Rapport de conjoncture 2014

L’élaboration du rapport de conjoncture relève des missions des sections et commissions interdisciplinaires du Comité national de la recherche scientifique, qui concourent ainsi à la définition de la stratégie scientifique de la nation. Tous les quatre ans, à mi-mandat, ce document de référence dresse l’état de l’art sur la recherche actuelle et indique des perspectives. Selon la formule consacrée, le rapport de conjoncture doit faire apparaître « les points forts et les points faibles de la recherche scientifique ».

Dans la situation actuelle, ces mots ont un écho particulier. La recherche et l’enseignement supérieur français sont en crise, une crise désormais structurelle, plus profonde et plus lourde de menaces que celles de 2004 et 2009. Cette crise est celle de l’emploi scientifique. Avant de livrer leurs analyses sur la conjoncture de la recherche dans les domaines scientifiques couverts par leur expertise, les sections et commissions interdisciplinaires souhaitent à nouveau faire entendre les constats et les propositions présentés par le Comité national lors de sa session plénière extraordinaire du 11 juin 2014. On les trouvera à la page qui suit. Au nom des 1 230 membres élus et nommés du Comité national, représentant la totalité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, chercheurs, universitaires, ingénieurs et techniciens, je forme le vœu que cet appel soit entendu – et qu’il soit entendu à temps.

 


Philippe Büttgen
Président de la Conférence
des présidents du Comité national

 

Motion du Comité national de la recherche scientifique
à l’occasion de sa session plénière extraordinaire tenue à Paris,
Amphithéâtre Binet de l’Université Paris-Descartes, le 11 juin 2014

En contradiction avec les ambitions affichées et les affirmations du gouvernement, la politique poursuivie depuis des années dans l’enseignement supérieur et la recherche a amoindri nos capacités de recherche et d’innovation. Elle a aussi abaissé la position de la France au niveau international. Les décisions concernant l’emploi scientifique, tant public que privé, entravent notre capacité de recherche et affaiblissent nos universités. En généralisant la précarité, elles génèrent un véritable gâchis humain et aggravent les inégalités, entre les hommes et les femmes en particulier. Elles conduisent les jeunes à délaisser la recherche et découragent l’ensemble de la communauté scientifique.
La recherche est indispensable au développement des connaissances, au dynamisme économique ainsi qu’à l’entretien de l’esprit critique et démocratique. Or la pérennité des emplois scientifiques est indispensable à la liberté et la fécondité de la recherche. Le Comité national de la recherche scientifique rassemble tous les personnels de la recherche publique (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens). Ses membres, réunis en session plénière extraordinaire, demandent de toute urgence un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique. Ils affirment que la réduction continue de l’emploi scientifique est le résultat de choix politiques et non une conséquence de la conjoncture économique.

 

L’emploi scientifique est l’investissement d’avenir par excellence

Conserver en l’état le budget de l’ESR revient à prolonger son déclin. Stabiliser les effectifs ne suffirait pas non plus à redynamiser la recherche : il faut envoyer un signe fort aux jeunes qui intègrent aujourd’hui l’enseignement supérieur en leur donnant les moyens et l’envie de faire de la recherche. On ne peut pas sacrifier les milliers de jeunes sans statut qui font la recherche d’aujourd’hui. Il faut de toute urgence résorber la précarité. Cela suppose la création, sur plusieurs années, de plusieurs milliers de postes supplémentaires dans le service public ainsi qu’une vraie politique d’incitation à l’emploi des docteurs dans le secteur privé, notamment industriel.
Or les moyens existent. On peut dégager des ressources importantes :
– En simplifiant l’organisation actuelle de l’enseignement supérieur et de la recherche, inefficace, illisible et coûteuse. Pour commencer, il faut éviter de relancer un nouveau programme d’investissement d’avenir ;
– En réorientant les budgets consacrés au financement de la recherche sur projet, principal moteur de la précarité et source d’un gaspillage insupportable en temps mais aussi en moyens, vers le financement de postes permanents ;
– En réformant profondément le crédit impôt-recherche : notamment en conditionnant son obtention à l’emploi de docteurs et à l’évaluation scientifique de son utilisation. Chaque pourcent du CIR représente la création de 1 000 nouveaux postes de chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens.
Un plan pluriannuel de création de plusieurs milliers d’emplois titulaires de la fonction publique, sur plusieurs années, apparaît comme la condition indispensable pour empêcher le sacrifice d’une génération et avec elle, les besoins et la contribution de la France en matière de recherche. Il est de notre responsabilité que ce plan soit décidé et mis en œuvre au plus vite. Nous n’aurons de cesse, par différentes formes de lutte, que le gouvernement réponde à cette demande.