reconstitués et bio-mimétisme

1. Membranes et cytosquelette

Les bio-polymères du cytosquelette cellulaire, par exemple l’actine, et les membranes lipidiques constituent deux objets « traditionnels » de l’interface physique-biologie en section 11.

D’une part, les biopolymères et les membranes sont étudiés séparément. Des études récentes visent à mieux comprendre comment l’association de chacun avec des protéines purifiées in vitro conduit à des modifications de leurs propriétés physiques ou, réciproquement, comment des propriétés physiques telles que la tension ou la courbure modulent l’accrochage de protéines, ce qui peut conduire à des accrochages allostériques, du clustering, ou des séparations de phase.

D’autre part, il existe de plus en plus d’expériences visant à associer membrane et cytosquelette dans des systèmes reconstitués pour mimer des architectures cellulaires aux méso-échelles, étudier comment elles se forment, mais aussi se brisent. L’ajout de moteurs moléculaires peut induire la contractilité et la réorganisation de ces structures. Le contrôle géométrique des assemblages joue un rôle essentiel et peut être obtenu en maîtrisant la concentration des protéines dans l’espace et dans le temps. L’outil microfluidique, le contrôle physico-chimique des surfaces, ou plus récemment le contrôle optique ou magnétique de l’activité de protéines a permis de faire des progrès sensibles dans cette direction.

2. Compartiments sans membranes-proto-cellules : un champ émergent

Les cellules eukaryotes renferment des « granules » – compartiments qui ne sont pas délimités par une membrane lipidique. Il a été observé au cours de ces dix dernières années que ces « granules » se comportent physiquement comme des gouttelettes liquides hors équilibre, échangent de la matière et de l’énergie avec le milieu environnant et se forment par un processus d’autoassemblage encore mal compris. Ces compartiments renferment un condensat de biomolécules (ARN, protéines…) et servent de réacteurs biochimiques dont le dysfonctionnement est associé à l’infection virale, le cancer et les maladies neurodégénératives.

Il existe de nombreuses analogies entre les granules cellulaires et la physico-chimie des coacervats – des phases denses de particules colloidales obtenues par séparation de phase liquide-liquide – en phase aqueuse, les premiers pouvant même servir d’inspiration aux physico-chimistes pour créer les seconds. Réciproquement, la formation par démixtion de gouttelettes contenant de l’ADN ou de l’ARN apparaît comme un système modèle pour la formation de « proto-cellules » in vitro et s’intéresser aux origines de la vie. Des analyses théoriques indiquent déjà que la forme de ces gouttelettes peut être couplée aux réactions chimiques qui ont lieu en leur sein, conduisant à des cycles de croissance/division spontanée d’une gouttelette en deux. Des stratégies expérimentales sont par ailleurs développées pour contrôler la formation de condensats ARN-protéines in-situ, à l’intérieur des cellules.

Cette thématique de recherche est en expansion rapide dans le monde, notamment en Allemagne et aux États-Unis. Elle est également émergente en section 11 et est appelée à se renforcer dans les prochaines années. La culture des chercheurs de la section en physique et physico-chimie de la matière molle semble en effet particulièrement appropriée pour contribuer au développement de cette thématique en plein essor dans un contexte international compétitif.

En dehors des granules liquides, des systèmes moléculaires réactifs ont été développés pour contrôler dans l’espace et dans le temps la concentration des espèces chimiques (ADN, enzymes) et arriver à un processus de morphogénèse moléculaire. Cette activité de biologie synthétique in vitro, bien qu’à la marge des activités de la section 11, est très dynamique dans le contexte international.

Plus généralement, un objectif à long terme du bio-mimétisme `bottom-up‘ serait de produire une cellule synthétique à partir d’un nombre minimal d’ingrédients moléculaires, ou du moins de mimer certaines fonctions cellulaires comme l’aptitude à se diviser ou à se mouvoir. Il est à noter que plusieurs initiatives de grande envergure ont été entreprises dans ce sens en Europe (Pays-Bas et Allemagne) et aux États-Unis pour fédérer les compétences interdisciplinaires des laboratoires nationaux. À la lumière de ces investissements massifs à l’étranger, il existe un risque que la France prenne un retard sur la concurrence dans un champ d’intérêt majeur et compétitif dans lequel elle a longtemps été pionnière.

B. ADN, assemblages supramoléculaires – physique du noyau

Le terme « biophysique » est souvent compris par une partie de la communauté scientifique, en particulier en biologie structurale, comme une science qui s’intéresse à la structure des protéines, à leurs changements de conformations, ainsi qu’à la relation entre structure et fonction. Les techniques telles que la RMN, la diffusion des rayons X, ou plus récemment la cryo-microscopie, sont essentielles aux avancées de ce domaine. Cette composante de l’interface physique-biologie ne relève pas à proprement parler du champ d’action de la section 11. Cependant certaines activités s’en rapprochent comme, par exemple, l’étude structurale des phases denses d’ADN dans les capsides virales qui peuvent être reproduites in vitro, l’étude de l’assemblage des capsides virales, ou des assemblages de fibres amyloïdes. Dans ce type d’étude, la maîtrise des interactions physico-chimiques est essentielle à la compréhension des assemblages obtenus.

De nombreux groupes de recherche dans le monde (et également en section 11), étudient l’organisation de l’ADN dans le noyau et comment cette organisation conditionne la transcription des gènes. Ce champ de recherche bénéficie de techniques de biologie moléculaire qui ont permis de caractériser l’organisation spatiale de la chromatine dans le noyau, en particulier en mettant en évidence des interactions entre loci génomiques distants le long la chaîne linéaire d’ADN. L’organisation de la chromatine en domaines topologiquement associés a pu être décrite à partir de la physique des transitions de phase. La physique des polymères à blocs a aussi été pertinente pour décrire et prédire les cartes d’interaction entre loci au sein de la chromatine. Enfin, le développement rapide des techniques optiques de super résolution et le suivi de molécules individuelles (ARN, protéines) permet aujourd’hui d’étudier la dynamique spatio-temporelle des fonctions génomiques, comme la transcription de l’ADN en ARN.

Ces thématiques sont à l’interface avec la section 4 pour l’optique et la section 21 pour l’organisation des génomes et la bio-informatique.

C. Mécanique et biologie

La mécanique joue un rôle essentiel dans bon nombre de processus biologiques, comme par exemple la division ou la motilité cellulaire, la circulation sanguine, la cicatrisation d’un tissu, la morphogènèse d’un embryon, ou la mécanosensibilité auditive de l’oreille interne.

1. Rhéologie de la matière biologique

La caractérisation mécanique des systèmes biologiques a d’abord consisté à réaliser des mesures rhéologiques « actives » (mesures du mouvement en réponse à une force extérieure) ou « passives » (mesures de fluctuations). Les forces peuvent être exercées à l’échelle de l’assemblage de cellules (tissus ou amas), à l’échelle de la cellule unique, ou même à l’échelle sub-cellulaire par exemple par le biais de nanoparticules manipulées avec des pinces optiques ou magnétiques.

Comme cela peut être fait dans un matériau polymère complexe, le but de ces expériences de rhéologie est d’extraire les propriétés viscoélastiques des systèmes étudiés, leur dépendance en fréquence et de caractériser l’hétérogénéité des propriétés intracellulaires.

Le sang fournit par ailleurs un exemple de liquide complexe – une suspension de cellules, dont la circulation a fait l’objet de nombreuses études au cours de ces dix dernières années, par exemple pour mieux comprendre les mécanismes qui conduisent à la vaso-occlusion. L’outil microfluidique a permis de fabriquer des canaux artificiels dont il est possible de contrôler la géométrie et les propriétés physico-chimiques de surface. Ces études expérimentales sont souvent combinées à des modélisations et simulations numériques 2D/3D, démontrant à nouveau des interactions fructueuses entre expérimentateurs et théoriciens.

Récemment, la confrontation des résultats de rhéologie active et passive a permis de quantifier le caractère hors équilibre de la matière biologique – son activité mécanique, notamment en appliquant les théorèmes de fluctuations ou en développant de nouveaux outils de thermodynamique statistique. Là encore, la biologie a servi d’inspiration à la physique, en favorisant le développement de la physique hors équilibre, un sujet d’intérêt qui se retrouve également dans les sections 02 et 05.

Il peut être noté que les expériences de mécanique à l’échelle de la molécule unique, même si elles continuent à être représentées en section 11, semblent en léger retrait par rapport au passé au profit d’études sur de larges groupes de molécules/cellules mettant en évidence l’émergence d’effets collectifs.

2. Émergence de mouvements collectifs

Les systèmes biologiques ont la propriété de pouvoir se mouvoir sans force extérieure. Les contraintes géométriques, notamment le confinement, ainsi que des propriétés physiques et physico-chimiques du substrat, jouent un role essentiel sur le comportement cellulaire observé. Les études récentes se caractérisent par un changement d’échelle, passant d’études à l’échelle de la cellule unique il y a une dizaine d’années, à des études à l’échelle de tissus bidimentionnels, et plus récemment d’agrégats cellulaires tri-dimensionnels (sphéroïdes ou organoïdes) puisqu’il est maintenant connu que la migration cellulaire sur un substrat bidimensionnel est loin de représenter le comportement réel de cellules migrant dans un tissu tridimentionnel.

L’encapsulation cellulaire dans des capsules d’alginate permet de contrôler la différenciation de cellules souches et de les délivrer dans un organe récepteur, ouvrant, à la fois, une voie possible de transfert vers la médecine et une méthode permettant de contrôler finement l’environnement cellulaire pour des études plus fondamentales.

Dans les tissus bidimensionnels, les interactions d’alignement entre cellules allongées ont permis de décrire les tissus en termes de « cristaux liquides (nématiques) actifs ». La dynamique et les interactions des défauts topologiques qui se trouvent aux jonctions entre régions d’orientations différentes pourraient être à l’origine de transitions de réorganisation, par exemple d’un tissu bidimensionnel à un amas cellulaire tridimensionnel. Là encore, l’apport de la modélisation physique et des simulations numériques est essentiel pour comprendre les phénomènes physiques en jeu. Ces considérations s’appliquent également aux colonies bactériennes, un autre champ de recherche dynamique qui relève de la matière active. Les objets individuels (cellules ou bactéries) de la matière biologique (tissu ou colonie) établissent des interactions à courte distance (adhésives, par exemple) et à longue distance (flux hydrodynamiques entre cellules distantes, par exemple). Ces interactions génèrent un ordre aux méso-échelles qui se traduit par une organisation collective, comme par exemple la formation de vortex sur un tapis de cellules bronchiques ciliées ou dans les colonies bactériennes.

Ces thématiques de l’interface physique-biologie se retrouvent également en sections 05 et 22. Le domaine de la matière active a connu une croissance très forte ces dernières années et est encore en expansion.

3. Mécanobiologie : rétroaction entre contraintes mécaniques, flux de matières, et expression génétique

Les échanges, de plus en plus approfondis, avec la communauté des biologistes ont fait évoluer la mécanique cellulaire et tissulaire vers la « mécanobiologie », également appelée « mécanotransduction ». L’intérêt ne se porte plus seulement sur la réponse mécanique de l’objet biologique à une sollicitation extérieure mais aussi sur les modifications chimiques ou génétiques induites par le stress mécanique à l’intérieur du système.

Le couplage entre la contrainte mécanique et la signalisation chimique dans la cellule peut moduler l’expression de gènes et, en retour, induire une modification des propriétés mécaniques et/ou des réorganisations cellulaires. À l’échelle multicellulaire, les gradients mécaniques induisent des flux de matière contenant des signaux chimiques. Ces rétroactions sont essentielles aux processus morphogénétiques, qui peuvent être abordés sous l’angle de la physique non-linéaire des systèmes dynamiques.

Par conséquent, les études mécaniques de la « matière active » s’accompagnent aujourd’hui, en collaboration étroite avec les biologistes, d’études moléculaires, fondées notamment sur l’observation microscopique de marqueurs fluorescents. Les chercheurs physiciens ou physico-chimistes doivent donc se familiariser avec des techniques et méthodes venant de la biologie (séquençage d’ADN, mutagénèse dirigée, biochimie et purification des protéines…).

La mécanobiologie est également une thématique forte en section 22. L’intérêt en section 11 porte sur la description, la compréhension et le contrôle physique et physico-chimique des mécanismes en jeu dans la mécanosensibilité des systèmes.

VI. Théorie et simulation pour la matière molle

Les approches théoriques développées pour l’étude de la matière molle prennent des formes très diverses, selon les échelles d’espace et de temps considérées. Au cours des cinq dernières années, de nouvelles questions expérimentales ont conduit à un renouvellement de ces approches, en particulier au niveau de la rhéologie, de la mécanique des systèmes polymères et des cristaux liquides. Du point de vue théorique, il a également fallu inclure de nouveaux sujets concernant l’organisation des matériaux actifs ou dotés de propriétés de motilité propre, ainsi que les tissus biologiques. Plus complexes, ces sujets deviennent de plus en plus importants en recherche contemporaine.

Dans les années à venir, il sera incontournable d’aborder les questions d’organisation non classique, fondée sur des dynamiques hors équilibre ou sur une structuration guidée par une information externe.

Ce chapitre présente les différents sujets relatifs à ces questions selon l’échelle spatio-temporelle déterminante des propriétés spécifiques des systèmes physiques concernés.

A. Échelle moléculaire

À l’échelle moléculaire, les modèles analytiques et numériques détaillés peuvent conduire à des découvertes et des applications très originales lorsqu’ils sont appliqués à la chimie et aux sciences des matériaux qu’ils contribuent donc largement à renouveler. Par exemple, une réflexion théorique sur les origines de l’élasticité et des barrières de relaxation dans les polymères a fait émerger l’idée originale de séparer l’énergie associée à la cohésion d’un matériau et celle mise en œuvre lors d’un réarrangement chimique. De cette façon, il est possible de concevoir un système polymère libéré de certaines des contraintes thermodynamiques classiques et de lui conférer ainsi des propriétés mécaniques novatrices. Ces nouvelles propriétés permettent, par exemple, un réarrangement topologique à énergie constante, c’est-à-dire qu’il est possible d’accéder à des modifications chimiques majeures dans un réseau polymère, sans apport d’énergie d’activation chimique. Ce concept théorique a stimulé le design de tels matériaux, les vitrimères, qui sont aujourd’hui élaborés expérimentalement. Ces matériaux peuvent ensuite constituer une base de réflexion théorique pour étudier des mécanismes similaires à l’œuvre soit dans des matériaux vitreux comme la silice, soit dans de nouveaux matériaux. Il est attendu de ces nouveaux matériaux qu’ils soient à la fois stables et faciles à manipuler, au sens d’une modification de configuration géométrique ou dans l’idée d’un recyclage. Il s’agit maintenant de poursuivre les études déjà en cours pour définir et contrôler de nouveaux systèmes, qu’il est envisageable de solliciter par une stimulation externe.

Une question encore plus vaste en science des matériaux consiste à définir jusqu’à quel degré il est possible pour un «  intelligent designer » d’imaginer un matériau nouveau dont il puisse définir les propriétés. C’est un problème à la fois conceptuel, puisqu’il faut bien concevoir la complexité des propriétés envisagées, et expérimental, puisqu’il faut à terme aboutir au matériau avec les propriétés désirées. Dans ce cadre, le monde biologique offre de multiples exemples qui suscitent la réflexion et qui interrogent sur ce qui est à l’origine de l’extrême précision des éléments qui le constituent. Deux caractéristiques du monde vivant, qui le distinguent a priori du monde des matériaux, peuvent être retenues mais qui sont aujourd’hui davantage insérées dans la modélisation des matériaux : d’une part la consommation d’énergie, d’autre part l’information, telle que le marquage chimique au niveau des protéines, pour des fonctions de transport ou de placement, et au niveau de l’ADN lors de la transcription. En science des matériaux, si la consommation d’énergie est largement étudiée dans les systèmes actifs, les questions sur la « structure informationnelle » sont encore peu développées. En biologie, la consommation d’énergie et l’information se combinent, comme cela est observé dans le cadre de corrections cinétiques où la dépense énergétique est directement reliée au degré de fiabilité du processus de réplication de l’ADN. Le fait d’approfondir le lien information-énergie dans l’assemblage et la structuration de composants de matériaux constitue en soi une voie théorique qui implique à la fois la thermodynamique des processus irréversibles et les simulations numériques fondées sur ces principes. Il est à prévoir que cette approche théorique sera un acteur majeur de la science des matériaux, comme de la biophysique, de demain.

B. Échelle mésoscopique

Les propriétés de la matière molle se manifestent le plus souvent à une échelle mésoscopique de son organisation, ce qui autorise une simplification dans l’approche descriptive de ces matériaux. La description de type « coarse grain » est adaptée, aussi bien d’un point de vue analytique qu’informatique, et permet ainsi de simplifier l’approche tout en conservant les descripteurs essentiels du phénomène sous-jacent. Un exemple typique des avantages de cette simplification dans le domaine des polymères est qu’elle permet de relier des contraintes topologiques à des propriétés rhéologiques, sans entrer dans le détail de tous les degrés de liberté des polymères. Tant que le système est considéré à l’équilibre thermodynamique, cette approche est suffisante. Cependant, elle nécessite un complément de description théorique dès lors que le système est loin de l’équilibre. C’est ainsi que de nouvelles études portent sur la cristallisation des polymères ou sur des flux hydrodynamiques rapides, par exemple, dans les situations aussi extrêmes que le spin-coating ou le dépôt de films ultra-minces.

Ce principe de simplification coarse grain est actuellement à l’étude pour décrire la matière active hors équilibre. L’étude des propriétés auto-organisatrices d’objets individuels non coordonnés s’inspire de la création de motifs mésoscopiques dans des systèmes physiques passifs, lorsqu’ils sont soumis à des forces et instabilités hydrodynamiques et mécaniques. Une question pertinente consiste à se demander si une dynamique spontanée peut produire de nouveaux motifs mésoscopiques de la matière, correspondant à de nouveaux états accompagnés de nouvelles propriétés. Les modèles fondés sur les particules type coarse grain, qui font donc l’économie de descriptions chimiques détaillées, offrent un outil privilégié au théoricien pour se concentrer sur les principes organisationnels qui régissent ces systèmes.

Au niveau intermédiaire de cette description théorique, des liens entre la physique des polymères et la façon dont les brins d’ADN s’enroulent autour des histones dans les chromosomes sont établis. Des progrès notables ont été faits dans la compréhension des échelles de temps impliquées dans la dynamique de l’ADN chromosomique lors de processus cellulaires spécifiques, grâce à l’analogie avec des mécanismes explicités dans le cadre de la physique des polymères. La dérégulation de processus dynamiques standard dans les chromosomes peut être associée à une pathologie. Une telle approche « épigénétique » de la maladie est complémentaire des approches biophysiques communes fondées sur la dynamique individuelle de molécules.

L’utilisation de marquage et d’information encodée constitue également un domaine de recherche actif. Des particules colloïdales fonctionnalisées avec des fragments d’ADN, judicieusement sélectionnés, permettent l’établissement de liens spécifiques entre les particules lorsqu’elles sont mélangées, mais aussi de programmer des configurations particulières, complexes, guidées par ces liens.

À ce jour, les connaissances acquises dans le domaine de l’auto-organisation par fonctionnalisation ne permettent pas encore d’accéder à la complexité connue dans le monde du vivant, même au niveau de systèmes passifs comme la capside d’un virus, d’où la nécessité de poursuivre ce type d’approches dans des cadres de complexité augmentée. Les bases théoriques de ces travaux sont encore très rudimentaires.

C. Descriptions continues et macroscopiques de la matière

Une description continue de la matière permet un recul vis-à-vis des propriétés structurelles détaillées pour mettre l’accent sur les propriétés de symétrie et les lois de conservation, en accédant directement aux propriétés macroscopiques du système étudié. Ce type de description peut être statique ou dynamique, pour étudier respectivement les aspects élastiques ou hydrodynamiques de phénomènes.

L’organisation des cristaux liquides est déterminée par des énergies élastiques bien décrites théoriquement et leurs états multiples, aux applications très nombreuses, sont fonction de la géométrie et des conditions aux limites. Dans les années à venir, la maîtrise théorique des phases de cristaux liquides enrichis de particules dont la taille est supérieure à celle des molécules du cristal sera possible et devra permettre la création de nouveaux matériaux structurés aux propriétés émergentes originales, par assemblage multi-composants, multi-échelles.

La description continue de matériaux isotropes et anisotropes en mouvement est souvent inspirée de matériaux et systèmes biologiques. Des objets fortement anisotropes dans une situation loin de l’équilibre thermodynamique forment une matière nématique active, qui peut présenter des formes de comportement turbulent, donc un écoulement hydrodynamique complexe. Par ailleurs, la croissance et le mouvement de cellules dans des tissus constituent de nouvelles formes d’écoulement hydrodynamique, dont la description théorique peut s’appliquer au développement embryonnaire comme à la croissance tumorale. Il est fondamental de s’interroger sur ce qui, dans l’hydrodynamique conventionnelle, doit être modifié pour rendre compte de la spécificité de processus d’écoulements dans les tissus vivants. Une meilleure compréhension théorique de la dynamique de ces écoulements permettra de mieux interpréter l’évolution de groupes cellulaires, de tissus et, à long terme, de maladies, en interface avec le milieu médical. Il est donc clair que cette approche mécanique et hydrodynamique continue de la matière est tout à fait pertinente et à l’avant-garde de développements fondamentaux à la fois en biologie et en science des matériaux, pour des avancées médicales significatives, dans un cadre multi-disciplinaire.

D. Méthodes transverses

De façon complémentaire aux approches théoriques à différentes échelles décrites ci-dessus, d’autres méthodes théoriques prennent de l’importance aussi bien auprès des théoriciens que des expérimentateurs. Parmi ces méthodes, il y a un véritable essor des techniques de « machine learning », par exemple dans le cadre de l’estimation de l’énergie potentielle effective d’un système à partir des résultats de calculs numériques quantiques. Un autre exemple est l’optimisation de la paramétrisation d’une simulation de type coarse grain, sur la base de nombreuses simulations à l’échelle inférieure.

Il est important de noter que dans les années à venir, les expérimentateurs vont engendrer de telles quantités d’information qu’une approche big data sera nécessaire pour extraire et synthétiser l’information pertinente et pour mieux construire les modèles qui permettent l’exploitation et l’interprétation de ce grand nombre de données. Les microscopes modernes avec acquisition vidéo conduisent à une source gigantesque de données, dont l’analyse peut être faite sur la base de celles appliquées à des simulations de type Monte-Carlo ou en dynamique moléculaire : il s’agit donc d’une mise en commun d’outils développés par les théoriciens avec les expérimentateurs.

Dans d’autres domaines, tels que l’analyse d’images tomographiques, une reconstruction améliorée est possible avec l’aide d’algorithmes avancés de traitement de données fondés sur une approche bayésienne. Ce type d’algorithme permet de réduire le temps d’acquisition pour une précision donnée, et donc de réduire la quantité de radiation que reçoit un patient (ou un échantillon). De telles méthodes computationnelles de traitement de l’information, où la quantité de données qui y donnent accès est réduite, nécessitera dans le futur de plus en plus d’interactions trans-disciplinaires entre les théoriciens de la matière molle, les mathématiciens, les expérimentateurs bio-physiciens et biologistes, afin qu’ils définissent ensemble les nouvelles approches algorithmiques d’acquisition, de traitement et d’analyse des données. Une telle évolution, de si vaste ampleur ne peut pas être limitée à un type de système et devra donc se faire à une échelle dépassant largement celle de la section 11.

VII. TGIR

Les travaux menés par les chercheurs de la section 11 s’appuient sur l’utilisation importante(4) de Très Grandes Infrastructures de Recherche (TGIR), principalement les synchrotrons et les centres de diffusion neutronique(5). Cette forte utilisation provient du fait que les techniques de diffusion de rayonnement des rayons X et des neutrons permettent la caractérisation structurale, en volume et aux interfaces, des briques constitutives de la matière molle (nanoparticules, polymères, tensioactifs, protéines…) et de leurs assemblages aux échelles pertinentes (1 nm – 100 nm), ainsi que l’étude de leur dynamique sur des grandes gammes temporelles par des techniques spectroscopiques(6). Elles permettent en particulier de réaliser des types de mesures uniques, telles que la détermination de la conformation de polymères dans des fondus par diffusion des neutrons par substitution isotopique H/D ou le suivi cinétique ultra-rapide de la croissance de nanoparticules par diffusion des rayons X grâce au flux intense du rayonnement synchrotron. En outre, les techniques d’imagerie directe de radiographie et tomographie par rayons X et/ou neutrons sont actuellement en plein essor et permettent la caractérisation structurale de systèmes organisés aux échelles mésoscopiques (1 μm – 1 mm) tels que les mousses ou les émulsions.

La communauté scientifique française bénéficie actuellement d’un large accès à ces types de TGIR combinant, pour chacune des techniques, une source nationale située sur le plateau de Saclay – respectivement le synchrotron Soleil et Laboratoire Léon Brillouin (LLB) utilisant le réacteur Orphée – et la source européenne située sur le sol français à Grenoble, respectivement l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) et l’Institut Laue Langevin (ILL), ces deux dernières sources étant actuellement parmi les meilleures au monde.

Ce paysage extrêmement favorable est actuellement en forte mutation, en particulier en ce qui concerne la neutronique. La France est en effet engagée comme partenaire dans la construction de l’European Spallation Source à Lund (Suède), qui devrait fournir son premier faisceau de neutrons en 2023 et atteindre son plein régime de fonctionnement vers 2030. Le gain en flux sur cette nouvelle source, basée sur la technique de la spallation, devrait être extrêmement substantiel par rapport aux sources existantes et permettre l’avènement de nouveaux types d’expériences, par exemple des suivis cinétiques rapides par diffusion de neutrons. L’utilisation de cette source dont le coût financier est très conséquent ne sera cependant optimale que si la communauté reste très active à l’horizon 2025. Or il a été décidé de fermer le réacteur Orphée, qui fournit les neutrons des instruments du LLB, en octobre 2019. Ce laboratoire va devoir faire évoluer ses missions de source nationale (formation, accueil de nouveaux utilisateurs, réalisation d’expériences ne nécessitant pas un très haut flux) et les utilisateurs n’auront plus accès qu’à la part du temps de faisceau de l’ILL dévolu à la France (25 % du temps total). Il existe ainsi un risque important que la communauté s’étiole et/ou vieillisse dans les années à venir. Pour pallier ce problème, le LLB propose 2 actions importantes : i) à court terme, la création de 4 instruments de type Collaborating Research Group (CRG) dont 2 instruments de diffusion aux petits angles (environ 80 à 85 % des expériences de diffusion neutronique des chercheurs de la section 11), et ii) à moyen terme, un projet de source de neutrons compacte permettant de disposer de 10 instruments dont les performances seront équivalentes à celles des instruments du LLB installés sur le réacteur Orphée.

En ce qui concerne les rayons X, des changements importants sont également en train de s’opérer puisque les sources de lumière actuelles de l’ESRF et Soleil, synchrotrons de troisième génération, vont être améliorées en « Extremely Brilliant Source » permettant d’augmenter la brillance et la cohérence des faisceaux de près d’un facteur 100. Ces opérations nécessitent des arrêts de relativement longue durée, ce qui va réduire significativement le temps de faisceau disponible dans les années à venir. Les bénéfices à terme devraient néanmoins être très importants puisqu’un nouveau champ d’expérience va s’ouvrir, en particulier pour l’imagerie cohérente haute résolution ou les techniques d’XPCS. Les gains en rapport signal/bruit pour certains types d’expériences devraient également être très substantiels, par exemple en réflectivité.

La section 11 souhaite attirer l’attention sur le risque de perte de compétences dans ce domaine fondamental pour la matière molle et soutient les actions menées pour maintenir cette compétence à son haut niveau actuel.

CONCLUSION

 

La section 11 présente une très grande cohérence quant aux objectifs à atteindre et aux approches mises en œuvre au sein des disciplines et thématiques très diverses qui la composent : chimie macromoléculaire, physique et physico-chimie de la matière molle, interface physique-biologie, matériaux et théories/simulations. En effet, la conception raisonnée, l’élaboration contrôlée, des propriétés et des fonctions originales sont recherchées, quelle que soit l’échelle spatiale. Toutes les thématiques se sont renouvelées en évoluant vers une augmentation de ce contrôle – que ce soit au niveau de la synthèse des polymères, des procédés de mise en forme ou au niveau des auto-assemblages – et simultanément vers une complexification des systèmes d’études soit par la diversité des constituants et de leurs interactions soit par le changement d’échelle en considérant le confinement nanométrique. Ces changements ne sont possibles que grâce aux développements théoriques, qui produisent des modèles de plus en plus raffinés et qui tiennent compte de cette complexité, et développements expérimentaux qui permettent de sonder la matière molle avec plus de précision.

Les champs disciplinaires de la section 11 sont extrêmement dynamiques et les chercheurs motivés pour relever les défis scientifiques et/ou sociétaux qui les concernent directement comme l’élaboration de matériaux en utilisant des ressources renouvelables et en intégrant dès le départ toutes les questions relatives au cycle de vie. Pour cela toutes les compétences de la section 11 sont nécessaires. Cependant la section s’inquiète du contexte actuel et de la diminution globale des postes qui seront forcément défavorables au maintien de ce large éventail de connaissances actuellement présent au sein de la communauté qui constitue la section 11.

Annexe

Liste des abréviations
CRG : Collaborating Research Group
DLVO : Boris Derjaguin, Lev Landau, Evert Verwey et Theodoor Overbeek
ESRF : European Synchrotron Radiation Facility
ILL : Institut Laue Langevin
INC : Institut de Chimie
INSB : Institut des Sciences Biologiques
INSIS : Institut des Sciences de l’Ingénierie et des Systèmes
INP : Institut de Physique
ITO : Indium Tin Oxide oxyde d’indium-étain
LCST (Lower Critical Solution Temperature) : température de solution critique inférieure
LI : liquide ionique
LLB : Laboratoire Léon Brillouin
NTC : Nanotube de Carbone
PEBDL et PEHD : polyéthylène de basse densité linéaire et polyéthylène de haute densité
PISA (Polymerization-Induced Self-Assembly) : auto-assemblage induit par la polymérisation
PRC : polymérisation radicalaire contrôlée
RGD : tripeptide composé d’arginine, de glycine et d’acide aspartique
RMN : Résonance Magnétique Nucléaire
ROcP (ring opening copolymerization) : copolymérisation par ouverture de cycle
ROMP : (ring opening metathesis polymerization) polymérisation par ouverture de cycle par métathèse
ROP (ring opening polymerization) : polymérisation par ouverture de cycle
OPV (organic photovoltaic) : cellules photovoltaïques organiques
TGIR : Très Grandes Infrastructures de Recherche
UCST (upper critical solution temperature) : température de solution critique supérieure
XPCS : X Photon Correlation Spectroscopy

Notes

(1) Selon le bilan social et parité de 2016 consultable sur le site http://bilansocial.dsi.cnrs.fr/

(2) 21 % des postes de CR ont été attribués à l’interface physique-biologie entre 2010 et 2019.

(3) Les candidatures au concours CR correspondant à l’interface physique-biologie ont représenté 30 % des candidatures en section 11 ces trois dernières années (2017-2019)

(4) Quantitativement, il apparaît que des chercheurs de la section 11 de plus de 20 laboratoires différents sont des utilisateurs réguliers, c’est-à-dire qu’ils réalisent au moins une expérience par an sur une TGIR, et que des utilisateurs plus occasionnels appartiennent à d’autres laboratoires de la section. En outre, certains chercheurs de la section 11 sont directement impliqués dans l’accueil d’utilisateurs au sein de ces TGIR et/ou dans le développement d’instruments.

(5) Des chercheurs de la section 11 sont également utilisateurs du réseau TGIR décentralisé RMN Très Hauts Champs (iR-RMN.fr), mais de façon très marginale. Ce réseau est essentiellement utilisé par des chercheurs d’autres sections de l’INC (sections 13, 14, 15 et 16) car les équipements sont essentiellement implantés dans des structures relevant de ces sections.

(6) Les techniques très majoritairement utilisées sont la diffusion aux petits angles, la réflectivité et la diffraction aux petits angles pour les études structurales, déclinées aussi bien avec les neutrons qu’avec des rayons X, et les spectroscopies neutroniques (Temps de Vol, rétrodiffusion, écho de spin) et photoniques (UV-Vis, Infra-Rouge). Du fait de la difficulté de production des neutrons, ces techniques ne sont présentes que dans les TGIR pour la diffusion neutronique. Elles sont par contre relativement répandues pour les rayons X dans les laboratoires sur des appareils ayant des flux inférieurs de plusieurs ordres de grandeur à ceux des synchrotrons, et sont donc très complémentaires de ces derniers.