Rapport de conjoncture 2014

Section 14 Chimie de coordination, catalyse, interface et procédés

Extrait de la déclaration adoptée par le Comité national de la recherche scientifique réuni en session plénière extraordinaire le 11 juin 2014

La recherche est indispensable au développement des connaissances, au dynamisme économique ainsi qu’à l’entretien de l’esprit critique et démocratique. La pérennité des emplois scientifiques est indispensable à la liberté et la fécondité de la recherche. Le Comité national de la recherche scientifique rassemble tous les personnels de la recherche publique (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens). Ses membres, réunis en session plénière extraordinaire, demandent de toute urgence un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique. Ils affirment que la réduction continue de l’emploi scientifique est le résultat de choix politiques et non une conséquence de la conjoncture économique.

L’emploi scientifique est l’investissement d’avenir par excellence
Conserver en l’état le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche revient à prolonger son déclin. Stabiliser les effectifs ne suffirait pas non plus à redynamiser la recherche : il faut envoyer un signe fort aux jeunes qui intègrent aujourd’hui l’enseignement supérieur en leur donnant les moyens et l’envie de faire de la recherche. On ne peut pas sacrifier les milliers de jeunes sans statut qui font la recherche d’aujourd’hui. Il faut de toute urgence résorber la précarité. Cela suppose la création, sur plusieurs années, de plusieurs milliers de postes supplémentaires dans le service public ainsi qu’une vraie politique d’incitation à l’emploi des docteurs dans le secteur privé, notamment industriel.

Composition de la section

Arnaud Etcheberry (président de section) ; Frédéric Meunier (secrétaire scientifique) ; Krystyna Baczko ; Dorothée Berthomieu ; Azzedine Bousseksou ; Christophe Darcel ; Bruno Domenichini ; Nadine Essayem ; Anne Galarneau ; Bernold Hasenknopf ; Maguy Jaber ; Aziz Jouati ; Valérie Keller-Spitzer ; Yanling Li ; Axel Lofberg ; Catherine Louis ; Éric Marceau ; Françoise Mauge ; Olivier Maury ; Jean-Marc Planeix ; Bénédicte Prelot.

Résumé

Les pôles de la section 14 sont la chimie de coordination, la catalyse, les surfaces et l’électrochimie. L’implication en milieu industriel est importante, en particulier pour les domaines se rapportant à la catalyse, aux surfaces et/ou interfaces. Les thématiques de la section 14 s’inscrivent résolument dans un contexte interdisciplinaire et multi-echelle, et permettent une approche globale sur des défis scientifiques ou sociétaux. Des enjeux environnementaux, énergétiques ou de santé sont présent dans un grand nombre de nos thématiquex en relation avec le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources fossiles et minières, les matières premières renouvelables, les énergies renouvelables et le stockage. La conception d’édifices moléculaires, de nano-objets à propriétés avancées, les mécanismes support biologiques et les méthodes physico-chimiques avancées pour l’analyse de systèmes complexes operando ou in vivo sont aussi très présents dans nos axes de recherche.

Introduction

La section 14 couvre les champs thématiques associés à la chimie de coordination, à la chimie organométallique, à la chimie moléculaire, à la catalyse (homogène ou hétérogène), à la chimie des surfaces et interfaces et à l’électrochimie. Ce sont les socles de nos recherches fondamentales ou appliquées.

La section 14 est aussi très créative dans ses zones d’expertises transverses : la synthèse multi-échelle, la conception des édifices atomiques ou moléculaires, la physico-chimie des interfaces, le contrôle des sites réactionnels, la réactivité considérée sur plusieurs facteurs d’échelle, la caractérisation du site réactionnel. Ces axes transverses sont souvent abordés avec des pratiques communes. Ils sont fédérateurs et effacent une partie des contours de nos communautés thématiques. Cette tendance progresse au fil des ans et nous partageons aussi nombre de thèmes avec d’autres sections dans l’INC et au-delà dans l’INSIS, l’INP. La stratégie future sera de consolider les émergences interdisciplinaires qui rassemblent chimie inorganique, chimie organique et chimie physique. Notre section qui fonctionnait sur un modèle vertical, est à présent entrée dans un modèle matriciel de création des savoirs. Les montées irrésistibles de la nano-chimie, de la nano-synthèse, de la nano-conception, de la nano-caractérisation sont des éléments essentiels d’évolution voire de recomposition de nos thématiques. Pour parfaire ses spécificités, la section 14 accueille aussi des activités de simulation/modélisation très créatives, prédictives, parfaitement implantées dans la totalité des axes expérimentaux.

Le terme « Procédé » est le dernier point clé de la section 14. Il se décline selon deux interprétations. « Procédé » traduit une tendance forte à projeter nos recherches fondamentales dans des défis sociétaux pour lesquels la réponse par l’avancée scientifique et sa mise en œuvre par l’ingénierie, s’avèrent nécessaires. La section 14 a toujours été présente dans de fortes collaborations avec la recherche industrielle. Les succès sont multiples. L’analyse de l’interaction avec le secteur industriel montre que la situation a profondément évolué passant d’un mode sur actions bilatérales à un mode beaucoup plus complexe, avec des réponses communes aux appels sur programme (ANR, Europe, Région, etc.). Cette évolution est un sujet de réflexion (temps de préparation, efficacité, pérennité). L’analyse de nos actions collaboratives permet d’évaluer les besoins des recouvrements entre recherche fondamentale et recherche applicative. Dans les années à venir, cette capacité à projeter nos savoirs fondamentaux doit être maintenue et renforcée par des pratiques de pilotage qui devront impérativement sanctuariser voire amplifier l’espace de liberté d’une recherche fondamentale bien menée. Garder une pratique fondamentale créative garantit des interactions novatrices avec les secteurs industriels et des réponses originales aux défis sociétaux associés à : l’énergie, la chimie verte, la santé, l’environnement, qui concernent directement notre section.

Le terme « procédé » illustre aussi notre capacité de passer par étapes, d’un niveau initial : de conception d’un matériau à fonctionnalité, d’une fonctionnalisation de surface, d’une création de nano objet, etc., à un niveau où l’intégration de cette brique initiale devient l’élément actif dans de l’ingénierie chimique, physique, biologique. Les secteurs de la catalyse, des surfaces et interfaces sont de ce point de vue très impliqués. Le secteur des matériaux moléculaires est aussi en pleine progression dans ce domaine.

Décrire la réalité de la section 14 est une tâche difficile. Nous présenterons les grandes rubriques qui situent nos thématiques pour ensuite éclairer des secteurs scientifiques que nous avons discutés plus particulièrement ; il s’agit donc d’une image instantanée et partielle qui ne préjuge en rien des choix stratégiques en devenir.

Le contour scientifique de la section 14

Nos zones d’action les plus évidentes concernent :

→ les synthèses et études des propriétés physiques, catalytiques ou biologiques des complexes inorganiques, de coordination et organométalliques ;

→ les matériaux moléculaires à propriétés physiques contrôlées et à fonctionnalités ;

→ l’optimisation de la synthèse industrielle des grands intermédiaires et des produits de la chimie « fine » ;

→ la polymérisation des oléfines et la conception des catalyseurs de polymérisation dérivés du zirconocène et du nickel ;

→ la catalyse hétérogène et homogène pour l’environnement (Remédiation et synthèse de carburants propres), pour la synthèse des grands intermédiaires, pour le défi de la conversion de la biomasse et de l’énergie ;

→ les procédés pour la mise en forme des catalyseurs ;

→ le génie catalytique pour la conception et la mise au point de nouveaux réacteurs ;

→ la chimie bio-inorganique incluant la catalyse enzymatique et la compréhension des sites réactionnels ;

→ les nouveaux matériaux et procédés de synthèse associés, pour la catalyse, pour les procédés membranaires, pour l’énergie, pour le stockage ;

→ les électrochimies : moléculaire, interfaciale avec examen des événements à l’échelle atomique ;

→ l’électrochimie des solides et les matériaux associés, les processus électrocatalytiques ;

→ la conversion (Photovoltaïque) et le stockage de l’énergie (Batteries, piles à combustible) ;

→ la science des surfaces axée sur la compréhension de la réactivité, sur la mise en forme des sites sur plusieurs facteurs d’échelle (du nano au macro objet) ; La science des bio-interfaces et les spécificités de ses interactions ;

→ la conception, le design et la recherche de propriétés spécifiques aux nano-objets ;

→ la conception et la mise en œuvre de techniques de caractérisation capables d’étudier la réactivité par l’accès à la résolution spatiale, à la résolution temporelle avec un relais très important via des projets sur grands instruments ;

→ les méthodes de calcul et de modélisation développées dans la prédiction des étapes d’un cycle catalytiques, dans une modélisation fine des effets de ligands, dans une prédiction des propriétés/réponses des surfaces, dans la compréhension des propriétés physiques des matériaux.

I. Défis sociétaux

Nos approches fondamentales et appliquées interagissent avec :

Les défis de l’Énergie :

conversion de l’énergie ;stockage ;alternative énergétique.Les défis de l’Environnement :

réduction des émissions de gaz à effets de serre ;optimisation des ressources ; (métaux nobles, mat biosourcés…) ;durabilité fiabilité des systèmes et matériaux ;traitements, Remédiation des milieux ;les défis de la Santé ;

compréhension des mécanismes biologiques ;nouveaux outils de diagnostics et de traitement.

A. Réduction des besoins énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre

10 % des besoins en énergie et 7 % des émissions de gaz à effets de serre relèvent de l’industrie chimique. Ainsi, la production de 18 composés (dont l’ammoniac, l’éthylène, le propylène, le méthanol et les aromatiques benzène-toluène-xylène, etc.) consomme près de 80 % des besoins énergétiques de l’industrie chimique et émet 75 % des émissions de gaz à effet de serre. L’amélioration impérative de cette situation impose un travail sur les procédés ou les matières premières.

90 % des procédés de l’industrie chimique utilisent des catalyseurs dont l’amélioration pourrait amener à une économie d’énergie entre 20 et 40 % d’ici à 2050. L’utilisation des « déchets » issus de la biomasse, consommatrice de CO2, représenterait un saut technologique, mais uniquement sur des cycles complets de production analysés comme éco-compatibles. On peut citer comme domaines d’importance clés : les technologies gaz-vers-liquide type synthèse Fischer-Tropsch s’appuyant sur des sources variées, fossiles ou renouvelables ; la conversion des biomasses en alcools, oléfines courtes et aromatiques ; l’électrolyse et la décomposition photocatalytique de l’eau. Progresser ou percer dans ces domaines impliquera la collaboration étroite entre partenaires académiques et industriels à l’échelle européenne et mondiale.

B. Traitement et remédiation des milieux

Améliorer la qualité de l’air et des eaux est un enjeu majeur, qui nécessite des réponses technologiques qui passent par la compréhension des effets de pollutions et par la conception : de procédés de traitement des effluents, en phase gazeuse ou liquide ; de procédés de dépollution de systèmes très complexes présents dans les milieux naturels (air, sols, eaux usées, fluviales, souterraines,), qu’ils s’agissent de pollutions récurrentes (Zn, Cu, TBT, PCB,) ou accidentelles pour les hydrocarbures voire catastrophiques pour les radioéléments. Les recherches par exemple en catalyse de NOx ou de dénitration, en élimination catalytique des composés organiques volatils ou dissous en phase aqueuse, en traitement des aérosols carbonés, en rétention de principes actifs, de métaux lourds ou de radionucléides, sont et seront des priorités

Dans le défi environnemental la conception et le développement de nouveaux matériaux performants, durables et peu chers seront cruciaux. La réponse aux besoins réels de procédés, imposera de franchir un seuil, en allant au-delà des systèmes modèles via une approche multi-échelle (site actif, matériau, réacteur, catalyse assistée par voie électro- ou photochimique), qui permettra une recherche intégrée considérant les mécanismes élémentaires, leurs synergies, jusqu’aux conditions réelles d’utilisation des dispositifs et des procédés de remédiation.

C. Remplacement des métaux nobles

Un autre défi majeur concerne la disponibilité, l’approvisionnement et le coût de certains métaux utilisés dans des secteurs industriels « stratégiques » aussi divers que la catalyse, l'(opto)électronique, l’énergie, le transport, la communication. La section 14 est très concernée par le défi de leur substitution qui nécessitera des solutions fondamentales nouvelles.

La raréfaction de certains métaux précieux et des éléments f, amplifiée par des considérations géopolitiques sensibles, influence directement la rentabilité de leur utilisation dans des applications de masse (aimants, éclairage, catalyse). Pour certains de ces métaux (Pd, Rh, Ir), la situation est déjà critique. Pour Ru, peu abondant mais performant, la situation peut le devenir si de nouveaux procédés sont développés à grande échelle. La recherche sur les catalyseurs à base de métaux précieux restera une priorité en (électro)catalyse, dans les domaines de la synthèse chimique, de l’énergie et de la dépollution, avec l’obligation d’abaisser encore les teneurs utilisées. La problématique est la même pour les dispositifs à base d’éléments f. Aussi une de nos missions est et sera de fournir des solutions de substitution impliquant des métaux plus abondants ou des combinaisons moins coûteuses, voire moins toxiques, sans nuire à l’efficacité du procédé. Les métaux de la 1re période du bloc d (Fe, Co, Ni, Cu, Zn) beaucoup moins coûteux seront les clés de cette stratégie. C’est du côté de la chimie du fer, du cuivre et du zinc que se situent les pistes les plus avantageuses. Malgré une toxicité potentielle, le nickel et le cobalt sont également des métaux intéressants.

En ce qui concerne la valorisation des molécules biosourcées par catalyse hétérogène, les métaux nobles, seuls ou en combinaison bimétallique, sont performants en oxydation ménagée de sucres ou de polyols, en hydrogénation sélective d’acides carboxyliques ou d’alcynes, etc. Si les oxydations ménagées peuvent s’effectuer avec des catalyseurs de type oxydes, l’hydrogénation doit mettre en jeu un catalyseur métallique à l’état réduit, sélectif et stable sous réaction. C’est du côté des combinaisons des métaux de la 1re période que peut se situer la solution : combinaisons de ces métaux entre eux (Ni/Fe, Co/Fe…) ou ajout d’éléments du bloc p (Sn, Sb, Al…). Côté catalyse homogène, la mise au point de catalyseurs à base de métaux de transition et du groupe principal, non dérivés de métaux précieux, est un domaine de compétition internationale intense. Le cuivre et le fer ont déjà montré leur efficacité dans les domaines de la réduction (hydrogénation, hydrosilylation), des couplages croisés, voire de la catalyse asymétrique. Les chimies de coordination et organométallique ont des atouts pour développer de nouveaux catalyseurs moléculaires bien définis à base de Fe, de Co, de Cu, de Mn, de Zn… plus efficaces et surtout sélectifs par rapport aux systèmes catalytiques générés in situ à partir de sels métalliques potentiellement pollués par des impuretés. Autre exemple des enjeux de substitution dans le domaine du photovoltaïque à couches minces, la substitution de l’indium par Sn ou Zn est aussi un enjeu de filière couche mince important.

D. Durabilité des matériaux

Les pertes de matière, de propriétés ou de fiabilité sous contraintes sont un problème universel pour les chimistes, particulièrement dans les zones interfaciales (environnement/matériau). Dans le cadre de la section, on peut penser à la photodégradation de systèmes moléculaires, au vieillissement des catalyseurs sous réaction, à la corrosion des métaux et aux questions connexes de la régénération de ces systèmes et de leur cycle de vie. L’interface est un lieu d’échange et d’évolution des propriétés. La gestion des économies d’atomes et des bilans énergétiques dans ces zones est un défi permanent. Les évolutions de ces systèmes sont également des phénomènes multi-échelles qui impliquent des structures complexes : multi-matériaux, composites, matériaux granulaires, etc.

La dégradation des interfaces implique les processus de (photo)vieillissement, de (bio-) corrosion, d’usure, etc. Une protection efficace impose de considérer les processus de corrosion/passivation à travers l’enchaînement des processus « du nm au m » et « de la seconde à l’an ». Pour ce faire, la compréhension et le contrôle des phénomènes imposent des évolutions méthodologiques spécifiques.

Une force des recherches effectuées en France sur le thème de la corrosion et de la passivation des métaux, alliages, semi-conducteurs ou oxydes tient dans son approche des phénomènes à l’échelle atomique sur des surfaces modèles (monocristallines étendues ou au nanomètre) pour les relier ensuite à des études à l’échelle micrométrique et à leur extension aux systèmes polyphasés pour enfin aboutir à l’application. La compréhension des mécanismes à l’échelle nanométrique et leurs manifestations à l’échelle macroscopique doivent aussi considérer le contexte tendu associé aux nouvelles normes environnementales qui bouleverseront les ingénieries chimiques actuelles et imposeront de trouver des solutions originales à partir de nouvelles approches conceptuelles qui feront évoluer les pratiques présentes en élaborations dans des domaines aussi différents que la catalyse, l’électronique, la métallurgie, etc. La dimension chimique associée aux phénomènes d’évolution des interfaces devra aussi mieux considérer les mécanismes associés aux phénomènes tribologiques pas assez couplés à la chimie des interfaces qui sont aussi à considérer dans la globalité des évolutions des interfaces.

II. Défis scientifiques

A. Activation des petites molécules

L’activation de petites molécules d’origine naturelle (CO2, O2, N2), de H2, ou de molécules issues des procédés de cracking ou de la biomasse (alcènes, alcanes légers) est un axe crucial.

Dans ce domaine, des avancées notables ont été réalisées aussi bien en catalyse hétérogène qu’homogène, mais de véritables défis restent à résoudre. On peut citer la fonctionnalisation du diazote, les systèmes catalytiques alternatifs (enzymatique ou homogène) ont encore des cinétiques trop lentes pour être compétitives. De plus, sa valorisation en chimie fine pour la synthèse des produits azotés de base par catalyse homogène ou hétérogène est toujours un réel défi.

Un second exemple concerne la valorisation et la fonctionnalisation sélective d’alcanes légers tels que le méthane. Des catalyseurs Pt(II) sur supports carbonés dopés à l’azote ou des binucléaires de Fe-N pontés ont déjà fait leurs preuves pour l’oxydation du méthane. Des ingénieries basées sur les échanges de chaleur, sur le couplage de réactions endo et exothermiques, sur l’utilisation de microréacteurs sont à renforcer. En version homogène, grâce à des travaux en chimie organométallique sur la compréhension des mécanismes, des progrès ont été réalisés via par exemple des réactions de métathèse et un design de catalyseurs homogènes spécifiques, ils doivent être amplifiés.

Le troisième exemple concerne le CO2. Son activation et sa conversion par des catalyseurs solides en intermédiaires chimiques est possible mais avec un défi sur la balance énergétique En catalyse homogène, sa valorisation est un sujet de recherche déjà bien établi comme synthon C1. Des défis majeurs demeurent (i) son utilisation comme source de carbone non oxygénée (ii) son utilisation en carbonylation par transformation in situ du CO2 en CO).

Un quatrième exemple est celui de l’activation/réduction du dioxygène, réaction cinétiquement limitante dans des piles à combustible basse température. Des électrodes à base de nano-catalyseurs (bimétalliques ségrégés ou modifiés, carbone dopé à l’azote) ont déjà été identifiées pour améliorer la réduction d’O2.

Enfin, un dernier exemple est l’oxydation préférentielle du CO par O2 en présence d’H2, pour la purification de l’hydrogène (pour piles à combustibles). Des alliages métalliques à base de Pt-Sn sont efficaces mais sujets à la restructuration selon leur exposition.

De façon générale l’étude des supports catalytique en conditions expérimentales par caractérisations in situ et operando est indispensable

B. Catalyse, chimie verte et valorisation de la biomasse

Le concept d’Eco-Conception en chimie de synthèse est, devenu essentiel. Cette dimension nécessite des développements fondamentaux à considérer dès les premières étapes d’un procédé. Les paramètres à prendre en compte sont : les solvants, les réactifs et le coût énergétique. Souvent négligés lors de la conception d’un procédé, les solvants de choix sont les solvants « verts » (eau, eutectiques profonds, dialkylcarbonates, méthyl-THF, CPME, liquides ioniques bio-inspirés, CO2 supercritique), voire l’absence de solvant.

La valorisation sélective de la biomasse est un domaine difficile. Il faut « activer » et transformer sélectivement des huiles, la cellulose et la lignine en synthons pour la chimie fine, pour les bio-carburants. L’association de différentes catalyses est la clé du succès. Elle peut lever le verrou de l’extraction et du fractionnement sélectif de la cellulose, de l’hémicellulose et de la lignine en association avec de la pré-activation non-thermique. La catalyse homogène « en cascade » peut produire sélectivement des synthons pour la chimie fine. À partir de cellulose et de l’hémicellulose, il est ainsi possible de produire 12 composés de base.

La biomasse, en substitution partielle aux ressources fossiles, est une source carbone renouvelable. Il s’agit de cibler en priorité les déchets (agricoles, forestiers, etc.) lignocellulosiques. Les atouts de la biomasse lignocellulosique (BLC) sont : un cycle de carbone court, une faible teneur en éléments toxiques mais avec une teneur élevée en oxygène et une structure polymérique complexe. La cellulose et l’hémicellulose sont liées à la lignine par liaisons hydrogènes et covalentes qui rendent leur dépolymérisation difficile et génèrent des verrous. L’un réside dans la défragmentation contrôlée en monomères, l’autre dans la transformation sélective des monomères en molécules à forte valeur ajoutée. La catalyse par l’acide sulfurique est utilisée de longue date pour hydrolyser la cellulose en glucose ou déshydrater, le xylose en furfural, le recours à des procédés durables est à présent indispensable, via des voies innovantes de biochimie, de catalyse homogène, hétérogène.

Dans ce cadre les voies biochimiques (fermentation ou catalyse enzymatique pour la production de biogaz, d’alcools ou d’acides carboxyliques), les voies catalytiques thermochimiques (gazéification, pyrolyse ou liquéfaction) sont attractives. La voie la plus étudiée pour produire des liquides à partir de BLC est la pyrolyse rapide. C’est la seule technologie au stade de démonstrateur (rendements en biohuile de 50-70 %) mais avec de nombreuses imperfections. Les traitements actuels ne sont pas industrialisables. Les conditions plus douces des procédés de liquéfaction (dégradation thermique de la BLC dans un milieu solvant dense) permettent de convertir la biomasse en liquides de haute valeur énergétique ou sélectivement en bioproduits. Il en découle de nouvelles stratégies comme la liquéfaction en milieux liquides ioniques ou supercritiques. Les catalyses homogène et/ou hétérogène sont de plus en plus associées pour améliorer les rendements et la qualité des biohuiles ou orienter les sélectivités. Une autre piste est l’utilisation de matériaux catalytiques, en catalyseurs sélectifs de déshydratation, de décarboxylation, d’oxydation ou d’hydrogénation. La conversion de biopolymères lignine, cellulose est un véritable défi qui implique une optimisation du milieu solvant et du système catalytique. La conversion des monomères type sucres simples en C5 et C6 sont aussi des défis : les nouveaux systèmes catalytiques hétérogènes devront être stables en milieux solvants polaires, avoir des sites actifs parfaitement définis et des propriétés de surface hydrophiles/hydrophobes adaptées. Il faudra développer de la caractérisation de la surface catalytique en phase liquide. Enfin, des stratégies émergent pour associer les voies thermochimiques catalytiques et bio-chimiques dans des procédés multi étapes. En catalyse homogène, les réductions (notamment l’hydrogénation) catalytiques et les réactions en cascades permettant de réduire la production de déchets sont importantes à développer. Enfin le développement d’une production peu coûteuse d’hydrogène à partir de la biomasse reste un domaine de compétition intense tant en catalyse hétérogène qu’en catalyse homogène.

C. Matériaux catalytiques et adsorbants

Le développement de matériaux nanostructurés est une évolution majeure en catalyse et en adsorption. Citons à titre d’exemple les : zéolithes, charbons, argiles, MoS2, graphène, nitrures de carbone, HDL, MOF, nanotubes et matériaux mésostructurés (carbones, oxydes), matériaux hybrides, matériaux bioinspirés, nanoparticules, autant de matériaux avancés aux énormes potentialités à explorer. Les avancées tiendront aussi dans l’optimisation des propriétés des matériaux existants. Sur l’existant, il s’agira d’améliorer le transfert (matière, chaleur), le contrôle des temps de contact, la stabilité mécanique, la résistance en conditions sévères, la mise en forme macroscopique pour l’intégration dans les procédés, le scale-up et enfin l’éco-compatibilité. Ces améliorations seront atteintes via des stratégies de synthèse directe innovantes, en créant des systèmes à porosité hiérarchique microporeux/mésoporeux/macroporeux, par des traitements post-synthèse. Par exemple pour les zéolithes, plusieurs approches peuvent être suivies pour améliorer la diffusion. Les mésopores peuvent être créés dans les cristaux microniques, résulter d’une association entre nanocristaux ou nanofeuillets de zéolithes, être issus d’une délamination partielle suivie d’une reconstruction de la zéolithe à caractère lamellaire. De même, il est crucial d’optimiser ces matériaux (défauts, dispersion d’hétéroatomes) pour en améliorer la stabilité et mieux comprendre leurs propriétés.

La plupart de ces matériaux, sont produits sous forme de poudres microniques. Leur développement doit aussi considérer spécifiquement leur mise en forme. Ainsi, la mise en forme est difficile sans liant, il convient de comprendre les interactions liants/additifs/phase active. Par ailleurs, considérant les nanoparticules métalliques (Au, Pd, Pt…), il faut développer des méthodes pour obtenir leur répartition homogène et stable dans le grain de catalyseur. Un autre défi est de synthétiser des matériaux de tailles nanométriques et d’optimiser leur dépôt ou leur synthèse sur des monolithes macroporeux : de type céramiques, nids d’abeille, de mousses céramiques ou métalliques.

Enfin les matériaux émergents, comme les matériaux hybrides (MOFs, bioinspirés, biocatalyseurs…), seront au cœur des défis de la catalyse, de l’adsorption et ceux plus exigeants de la séparation. Leur extraordinaire variabilité est un atout majeur, le défi à relever repose sur leur mise en forme et leurs résistances mécanique, chimique et hydrothermale.

1. Catalyse hétérogène

En catalyse hétérogène, les principaux enjeux actuels sont :

– la nécessité de produire de l’essence et du diesel propres en améliorant les procédés d’hydrotraitement ou en utilisant de nouvelles matières premières issues de sources conventionnelles ou de sources alternatives et/ou renouvelables. Ceci soulève de nouveaux défis d’adaptation des procédés existants aux spécificités de ces sources alternatives ;

– l’accompagnement de l’évolution constante des besoins de l’industrie chimique. Par exemple, on constate un besoin croissant en paraxylène et en propylène ;

– la production d’hydrogène à bas coût ;

– le développement de catalyseurs efficaces exempts, ou à faible teneur, en terres rares ou en métaux précieux ;

– la dépollution des eaux complexes issues de l’extraction du pétrole par des Procédés d’Oxydation Avancée (POA) en continu. Le procédé à développer doit pouvoir être miniaturisable et doit aussi être associé à des tests d’écotoxicité.

2. Adsorption

La nanostructuration et la création de surfaces disponibles très élevées sont essentielles dans les domaines de l’adsorption et de l’échange ionique. Le critère textural permet des sélectivités de taille et de forme. La physico-chimie interfaciale permet de contrôler les capacités de sorption, la localisation et la nature des sites actifs. L’enjeu sur ces surfaces est de comprendre et d’améliorer leur sélectivité chimique, leurs affinités et la nature des interactions adsorbat/adsorbant. Les mécanismes d’adsorption et d’échange sont souvent déterminés dans des conditions modèles, ils doivent aussi être étudiés dans des systèmes complexes multi-composants afin d’évaluer l’impact de la spéciation des effluents et de l’hétérogénéité des matériaux sur leurs performances, ainsi que les éventuels effets de compétitions et de synergie entre les espèces impliquées.

D’un point de vue fondamental, beaucoup de domaines restent à explorer : la compréhension de la sélectivité de l’adsorption à l’échelle moléculaire, les effets de solvant sur la réactivité des surfaces, les effets de confinement dans les matériaux poreux, l’apport d’une porosité hiérarchique. La conception/optimisation de matériaux sera aussi un point clé pour de larges panels d’applications : meilleure séparation de liquide (p-xylène/m-xylène…), de gaz (propylène/propane…), piégeage (CO2, MeOH, NH3), purification (hydrogène)., idem pour le traitement de l’air, de l’eau, la décontamination des effluents dans des milieux de plus en plus complexes. La catastrophe de Fukushima a montré la nécessité de développer des procédés en continu avec des matériaux facilement manipulables, idéalement monolithiques, hautement sélectifs et à vitesses d’échange élevées.

D. Photocatalyse : environnement et énergie

1. Énergie vecteurs d’énergie ou carburant « solaire »

Le stockage de l’énergie solaire sous forme de liaisons chimiques dans un vecteur d’énergie ou carburant est un réel défi. Pour ce faire, deux approches de stockage d’énergie sous forme chimique suscitent un intérêt croissant :

– l’une concerne l’utilisation du CO2 comme vecteur d’énergie à travers sa photoréduction en carburant valorisable ;

– l’autre concerne l’utilisation de H2 comme vecteur d’énergie en le produisant par photodissociation de l’eau réalisée par photoélectrochimie ou photocatalyse.

Sur les deux approches, les procédés ont déjà été validés mais avec des limitations importantes. Il faut les surmonter en particulier au niveau de l’augmentation des rendements, Ceci passe par l’optimisation des performances des matériaux photocatalytiques ou photoélectrochimiques utilisés ainsi que par l’ingénierie des interfaces associées. Cette optimisation peut se faire selon une approche moléculaire ou une approche « matériaux ». Côté matériaux, les verrous se situent clairement au niveau de l’optimisation des propriétés des semi-conducteurs mis en œuvre, À ce jour c’est principalement, TiO2 de type n qui est le support d’étude en association avec des nanoparticules métalliques. La nanostructuration du support, ses modifications chimiques et électroniques ainsi que les architectures globales des systèmes sont les clés pour optimiser, l’absorption du rayonnement incident (surtout dans le visible), les transferts de charges et la photocatalyse.

2. Environnement & photocatalyse d’oxydation

Parmi les Procédés d’Oxydation Avancée (POA), la photocatalyse hétérogène est en pleine expansion. Cette approche photoassistée permet, à température ambiante, d’oxyder de manière presque non sélective une large variété de polluants organiques en les minéralisant sous forme de CO2, H2O et éventuellement de sels inorganiques (oxydation ultime d’hétéroatomes). On peut ainsi éliminer des polluants chimiques mais aussi biologiques. Connue depuis des décennies pour le traitement de l’eau, son intérêt pour le traitement de l’air et pour le développement de surfaces photocatalytiques est en progression.

À nouveau l’optimisation de la photooxydation catalytique mais aussi la mise en œuvre de nouveaux systèmes autres que ceux à base de TiO2 passeront par le développement d’une nouvelle génération de photocatalyseurs, par des stratégies dans leur nanostructuration et par leur immobilisation durable sur des supports macroscopiques.

E. Chimie et fonctionnalisation des surfaces

1. La chimie des surfaces

La science des surfaces et interfaces est présente sur tous nos champs thématiques. Les concepts manipulés considèrent les surfaces planes modèles et les surfaces complexes associées aux nanoparticules, aux poreux, etc. Comprendre et maîtriser une surface nécessite de considérer son état initial, ses modifications et les évolutions dues à sa réactivité, en particulier celle générée par les défauts, au contact d’environnements de plus représentatifs des milieux réels.

La maîtrise des systèmes est intimement liée aux performances des outils de caractérisation qui désormais atteignent la résolution atomique et sondent les zones d’interface du premier plan atomique jusqu’à plusieurs dizaines de nanomètres. Ces capacités d’analyses locales autorisent des études quantitatives des mécanismes fondamentaux survenant à l’échelle atomique (nucléation, corrosion localisée, évolution de la topographie en situation réactionnelle, interaction de petites molécules biologiques…). L’accès à l’information de surface combine des approches non destructives (spectroscopies optiques, électronique, champ proche, absorption X) très complémentaires qui donnent une description fidèle d’une surface et de ses évolutions pour pouvoir accéder aux mécanismes et aux enjeux technologiques sous-jacents.

Les approches expérimentales développées ces dernières années en science des surfaces, permettent aussi la manipulation de la matière à l’échelle de l’atome, elles autorisent l’élaboration et la caractérisation de sites réactionnels isolés ou la création de propriétés spécifiques. Appréhender la réactivité de sites uniques reste un enjeu permanent mais accessible en catalyse homogène, hétérogène, en électro-catalyse, en électro-dépôt etc. La science des surfaces dans la combinaison de ses dimensions chimiques et physiques est à même de relever une multitude de défis pour lesquels le rôle des interfaces est prépondérant.

2. La fonctionnalisation de surfaces

Le domaine, de la fonctionnalisation, de la micro- & nano-structuration, de la texturation de surface est un thème en pleine évolution. Par ce biais il s’agit de générer des propriétés chimiques spécifiques (anticorrosives, bactéricides, autonettoyante…) ou physiques (optiques, électriques, tribologiques, mouillabilité…) sur un solide en jouant sur une très faible quantité de matière. La compréhension des mécanismes physico-chimiques mis en jeu aux surfaces et aux interfaces est un préliminaire nécessaire à l’obtention de propriétés données. Les nombreuses méthodes de traitement disponibles permettent d’obtenir une grande diversité de surfaces souvent contrôlées d’un point de vue structural et chimique. Les zones de surface peuvent être traitées par laser, par plasma (ces derniers pouvant être réactifs, séquencés ou en angle variable) pour contrôler la microstructure, par greffage de fonctions moléculaires et/ou biologique, par procédés sol-gel, par électro-dépôt, par passivation chimique, par croissances CVD impliquant des précurseurs de plus en plus variés du fait de l’utilisation de l’injection directe en phase liquide, assistées par un plasma… Soit une infinité de voies qui autorise des stratégies de créations d’interface qui sont au cœur du concept de matériaux avancés. C’est sans conteste l’apport de la chimie de coordination pour le design de futurs précurseurs qui permettra à l’ensemble des méthodes de croissance chimique, notamment les méthodes séquentielles de type « atomic layer deposition », d’élargir leur panel de possibilités. Cette large gamme de méthodes permet de créer des dépôts sur une grande variété de supports, qu’ils soient plans, 2D, concaves ou convexes. Le défi inhérent à cette multitude de supports est la capacité à fonctionnaliser de manière efficace et homogène tous ces types de substrats indépendamment du facteur de forme. Chaque gamme de matériau se caractérise par une chimie spécifique, des semi-conducteurs (Si, Ge, III-V, II-VI…), des oxydes ou des matériaux carbonés de type nano formes ou graphène qu’il faut comprendre pour le contrôle des interfaces qu’ils supportent.

Le développement et l’utilisation de plus en plus courante de méthodes de synthèse et d’élaboration utilisant le contrôle de la chimie de surface pour des croissances de type « bottom-up » d’objets minéraux ou hybrides supportés, pour l’obtention de films organiques organisés puis l’immobilisation de structures biologiques elles aussi organisées, illustrent la volonté des acteurs de la chimie des surfaces d’élargir et partager leur savoir faire conceptuel et instrumental vers les autres branches de la chimie, notamment la chimie moléculaire et la biologie. Les études de fonctionnalisation de surface débordent largement le cadre initial correspondant aux surfaces métalliques et semi-conductrices simples même si des études fondamentales sur ces systèmes restent indispensables. La fonctionnalisation de nanoparticules métalliques, d’oxydes ou de structure cœur-coquille par exemple, est un vaste domaine d’études s’ouvrant vers de nombreuses applications, notamment en thérapie.

F. Catalyse homogène

1. Introduction

La catalyse est un des 12 piliers de la chimie verte et la catalyse homogène via les complexes de métaux est au cœur d’une compétition internationale intense (académique et industrielle). Pour développer une chimie plus performante, durable, avec une bonne image sociétale, la sélectivité, l’efficacité, les économies d’atomes et d’énergie sont les maîtres mots dans l’éco-conception de nouveaux procédés catalytiques. Dans ce domaine, la chimie organométallique et la chimie de coordination, tiennent un rôle majeur dans la conception raisonnée de catalyseurs robustes et efficaces (choix du précurseur métallique, choix de l’environnement proche). À ces fins, l’apport concerté de la chimie théorique aux études mécanistiques reste primordial. Des études thermodynamiques et cinétiques pour appréhender les étapes élémentaires d’un cycle catalytique devraient être plus souvent réalisées.

Un aspect important est la conception de nouveaux catalyseurs, leur architecture devant être au service du contrôle de l’activité catalytique et de la sélectivité. Dans ce domaine, l’innovation en chimie organométallique et en chimie de coordination est le socle pour développer de nouveaux catalyseurs dérivés de métaux de transition (en particulier issus de métaux tels que le fer ou le cobalt) mais aussi du calcium ou du magnésium. De nouvelles formulations de catalyseurs recyclables et réutilisables sont à rechercher, (catalyseurs nano-structurés insérés dans des poreux ou des matrices polymères, catalyseurs moléculaires de surface associant les avantages de la catalyse homogène et hétérogène). Des ligands appropriés à propriétés hydrophiles ou hydrophobes doivent être développés pour une utilisation dans des solvants non usuels tels que l’eau, les liquides ioniques, le CO2 supercritique, les solvants organiques « verts éventuellement bio-sourcés » voire sans solvant… ou pour une réactivité spécifique.

2. Compréhension des cycles catalytiques et conception de nouveaux catalyseurs sélectifs

La compréhension d’un cycle catalytique reste indispensable pour obtenir des systèmes catalytiques efficaces et sélectifs. Cela passe par une étude de chaque étape. Coûteuses en temps ces études devront être amplifiées en termes d’études mécanistiques. Le développement des outils de calculs théoriques permettra de mieux appréhender les cycles catalytiques même si les études prédictives sont délicates. Associées à la théorie, des études thermodynamiques et cinétiques permettront de mieux appréhender les processus élémentaires Ces pratiques doivent devenir des préoccupations récurrentes, l’électrochimie pouvant également apporter beaucoup d’informations sur des espèces intermédiaires. Trop souvent, les interactions dites faibles sont négligées pour la compréhension de systèmes catalytiques. Les exemples des interactions agostiques, de ligands type sigma, ou de type « seconde sphère de coordination » sont éloquents tant leur importance est primordiale. Dans ce domaine, l’expertise de la section est et doit rester un atout pour mener à bien ce type d’étude trop souvent négligée et innover dans de nouvelles méthodologies en chimie organométallique et en chimie de coordination. La recherche de catalyseurs supramoléculaires possédant deux sphères de coordination pour obtenir des sélectivités nouvelles est également un thème ambitieux.

3. Cibles

Certains domaines très concurrentiels nécessitent des efforts accrus :

– le remplacement des métaux nobles (§ C) ;

– les réactions catalysées d’activation et de fonctionnalisation de liaisons C-H peu réactives dans des conditions douces. Ce domaine connaît un essor extraordinaire. Beaucoup de complexes de métaux de transition peuvent effectuer cette activation, Pd, Rh, Ru étant les plus efficaces. Les défis seront l’utilisation de complexes de métaux peu onéreux, la maîtrise de la régiosélectivité des activations et l’utilisation de conditions réactionnelles plus douces et moins énergivores (réactions à des To proches de l’ambiante). Seront visées les réactions de création de liaisons C-C, les créations de liaisons C-hétéroatomes (C-O, C-N, C-S…) avec une attention particulière pour les réactions de (dé)fluoration et les réactions telles que : hydro-amination, -silylation, -boration, -phosphination ;

– les réactions de métathèse d’alcènes et d’alcynes (issus de la bio-masse) et d’alcanes. Ayant atteint une certaine maturité, la métathèse des oléfines est maintenant dans une phase de transfert vers l’industrie. Mais, la recherche de catalyseurs de métathèse d’alcènes (y compris différents de Ru, Mo et W) pour la transformation des huiles végétales insaturées reste un verrou à lever par un design innovant de catalyseurs organométalliques relevant d’une approche fondamentale. Ces catalyseurs doivent tolérer des groupements fonctionnels sensibles et fonctionner sur des coupes végétales industrielles. Des catalyseurs de métathèse d’alcènes à base de cobalt ou de fer sont-ils imaginables ? Un autre défi est la maîtrise de la stéréochimie des doubles liaisons formées en particulier l’obtention sélective d’alcènes de géométrie Z ou E. L’activation régiosélective des alcanes reste d’actualité. Dans ce domaine les complexes pinces ont montré de belles performances ;

– la catalyse asymétrique. Bien établie, notamment en hydrogénation avec des applications industrielles, elle est encore à développer : (i) la préparation de catalyseurs chiraux issus de métaux non onéreux (Cu, Co, Fe, alcalins, alcalino-terreux), (ii) la conception de systèmes catalytiques mimant les systèmes issus de la nature et (iii) l’activation C-H/fonctionnalisation en version asymétrique. Ce dernier point sur la fonctionnalisation énantiosélective de liaisons Csp3-H est particulièrement novateur et peu décrit ;

– l’activation de petites molécules d’origine naturelle (CO2, N2) et de H2, (§ A) ;

– la catalyse homogène et les polymères bio-sourcés et/ou (bio)dégradables. La catalyse pour la synthèse de polymères en particulier de polymères bio-sourcés et/ou (bio)dégradables est cruciale car les matières plastiques resteront omniprésentes pour leurs propriétés spécifiques. Le principal problème est la pollution due à leur très faible biodégradation et leur niveau de recyclage. Ainsi le développement de synthèses de polymères (bio)dégradables issus de la biomasse non alimentaire est une priorité. La conception de catalyseurs spécifiques doit être amplifiée. Les innovations dans ce domaine traiteront (i) de la conception de composés organométalliques ou inorganiques comme initiateurs sélectifs de polymérisation et (ii) et de leur utilisation pour obtenir des polymères biodégradables.

G. Métaux en biologie ou chimie bioinorganique

De réactions cruciales sont catalysées par des sites actifs métalliques au sein de bio-macromolécules. D’autres systèmes spécifiques permettent de transporter, stocker et délivrer des métaux sur les sites où ils sont requis. La caractérisation des sites métalliques et des mécanismes associés s’appuie sur la maîtrise de méthodes spectroscopiques, électrochimiques et théoriques, sur le développement de nouvelles techniques d’imagerie des métaux (fluorescence X résolue dans l’espace). Cette compréhension fine permet de concevoir des complexes moléculaires originaux bio-inspirés à forte valeur ajoutée voire d’envisager la modification d’enzymes pour améliorer ou détourner leur activité.

1. L’inspiration du vivant : du système biologique au biomimétisme

L’objectif des biopiles est d’utiliser des enzymes immobilisées pour effectuer des réactions redox spécifiques. Ces travaux combinent l’électrochimie avec l’étude des sites actifs pour la transformation des substrats. Au sein des hydrogénases, la réduction des protons en dihydrogène est assurée grâce aux clusters fer/soufre ou fer/nickel uniques et insoupçonnés qui comportent des ligands CN et CO peu usuels en biologie, et à la biogénèse mal connue. Un nouveau domaine, impliquant des complexes organométalliques, a ainsi été ouvert et ces sites actifs constituent des sources d’inspiration fécondes pour la conception de nouveaux catalyseurs pour produire de l’hydrogène : des catalyseurs pour piles à combustible peuvent être imaginés.

Des enzymes telles que les superoxyde-dismutases ou les catalases contrôlent les espèces réactives de l’oxygène afin de protéger les cellules. Leur étude est non seulement clef pour comprendre les maladies liées au stress oxydant ; pour l’élaboration de petits complexes métalliques à activité anti-oxydante (lutte contre le vieillissement cellulaire, les pathologies inflammatoires ou les maladies neurodégéneratives). L’activation du dioxygène par des métalloprotéines conduit à l’incorporation d’une fonction oxygénée dans des substrats très peu activés (alcanes, alcènes) : comprendre et mimer ces activités est intéressant pour la chimie fine. Les cytochromes P450 illustrent les synergies entre études biochimiques directement sur les enzymes et étude sur systèmes modèles. D’autres systèmes sont aussi étudiés, comme la méthane-monoxygénase permettant la conversion du méthane. L’obtention de systèmes mimes est essentielle pour le futur.

2. La régulation du vivant : de l’inhibiteur au médicament activable

La régulation des enzymes responsables de former ou hydrolyser une fonction amide ou phosphodiester est un défi important pour agir sur les mécanismes de régulation cellulaires. À coté des inhibiteurs d’enzymes organiques sont apparus des composés inorganiques tels que des polyoxométallates et autres complexes de coordination pour réguler l’activité enzymatique. Ces composés ont des propriétés géométriques et électroniques inaccessibles aux molécules organiques, ce qui ouvre la voie vers de nouveaux mécanismes d’inhibition. Certains complexes organométalliques présentent une activité anti-cancéreuses ; d’autres, de type M-CO ou M-NO sont impliqués dans la délivrance en très faibles quantités et sous l’action d’un stimulus choisi des molécules NO ou CO. Le défi pour une utilisation thérapeutique est d’éviter la toxicité. Le contrôle du relargage de CO peut se faire par l’ajustement de l’ion métallique central et des ligands auxiliaires dans les complexes métal-carbonyle. Le développement de complexes photoactivables a ouvert de nouvelles perspectives vers des « médicaments à l’état excité » qui présentent des mécanismes d’action inédits.

3. Le diagnostic du vivant : les sondes multimodales

Les éléments inorganiques jouent un rôle clé dans le domaine de l’imagerie médicale. Cela permet la conception de sondes pour des techniques d’imagerie permettant par exemple des études à différentes échelles. Ces sondes sont à base de Gd (IRM), du 64Cu ou du 68Ga (TEP), du 99mTc ou du 111In (SPECT), de métaux nobles, lanthanides, et métaux-carbonyles. La conjugaison des complexes métalliques avec des substrats de récepteurs biologiques voire des protéines donne des biomarqueurs pour étudier des cibles spécifiques. La tendance actuelle va dans le sens de marqueurs multimodaux, utilisables par plusieurs techniques d’imagerie, voire de composés théranostiques associant imagerie et thérapie.

H. Matériaux moléculaires

Les propriétés intrinsèques des métaux de transition et des éléments f (magnétiques, optiques, redox, électriques, d’absorption, d’émission ou de diffusion de rayons X, α ou β…) en font des éléments de choix pour la concevoir des matériaux moléculaires. La création de complexes moléculaires à propriétés, indépendantes ou en synergie, est un domaine en plein essor avec l’élaboration de ligands toujours plus sophistiqués impliquant des synthèses organiques multi-étapes et des processus d’auto-assemblage hiérarchiques.

Des démarches « bottom-up » de conception de matériaux ouvrent la voie à des d’applications dans le stockage de l’énergie, la dépollution, la chimie durable, les traitements thérapeutiques ou les outils de diagnostic. L’auto-organisation contrôlée par les interactions supramoléculaires entre entités moléculaires permet la nanostructuration mono-, bi ou tridimensionnelle. Les « fils moléculaires », couches minces, films ou solides ainsi obtenus possèdent des propriétés découlant de leurs constituants et de leur mode d’association. Les ouvertures résultent de l’infinie variété de briques élémentaires (un simple cation métallique, une molécule possédant plusieurs sites d’interactions, un composé de coordination voire un système supramoléculaire possédant une fonction). Les méthodes d’élaboration mise en œuvre ouvrent la voie à une grande variété d’applications ciblant des matériaux, massiques, composites ou hybrides.

Les MOF (metal organic frameworks) ou PCP (porous coordination polymers), les COF (covalent organic frameworks), plus généralement les solides cristallins organiques ou métallo-organiques nanostructurés via des liaisons non covalentes ou les « composites » associant une surface (métallique, oxyde ou polymère) et une phase structurée par des interactions non-covalentes illustrent ces nouvelles familles de matériaux moléculaires développables à « l’infini ».

La multifonctionnalité, avec synergie de propriétés (magnétiques, optiques, électriques ou de reconnaissance), est toujours un défi. Des exemples de modulation de propriétés électroniques, magnétiques, de luminescence, d’ONL, par un stimulus redox externe sont décrits dans la littérature ces dernières années. Un défi majeur pour les années à venir sera le contrôle optique (par un photon) d’une seconde propriété. Quelques avancées ont vu le jour récemment comme l’utilisation de ligands insérant des unités photochromes modulant les propriétés d’émission ou d’ONL par un faisceau lumineux externe ou la réalisation d’un interrupteur moléculaire par la photo-activation de la conduction d’une molécule unique entre deux électrodes. De remarquables avancées ont été obtenues concernant la modulation par la lumière des propriétés magnétiques (commutation photomagnétique ou transition de spin) et ce à température ambiante, tirant profit du phénomène de transfert coopératif d’électrons photo-induit (PET).

La mise en forme de ces objets moléculaires est un accès à des matériaux fonctionnels via l’utilisation d’auto-assemblages, l’incorporation dans des MOFs, ou le dopage de matrices sol- gel ou polymères parfois biosourcés. Cette démarche vise la micro-nano-structuration de ces matériaux fonctionnels pour intégration dans des capteurs, ou des dispositifs.

L’échelle moléculaire doit être considérée comme une des solutions potentielles pour la miniaturisation des composants électroniques. Le challenge reste de mettre au point les procédés adéquats pour utiliser au niveau moléculaire les fonctions électroniques ou mécaniques de base. Un des défis est la compréhension des propriétés depuis l’objet moléculaire unique jusqu’au massif. Dans ce contexte, les nanomatériaux moléculaires offrent une palette de propriétés physiques et chimiques nouvelles liées à leur taille, à ce jour peu exploitées. Ce domaine pluridisciplinaire, obéissant à la démarche « Conception/Analyse/Compréhension/Valorisation », est au cœur de la section 14 et fédère des spécificités de synthèse, de caractérisation, et de modélisation théorique.

L’objectif, à dix ans sera d’intégrer ces nanomatériaux moléculaires dans des « systèmes complexes » qu’il s’agisse de nano-circuits électriques ou des dispositifs nano-photoniques ou nano-mécaniques permettant de servir par exemple de support pour le stockage de l’information de très haute densité. Ce défi est au centre d’une concurrence internationale « féroce » Les Nanomatériaux Moléculaires Adressables sont le fruit d’une activité de longue date au cœur de la 14 et souvent en interaction forte avec la physique la biologie. Ceci a conduit à un positionnement international certain et a aussi favorisé l’exploitation des résultats et leur transfert vers les acteurs économiques, De plus, la recherche sur les Nanomatériaux Moléculaires est très structurante sur le plan national et nécessite une mutualisation efficace de nos équipements de pointe, la fédération des compétences interdisciplinaires et la contribution de réseaux ou projets européens, internationaux (LIA, LEA, GDR ou GDRI) afin d’en accroître la visibilité dans la perspective des priorités européennes « Horizon 2020 : », « Matériaux intelligents (Smart materials) ».

I. Énergie et électrochimie

L’évolution de l’électrochimie tout solide est liée aux enjeux de la conversion et du stockage de l’énergie. Les piles à combustible basse température, haute température, les batteries rechargeables sont des solutions crédibles dans beaucoup de situations voire incontournables pour les systèmes embarqués. Bien que reposant sur des principes différents, toutes ces voies convergent sur trois points : la création et le design des électrodes, le dimensionnement des électrolytes et la gestion des interfaces. C’est une problématique fédératrice liant chimistes du solide, chimistes des polymères, électrochimistes et surfacistes, de façon à comprendre les mécanismes en lien avec la synthèse, la mise en forme et l’évolution des dispositifs.

Pour les piles à combustible fonctionnant à haute température (SOFC), il s’agit de trouver de nouveaux matériaux capables de remplacer de façon efficace la zircone yttriée stabilisée qui est l’électrolyte le plus communément utilisé. Il faut donc, d’une part, trouver des voies de synthèse et de mise en forme de ces matériaux et, d’autre part, améliorer leur cyclabilité, c’est-à-dire la stabilité de leurs interfaces.

Concernant les PEMFC, le fonctionnement à basse température impose toujours une optimisation des matériaux et électrolytes qui passe en priorité par le design et la mise en forme des éléments, c’est-à-dire la membrane conductrice protonique, les catalyseurs présents à chacune des électrodes et leur assemblage mais aussi le contrôle de l’évolution des interfaces. La réduction du dioxygène constitue toujours une réaction limitante qui nécessite un travail d’électro-catalyse axé, par exemple, sur des choix de nanoparticules d’alliages (Pt-Co, Pt-Ni, etc.). Ces bimétalliques, sous contraintes, présentent des processus de ségrégation et de reconstruction qui nécessite un effort de compréhension fondamental (formation de particules creuses, facettage, etc.). Une autre voie de support électro-catalytique est le développement de matériaux d’électrodes à base de nano formes de carbone dopé par de l’azote, l’enjeu étant alors le développement d’électrodes sans métal noble.

Les biopiles enzymatiques ou hybrides permettant l’utilisation de carburants non usuels comme le glucose constituent une piste originale de piles permettant l’utilisation de concepts novateurs associés à de la micro-fluidique.

Enfin la dernière zone clé de ce secteur est celle des batteries rechargeables avec l’axe central des batteries Li ion et ses évolutions majeures que sont les systèmes Li-Polymères, Li-Soufre qui constituent des champs de recherche stratégique tant sur le plan fondamental que sur les immenses possibilités applicatives déjà au cœur de secteurs industriels majeurs.

D’une manière générale, ces dispositifs sont le siège d’une ou plusieurs réactions électrochimiques, de transfert de charge électronique, de diffusion et de transport d’espèces ioniques ou neutres, de passage de matière et d’énergie. Pour les piles à combustible la question est intimement liée à la réalisation de site électrocatalytique avec des zones de triple contact regroupant ces trois régimes pour que la réaction électrochimique soit optimale. Les réflexions sur le site d’insertion ou d’échange sur les batteries Li- rechargeables sont similaires. Pour tous les difficultés consistent en la maîtrise des interfaces, dans la gestion de leurs bilans matière, dans lesquelles les matériaux des nouvelles générations de piles sont impliqués.

La dualité énergie électrochimie est aussi très présente dans le domaine du photovoltaïque Les filières couches minces de type Cu(In,Ga)Se2 (CIGS) ou Cu2(Zn, Sn)(S, Se)4 (CZTS) sont particulièrement concernées par le recours à l’outil électrochimique, par les passivation/croissances de couche tampon en solution et ce à des stades critiques de leur réalisation. Dans la filière couches minces de CIGS (mais aussi CZTS) le stade initial de la conception de l’absorbeur est réalisable sur des procédés de dépôts électrochimiques associés à des recuits (projet CISEL CNRS/EDF qui a donné lieu à la création de la société NEXIS). Ces approches électrochimiques sont une alternative aux dépôts plus classiques par co-évaporation communs dans ces filières. Dans la continuité l’ingénierie du dépôt des couches tampons qui conditionne la qualité de la réponse photovoltaïque de l’hétorojonction nécessite des recherches d’une grande complexité combinant chimie des solutions, phénomènes de nucléation/passivation. L’électrodépôt de ZnO est aussi très important dans ce domaine avec des capacités à la nanostructuration assez extraordinaires qui conditionnent une multitude de travaux et de concepts originaux dans le domaine de la photo conversion. Le domaine de la connectique des photopiles est aussi très concerné par les concepts de l’électrodépôt ou du dépôt en circuits ouvert par exemple la combinaison Ni electroless Cu électrodéposé sur des cellules au Si. Le point commun de toutes ces études est un recours aux concepts de l’électrochimie interfaciale sur métaux ou semiconducteurs point partagé avec les préoccupations mentionnées dans les études sur les batteries et piles à combustibles. Le point capital dans ce secteur réside dans la qualité de l’ingénierie des interfaces qui se fait sur des couches ultra-minces. La mise en œuvre des dépôts ALD dans ce domaine est une occasion de faire interagir très fortement les communautés de l’organométallique et celles des interfaces.

III. Défis méthodologiques

A. Introduction

Le suivi de l’élaboration des matériaux à propriétés (catalytique, électrochimie, optique, magnétisme, de conversion…) puis la connaissance de leur structure et propriétés de surface ou volume en conditions de travail sont des préoccupations fortes pour le développement de la totalité des thématiques de la section 14, voire essentielles quand on regarde la catalyse ou l’électrocatalyse. Connaître les systèmes comprendre la réactivité passe par des caractérisations avant, pendant et après l’événement réactionnel dont les plus marquants sont l’acte catalytique ou le transfert d’électron à une électrode. Les études menées ces dernières années ont démontré que les caractérisations en conditions (cerca) operando sont essentielles pour la détermination des mécanismes, l’identification des sites réactionnels et de leur environnement, et du mode de formation des espèces poisons. Ce besoin impératif d’entrer au plus près du site réactionnel génère en S14 une multitude de recherches en méthodologie d’analyse au plus près des systèmes.

Une grande partie de ces informations est obtenue à l’aide d’instruments de laboratoire. Il faut souligner l’importance de disposer d’outils de caractérisation mi-lourd de haute qualité dans les laboratoires afin d’obtenir rapidement des informations essentielles sur les matériaux et leur activité. L’utilisation des techniques de type grands instruments, dans un 2e temps, peut être d’un apport déterminant. Dans beaucoup de cas on voit se dessiner des pratiques d’analyses construites sur des parcours de caractérisations multiples, de plus en plus sophistiqués, qui permettent des confrontations de données d’une très grande richesse pour la compréhension des systèmes. En parallèle, on assiste aussi au développement de la chimiométrie pour traiter les grandes quantités de données issues des caractérisations en résolution temporelle et spatiale.

L’accès au site réactionnel (local ou global) étant une priorité, le développement d’instruments permettant d’accéder à de meilleures résolutions spectrales, temporelles et spatiales (2D et 3D) s’avère un point clé. Le développement instrumental en laboratoire est un axe très créatif en section 14. On peut citer l’instrumentation électrochimique qui peut aller jusqu’à être une des missions centrales d’unités (électrodes à cavité, microélectrode, impédance électrochimique, couplage microscope électrochimique/AFM, couplage suivi IR ou STM/I(V), couplages photoluminescence, ellipsométrie/I(V), etc.). Des développements similaires sont aussi très importants dans les laboratoires de catalyse avec là encore des laboratoires axés sur des développements instrumentaux spécifiques.

L’instrumentation est un autre lien transverse de notre section. Ainsi dans le défi de la valorisation de la biomasse, il est capital de développer des moyens d’analyse des interfaces solide-liquide et nécessaire d’aller vers l’étude de systèmes réels, ce qui amène à partager des démarches avec les électrochimistes. D’autre part, les liens entre caractérisations et simulations numériques ou calculs théoriques (DFT…) sont à renforcer pour aller encore plus loin dans l’interprétation des résultats de caractérisation mais aussi de leur réactivité.

B. Caractérisations in situ et operando

1. Sondes dites « de laboratoires »

Pour les études très nombreuses menées avec l’assistance des spectroscopies optiques : spectroscopies infrarouges (IR), Raman, photoluminescence, spectroéllipsométrie, spectroscopie UV-Visible, les enjeux sont l’accès à la corrélation : mécanisme-évolutions des propriétés optiques dans la zone de réactivité et ce en temps réel ou légèrement différé. Comme avancées majeures on peut citer la mise au point de cellules permettant l’étude (IR & Raman) des catalyseurs ou électro-catalyseurs dans des conditions de température et pression proches des conditions de la réaction. D’autre couplage existent : spectroscopie IR-thermogravimétrie ou Raman-UV-RPE qui apportent une valeur ajoutée notable aux analyses in situ et operando. À noter que la réalisation de réelles études cinétiques en spectroscopie operando, reste encore limitée alors que c’est un moyen unique pour atteindre des informations sur les espèces actives.

La RMN du solide est aussi une caractérisation majeure pour l’étude structurale des catalyseurs, de leurs supports. Les développements récents : nouvelles séquences d’impulsions pour l’étude des corrélations hétéronucléaires de noyaux quadripolaires, rendent ainsi compte des distances entre deux noyaux, (ex : les couples Al-Si ou Al-H dans les aluminosilicates). Les études RMN operando sous flux de gaz demeurent encore un défi technique mais en revanche la RMN sous atmosphère contrôlée en conditions statiques permet d’obtenir relativement facilement des informations sur les espèces présentes en conditions proches de la réaction. L’implantation de RMN à très haut champ magnétique (THC) qui relève des (TGI) offre des gains très importants en termes de sensibilité et de résolution. La RMN à THC couplée à la technique de polarisation dynamique nucléaire (DNP), est très prometteuse pour la catalyse puisqu’elle permet de visualiser des noyaux de surface d’un matériau, même en faible abondance nucléaire.

Côté accès direct (soit en spectateur soit en acteur) à l’agencement atomique le STM est un outil « historique » de choix en S14 souvent restreint aux surfaces planes en interaction avec des gaz ou des liquides. L’approche : STM couplé, a permis de suivre les phénomènes de déconstructions, reconstructions, ségrégations de surfaces et de modifications morphologiques, voire de suivre des atomes ou des nanoparticules supportées sur surfaces planes en temps quasi réel.

2. Adaptation d’instruments en ultravide aux conditions environnementales

Le passage d’observations réalisées en UHV vers des conditions dites « environnementales » est un défi à présent relevable. De nouveaux dispositifs permettent d’étudier par XPS et/ou microscopie électronique haute résolution des échantillons sous gaz, vapeur d’eau, voire en milieu liquide (premier équipement français de near ambient-pressure-XPS, microscopes haute résolution dotés de porte-objets environnementaux avec suivi de réactions). Il s’agira de recouper les observations faites sur les appareillages « classique sous UHV » avec les données environnementales pour travailler sur la notion clé des niveaux de perturbation induits par les passages à l’ex-situ. Il y a là une communauté en devenir qui aura à se structurer dans l’esprit des réalisations du réseau RMN.

3. Techniques sur synchrotron

L’accès sur synchrotron s’est considérablement amélioré, grâce aux synchrotrons de 3e génération : SOLEIL & ESRF. Des caractérisations jusqu’alors peu utilisées sont devenues accessibles.

Résolution temporelleLa spectroscopie d’absorption X avec une résolution temporelle (domaine ms à μs), permet un suivi operando des modifications structurales et électroniques des matériaux (catalytiques, électrochimiques…) et sera améliorée grâce à l’EQUIPEX ROCK.

Grâce aux techniques de diffusion des rayons X aux petits et grands angles (SAXS) et à la diffraction (DRX), l’amélioration de la résolution temporelle permet aussi de suivre l’évolution de l’ordre à moyenne et grande distance dans des matériaux pour la catalyse et l’électrochimie.

Résolution spatialeLa qualité des lignes de lumière et des optiques permettent d’obtenir des analyses avec des résolues spatialement au micron. Associé ou en complément d’autres mesures résolues spatialement Ceci ouvre des perspectives pour des études à l’échelle de la particule métallique comme site catalytique ou dans la mise en évidence d’hétérogénéités spatiales lors des phénomènes de charge et décharge d’électrodes à ions Li.

Un autre atout des nouvelles lignes pour la DRX à haute résolution est l’accès à la structure cristalline d’objets plus petits difficilement exploitable par DRX de laboratoire.

En spectroscopie infrarouge, la résolution micrométrique permet de suivre le déplacement de produits de réactions sur des grains de catalyseur.

Imagerie tridimensionnelleLa caractérisation 3D des matériaux par microscopie de rayons X à balayage (STXM) va former des images 3D d’objets et de localiser au dans un grain de catalyseur, les sites de l’activité catalytique, ou de déterminer des hétérogénéités au sein d’un matériau d’électrode.

Couplage de techniquesLe couplage de techniques operando associées à des lignes de lumière avec des spectroscopies dites de laboratoire comme la spectroscopie Raman, UV, DRX, STM voire RMN est en plein développement et requiert la construction de cellules adaptées

4. Spectroscopie optique non linéaire

Les techniques d’optique non linéaire telles que la génération de fréquence-somme (SFG) sont des méthodes d’analyse discriminantes aux interfaces de matériaux modèles ou réels et ce à l’échelle moléculaire. Elles sont en particulier très performantes sur les interfaces solide-liquide. Elles offrent aussi la possibilité d’études temporelles sub-picoseconde in situ avec une grande sensibilité inférieure à la monocouche. Elles restent cependant encore peu utilisées car par assez disponibles. Il serait opportun de réfléchir à son développement pour communauté des chimistes en France.

C. Approches théoriques : simulation et modélisation

L’approche théorique par des méthodes de simulation numérique ou des calculs de chimie quantique (méthodes ab-initio ou semi-empiriques par exemple) est aujourd’hui incontournable pour étudier, la réactivité et les propriétés, des systèmes moléculaires ou périodiques. Les simulations numériques permettent d’étudier des phénomènes à grande échelle (micro, macro et méso) tandis que les calculs de chimie quantique concernent le plus souvent des descriptions à l’échelle microscopique. Des méthodes de simulation classiques permettent de réaliser des calculs de dynamique moléculaire. À présent, des calculs théoriques combinant des approches ab initio avec des calculs de dynamique de type Born Oppenheimer sont proposés pour étudier des étapes élémentaires de réactions de surface de plus en plus complexes. Des efforts dans ce sens devront être soutenus et poursuivis pour une meilleure compréhension des systèmes et de leur réactivité. Par ailleurs, les effets de solvant, l’un des verrous actuels, devront être pris en compte. Ces études prédictives nécessitent le développement et l’ajustement de modèles théoriques impliquant un très grand nombre d’entités.

Par ailleurs, les calculs des propriétés spectroscopiques (vibrationnelles, magnétiques et de diffraction) telles que les paramètres IR, RAMAN et/ou RMN (ou RPE) dans les solides sont d’une importance cruciale en chimie et en science des matériaux. Les progrès des méthodes de calculs de chimie quantique ont conduit à des résultats remarquables en prise avec l’exploitation des données expérimentales. Ces calculs ont été appliqués à des systèmes aussi variés que des biomolécules, des assemblages supramoléculaires, des céramiques oxydes, des minéraux silicatés, des réseaux microporeux ou des matériaux pour l’énergie. Plus récemment, la prise en compte des forces de dispersion par des méthodes empiriques ou par des fonctionnelles adaptées dans les composés tels que les cristaux moléculaires, les systèmes organo-métalliques, les complexes avec des espèces adsorbées sur des surfaces ou présentant des réseaux de liaisons hydrogène a permis d’améliorer les résultats obtenus.

En conclusion, il sera nécessaire de poursuivre l’approche combinant spectroscopie et calculs théoriques pour la chimie et la science des matériaux à l’aide des outils les plus récents.

Conclusion

Les travaux menés en section 14 couvrent un grand nombre d’expertises au cœur d’une discipline en pleine évolution qu’est la chimie. Dans les années à venir nous aurons à travailler sur des défis majeurs liés à la compréhension de la réactivité prise dans son sens le plus large. Pour y parvenir nous aurons par nos engagements thématiques à préserver le fragile équilibre entre science fondamentale et science appliquée qui dans une section comme la nôtre peut très vite devenir « hégémonique » quand on regarde ce que nos sociétés auront à surmonter comme questions relatives au partage de l’énergie, de l’eau et de la santé autant de questions de société qui se tourneront vers les capacités de réponse de la science et en particulier de celles produites par la communauté scientifique de la S14.