Rapport de conjoncture 2014

Section 22 Biologie cellulaire, développement, évolution-développement, reproduction

Extrait de la déclaration adoptée par le Comité national de la recherche scientifique réuni en session plénière extraordinaire le 11 juin 2014

La recherche est indispensable au développement des connaissances, au dynamisme économique ainsi qu’à l’entretien de l’esprit critique et démocratique. La pérennité des emplois scientifiques est indispensable à la liberté et la fécondité de la recherche. Le Comité national de la recherche scientifique rassemble tous les personnels de la recherche publique (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens). Ses membres, réunis en session plénière extraordinaire, demandent de toute urgence un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique. Ils affirment que la réduction continue de l’emploi scientifique est le résultat de choix politiques et non une conséquence de la conjoncture économique.

L’emploi scientifique est l’investissement d’avenir par excellence
Conserver en l’état le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche revient à prolonger son déclin. Stabiliser les effectifs ne suffirait pas non plus à redynamiser la recherche : il faut envoyer un signe fort aux jeunes qui intègrent aujourd’hui l’enseignement supérieur en leur donnant les moyens et l’envie de faire de la recherche. On ne peut pas sacrifier les milliers de jeunes sans statut qui font la recherche d’aujourd’hui. Il faut de toute urgence résorber la précarité. Cela suppose la création, sur plusieurs années, de plusieurs milliers de postes supplémentaires dans le service public ainsi qu’une vraie politique d’incitation à l’emploi des docteurs dans le secteur privé, notamment industriel.

Composition de la section

Pascal Therond (président de section) ; Laure Bally-Cuif (secrétaire scientifique) ; Éric Agius ; Philippe André ; Renata Basto ; Anne Blangy-Blot ; Yvan Boublik ; Claire Chazaud ; Marie-Hélène Chedotal-Verlhac ; Delphine Delacour ; Jochen Lang ; Stéphanie Le Bras ; Paul Mangeat ; Guillaume Montagnac ; Mireille Montcouquiol ; Tristan Piolot ; Nathalie Pujol ; Jan Traas ; Nathalie Turque ; Daniel Vaiman ; Michel Vervoort.

Résumé

La refonte des sections du Comité National en 2012 est à l’initiative de la fusion de deux thématiques importantes de l’INSB, celle de la Biologie du Développement (enrichie des problématiques liant le développement avec l’évolution des espèces (Evo-Dévo) et de la biologie de la reproduction, représentées par l’ancienne section 26) et celle de la Biologie Cellulaire (représentée en partie par les anciennes sections 23 et 24). L’excellence des équipes françaises dans ces deux disciplines, leur tendance au regroupement, à la fois intellectuel (ITMO BCDE, section unique du CoNRS et de l’Inserm, congrès annuel commun de la SFBD et de la SBCF) et sur site, reflètent l’évolution récente de ces deux grandes disciplines vers des questions et approches expérimentales communes. Celles-ci sont poussées à la fois par la nécessité de comprendre le développement à l’échelle de ses mécanismes cellulaires et subcellulaires, et d’intégrer notre connaissance souvent acquise in vitro des mécanismes du fonctionnement cellulaire au contexte de la physiologie des tissus et de l’organisme dans son ensemble. Ce rapport de conjoncture, rédigé en 2014 par les membres de la nouvelle commission scientifique du CoNRS issue de cette fusion (section 22), se veut donc un état des lieux généraliste de la situation de la recherche dans ce contexte élargi de biologie du développement et biologie cellulaire, dont les frontières ne sont plus discernables.

Introduction

Les rédacteurs se sont attachés à rendre accessible à un public non spécialisé les questions posées et leurs enjeux, par une présentation rapide en tête de chaque chapitre, et par des exemples concrets de progrès et de découvertes récentes.

Dans ce rapport, le lecteur devrait voir apparaître une unité dans les problématiques, et un éventail commun d’enjeux techniques, technologiques et conceptuels qui programmeront les domaines présentés dans les années qui viennent. Il réalisera également que la richesse de cette recherche repose largement sur la multiplication des modèles d’études, notamment non-humains, pour répondre aux problématiques actuelles et ouvrir des perspectives thérapeutiques novatrices. Dans la mesure du possible, la situation « nationale » est évoquée, en regard de la position internationale de la France dans chacun des domaines considérés. Des difficultés et des questionnements stratégiques sont intégrés à la réflexion que nous avons menée.

Les limites d’un tel rapport sont évidentes, mais sont le résultat d’un choix. Nous n’avons pas visé l’exhaustivité, nous n’avons pas présenté de données nominales. Nous avons certainement apporté une certaine dose de subjectivité. Néanmoins, nous pensons que le paysage présenté est conforme à la réalité, et que ce rapport en l’état peut aider à orienter des choix stratégiques, et à renforcer des secteurs importants mais quelque peu négligés parfois.

Parmi les constantes, on constate une faiblesse relative des interactions industrielles, avec un poids énorme déposé sur les épaules de chercheurs qu’on astreint à tenter de développer eux-mêmes leurs découvertes alors que leur vocation est la compréhension des mécanismes du vivant. L’existence de structures de transfert dirigées, exploratoires et pro-actives impliquant un personnel formé et compétent vers les laboratoires et les chefs d’équipe est un élément de compétitivité indispensable et pourtant bien peu développé.

Une autre constatation générale sans doute plus optimiste pour ce qui est de la conjoncture nationale est l’idée que la pluridisciplinarité Biologie-Chimie-Physique-Mathématique est indispensable à la compréhension du vivant. De ce point de vue, le virage a été bien abordé par la France, spécifiquement autour de la Biologie cellulaire et de la Biologie du développement, où l’imagerie, la biophysique, l’analyse de données « omiques » sont correctement, voire très bien représentées.

I. Biologie cellulaire

A. Prolifération, croissance cellulaire, mort

La prolifération, la division et la mort cellulaire sont des aspects essentiels communs des cycles de vie de tous les organismes. Comprendre les lois générales qui sous-tendent et gouvernent ces processus ainsi que les propriétés spécifiques à chaque organisme sont des défis majeurs en biologie cellulaire. Comment la molécule d’ADN, pilier fondateur du vivant, se duplique-t-elle ? Comment ces molécules répliquées sont-elles réparties de manière égale entre les cellules filles ? Comment les organites se multiplient-ils et se scindent-ils lors de la division cellulaire ? Comment tous ces événements sont-ils orchestrés et coordonnés au sein d’un tissu afin de lui conférer forme et fonction ? Bien que d’immenses découvertes aient été faites ces dernières années sur les mécanismes qui contrôlent la croissance cellulaire et tissulaire (rôle des complexes CDK-Cyclines, contrôle de la cohésion entre les chromosomes dupliqués…), il reste encore énormément de boîtes noires concernant la coordination précise des événements aboutissant au développement et à l’homéostasie des organes et organismes. De plus, de nombreuses maladies humaines sont liées à des défauts de croissance cellulaire, comme par exemple le cancer, certaines maladies neuro-dégénératives ainsi que la stérilité.

Acquis et orientations actuelles :

Historiquement la France a joué un rôle très important sur la scène internationale concernant l’identification des mécanismes fondamentaux assurant la division cellulaire (mécanismes de base du cycle cellulaire), en particulier dans les années 1990. Depuis, ces chercheurs ont formé de nouvelles générations de scientifiques, à qui l’on doit notamment de nouvelles découvertes sur les mécanismes régulant les points de contrôle qui assurent le bon enchaînement des différentes étapes du cycle. Ces chercheurs ont également fait évoluer le domaine. On peut constater en effet un glissement de cette discipline depuis l’identification précise de tous les acteurs contrôlant le cycle par des approches plutôt biochimiques à une compréhension plus intégrée, in vivo à l’échelle des organismes, comme par exemple le nématode, la drosophile ou la souris. Par ailleurs, très récemment les scientifiques français ont ouvert des voies nouvelles par des approches interdisciplinaires mêlant biologie et physique. Enfin paradoxalement l’utilisation de systèmes simplifiés mais très contrôlés (micropatterns, microfluidiques.) a aussi permis de comprendre les propriétés intrinsèques de certains éléments essentiels à la division cellulaire, comme les éléments du cytosquelette.

La mort cellulaire façonne les organes et les tissus. C’est là aussi un domaine de recherche très actif en France avec notamment des équipes qui s’intéressent au rôle de la mort cellulaire dans le développement.

Les enjeux et émergences du domaine :

On constate une réduction de la communauté scientifique française travaillant directement sur le cycle cellulaire, mais cette tendance ne semble pas spécifique à la France. Des raisons assez simples peuvent expliquer ce constat : le coût, la durée ainsi que la difficulté d’identifier précisément les mécanismes mis en jeu à l’échelle de l’organisme sont défavorables à l’étude de ces phénomènes. L’un des enjeux actuels majeur est pourtant l’utilisation d’organismes modèles afin d’avoir des approches intégrées des phénomènes de prolifération, de croissance et de mort cellulaire, car ils sont bien plus aptes à représenter les maladies humaines que les systèmes de culture de cellules in vitro. La recherche sur ces modèles devrait donc être renforcée.

Les objectifs majeurs actuels de la discipline sont :

comprendre et comparer les mécanismes de base régulant les transitions du cycle cellulaire in vivo et dans différents organismes, à des stades de développement différents et dans l’homéostasie des organes chez l’adulte. À plus long terme, il sera aussi important d’étudier comment les facteurs environnementaux modifient ces équilibres et peuvent conduire à certaines pathologies ;comprendre les voies conduisant à la mort cellulaire. La voie apoptotique est la plus étudiée, mais d’autres comme la nécrose, l’autophagie et la pyroptose ont récemment attiré l’attention dans des contextes de développement et pathogéniques ;d’un point de vue de la recherche translationnelle, peu de groupes semblent diriger leur recherche fondamentale sur ces aspects plus cliniques. Un effort pourrait être fait pour identifier et commercialiser des marqueurs de diagnostic, en partenariat industriel. Les collaborations entre recherche académique et médicale doivent certainement évoluer dans ce sens. L’utilisation d’échantillons humains, comme des fibroblastes, des biopsies, des cellules souches hématopoïétiques de patients, contribuent grandement à la compréhension des mécanismes de biologie cellulaire à la base de certaines maladies.

B. Trafic

Le trafic cellulaire se trouve à la base de mécanismes moléculaires et biologiques fondamentaux et complexes, tels que la sécrétion hormonale, la neurotransmission, la communication entre composants biologiques d’échelles différentes (cellules et organes), la différenciation cellulaire, le changement d’expression de constituants à la surface de cellules, ou l’immunité. Ce phénomène assure également la distribution correcte des acteurs protidiques et lipidiques dans les différents compartiments cellulaires et l’entrée régulée dans la cellule de composants nécessaires à sa survie comme certains lipides ou le fer. Par ailleurs, le trafic est également à la base de l’entrée de virus ou de particules, pathologiques, ou à visée thérapeutique. L’importance de ce champ a été soulignée par l’attribution très récente du Prix Nobel de Médecine en 2013 à la découverte des mécanismes du trafic intracellulaire ainsi que par son attribution en 1999 à la découverte de la première étape du trafic intracellulaire, l’entrée dans le réticulum endoplasmique.

Acquis et orientations actuelles :

Les travaux du siècle passé ont essentiellement permis de comprendre la cartographie cellulaire alors que les techniques plus récentes d’imagerie et de génie génétique peuvent dresser un inventaire systématique des composants protidiques cellulaires et étudier la physiologie même de ces compartiments de manière dynamique. Ceci a conduit à une réinterprétation importante des rôles et du comportement des compartiments, tels la dynamique des mitochondries ou le rôle de gouttelettes lipidiques. Dans la même veine, des travaux récents ont montré des interactions directes entre réticulum endoplasmique et membrane plasmique, deux organites bien éloignés au moins dans la vision classique présentée dans les textes et les livres. Cela suggère que notre compréhension de la physiologie des compartiments (c’est-à-dire de leur fonction organisée et régulée à l’intérieur des cellules et des organes), est encore très loin d’être complète, et que nous connaissons encore marginalement leurs façons d’interagir et comment celles-ci sont codées.

Si les travaux des 40 dernières années ont permis de définir les grands événements du trafic tels que reconnaissance entre acteurs, sélection et distribution de composants, fission et fusion membranaire, les acteurs et mécanismes au niveau moléculaire et supramoléculaire restent souvent peu connus ou compris. À ceci s’ajoutent les difficultés techniques spécifiques de la biologie des membranes. En effet, nous connaissons souvent très bien les événements qui se déroulent dans la phase aqueuse ou au mieux à l’interface des membranes. Cependant, même si nous savons parfaitement qu’au niveau de membranes mêmes, protéines et lipides interagissent, nous ne connaissons pas les lois qui ordonnent ces interactions, sans parler de la complexité et de la dynamique extraordinaire des lipides. Ce dernier point, en conjonction avec les propriétés physicochimiques de domaines protidiques transmembranaires, rend leur étude extrêmement difficile.

En toute évidence, traiter de ces points demande des approches multidisciplinaires entre biologistes cellulaires, physiologistes, biochimistes, physico-chimistes, physiciens spécialisés dans l’optique et informaticiens. En soi, la communauté scientifique française est bien préparée pour traiter ces questions et déduire des règles générales par des approches pluridisciplinaires.

Les enjeux et émergences du domaine :

Ils concernent la compréhension du réseau régulateur qui gouverne la genèse, la dynamique et le turn-over des organites ainsi que leurs interactions, et leur comportement dans différentes situations rencontrées par la cellule, comme les différents stress (oxydatif, thermique, hypoxique, mécanique, etc.). Des travaux français ont, par exemple, permis d’établir des systèmes qui permettent de retracer de manière systématique le trafic de différentes protéines ou de définir le comportement morphologique des organites suite à des stimulations variées des cellules. Clairement, les avancées technologiques, pour partie développées par la recherche française, devraient permettre d’aborder la physiologie des organites d’une manière plus intégrative. Un véritable casse-tête est cependant apporté par nos connaissances physiologiques, qui prédisent que les mécanismes de régulation seront souvent différents selon l’espèce étudiée et des choix méthodologiques clairs s’imposeront donc pour chaque laboratoire.

Un deuxième enjeu majeur est donné par la nécessité de corréler les approches in situ de type moléculaire et supramoléculaire avec les méthodes microscopiques, lors d’événements cellulaires discrets. Pour un grand nombre de phénomènes cruciaux, comme la fusion ou fission membranaire, ou la sélection du cargo (c’est-à-dire de la molécule qui doit être exportée), nous connaissons les acteurs cruciaux impliqués, mais ne comprenons guère leur fonction au niveau moléculaire ou atomique. Ceci est le plus souvent dû à l’absence d’informations structurales « in-situ » lors des événements physiologiques et au caractère multi-domaine/multi-tâche des protéines qui rend l’interprétation des mutations souvent très difficile. Clairement des études simultanées de structure et activité in situ ainsi que l’inactivation de domaines spécifiques limitée à un moment donné, représente un challenge technologique majeur.

Au cours de la dernière décennie le rôle de forces physiques lors des étapes du trafic a clairement été reconnu, mais la possibilité d’étudier celles-ci restait encore limitée et le domaine était donc peu exploré. Un autre obstacle majeur est constitué par la plasticité dynamique extrême du lipidome membranaire qui rend toute étude très complexe. Des avancées techniques sont nécessaires qui permettront enfin de traiter avec succès et de manière significative le jeu entre protéines et lipides, souvent présumé être à la base du trafic.

C. Membrane et cytosquelette – biophysique de la cellule

La biologie des membranes et du cytosquelette regroupe des questions portant sur la nature et la compréhension des mécanismes conduisant à l’organisation interne de la cellule. Cette organisation hiérarchisée et plastique à la fois est absolument nécessaire pour que la cellule puisse remplir l’ensemble de ses fonctions, de la division à la migration, de la nutrition à la signalisation.

Les acquis et orientations actuelles :

Les biologistes français du domaine abordent des aspects très fondamentaux de biophysique/biochimie mais aussi d’immunologie, de neurologie, de développement, de reproduction, d’interaction hôte-pathogène etc. Les modèles utilisés sont extrêmement variés, de la levure à la souris en passant par les modèles reconstitués et les plantes. La recherche française sur les cytosquelettes est forte de leaders d’opinions mondialement reconnus, particulièrement dans le domaine de la biochimie et de la dynamique de l’actine. Les thématiques plus membranaires sont également portées par de nombreux laboratoires français faisant autorité par exemple dans le domaine de la régulation de la dynamique membranaire par les petites GTPases. Les investigateurs français du domaine sont particulièrement actifs et reconnus au niveau international comme le démontre l’augmentation constante du nombre d’orateurs et de chairmans français invités au congrès annuel de l’American Society for Cell Biology. Une des orientations fortes de la recherche française dans le domaine se concrétise dans sa capacité à associer les compétences pour étudier les interactions entre membranes et cytosquelette, notamment au niveau biophysique à l’aide de modèles reconstitués in vitro.

Cette approche multidisciplinaire a également permis des avancées significatives dans la connaissance des mécanismes de la dynamique des composants moléculaires du cytosquelette et des structures d’adhérence, notamment dans le contexte de la migration cellulaire. Les évolutions technologiques de ces dernières années permettent d’aborder l’étude du cytosquelette au sein des cellules vivantes et à l’échelle de la dynamique rapide de la molécule unique afin d’élucider les mécanismes moléculaires sous-jacents aux événements cellulaires complexes que sont l’adhérence et la migration. Mais les avancées significatives dans le décryptage de tels mécanismes n’ont été et ne seront possibles que grâce à la mise en œuvre d’études pluridisciplinaires, qui allient notamment les méthodologies « historiques » de nos disciplines, comme la biochimie ou l’imagerie cellulaire, aux principes fondamentaux de la physique appliqués à la cellule vivante, à la chimie, par exemple pour la mise au point de procédés de traçage moléculaire efficaces dans les systèmes vivants, et aux analyses mathématiques, en particulier pour la compilation et l’analyse des images ou la construction des modèles de dynamique cellulaire.

Il est également à noter que, probablement en raison des orientations budgétaires récentes, de nombreux investigateurs identifiés comme s’intéressant à des thématiques membranaires et/ou cytosquelettiques réalisent leur recherche dans un contexte biomédical au travers par exemple de l’étude de la dynamique des membranes et/ou du cytosquelette au cours de l’invasion tumorale.

Les enjeux et émergences du domaine :

Les enjeux du domaine, plus particulièrement en ce qui concerne la recherche française, sont multiples. Les approches systématiques visant à identifier en masse les acteurs et régulateurs de la dynamique des membranes et/ou du cytosquelette dans différents contextes (endocytose, division cellulaire, migration…) ont été nombreuses dans le passé récent mais ont montré leurs limites dans l’étape de validation. Pour intégrer les données du « haut débit », des tournants technologiques majeurs ont été pris et doivent être accentués. L’imagerie par fluorescence a connu une explosion technologique récente qui a permis de briser le mur de la résolution, et l’utilisation de systèmes super-résolutifs (TIRF, SIM, STED, PALM/STORM…), indispensables aux études fines des propriétés des membranes et du cytosquelette, doit se généraliser dans les laboratoires français.

Un autre enjeu d’avenir consiste à rapprocher la recherche sur les membranes et le cytosquelette de systèmes physiologiques. L’utilisation de systèmes artificiels a permis à de nombreux laboratoires de grande qualité de réaliser des percées scientifiques majeures. L’analyse de ces processus sur l’animal entier, plus physiologique, est un tournant déjà pris par certains laboratoires mais constitue pour la majorité sans aucun doute un saut technique difficile. Il semble important de ne pas rater ce train au risque de voir se réduire l’impact de la production française dans le futur.

D. Polarité

Le vivant est polarisé par nature, construit à partir de molécules chimiques elles-mêmes polarisées. La polarité du vivant est notable à différentes échelles : polarité de la molécule d’ADN, polarité du cytosquelette, de la cellule, du tissu et enfin de l’organisme, toutes ces échelles s’influençant mutuellement par des effets directs et en retour. Une définition simple de la polarité cellulaire est « l’organisation asymétrique de plusieurs composants cellulaires comme la membrane plasmique, le cytosquelette ou les organites au sein de la cellule ». Cette asymétrie conduit à diverses fonctions spécialisées, telles que le maintien d’une barrière au sein d’un épithélium, la transmission de signaux dans un tissu ou l’apparition de cellules filles différentes de la cellule mère.

Que ce soit au niveau de la cellule ou du tissu, la compréhension de la mise en place de cette asymétrie (comment est perçue, intégrée et transmise la multitude de signaux) pour conduire à un comportement polarisé et coordonné est incontournable non seulement pour la connaissance du fonctionnement normal des cellules et des tissus, mais également pour développer des moyens pour combattre d’éventuels dérèglements pathologiques.

Les acquis et orientations actuelles :

De nombreuses études ont montré qu’un certain nombre de complexes de polarité sont très conservés entre espèces (par exemple, les complexes crumbs, Lgl/Scrib/dlg, aPKC/PAR, ou « core PCP »). Il n’y a cependant pas une seule polarité, mais il existe « des polarités », ce qui sous-entend de nombreux mécanismes, spécifiques du contexte cellulaire dans lequel les protéines interviennent (type cellulaire, espèces, stade de développement). S’il est important de continuer à identifier de nouveaux acteurs de la polarité, il est absolument primordial de déchiffrer ces divers mécanismes et leur spécificité si l’on souhaite comprendre la complexité du vivant et ses dysfonctionnements. Conjointement, il est essentiel de comprendre comment les mécanismes à la base de l’établissement d’une polarité cellulaire ont évolué lors de la divergence des espèces pour définir les modules a minima permettant l’établissement d’une asymétrie cellulaire, et comment ces modules ont pu être amplifiés, complexifiés afin d’organiser l’architecture cellulaire et tissulaire d’organismes variés, adaptés à des modes de vie divergents.

L’étude des composants du cytosquelette et de sa dynamique est un axe de recherche majeur dans le domaine de la polarité. Ainsi, la distribution asymétrique des protéines de polarité conduit souvent à une réorganisation du cytosquelette de la cellule. Cette dynamique contrôlée du cytosquelette a des conséquences majeures et variées pour la cellule comme son identité (division symétrique ou asymétrique), son fonctionnement en liaison avec son architecture au sein du tissu (polarité apico-basale et planaire), sa motilité (migration), ou encore sa croissance (trafic intracellulaire). De plus, il apparaît aussi fondamental d’étudier des systèmes simplifiés permettant de reconstituer in vitro des modules de base dans des conditions particulières contrôlées (micropatterns, microfluidiques…), pour une compréhension fondamentale des éléments à la base de la mise en place de la polarité à différentes échelles. Enfin, l’étude de la polarité cellulaire recoupe des problématiques plus spécifiquement liées à l’orientation et la directionalité de la migration cellulaire individuelle et collective dans des modèles cellulaires in vitro mais également de plus en plus souvent in vivo.

De nombreux types cellulaires (gamètes, cellules du système immunitaire, neurones, épithéliums…) sont fondamentalement dépendants de divers mécanismes de polarité et de leur coordination pour assurer leur fonction. Ainsi, la perturbation des mécanismes de polarité a un impact sur de nombreuses fonctions et de nombreux tissus, étant associée au cancer, à des perturbations du système nerveux (anomalie du tube neural, épilepsie), à la croissance tissulaire (cœur, rein, oreille, système de reproduction…), au maintien des cellules souches, ou à l’établissement de barrières biologiques. Des liens de plus en plus nombreux apparaissent également entre les complexes de polarité et le contrôle de la fonction des cils (primaires ou motiles), dont les défauts de formation induisent des ciliopathies.

Les enjeux et émergences du domaine :

Il est en fait probable que nous sous-estimons largement l’implication et l’importance des complexes et mécanismes de la polarité dans les pathologies, au cours du développement et chez l’adulte. Il faudra développer et soutenir une recherche intégrée et variée sur la polarité, du fondamental au pathologique.

Le développement de nouvelles technologies d’imagerie multi-échelle, si importante dans la recherche sur la polarité, et en particulier la super-résolution, les nanoparticules, l’imagerie vivante rapide, et l’optogénétique ont permis le déblocage de certains verrous technologiques. Leur accessibilité et leur évolution seront une nécessité pour le futur de cette recherche. En même temps, l’accumulation massive de données issues de ces nouvelles techniques nécessite la mise en place de plateformes de gestion et d’analyse d’images, et en particulier de logiciels « customisables », accessibles au plus grand nombre. Dans le domaine de la polarité, comme dans d’autres il est essentiel d’encourager et de développer des collaborations intégrées, permettant de comprendre à la fois les mécanismes fondamentaux du vivant au niveau de la cellule mais également l’impact sur l’organisme/le modèle étudié, pour mieux appréhender les conséquences fonctionnelles d’une perturbation de ces mécanismes.

 

E. Interactions cellulaires et signalisation

Au cours du développement embryonnaire ou de la vie post-embryonnaire et adulte, les cellules, qu’elles soient isolées ou intégrées à un tissu, ont besoin d’interagir avec leur environnement. Ces interactions permettent de contrôler leur comportement, tels que division, croissance, différenciation, migration ou mort programmée, afin de contrôler leur devenir et renouvellement mais aussi, plus globalement, de contrôler la mise en place, l’organisation, la taille et l’homéostasie des tissus. Ces interactions mettent en jeux l’émission et la réception de signaux extérieurs interprétés et intégrés par la cellule via une cascade de modifications physiques et biochimiques. Ces signaux sont d’ordre chimique (molécules sécrétées telles hormones et cytokines, molécules d’adhésion, métabolites, lipides…) ou physique (tension membranaire, pression, lumière…). L’intégration de ces stimuli extérieurs par la cellule implique des voies de signalisation cytoplasmiques et/ou nucléaires aboutissant soit à un changement du cytosquelette (changement de forme et de comportement) soit à une réponse génique via l’activation de facteurs de transcription. Signalisation et réponse cellulaire sont conservées au cours de l’évolution, ce qui permet une étude comparée dans de nombreuses espèces, des métazoaires primitifs à l’homme.

Les acquis et orientations actuelles :

Dans les décennies précédentes les études se sont focalisées sur l’identification (par des approches biochimiques ou génétiques) des composants cellulaires et de leurs fonctions impliqués dans la transmission du signal au sein de la cellule (identification de modules de transduction), les approches actuelles visent à replacer chaque protéine dans un contexte global en identifiant de manière systématique toutes les modifications post-traductionnelles et les partenaires protéiques associés (à travers le développement de méthodes « omique » globales (proteome, interactome…) et d’imagerie multimodale). La possibilité de rendre les protéines d’intérêt fluorescentes a également permis d’identifier systématiquement leur distribution sub-cellulaire (organite ou microdomaine), cellulaire et tissulaire dans l’organisme vivant. Une sophistication supérieure s’est maintenant développée en intégrant à ces études des méthodes optiques résolutives permettant l’analyse des interactions spatio-temporelles de particules uniques participant à ces voies de signalisation. Ces méthodes optiques (telle que le FRET) permettent d’analyser in situ les changements conformationnels intra- et inter-moléculaires présents au sein de complexes multi-protéiques constituant les modules de transduction et les modules transcriptionnels et donnent accès à une étude quantitative de la dynamique moléculaire. L’un des défis dans ce domaine reste de pouvoir séparer quantitativement et qualitativement différentes populations d’une même molécule impliquée dans des fonctions pléïotropes au sein d’une seule cellule. Un autre défi est de comprendre comment les voies de transduction sont orchestrées et interconnectées dans l’environnement dynamique d’organismes vivants.

Les enjeux et émergences :

Physiciens, chimistes et informaticiens devront continuer à jouer un rôle important dans le développement de nouvelles approches particulièrement pour la biologie cellulaire et le développement. Les enjeux (dont certains sont listés ci-dessous) se situent principalement – mais pas uniquement – dans le domaine de l’optique.

On peut considérer de manière schématique que la majeure partie des études de signalisation s’est focalisée de la réception du signal – en passant par sa transmission à l’intérieur de la cellule – jusqu’à son interprétation par un changement du cytosquelette ou d’expression génique. Un large pan encore peu caractérisé concerne le rôle du milieu extra-cellulaire dans les interactions cellulaires, notamment le rôle de la matrice extra-cellulaire dans le transport, la disponibilité et l’activation des signaux extra-cellulaires. De plus, la nature (et les rôles physiologiques respectifs) de différents types de transporteurs (extension membranaire, vésicules, protéines) pour un même signal n’est pas connue. Inhérents à la difficulté de suivre les molécules individuelles à l’extérieur de la cellule (vitesse de diffusion très rapide), les paramètres des trajectoires de ces transporteurs et de leur molécule signal associée restent à caractériser. Le développement d’algorithmes de traçabilité (grâce aux bio-informaticiens de traitement d’images) combiné à une imagerie d’acquisition rapide devra être implanté pour permettre une analyse quantitative des mouvements extracellulaires de ces signaux.

La compréhension de la réception de signaux se révèle également plus complexe avec l’identification de multiples co-récepteurs actifs pour un même ligand. La composition de ces complexes change en fonction du tissu ou de la vie de la cellule. L’apport de la biologie structurale et de la biophysique sera là de première importance pour identifier les interfaces de liaisons ligand/récepteur/co-récepteur et comprendre comment ces complexes sont impliqués dans la modulation de la réponse cellulaire.

Le nombre d’événements moléculaires (activités enzymatiques, associations protéine-protéine, protéine-lipide, protéine-ADN…) qui peuvent être suivis de manière dynamique dans une cellule individuelle est faible, et cet aspect demande un éclairage nouveau. Le développement de « senseurs » ou de détecteurs permettra de mesurer entre autres les états métaboliques et les stress mécaniques de la cellule, ainsi que l’activité, la localisation et les modifications post-traductionelles de protéines dans une cellule vivante. De la même manière, la photo-activation de protéines ou de petites molécules (telles que ions, hormones, lipides) qui permet de contrôler de manière spatio-temporelle leur activité dans l’animal vivant, demande un développement interdisciplinaire avec nos collègues chimistes. Ce domaine est encore balbutiant en France et nécessite des efforts pour renforcer les interfaces locales ou nationales entre chimistes et biologistes cellulaires.

Par ailleurs, de nombreuses plateformes de microscopie optique de pointe se sont développées. L’un des challenges concernant notre communauté reste l’observation dans les cellules vivantes de processus dynamiques à l’échelle nanoscopique. À l’avenir, le couplage des méthodes de microscopie optique et de microscopie électronique (microscopie corrélative) facilitera l’observation de l’environnement sub-cellulaire des molécules visualisées par fluorescence in vivo. Des équipements spécifiques seront nécessaires pour renforcer la capacité et la technicité des infrastructures de microscopie électronique et permettre l’analyse d’échantillons traités après visualisation en microscopie optique. Les passerelles entre plateformes de microscopie électronique et de microscopie optique ne sont pas toujours présentes en France et nécessiteront une attention particulière (renforcement de la communauté des microscopistes électroniques, renforcement d’école et de formation thématique, pérenniser les acteurs, notamment les jeunes post-doctorants de ce domaine).

La dérégulation précoce des voies de signalisation est responsable de nombreux syndromes congénitaux provoquant des défauts de développement. Certaines de ces voies de signalisation sont également impliquées dans l’homéostasie des cellules souches adultes, et leur dérégulation tardive est responsable de nombreuses pathologies (cancers, maladies neurodégénératives etc.). Des avancées reposent aussi sur l’étude de ces voies de signalisation dans des modèles invertébrés (bien développés en France), qui ont permis de plus le développement d’approches translationnelles (identification de peptides à visée antitumorale…). Il apparaît donc important de soutenir l’effort de recherche dans ce domaine aussi bien d’un point de vue fondamental que thérapeutique. Le développement de nouvelles stratégies diagnostiques et thérapeutiques ne pourra s’appuyer que sur des plateformes de criblage de chimiothèques importantes et sur le développement de modélisations in silico.

 

II. Développement et différenciation

A. Morphogenèse et patterning

La morphogenèse est le résultat de l’ensemble des processus qui déterminent la forme et la structure des tissus, des organes et des organismes. Une propriété caractéristique de la morphogenèse est l’émergence de superstructures à partir d’interactions entre les constituants moléculaires et cellulaires. À ces réseaux d’interactions s’ajoutent des interdépendances multiples entre échelles, de la cellule à l’organisme, qui rendent l’analyse d’un processus comme la morphogenèse particulièrement difficile. La compréhension de cette organisation multi-échelle nécessite des domaines d’analyse aussi diversifiés que l’étude de mécanismes biophysiques (e.g. diffusion de protéines à la surface de tissus), ou la compréhension des cascades géniques contrôlant la différenciation des types cellulaires d’un individu.

Les acquis et les orientations actuelles :

Les analyses de la morphogenèse et du « patterning », initiées par des observations anatomiques, ont depuis l’avènement de la génétique et de la biologie moléculaire évolué vers la dissection des réseaux moléculaires mis en jeu. Les technologies plus performantes en biologie moléculaire et en microscopie ont permis de répondre de manière de plus en plus précise aux questions d’identité, de prolifération, de mort et de mouvements cellulaires à différentes échelles (embryon, tissu, organe). Toutes ces technologies sont développées sur le plan national et sont mises en œuvre dans différentes espèces modèles « classiques » (souris, drosophile, nématode, arabidopsis…). En outre, les mêmes approches mises en place dans des organismes différents (éponges, oursins, annélides, amphioxus, diverses plantes) et utilisées pour des analyses d’évolution comparative permettent de développer un socle de connaissances indispensables à la compréhension des mécanismes moléculaires d’évolution de la morphogenèse.

Des analyses multidisciplinaires ont permis d’aborder la morphogenèse sous de nouveaux angles. Ces analyses, qui placent des équipes de recherche françaises à la pointe de la recherche mondiale, ont entre autres permis l’intégration de la mécanique physique en biologie cellulaire et biologie du développement. Ainsi, le couplage mécano-génétique a pu être associé à la régulation moléculaire de la formation de certains tissus.

De par la complexité de la morphogenèse, des interprétations intuitives des résultats sont de plus en plus difficiles. Pour cette raison, des approches de modélisation sont devenues indispensables. Un nombre croissant d’équipes ont commencé à développer des modèles mathématiques et informatiques. Le développement des outils de modélisation a stimulé à son tour des approches quantitatives pour étudier le comportement des cellules dans le contexte de l’organisme ou du tissu. Les descriptions quantitatives, déjà amorcées par plusieurs équipes en France, portent sur différents paramètres de la cellule : forme, position, identité, mobilité, trajectoire, prolifération, interaction avec l’environnement.

Les enjeux et émergences du domaine :

Un des enjeux scientifiques importants est toujours l’intégration des données et des concepts provenant des échelles multiples. Par exemple, et de manière non exhaustive, on peut citer l’implication du cycle cellulaire ou le rôle des différents compartiments sub-cellulaires dans le développement des organes, ou le lien précis entre les facteurs de transcription impliqués et les changements de forme des cellules et tissus. Le métabolisme énergétique, régulé à plusieurs échelles, est maintenant reconnu comme un acteur important de la morphogenèse non seulement dans les processus de croissance mais aussi comme un acteur de la différenciation cellulaire et tissulaire.

D’un point de vue méthodologique, le besoin d’outils quantitatifs ne cesse d’augmenter. Qu’il s’agisse d’effectuer l’analyse dynamique du transcriptome de cellules individuelles ou de mesurer la croissance de milliers de cellules dans un organe en développement, les défis restent importants. Heureusement, les récentes avancées technologiques en imagerie (microscopie en temps réel, multimodale…), la multiplication des approches de biologie moléculaire et la possibilité d’obtenir des données à haut débit (génomique, transcriptomique, protéomique…) permettent d’analyser ces événements de l’échelle subcellulaire aux tissus et organes. Ces nouvelles technologies (microscopie en temps réel, séquençage à haut débit) permettent de générer les données nécessaires, mais qui, vu leur volume, sont impossibles à gérer et analyser sans appui informatique. Il faut assurer l’accès à des infrastructures et des outils technologiques compétitifs pour répondre aux besoins croissants en matériel et en personnel compétant en analyse bioinformatique.

La taille des structures analysées (groupe de cellules, tissus ou organes en formation) ainsi que le nombre de réseaux géniques impliqués va nécessiter de manière croissante l’utilisation de modèles. Un des buts ici est de produire des modèles mathématiques qui devront tenir compte de toutes les échelles d’organisation, des réseaux moléculaires à l’organisme entier, ce qui représente un défi important à relever. Ces modèles mathématiques permettront non seulement de comprendre et de prédire ce qui se passe au sein du tissu étudié mais aussi d’étendre les résultats obtenus à d’autres conditions physiologiques et/ou pathologiques.

B. Cellules souches/Régénération

La définition d’une cellule-souche, fonctionnelle et restrictive (auto-renouvellement sur toute la durée de vie de l’individu, multipotence pour générer toutes les cellules de l’organe), est rarement rigoureusement testable in vivo, conduisant à de nombreux abus de langage dans le domaine. Cependant, derrière le terme de « cellule-souche » se situent les notions de capacité progénitrice et de plasticité de lignage, plus limitées mais d’intérêts fondamental et thérapeutique tout aussi pertinents.

Les acquis et les orientations actuelles :

La dernière décennie a permis la mise en évidence fonctionnelle de cellules souches (progénitrices) dans de nombreux organes, y compris chez l’homme, et de nouvelles populations souches sont régulièrement identifiées, comme récemment dans la cavité nasale ou le muscle. Dans plusieurs organes (peau, intestin…), les analyses de lignages ont conduit à la notion fondamentale de l’existence de « spécialisations hiérarchiques » au sein des populations souches, organisées en populations dormantes et populations actives, premier élément de l’hétérogénéité fonctionnelle de ces populations. Les premières analyses transcriptomiques à haut débit ont été conduites sur des populations isolées de façon prospective à partir d’embryons précoces ou d’organes matures, ou cultivées in vitro. Cette dernière catégorie inclut les cellules ES et les « sphères », petits agrégats de cellules issues d’une cellule progénitrice unique ayant la capacité de se multiplier, de s’auto-renouveler et de se différencier en culture. En partie sur la base de ces données, une avancée majeure et spectaculaire des dernières années a été accomplie dans le domaine de la reprogrammation, avec l’identification des premiers « cocktails » de facteurs de transcription capables d’induire la dédifférenciation nécessaire à un engagement cellulaire vers une voie de différenciation différente. Outre l’intérêt fondamental de ces études pour notre compréhension de l’« état souche », les cellules iPS, à pluripotence induite, peuvent être dérivées de patients, sont une source inestimable de matériel permettant d’appréhender l’étiologie cellulaire de nombreuses pathologies, et offrent des possibilités thérapeutiques vertigineuses puisqu’elles peuvent être manipulées in vitro et, dans certains cas, réimplantées chez l’individu. À cet égard, la communauté scientifique française est mobilisée, au même titre que l’ensemble de la communauté mondiale, avec par exemple la création par la Région Île-de-France d’un Domaine D’intérêt Majeur « DIM-STEM » dynamique (http://www.dim-biotherapies.com/).

La recherche française sur les cellules souches et la régénération apparaît forte d’équipes-phares et d’un long historique, notamment dans les domaines des cellules souches musculaires, hématopoïétiques et des cellules de crêtes neurales. Elle bénéficie également de l’apport de multiples organismes modèles, incluant des modèles « non conventionnels » (plathelminthes, annélides, ascidies coloniales, cnidaires et cténaires). Ces derniers sont particulièrement pertinents, par leur plasticité cellulaire et leur forte capacité de régénération, dans l’étude de la pluri/multipotence et des mécanismes moléculaires de reprogrammation. Ces propriétés sont généralement liées à l’existence de cellules aux propriétés souches, exprimant un certain nombre de gènes communs, certains également partagés par les cellules germinales primordiales. À la recherche de mécanismes généraux, diversifier les organes d’étude et les animaux modèles dans un but comparatif reste largement justifié pour extraire les bases fondamentales de l’« état souche ». À noter que la recherche sur les cellules souches végétales, qui ont au moins quelques caractéristiques en commun avec les cellules souches animales, est restée isolée. Celle-ci pourrait pourtant contribuer à notre compréhension des processus et mécanismes généraux mentionnés ci-dessus.

Les enjeux et émergences du domaine :

Les enjeux dans le domaine des cellules souches et de la reprogrammation sont multiples, à l’interface entre de nombreuses disciplines (biologie du développement, biologie cellulaire, biophysique, épigénétique…), et abordés actuellement par de nombreuses études françaises et internationales. Les données actuelles soulignent l’hétérogénéité des populations souches, qu’il reste important de comprendre en termes de sous-lignages, de sous-états, de dynamique et de plasticité. Ces états dépendent non seulement de l’activité intrinsèque des cellules mais aussi de leur environnement cellulaire et moléculaire (« niche »). Ces perspectives passeront notamment par des analyses d’expression du génome sur cellule unique, actuellement envisagées ou en voie de concrétisation dans de nombreux laboratoires. Il reste également fondamental de comprendre les similitudes et les différences entre les processus physiologiques de recrutement de cellules souches et les processus régénératifs (à la fois aux échelles moléculaire et cellulaire et à l’échelle de la morphogenèse), d’intégrer plus intimement la biologie cellulaire aux études des cellules souches, pour comprendre notamment la formation et la fonction de sous-structures ou paramètres cellulaires (e.g. cils, structures apicales, paramètres de cycle…) dans le maintien et la sortie de l’état souche, et de comprendre le lien entre l’activation des populations souches et leur épuisement au cours du temps, une question qui reste très débattue. En lien avec l’hétérogénéité des populations souches, le détournement des propriétés « souche » (ou « germinales ») dans les tumeurs (cellules souches cancéreuses) reste mal compris, à la fois d’un point de vue mécanistique et concernant sa plasticité. L’impact thérapeutique de telles études est évident, avec l’espoir qu’elles permettront de manipuler les propriétés « souche » dans les traitements anticancéreux. Sur le plan de la reprogrammation, il reste crucial de disséquer en détail les mécanismes génétiques et épigénétiques capables de modifier le potentiel d’activation ou de dédifférenciation cellulaire. La stimulation de cellules souches endogènes, et/ou la dérivation et le contrôle des propriétés des cellules iPS, sont envisagées dans des perspectives de remplacement thérapeutique. À l’heure actuelle cependant, nous sommes loin d’une maîtrise parfaitement contrôlée de ces approches. Enfin, une comparaison entre espèces, notamment entre des embryons précoces de mammifères, incluant les primates, semble judicieuse pour déchiffrer le codage moléculaire des propriétés de pluripotence. De telles études permettront de dériver des cellules ES chez plus d’animaux modèles et chez les primates, ouvrant vers des manipulations génétiques ciblées pour comprendre la physiologie dans un contexte plus proche de l’homme. Ce concept est notamment pertinent en ce qui concerne les fonctions cognitives, la reproduction, et les pathologies liées à l’âge.

Dans un domaine aussi complexe, le regroupement de laboratoires et d’équipes de recherche centrés sur des modèles et questions complémentaires de la biologie des cellules souches sera un atout majeur de réussite. Ceci pourrait notamment inclure la mise en place de GDR.

C. Différenciation cellulaire

Un des enjeux majeurs de la biologie faisant directement appel à la synergie entre biologie cellulaire et biologie du développement est de comprendre les mécanismes de différenciation cellulaire, le fonctionnement des différents types de cellules et de leurs interactions dans leur contexte physiologique in vivo.

Les acquis et les orientations actuelles :

Suite à la révolution technologique apportée par la recombinaison Cre-lox chez la souris, adaptée depuis à d’autres organismes modèles (notamment Danio rerio), et à l’établissement à grande échelle d’atlas d’expression de gènes, la dernière décennie a permis l’identification et le traçage génétique des grands lignages cellulaires et la mise en évidence de l’action combinée de paramètres génériques et lignage-spécifiques pour contrôler la différenciation. Le tri cellulaire et les analyses génétiques et épigénétiques à grande échelle (transcriptome, protéome, epigénome, secrétome, métabolome) ont également précisé les caractéristiques différentielles des types cellulaires, au moins à l’échelle des populations de cellules. Enfin, une des découvertes majeures des dernières années a été la généralisation de la notion de plasticité à une majorité des états « différenciés » (définis dès lors comme ayant la capacité de remplir une fonction physiologique plutôt que par leur caractère permanent). Outre les nombreux exemples maintenant connus de plasticité « forcée » via l’expression dirigée par des cocktails de facteurs induisant une dédifférenciation cellulaire partielle, ou de réactivation de propriétés de division et multipotence suite à une lésion, plusieurs cas de transdifférenciation physiologique naturelle ont été décrits. Réactivation réparatrice et transdifférenciation sont l’apanage des organismes modèles non-mammifères, soulignant l’importance de l’utilisation de ces organismes pour appréhender les mécanismes de base de la différenciation et de la plasticité cellulaires in vivo.

Les enjeux et émergences du domaine :

L’intégration des propriétés de la cellule unique dans celles de la population cellulaire, et des interactions entre la population et son environnement physiologique (par exemple, interactions entre différents types cellulaires dans l’organe) restent des questions majeures. Ce constat met en avant la nécessité d’une analyse multi-échelles pour la compréhension de ces processus hautement intégrés (alliant changement de forme, de physiologie, de fonction), en interface étroite avec les développements technologiques notamment en microscopie en temps réel et/ou en modélisation des systèmes complexes. Il impose également de prendre en compte les contraintes mécaniques, éventuellement induites par les autres cellules ou la matrice extra-cellulaire, éléments clés de signalisation dans les cellules et tissus et rapprochant les questions biologiques fondamentales de celles de la physique. Disséquer les signaux et mécanismes impliqués reste une priorité évidente du domaine, en lien étroit avec la recherche sur les cellules souches. De même, appréhender les mécanismes contrôlant l’équilibre entre différenciation et sénescence cellulaires sera fondamental à notre compréhension de l’homéostasie physiologique des organes. Ces études permettront la manipulation potentiellement thérapeutique des lignages, et une compréhension moléculaire et cellulaire des altérations partielles de l’état différencié dans les cancers (transitions épithélio-mésenchymateuses, capacités migratoires, reprise de prolifération…) ou au cours du vieillissement. Elles permettront également la mise au point de biomatériaux pour la clinique, et l’identification de biomarqueurs permettant de refléter et quantifier des altérations précoces des états différenciés, et d’importance fondamentale en diagnostic et dans la création d’animaux modèles valides de pathologies humaines.

En complément de modèles comme la drosophile ou le poisson zèbre, la souris est un modèle de choix pour s’approcher de l’étude du fonctionnement de la cellule différenciée chez l’humain. Cependant, ce modèle se caractérise par une lourdeur expérimentale associée à des contraintes éthiques et réglementaires de plus en plus prégnantes (au moins en Europe !), générant des coûts financiers croissants, en personnel et en infrastructure. Il apparaît ainsi nécessaire de travailler à construire des modèles de cellules différenciées à partir de cellules de patients. La différenciation cellulaire étant un processus intégré dépendant largement d’interactions spécifiques entre la cellule et son environnement, l’importance des modèles in vivo reste cependant incontournable. La différenciation des types cellulaires est bien maîtrisée pour des tissus homogènes, notamment les lignages hématopoïétiques, la peau ou les cellules musculaires. La reconstruction de mini-organes à typologie cellulaire complexe est en émergence comme pour le foie, le cerveau ou les intestins. Ces modèles seront fondamentaux pour disséquer la différenciation cellulaire et identifier les biomarqueurs associés, et pour comprendre les influences respectives de l’environnement et des propriétés d’auto-organisation des tissus dans la différenciation cellulaire fonctionnelle. Il est donc crucial d’accentuer l’effort vers le développement de la reprogrammation de cellules adultes et l’identification des cellules souches. Pour cela, il serait notamment important d’améliorer les protocoles pour que les laboratoires de recherche aient accès à des échantillons cliniques. Dans ce but, le développement des interactions entre le CNRS et le milieu médical s’avère crucial. Il est important d’avoir également une action à l’échelle des comités d’éthique pour instruire le public et justifier les approches utilisées.

D. Évolution et développement

Le domaine de l’évolution et développement (Evo-Dévo) traite deux grands types de questions, (1) quels changements génomiques, cellulaires et de développement sont survenus au cours de l’histoire évolutive des organismes vivants, en particulier multicellulaires tels les animaux et plantes, et comment ces changements corrèlent-ils avec l’évolution morphologique et physiologique de ces organismes ; (2) quels mécanismes moléculaires sous-tendent l’évolution phénotypique des organismes vivants. L’Evo-Dévo est par essence une discipline comparative et intègre un large spectre de données provenant de la biologie du développement, de la génétique, de la génomique, de l’anatomie et de la paléontologie. Si l’Evo-Dévo se base principalement sur des approches expérimentales, elle fait également de plus en plus appel à de la bioinformatique et entretient des rapports très féconds avec la biologie théorique et la philosophie de la biologie.

Les acquis et les orientations actuelles :

L’Evo-Devo repose sur l’étude comparative de modèles. Le choix de ces « nouveaux » modèles s’est fait sur la base de leur position phylogénétique, suffisamment éloignée des organismes-modèles classiques pour donner une meilleure représentativité de la diversité des ensembles phylétiques étudiés et faciliter les comparaisons évolutives à large échelle, mais suffisamment proche des modèles « classiques » de la biologie du développement pour avoir accès aux outils existant dans ces espèces. Plusieurs projets de séquençage complet du génome d’espèces ayant un intérêt en Evo-Dévo ont ainsi abouti ces dernières années et plusieurs autres projets importants sont en cours. Ces projets génomiques permettent d’aborder des questions évolutives fondamentales, telle l’acquisition de la multicellularité. Les études comparatives de génomes ont contribué à un renouvellement de la vision de l’évolution des systèmes nerveux et musculaires chez les animaux, ouvrant notamment la possibilité de plusieurs évolutions indépendantes des muscles striés, de l’apparition des plantes à fleurs (Angiospermie) ou de l’acquisition du squelette osseux des Vertébrés.

D’un point de vue fonctionnel, des efforts importants ont été menés pour lier le développement et l’évolution grâce à des outils applicables aux modèles plus variés du domaine de l’Evo-Dévo. Les ARN interférents et/ou les morpholinos, permettant de bloquer spécifiquement la fonction de certains gènes, se sont ainsi avérés utilisables chez un nombre important d’espèces. Il paraît clair que les techniques d’invalidation génique ciblée développées ces dernières années, nucléases à doigts de zinc et de type TALEN, ainsi que le système CRISPR-cas9, vont également avoir un impact majeur sur les recherches en Evo-Dévo. L’utilisation d’agents pharmacologiques ciblant certaines voies de signalisation (en particulier les voies Notch, Hh, Wnt, FGF, EGF et BMP) pendant une fenêtre temporelle précise s’est également avérée très utile. La découverte de transposons à large spectre d’hôte, de types Mariner/Tc1 (Minos/Mos1 et Sleeping Beauty), piggyBac et hAT/Tol2, ainsi que de l’activité de la méganucléase I-SceI, a ouvert la possibilité d’effectuer de la transgénèse dans une variété d’espèces d’intérêt en Evo-Dévo.

Parmi les intérêts majeurs du domaine, on peut citer l’origine de la segmentation et les homologies entre segmentation des arthropodes et des vertébrés, l’évolution du système nerveux (notamment pour la différenciation des neurones ou la production de neuropeptides), l’identification des gènes dont les modifications sont responsables de différences phénotypiques entre espèces, ou au sein d’une même espèce (en terme de mutation codantes ou régulatrices de gènes morphogénétiques majeurs). C’est donc une recherche qui se place à la croisée de la biologie du développement, de la génomique, de la génétique évolutive et de la génétique quantitative. Un autre intérêt de nombreux chercheurs est celui de la robustesse du développement, qui vise à comprendre comment les mécanismes de développement sont capables de produire un phénotype constant malgré des variations intrinsèques (mutations, variations stochastiques d’expression de gènes) et extrinsèques (changements de l’environnement, par exemple la température), et son importance dans l’évolution des processus de développement et des organismes. Enfin, la génétique du développement a établi que le développement est orchestré par des réseaux génétiques (souvent appelés « Gene Regulatory Networks » ou « GRNs ») et que l’évolution des processus de développement (et des caractères dont ils contrôlent la formation) peut résulter de changements dans les interactions entre les composants de ces GRNs, mais aussi du recrutement de certains GRNs dans de nouveaux contextes.

Les enjeux et émergences du domaine :

La communauté Evo-Dévo est particulièrement dynamique et, en France, est en forte expansion avec de nombreuses équipes créées par de jeunes chercheurs ces 10 dernières années, souvent avec des financements compétitifs nationaux et internationaux. Au niveau international, la communauté s’organise autour de réseaux, comme le réseau EDEN (Evo-Devo-Eco network) ou le Marie Curie ITN Neptune, et d’une société savante à l’échelle européenne, la European Society for Evolutionary Developmental biology (EED) et de son congrès bisannuel (organisé à Paris en 2010). En France, c’est aussi une thématique qui manque un peu de visibilité, notamment à cause de la dispersion des équipes dans un grand nombre d’unités différentes, multi-thématiques (par exemple, Institut de Biologie de l’École Normale Supérieure, Institut Jacques Monod), centrées sur la biologie du développement (Institut de Marseille-Luminy par exemple) ou d’autres thématiques comme la génomique (Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon par exemple). Des efforts pour amener à une meilleure structuration et visibilité du domaine Evo-Dévo seront à mener. Les problèmes de financement de la recherche, certes non spécifiques à ce domaine, sont particulièrement marqués pour un champ de recherches qui ne se retrouve pas de manière évidente dans les priorités affichées de la stratégie nationale de recherche axée sur l’Homme et la recherche médicale.

D’un point de vue scientifique, différentes avancées importantes peuvent être attendues dans les années qui viennent. La possibilité de faire sur un nombre d’espèces de plus en plus grand des analyses fonctionnelles, et des approches basées sur la transgenèse et la génomique comme le ChIP-seq, vont modifier profondément la manière d’aborder les questions importantes en Evo-Dévo et surtout apporter des réponses permettant d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension de l’évolution des mécanismes de développement. Une meilleure intégration des effets de l’environnement et des interactions écologiques sur le développement dans les études de type Evo-dévo est clairement une autre avancée attendue pour le domaine et qui a commencé à se mettre en place sous le vocable Eco-Evo-Dévo. Enfin, les apports de la biologie quantitative et de la modélisation du développement devraient s’accentuer dans les années à venir.

E. Hôte pathogène/Développement

L’émergence des organismes multicellulaires a dû passer par la résolution de deux paradigmes : (i) organiser un développement et fonctionnement harmonieux entre les diverses cellules (ii) reconnaître les cellules du soi face au non soi. La recherche sur ces deux points fondamentaux est liée à plusieurs niveaux, notamment dans l’utilisation d’organismes modèles invertébrés génétiquement accessibles et dans le partage des récepteurs et de leurs voies de signalisation, renforçant la notion de bricolage moléculaire ontologique. L’exemple le plus marquant est celui de l’implication du récepteur Toll dans les défenses de la mouche et la mise en place de son axe dorso-ventral. Cette découverte combinée avec la découverte de récepteurs orthologues TLR chez les vertébrés a permis de faire des avancées majeures depuis les 10 dernières années dans le domaine de l’immunité innée (Prix Nobel de médecine 2011).

Si la reconnaissance du soi et du non soi est fondamentale pour maintenir l’intégrité d’un organisme multicellulaire, ce « non-soi » peut interagir avec son hôte sous diverses modalités de symbiose, ou vivre ensemble : une forme agressive, tel un pathogène, une forme neutre ou bénéficiaire, comme le commensalisme ou le mutualisme. Les organismes étant en permanent contact avec les microbes, il est important de comprendre les diverses formes d’interaction et les mécanismes de reconnaissances.

Les acquis et les orientations actuelles :

PathogènesComme cité plus haut, le paradigme actuel propose qu’un motif de type MAMP (microbe associated molecular pattern) ou un facteur de virulence dérivé d’un pathogène sont reconnus par différents récepteurs comme les TLR exprimés au niveau des tissus infectés. Pourtant, ces dernières années, l’identification du microbiote avec lequel l’organisme multicellulaire compose en permanence a mis en évidence une distinction très floue entre bactéries pathogènes et commensales. Une balance entre concentration de microbes et homéostasie de l’organisme semble être intégrée avant de déclencher ou non une réponse immune. Des études récentes proposent aussi que la réponse de défense n’est pas forcément liée à la détection du pathogène par un MAMP, mais par les dommages cellulaires que celui-ci provoque (DAMP, damage associated molecular pattern). L’identification des DAMP et des voies de signalisation sous jacentes est un champ de recherche actif partagé avec les recherches menées sur la cicatrisation des tissus.

Outre l’intérêt médical pour le contrôle des infections microbiennes, l’étude des interactions hôtes pathogènes relie et ouvre des champs d’investigation en biologie cellulaire. Tel est le cas d’infections virales qui, pour faciliter leur entrée dans la cellule, détournent des fonctions clefs de la cellule, comme l’ubiquitination des récepteurs pour leur recyclage utilisée par certains virus. Très récemment, la mise en évidence de l’inhibition traductionnelle de l’hôte par une toxine de la bactérie Pseudomonas aeruginosa a permis de révéler un système d’auto surveillance de la fonction cellulaire.

CommensalismeLa réduction massive des coûts de séquençage a permis d’identifier et de quantifier les multiples espèces bactériennes qui constituent le microbiote de nombreux métazoaires. Le microbiote humain représenterait plus de 100 000 milliards de cellules, soit 10 fois plus que le nombre moyen de cellules de l’organisme. La santé humaine est affectée par les facteurs qui altèrent son microbiote, comme les changements diététiques et l’usage d’antibiotiques qui vont réduire sa complexité. Des découvertes majeures récentes ont mis en évidence que les changements de microbiote pouvaient contribuer à l’obésité, au diabète, au syndrome métabolique et au cancer, et affecter la longévité. Il est donc important de comprendre la diversité et les interactions du microbiote avec son organisme. L’utilisation d’organismes modèles génétiques classiques s’est rapidement développée pour englober ce nouveau domaine de recherche, réduisant la complexité du microbiote de plusieurs milliers d’espèces à une dizaine par exemple pour la drosophile.

MutualismeLes interactions dites mutualistes sont diverses, allant d’un bénéfice équilibré et « libre », où chacun des partenaires a une existence potentielle en absence de l’autre, à des situations de mutualisme strict où l’un est requis à l’existence de l’autre. Tel est le cas de la bactérie Wolbacchia et de certains nématodes parasites. Un ou plusieurs composants clefs du cycle cellulaire indispensable lors des premières divisions de l’embryon a été perdu par l’hôte et est apporté par la bactérie. Cette complémentation est telle que la méthode la plus puissante à l’heure actuelle pour traiter les individus infectés par ces nématodes parasites est un traitement antibiotique. Il existe également des exemples de microbes qui confèrent un avantage sélectif à leur hôte dans un environnement particulier. Wolbacchia pipientis protège la drosophile contre une infection virale. L’infection par certains virus végétaux de type mosaïque procure à leur hôte une tolérance accrue à la sécheresse ou au gel en augmentant la production d’osmoprotecteurs et d’antioxydants. L’étude de ces interactions est une ouverture sur la compréhension des mécanismes fondamentaux de biologie cellulaire et du développement.

Les enjeux et émergences du domaine :

Les interactions hôtes parasite, qu’elles soient bénéficiaires, neutres ou nuisibles, influencent chacune différemment le développement et la physiologie de l’organisme. Il est nécessaire de caractériser les différentes étapes de réponse de l’organisme : reconnaissance, signalisation et communication tissulaire déclenchées par l’hôte pour maintenir son intégrité et donc comprendre sa physiologie. La pression de sélection soumet ces deux organismes à une évolution rapide, l’un pour inventer de nouveaux facteurs de virulence, l’autre de nouvelles défenses, selon la théorie Red Queen. La réserve écologique est donc dans ce domaine, comme en Evo-Dévo une immense source de variabilité. Les nouveaux échantillonnages écologiques d’organismes avec leurs microbes associés permettront la compréhension de nouvelles inventions génétiques et mécanistiques et d’appréhender la plasticité de ces mécanismes. Les études transcriptomiques (RNAseq), banalisées par les coûts réduits du séquençage, et les possibilités maintenant illimitées de modifications ciblées du génome de tous les organismes grâce à la technique de CRISPR, associées aux techniques récentes d’imagerie multimodale permettront de hiérarchiser et localiser les réponses de l’hôte lors des interactions avec les microbes.

Les équipes travaillant actuellement dans ces domaines de recherche ne sont pas regroupées thématiquement ou géographiquement, mais sont associées à des communautés et instituts divers, comme développement, biologie cellulaire, immunité innée ou évolution, ce qui amène une certaine absence de visibilité mais est source de richesse dans sa transversalité.

III. Reproduction

La Biologie de la Reproduction, la compréhension de mécanismes sous-tendant la survie de toutes les espèces vivantes où la reproduction sexuée est le mode principal ou exclusif de multiplication des individus de l’espèce, est à l’interface de questions fondamentales, agronomiques, médicales et sociétales, avec des enjeux conséquents en terme de connaissance du vivant et d’économie.

La communauté scientifique française de biologistes de la reproduction est diversifiée et couvre potentiellement l’ensemble des champs connectés aux mécanismes conduisant aux infertilités au sens large : Détermination du sexe, Gamétogenèse et qualité des gamètes, Interaction gamétique et fécondation, implantation et placentation en connexion avec le développement très précoce pour les espèces vivipares, conséquences de long terme de manipulation de l’embryon ou de l’environnement maternel en cours de gestation. Ces questions sont abordées sous l’angle de la génétique, de l’épigénétique, de l’endocrinologie, du métabolisme. Chacun de ces axes de recherche est représenté par des équipes fortes et reconnues au niveau international, avec souvent des spécificités des différents organismes de recherche, le CNRS développant souvent mais pas exclusivement des recherches sur des modèles non vertébrés (Insectes, nématodes), l’INRA souvent en relation avec la maîtrise des cycles de reproduction en élevage, la neuroendocrinologie, et les conséquences de l’environnement sur le développement et la gestation, l’INSERM en relation avec les défauts de fertilité (touchant environ un couple sur six), et la bonne santé gestationnelle fœto-maternelle.

Ainsi, et à titre d’exemple, concernant le déterminisme du sexe chez les vertébrés, des avancées significatives d’équipes françaises ont été obtenues en particulier dans la caractérisation de voies de la différenciation ovarienne, avec des contributions significatives sur des gènes majeurs tels FOXL2, RSPO1, WNT4. Un autre exemple est l’identification récente d’un gène majeur de déterminisme du sexe mâle chez les Téléostéens Salmonidés, sdY.

De façon plus globale, l’ensemble des problématiques modernes de Biologie de la Reproduction peut s’articuler en deux axes principaux :

1. Contribuer à l’identification exhaustive des gènes et réseaux de gènes impliqués dans la fertilité, incluant les gènes nécessaires à la gamétogenèse per se (méiose, dialogue somato-germinal dans les gonades…) mais aussi ceux nécessaires au dialogue endocrinologique ou neuroendocrinologique permettant la fonction gonadique. À noter que l’infertilité, loin de résulter seulement de défauts gamétiques, peut aussi émaner d’une interaction sperme-ovocyte déficiente, et d’un défaut d’implantation dans le contexte d’espèces vivipares, lui-même parfois le résultat d’une dysfonction endométriale. D’un point de vue plus quantitatif, on estime que moins d’un tiers des infertilités ou subfertilités observées dans l’espèce humaine peut actuellement être expliqué d’un point de vue mécanistique. L’une des raisons évidentes de cet état réside dans l’immense diversité des mécanismes moléculaires pouvant aboutir à un échec reproducteur. À titre d’exemple, et ne se focalisant que sur la spermatogenèse, les infertilités d’origine mâle peuvent provenir de dysfonctions de l’axe hypothalamus-hypophyse-gonade (syndrome de Kallmann), de défauts de différenciation du spermatozoïde, touchant le nombre (azoospermies), la forme (tératospermie), la mobilité (asthénozoospermie), l’éjaculation (absence de canaux déférents, comme dans la mucoviscidose). D’un point de vue médical les méthodes d’assistance à la procréation résolvent de nombreux cas, mais souvent uniquement d’un point de vue technologique, impliquant la manipulation des gamètes et des embryons, sans nécessité d’élucidation de la base moléculaire des infertilités, et avec une évaluation balbutiante des possibles conséquences épigénétiques des techniques utilisées.

2. Établir le lien entre environnement et fonction de reproduction (fertilité et développement ultérieur). Cette question englobe les effets potentiels des manipulations d’embryons, en particulier dans le cadre des techniques d’assistance médicale à la procréation chez l’humain (AMP), mais aussi des questions agronomiques comme la gestion de la baisse de fertilité chez les vaches à haut niveau de production laitière, où le déficit énergétique conduit le métabolisme à un choix de non-fertilité (question partagée avec d’autres espèces de rente, truies, volaille, etc.). Au sens large, l’impact des perturbateurs endocriniens fait aussi partie intégrante de ces questions, et dans tous les cas, les observations d’effets développementaux et physiologiques transgénérationnels demeurent une question de recherche centrale en termes de compréhension des mécanismes à l’œuvre. Cette question de l’impact présente une acuité considérable avec l’arrivée à l’âge de procréer des anciens « bébés-éprouvettes ». Aujourd’hui en France, 2,7 % des naissances résultent de méthodologies d’assistance médicale à la procréation, avec des risques accrus et bien caractérisés de grossesse gémellaire, de prééclampsie, de retards de croissance intra-utérins, et plus marginalement de pathologies d’empreinte, telles le syndrome de Beckwith-Wiedemann.

Le paysage de la recherche française en Biologie de la Reproduction s’articule autour de ces deux principaux axes, sans les couvrir de façon exhaustive, et avec un certain manque d’homogénéité accompagné d’un manque certain de structuration et d’un manque chronique de financements. Une nouveauté marquante a été la création d’un GDR CNRS en 2014 « GDR Repro », qui a permis de faire un état des lieux assez détaillé, au moins en ce qui concerne le volet zoologique de la recherche en Biologie de la Reproduction dans le pays, avec 71 équipes participantes, couvrant des sujets allant de l’évolution des mécanismes reproducteurs chez les invertébrés à des fréquentes pathologies utérines humaines telles l’endométriose, avec des méthodologies empruntant des savoir-faire variés (endocrinologie, biologie et imagerie cellulaire, signalisation, haut débit et bioinformatique).

S’il semble déjà complexe d’extraire les principales voies de recherche actuelle dans le domaine et donc à plus forte raison d’envisager le futur, certains enjeux sociétaux majeurs semblent incontournables et seront donc sûrement développés dans l’avenir, au niveau national et international :

i. mieux comprendre les bases génétiques et environnementales de la subfertilité/infertilité observée en milieu naturel ou non (espèces sauvages, domestiques et humaine),

ii. évaluer les effets à court, moyen ou long terme des manipulations de l’embryon sur le développement ultérieur, et les éventuels risques pathogéniques induits,

iii. mieux comprendre et prévenir les principales maladies de la grossesse, en particulier les hypertensions gestationnelles de novo chez la femme.

À côté de ces questions incontournables pour des raisons médicales ou agronomiques, des recherches fondamentales sur des modèles non-mammaliens ou mammaliens resteront des préoccupations prégnantes du domaine. Par exemple, l’évolution de la spéciation par l’étude de la morphogenèse des pièces génitales chez la drosophile, les mécanismes fondamentaux de la méiose mâle et femelle, la genèse des organes sexuels et la balance méiose/mitose dans le modèle nématode sont des sujets ancrés dans la culture française de la recherche en reproduction, et le resteront probablement. En définitive, le domaine stratégique se caractérise par un état des lieux mitigés, avec des forces évidentes (nombreuses équipes, modèles variés, équipes hospitalo-universitaires) mais aussi des faiblesses manifestes (sous-financement chronique, manque de structuration forte à l’exception de l’INRA, contraintes législatives lourdes sur l’embryon humain en particulier, journaux de spécialité à facteur d’impact < 5). Le GDR devrait permettre de créer des collaborations transdisciplinaires performantes ce qui devrait pouvoir conduire à une synergie significative, à une émergence structurante du domaine, à une visibilité accrue au niveau des instances et du public.

Conclusion

En conclusion, la recherche française est forte d’un long historique et possède de nombreux atouts, technologiques, structuraux, et écoles de pensées, dans les domaines de la biologie du développement, de l’évo-dévo, de la biologie de la reproduction et de la biologie cellulaire. Elle a notamment su préserver la variété thématique et de modèles expérimentaux, in vitro et in vivo, nécessaire à une recherche intégrée et multi-échelle représentative des diversités de fonctionnement de la cellule, de l’organe et de l’organisme. À l’heure actuelle, ce sont ces diversités qu’il faut comprendre, ce à toutes les échelles, pour appréhender les variations normales et pathologiques de la physiologie d’un organisme, et pouvoir les manipuler dans une perspective de santé. Le renforcement de structures de recherche et d’approches interdisciplinaires, et le maintien d’une diversité de modèles d’étude, seront sans aucun doute l’atout majeur de réussite dans cette perspective.

Devant cette mission ambitieuse, le domaine Biologie du Développement – Biologie Cellulaire souffre paradoxalement d’un manque croissant de reconnaissance et donc de financements. Le contexte budgétaire actuel est régi par les demandes à court terme d’applications thérapeutiques, malgré le réductionnisme démontré et délétère d’une telle vision. Un mauvais raccourci intellectuel et une fausse croyance seraient de focaliser la recherche en Biologie du Développement – Biologie Cellulaire sur l’espèce humaine, et plus particulièrement, de penser qu’accumuler des données en masse dans cette espèce, par des approches à haut débit, nous apporterait la connaissance nécessaire pour des approches thérapeutiques (comme cela est proposé par la « Stratégie Nationale de Recherche »). L’unanimité des membres de la section 22 est convaincue que cette vision est réductionniste : les découvertes les plus influentes échappent à toute planification et résultent de l’intégration d’une complémentarité d’approches, d’expertises, de techniques, mais aussi d’une complémentarité de multiples modèles vivants expérimentaux, que le CNRS a su développer dans de nombreuses unités. Placer cette réalité sous silence revient à ignorer les fondements de la recherche en biologie et en médecine.

L’impact socio-économique majeur de la recherche fondamentale en Biologie du Développement – Biologie Cellulaire est mesurable à travers un nombre toujours croissant d’exemples concrets dont certains ont véritablement révolutionné les pratiques médicales d’aujourd’hui. Citons en premier lieu les découvertes du laboratoire de Margaret Buckingham, biologiste du développement mondialement reconnue et couronnée par la médaille d’Or du CNRS en 2013. En cherchant à déterminer chez la souris l’origine embryonnaire des cellules cardiaques, les travaux les plus récents dirigés par M. Buckingham ont identifié une nouvelle source de cellules précurseurs contribuant à la fois à la formation du pôle artériel et du pôle veineux du cœur, indiquant une origine, et donc possiblement des pathologies communes, à ces deux territoires. Il en a résulté une adaptation radicale des procédures d’opération à la naissance de malformations congénitales cardiaques chez l’homme pour intervenir maintenant sur ces deux pôles, avec des succès manifestes. Nombre d’autres exemples peuvent être cités dans les domaines couverts par ce rapport ; nous nous bornerons à quelques-uns :

– l’étude fondamentale, utilisant des modèles mammifères, des mécanismes de la biologie de la reproduction a eu un impact socio-économique considérable, d’une part dans l’optimisation des productions agronomiques, d’autre part d’un point de vue médical dans la maîtrise des processus permettant l’obtention de gamètes humains fonctionnels et la fécondation in vitro ;

– toujours dans le domaine de la reproduction, le premier modèle transgénique murin de prééclampsie sévère, modèle créé en France en 2013 et cédé depuis à de nombreuses équipes étrangères, permet pour la première fois de tester des approches thérapeutiques contre cette complication obstétricale potentiellement gravissime, et d’évaluer les cascades géniques impliquées ;

– la connaissance précise des molécules de signalisation ou des voies sécrétrices a permis de les utiliser comme biocapteurs. Leur capacité intégrative et leurs algorithmes biologiques, façonnés au cours d’un demi-milliard d’années d’évolution, sont largement supérieurs à la performance des capteurs conventionnels pour déceler par exemple les besoins en insuline chez les diabétiques, ou détecter des poisons biologiques ;

– les modèles génétiques de laboratoire (levure, mouche à vinaigre, poisson zèbre, souris…) ont permis, ces vingt dernières années, l’identification de nombreuses molécules impliquées dans la communication cellulaire, notamment les molécules sécrétées « signales ». Ces molécules se sont révélées exister chez l’homme et être impliquées non seulement dans le développement embryonnaire mais au cours de la vie adulte où leur malfonction est à l’origine de nombreux cancers. Ainsi, le développement commercial récent de la drogue anti-cancer Erivedge/Vismodegib, sur la base de l’identification chez la mouche à vinaigre du gène hedgehog, traite de manière efficace les carcinomes basocellulaires, le cancer de plus forte incidence dans le monde occidental ;

– l’identification des enzymes contrôlant le déroulement du cycle cellulaire (kinases, phosphatases, etc.) ainsi que leurs inhibiteurs spécifiques a ouvert la voie à une médecine personnalisée offrant une palette de molécules permettant de cibler plus efficacement les tumeurs à différentes phases de leur développement. Récemment, la découverte du phénomène de tri des centrosomes surnuméraires de certaines tumeurs solides (type carcinome) a conduit à cibler des molécules impliquées spécifiquement dans ce phénomène, comme par exemple la Kinésine HSET, touchant ainsi principalement les cellules tumorales ;

– l’identification des gènes (ou cocktails de gènes) de pluripotence, essentiellement à partir des cellules ES de souris et par comparaison avec les cellules germinales d’autres espèces animales, a ouvert la voie à la pluripotence induite, notamment à partir de cellules différenciées humaines. La transplantation de telles cellules humaines dans le cerveau et/ou la moelle épinière de rat et de souris a permis la réparation de maladies neurodégénératives ou de lésions induites ;

– primées par le prix Nobel de Médecine en 2011, des recherches fondamentales menées sur la drosophile dans le laboratoire de Jules Hoffman ont permis de caractériser une nouvelle famille de récepteurs TLR jouant un rôle fondamental dans la défense contre les infections. L’activation précoce de ces récepteurs en amont des cascades inflammatoires en fait des cibles thérapeutiques privilégiées pour certaines pathologies comme des maladies auto-immunes ou certains cancers. Des agonistes de certains récepteurs TLR sont actuellement testés comme vaccins contre l’hépatite C, le virus de la grippe, dans des allergies et certains cancers.

La recherche en Biologie du Développement – Biologie Cellulaire reste, par essence et par nécessité, largement d’ordre fondamental et exploratoire ; elle nécessite la multiplication des modèles expérimentaux, notamment non-humains, pour recouvrir le champ de l’existant, et une importante prise de risque, sur la durée, devant la formidable perspective de découvrir des mécanismes moléculaires, cellulaires ou physiologiques nouveaux impactant l’homéostasie d’un individu et ouvrant sur des perspectives de santé novatrices. Un programme scientifique responsable car engagé sur le futur doit chercher à promouvoir, à travers des programmes de soutien pluriannuel, de telles approches multi-échelles, multi-modales et multi-organismes pour l’étude du vivant, garantissant ainsi la liberté indispensable à la créativité et à notre potentiel d’innovation à long terme.