Rapport de conjoncture 2014

Section 39 Espaces, territoires et sociétés

Extrait de la déclaration adoptée par le Comité national de la recherche scientifique réuni en session plénière extraordinaire le 11 juin 2014

La recherche est indispensable au développement des connaissances, au dynamisme économique ainsi qu’à l’entretien de l’esprit critique et démocratique. La pérennité des emplois scientifiques est indispensable à la liberté et la fécondité de la recherche. Le Comité national de la recherche scientifique rassemble tous les personnels de la recherche publique (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens). Ses membres, réunis en session plénière extraordinaire, demandent de toute urgence un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique. Ils affirment que la réduction continue de l’emploi scientifique est le résultat de choix politiques et non une conséquence de la conjoncture économique.

L’emploi scientifique est l’investissement d’avenir par excellence
Conserver en l’état le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche revient à prolonger son déclin. Stabiliser les effectifs ne suffirait pas non plus à redynamiser la recherche : il faut envoyer un signe fort aux jeunes qui intègrent aujourd’hui l’enseignement supérieur en leur donnant les moyens et l’envie de faire de la recherche. On ne peut pas sacrifier les milliers de jeunes sans statut qui font la recherche d’aujourd’hui. Il faut de toute urgence résorber la précarité. Cela suppose la création, sur plusieurs années, de plusieurs milliers de postes supplémentaires dans le service public ainsi qu’une vraie politique d’incitation à l’emploi des docteurs dans le secteur privé, notamment industriel.

Composition de la section

Denis Eckert (président de section) ; Anne-Cécile Hoyez (secrétaire scientifique) ; Natacha Aveline ; Florence Boyer ; Michel Bussi ; Lydia Coudroy de Lille ; Rodolphe Defiolle ; Éric Foulquier ; Stéphane Ghiotti ; France Guerin-Pace ; Loraine Kennedy ; Christine Lamberts ; Nathalie Lancret ; Nathalie Lemarchand ; Nicole Lompre ; Marie-Antoinette Maupertuis ; Sarah Mekdjian ; Élisabeth Peyroux ; Richard Raymond ; Nora Semmoud ; Christiane Weber.

Résumé

La section 39 soutient les préoccupations du Comité national, exprimées le 11 juin 2014, au sujet de l’avenir de la recherche. Elle dresse un tableau des unités et de la structure des personnels. On insiste sur l’apport spécifique du CNRS en matière de personnels (profils scientifiques rares, compétences d’agents ingénieurs et techniciens à maintenir). L’impact des recompositions liées aux politiques de site est analysé et les incertitudes créées sont signalées. L’analyse des recrutements depuis 2010 fait apparaître la large palette des thématiques, leur originalité et l’ancrage évident dans le cadre des mots-clés de la section. L’internationalisation croissante des parcours des candidats est notable. Plus généralement, les problématiques socio-spatiales sont appropriées au sein des laboratoires avec une large palette de postures méthodologiques et à propos d’objets relatifs à la société prise pour elle-même ou dans ses rapports avec l’environnement. Certains domaines comme l’architecture se structurent. La section 39 est un lieu privilégié de recherches interdisciplinaires et fortement ancrées dans l’international. Elle reste attentive au développement et à l’évolution de méthodologies de recherche originales, tant qualitatives que quantitatives, avec les outils adaptés, et l’on note un intérêt soutenu pour les questions théoriques fondamentales de la spatialité des sociétés. Maintenir ce dynamisme implique un soutien à une politique d’information scientifique diversifiée.

1. Les unités

1.1. Ressources humaines(1)

Fin juin 2014, la section 39 a dans son périmètre, sur le territoire national, un total de 74 structures ou unités de recherche. Il s’agit de 40 unités de recherche (39 UMR, 1 UPR), 13 unités de service et/ou de recherche (4 UMS, 13 USR dont 12 sont des MSH), auxquelles s’ajoutent 13 unités de recherche à l’étranger (1 UMI, 12 USR en soutien aux UMIFRE MAE), 8 structures de recherche en réseau (4 FR et 4 GDR). Au total, 5 590 personnes exercent une activité dans ces structures. Parmi elles, 75 % des personnels permanents sont des personnels des universités et autres organismes de recherche (1 768 chercheurs et enseignants-chercheurs ; 352 ingénieurs, techniciens et personnels administratifs non CNRS) ; 698 agents y sont affectés par le CNRS : 371 IT et 327 chercheurs.

1.1.1. Les unités en rattachement principal

La section 39 compte 27 UMR en rattachement principal, auxquelles s’ajoutent 7 USR (6 unités en cotutelle avec le MAE et 1 MSH), 1 UMI, 1 UMS, 1 FR et 2 GDR. Sur les 27 UMR, 4 sont pilotées par l’InEE.

Les 27 UMR sont de taille très variable, avec des effectifs allant de 22 à 285 membres. Malgré une relative stabilité des effectifs entre 2012 et 2014 (-2 % en moyenne), la disparité des situations est toutefois importante avec des variations localement très fortes allant d’une forte baisse à une augmentation significative du nombre de membres (jusqu’à +30 %). Le caractère spectaculaire de ces évolutions est souvent lié à l’évolution des périmètres des unités : l’augmentation des effectifs peut s’expliquer par l’intégration de nouveaux membres en provenance d’autres équipes et non par une vague de recrutements. Les effectifs CNRS de ces unités évoluent peu et sont de l’ordre de 144 chercheurs et 168 IT en 2014(2).

3 329 personnes, dont 1 618 permanents, travaillent dans ces 27 UMR et au sein de l’UMS(3) (2 932 pour les unités opérées par l’InSHS ; 397 pour celles de l’InEE). Sur les 1 618 permanents, 1 309 sont issus des universités et d’autres organismes de tutelle hors CNRS ; 309 relèvent du CNRS, soit 19 % du total. Le poids relatif du CNRS dans la composition varie selon les catégories de personnels. Alors que les chercheurs CNRS représentent 10,3 % du total des chercheurs et enseignants-chercheurs, tous organismes confondus, les Ingénieurs Techniciens sont eux à 60,8 % des agents du CNRS. Avec 172 IT et 137 chercheurs, le ratio IT CNRS / Chercheurs CNRS est de 125 % (il était de 104 % en 2004, puis descendu de façon préoccupante à 93 % en 2010). 302 personnels de ces unités ont un statut contractuel, soit 15 % de l’effectif total hors doctorants. 1 358 doctorants effectuent une thèse dans ces unités.

Les 1 618 permanents de ces unités ont un âge moyen 48,5 ans. 42 % sont des femmes, 58 % des hommes (ce taux étant un peu plus important dans les unités de l’InEE, avec 62 %). Les âges moyens des chercheurs comme des IT CNRS sont comparables (47,5 ans).

1.1.2. Le personnel chercheur

Avec plus de 140 chercheurs dans les unités en rattachement principal, le CNRS entend affirmer une présence sur des profils scientifiques qui peuvent éventuellement différer de ceux des enseignants-chercheurs, contribuant ainsi à la diversité de la palette des unités. La dynamique des recrutements annuels, point crucial du bilan des années écoulées, ainsi que les thématiques proposées par les jeunes chercheurs recrutés, sont analysés plus loin.

1.1.3. Le personnel d’accompagnement à la recherche : l’apport du CNRS

On dénombre 283 personnels d’accompagnement à la recherche (IT, ITARF, BIATSS), dont 172 agents du CNRS, qui travaillent dans les unités de la section 39 (UMR et UMS)(4). 95 % de ces 172 ingénieurs, techniciens et administratifs du CNRS exercent des métiers relevant de 4 des 8 branches d’activité professionnelle (BAP) : BAP D, Sciences humaines et sociales pour un tiers d’entre eux ; BAP F, Information : documentation, culture, communication, édition TICE pour 24 % ; BAP E, Informatique, statistique et calcul scientifique pour 12 % et enfin BAP J Gestion et pilotage pour 26 %.

Les personnels des métiers d’appui aux recherches en sciences humaines et sociales (BAP D) sont les plus nombreux dans les unités. Ils représentent même 50 % des IT dans les 4 unités pilotées par l’InEE, tandis qu’ils ne sont que 30 % dans les unités de l’InSHS, faisant jeu égal avec les 27 % d’IT de la BAP F (Information : documentation, culture, communication, édition, TICE).

Sur les 57 personnels IT de la BAP D en poste dans les unités de la section 39, 55 sont assistants ingénieurs, ingénieurs d’études ou de recherche. Leurs métiers sont ceux du traitement, de l’analyse et de la représentation de l’information spatiale (cartographie, géomatique…) pour 33 d’entre eux, du traitement et de l’analyse de bases de données, de la production et de l’analyse de données ou encore de l’analyse de sources.

44 agents CNRS travaillent dans des métiers de la BAP F, autre spécificité des unités de l’InSHS (2 agents sont dans une unité de l’InEE), dont 34 sont assistants ingénieurs, ingénieurs d’études ou de recherche. Les métiers présents dans les unités sont ceux de l’information scientifique et technique, collections patrimoniales (22 IT chargés de ressources documentaires…), de l’édition multisupports, impression, graphisme (12 IT dont les secrétariats d’édition et de rédaction en appui aux revues), de la médiation scientifique, culture, communication (8 IT chargés de la communication) et de la production TIC/TICE, audiovisuel, multimédia (2 IT).

23 IT exercent des métiers relevant de la BAP E, dont près de la moitié sont en statistiques et en développement d’applications.

Le CNRS joue un rôle majeur dans le recrutement des personnels d’accompagnement à la recherche des unités. En 2013 et 2014, 12 postes ont ainsi été créés ou renouvelés sur les UMR et UMS de la section : 4 en BAP D et plus particulièrement dans la famille professionnelle « traitement, analyse et représentation de l’information spatiale » (11 postes sur les 21 de la BAP D mis sur des unités de la section entre 2004 et 2014 relèvent de cette famille), 4 en BAP F (ressources documentaires, communication et secrétariat de rédaction de revue), 1 en BAP E (développement d’applications) et 3 en BAP J pour la gestion et le pilotage des unités.

1.2. Les effets de l’évolution du contexte institutionnel sur les unités

Fin juin 2014, un questionnaire a été adressé aux directeurs d’unités en rattachement 39 (principal ou secondaire) afin de solliciter leur avis sur l’évolution des périmètres institutionnels, des thématiques de recherche, et de la vie des laboratoires en général (19 répondants). Les répondants évoquent de manière différenciée l’effet de l’élargissement de la taille des unités (intégration de nouvelles équipes). Certaines intégrations sont vécues positivement quand elles sont le fruit d’une initiative locale, mais c’est rarement le cas d’après eux. Le risque de l’éparpillement des thématiques résultant d’élargissement des périmètres des UMR est signalé et il est adressé aux laboratoires lors des évaluations ; même si on peut noter des effets positifs comme un élargissement bienvenu des thématiques, une internationalisation accrue des travaux.

Dans les cas de fusions ou d’intégrations impulsées par une ou plusieurs tutelles, le manque de concertation est pointé, ainsi que la précipitation des calendriers. La multiplication des tutelles, là où elle est observée, est signalée comme générant des problèmes.

Les fusions d’universités, déjà effectives ou en cours de réalisation, font particulièrement débat. Certains directeurs d’unités y voient un avantage, avec la réduction du nombre de tutelles, mais à l’inverse d’autres y voient un danger important avec en particulier une menace sur les SHS et leur spécificité.

En général, on note une inquiétude liée aux changements des modes de coordination, car la difficile adaptation aux nouvelles contraintes institutionnelles empêche de placer la stratégie et les contenus scientifiques au cœur des préoccupations des unités. Les transformations institutionnelles, qui sont difficiles à décrire dans le détail car elles affectent différemment les sites et les unités, sont donc génératrices de difficultés et d’inquiétudes (notamment sur la dispersion thématique) comme d’opportunités.

1.3. Le développement d’un périmètre spécifique : l’architecture

Les UMR liées aux Écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) connaissent un développement sensible, en propre et dans leurs interactions avec d’autres objets, domaines et disciplines de la section 39 et des autres structures du CNRS. Le positionnement institutionnel de ces unités assure un double ancrage des recherches dans l’enseignement du projet architectural, urbain et paysager, et dans sa pratique par des activités d’évaluation, d’expertise et de prospective. Il a permis l’élaboration d’un champ de recherche spécifique sur l’architecture qui vise à informer la connaissance des dispositifs spatiaux/compositions spatiales, des processus de conception, de production et de transformation des édifices et des territoires urbanisés. Ce champ de recherche, ancien, a été conforté par la reconnaissance institutionnelle récente, en 2005, du doctorat en architecture. Il est caractérisé par la grande diversité de ses objets qui concernent tant les approches sensibles des espaces habités en termes d’ambiances, que celles des modèles et des outils de simulation en architecture, les études de typo-morphologie urbaines dans leurs dimensions patrimoniales et projectuelles que celle des usages et des rapports des citadins à la ville… ou encore les nouveaux enjeux socio-économiques et environnementaux et leur prise en compte dans le processus de projet.

(1) Les comptages ont été effectués à partir de l’extraction de la base ZENTO.

(2) Données issues des extractions de LABINTEL en 2012 et 2014.

(3) Nous ne disposons pas des données sur les USR et l’UMI (base ZENTO).

(4) L’extraction de Labintel indique 17 IT CNRS travaillant dans les USR et UMI rattachées à la section 39.

2. Recrutements : caractéristiques thématiques 2010-2014

L’analyse des concours 2010-2014 a été faite sur 5 sessions de concours correspondant au recrutement pour 3 grades : CR2, CR1, DR2. Il s’agit de 53 postes l’ensemble de ces grades, mis au concours en section 39 ainsi que successivement dans la CID 45 puis CID52 qui lui a succédé, et affectés dans des unités relevant de la section 39 ayant comme tutelle principale l’InSHS ou l’InEE. Cette analyse permet de voir quelles sont les thématiques sur lesquelles des candidats ont pu être distingués par les jurys, et quelles sont les unités qui ont été en mesure d’assurer l’accueil de leurs projets. Le premier bilan des recrutements fait apparaître un effet de non-concentration, à la fois par les profils de recherche qui s’inscrivent dans plusieurs thématiques de la section mais aussi par une distribution géographique des postes au sein des différents sites d’implantation des laboratoires (18 villes différentes).

Dans les champs de l’environnement ou du changement climatique, les travaux croisent fréquemment méthodes quantitatives et qualitatives. Les approches modélisatrices des paysages et de l’environnement urbain sont reconnues comme étant des spécialités bien maîtrisées du point de vue de la technique ; on note, au sein de cette famille de travaux, que la dimension sociale prend une place alors qu’elle était peu présente auparavant.

Plusieurs projets portent sur l’objet « ville », avec des entrées thématiques variées (déplacements et mobilités ; religieux ; santé, bien-être et qualité de vie ; politique) qui reflètent tout à la fois les spécificités des approches socio-spatiales propres à la section 39 et l’ouverture pluridisciplinaire. Les projets sur l’urbain marquent aussi un intérêt pour tout ce qui concerne « l’émergent » et sur les configurations territoriales nouvelles ; les notions comme celle de « métropolisation » sont revisitées.

Les projets portant sur l’architecture combinés à des approches en termes de patrimoine architectural et urbain font émerger une thématique qui n’apparaissait que peu dans le périmètre de la section.

Les approches sur les dynamiques des milieux ruraux ou dans les espaces « naturels » se renouvellent avec une attention particulière portée aux recompositions sociales et politiques intervenant dans ces espaces.

Les projets portant sur les approches sensibles de l’espace ont une présence de plus en plus marquée chez les jeunes chercheurs. La question des ambiances, la géographie du sensible et des émotions, la question du temps, de la culture prend de l’importance dans le périmètre de la section 39.

Les travaux sur les migrations restent bien représentés, et permettent eux aussi des ouvertures originales et transversales sur les dynamiques spatiales centrées sur les lieux de vie ou de passage des populations migrantes ou déplacées, et sur les âges de la vie.

Beaucoup de projets marquent un net intérêt pour les processus « par le bas » : les pratiques sociales et spatiales qui s’affranchissent des politiques publiques, les innovations artisanales, l’informel, les places marchandes transnationales sont autant de domaines novateurs que l’on voit émerger, au détriment de champs plus « classiques » comme celui de la géographie économique.

La thématique des inégalités socio-spatiales est présente de façon transversale dans les projets de recherche, ce qui en fait une question de fond commune à une très grande part des recherches menées dans le périmètre de la section.

Certaines orientations qui prennent une dimension croissante en SHS sont encore peu représentées dans le périmètre de la section : les approches centrées sur le genre et la question du droit en lien avec l’espace, avec la fabrique de la ville.

Les terrains représentés dans tous ces projets ne sont pas exclusivement cantonnés à une zone ou une région du monde (travaux centrés sur les Nords ou les Suds par exemple). Une grande partie des travaux montre un intérêt certain pour le comparatisme Nord-Nord, Sud-Sud ou Nord-Sud, si bien que l’internationalité des recherches reste un trait spécifique des productions de la section 39 (voir plus bas).

Les échelles auxquelles se déclinent les recherches peuvent aller d’un extrême à l’autre. L’approche globale à l’échelle du monde est peu présente (à l’exception des questions de durabilité, via le réchauffement climatique par exemple et quelques exemples de projets sur les représentations du global), les approches méso non comparatives ont par contre, et de manière frappante, quasiment disparu (échelles de l’État, ou de la région au sens infra ou supra-étatique) : la grande majorité des projets portent sur les échelles du quartier, de la ville, d’une petite région rurale, de « communautés ». Par ailleurs, on voit émerger des recherches mobilisant les échelles micro (le corps, les ambiances, etc.). Ces dernières peuvent impliquer des approches spécifiques et nouvelles (utilisation de nouvelles technologies de l’information ; utilisation de big data ; outils nouveaux de télédétection ou de géoréférencement ; recours aux méthodes ethnographiques incluant des dimensions spatiales) avec pour corollaire un retour en force du terrain et l’approfondissement d’une réflexion épistémologique et méthodologique.

Un risque bien connu dans le périmètre de la section 39 est celui d’une « coupure » entre méthodes qualitatives et quantitatives. Si on note au final assez peu de projets qui combinent une pluralité de méthodes, on peut remarquer une attention certaine portée au développement des interactions entre et au sein des équipes pour mobiliser des big data (évolution majeure pour laquelle la section 39 est largement concernée) ou plus largement des méthodes d’analyse quantitative, et simultanément des outils permettant de comprendre des pratiques, des représentations et des mobilisations touchant au social, au politique et/ou au culturel. Les pistes ne manquent pas, via les cartes participatives, les modélisations individu-centrées, les wikis, etc. Elles supposent cependant des moyens financiers et humains significatifs et pérennes en termes d’IT dans les unités.

3. Thématiques

3.1. Balayage global

Le retour des directeurs d’unités sur le paysage actuel de la section, ainsi que l’expérience des concours de recrutement, la vision des bilans individuels faits par les chercheurs CNRS à l’occasion des diverses campagnes (vague, mi-vague), les thématiques des dossiers d’accueil en délégation, la lecture des bilans faits par les laboratoires à l’occasion des visites AERES, les divers contacts avec la communauté enfin, montrent la pertinence et l’actualité des mots-clés qui dessinent le périmètre de la section 39, dans lesquels se retrouvent aisément tant les unités que les individus. Le périmètre scientifique de la section tel qu’il est cadré par les grands domaines cités constitue toujours l’identité scientifique des équipes et des chercheurs de la section.

Par ailleurs, lors de l’enquête effectuée auprès des unités, plusieurs répondants ont choisi de se concentrer sur les thématiques émergentes du périmètre scientifique couvert par leurs unités. Un balayage de ces thématiques émergentes (qui n’est certainement pas exhaustif) permet d’identifier des champs de recherche en plus des références partagées aux mots-clés :

– mobilités, circulations et migrations

– énergie

– nature (en ville)

– durabilité (des pratiques sociales, des domaines de l’action publique territorialisée)

– régionalisations

– modélisation

– santé et bien être

– relations hommes/milieux/acteurs

– écologie en lien avec l’aménagement du territoire

– changement climatique (dans toutes ses dimensions)

– villes, croissance urbaine, métropolisation en lien avec les dynamiques environnementales

Enfin, on note la mention très fréquente d’une attention aux questions de recherche fondamentale (théories des liens entre espaces et sociétés), le souci de développer des méthodologies innovantes, de renforcer les différentes formes de pluridisciplinarité, et d’intégrer mieux encore la prise en compte des temporalités.

3.2. L’environnement dans la section 39

Les questions environnementales sont travaillées dans leur lien aux sociétés et aux territoires, à la croisée donc des thématiques portées par l’InSHS et l’InEE. La fréquence des thématiques environnementales dans les bilans d’activité comme dans les projets présentés aux concours est notable. Outre la publication scientifique, il faut signaler l’importance de la valorisation auprès des acteurs engagés dans l’action territoriale, qu’il s’agisse d’applications agronomiques, architecturales, cartographiques, ou d’ingénierie écologique. Elle contribue à structurer, de manière réflexive, les processus de gouvernance territoriale de l’environnement et des sociétés.

Les recherches explorent diverses manières d’appréhender les relations sociétés-nature, en fonction de différents paradigmes qui structurent le champ. Sans que ces approches s’excluent, elles se singularisent par la manière de considérer la nature et ainsi de la construire comme objet scientifique, en écho avec les débats critiques sur la scène internationale (Political Ecology, Critical Political Ecology ou encore dans les Science and Technology Studies). Trois postures peuvent être identifiées : l’une constructiviste qui voit la nature comme pure construction sociale, une autre réaliste (la nature comme composante de la réalité), le relativisme enfin (les énoncés ne sont pas nécessairement universels mais influencés par les représentations et stratégies des acteurs). Les différents travaux engagés se répartissent entre ces trois pôles en un continuum sans frontières très nettes.

Certaines recherches concernent essentiellement la compréhension des sociétés et de leur inscription dans l’espace. D’autres visent à éclairer les adaptations ou les facteurs de résilience des sociétés et des territoires face aux dynamiques environnementales. Dans le dialogue avec les autres disciplines concernées par l’objet « environnement », chacune de ces approches apporte une dimension spatiale originale qui nourrit la connaissance.

Ces recherches se déploient à différentes échelles et mobilisent différents niveaux d’organisation sociale (des habitants aux organisations internationales). En effet, en mobilisant deux systèmes hétérogènes inégalement répartis dans l’espace (les systèmes sociaux, d’une part, et les systèmes biophysiques, d’autre part) les relations analysées sont chaque fois originales et inscrites dans des territoires particuliers. Mais l’effort de conceptualisation des phénomènes et processus étudiés permet d’éprouver les hypothèses, de tester les régularités et différences construites à l’aune de la diversité des territoires, et donc de construire une montée en généralité, ce point étant une piste à développer dans l’avenir.

Les travaux engagés font appel à des outils d’observation et des modes de formalisation très variés, et mobilisent des méthodologies d’observation ou de mesure directe ou indirecte.

4. Pluridisciplinarité et interdisciplinarité

La section 39 est une section par essence pluridisciplinaire : elle touche à des disciplines comme la géographie, l’anthropologie, l’architecture, la sociologie, l’économie, l’urbanisme, les sciences politiques, l’histoire, etc., dès que la question de la spatialité des processus est centrale dans la démarche de recherche. Cette caractéristique est bien identifiée par les candidats aux concours qui proviennent souvent d’une large palette de disciplines et savent proposer des projets pertinents par rapport à la spécificité de la section. Les résultats des concours montrent aussi l’attention portée à cette variété des origines disciplinaires.

Il faut faire la distinction entre le périmètre thématique de la section 39, avec les équipes, les enseignants-chercheurs et chercheurs qui s’y reconnaissent, et le périmètre d’ensemble des UMR en rattachement à la section. Car, à la suite des vagues de restructurations d’unités observées depuis plus d’une dizaine d’années, le nombre d’unités qui recouvrent différentes disciplines et sections du Comité national a nettement augmenté. On observe donc des structures de plus en plus complexes, avec des unités où les thématiques de la 39 peuvent ne concerner qu’une fraction d’une UMR.

Dans la pratique, ces grands périmètres scientifiques posent des problèmes de gestion et de prise en compte par les Instituts du CNRS (les logiques majoritaires d’un Institut, appliquées à l’ensemble d’une unité, pouvant poser problème à des collègues dont les recherches sont plutôt orientées vers les thématiques d’un autre Institut), comme lors de l’évaluation à vague des unités. La composition des comités de visite AERES, l’évaluation individuelle des chercheurs d’une discipline très « minoritaire » sont autant de problèmes fréquents à prendre en compte, tant par les unités que par la section 39.

Dans tous les cas, c’est la question concrète de l’interdisciplinarité qui est posée, et de la politique du CNRS en la matière, notamment lorsque les équipes sont amenées à grossir : quelle stratégie adopter ? Garder au sein d’une UMR plusieurs identités disciplinaires, avec leur culture, ou miser sur l’interdisciplinarité (notamment dans le projet d’UMR, via des axes transversaux qui transcendent les équipes internes) ? Et dans ce cas, quelles demandes de rattachement aux sections du Comité national viser ? On voit que ces questions, certes partagées par de nombreuses sections, sont particulièrement présentes pour les unités de la section 39, du fait de son caractère interdisciplinaire marqué.

Cette question se pose également pour la formation doctorale (les UMR dont les doctorants relèvent de plusieurs écoles doctorales sont fréquentes), et pour les supports de publication : ceux-ci sont extrêmement variables, comme peuvent l’être les thématiques de ces UMR multidisciplinaires, et rendent la formulation d’une « stratégie » de publication centrée sur quelques « revues-phares », nationales ou internationales, bien difficile.

Cette question pose aussi celle du positionnement de la géographie, discipline la plus présente dans la section 39, au sein des sciences sociales. Elle apparaît relativement « dominée » ou peu lisible de façon autonome au niveau national, y compris sur les questions territoriales (malgré des efforts fédérateurs comme ceux du CIST), mais à l’inverse, au niveau local, elle apparaît davantage comme un point d’ancrage pour d’autres disciplines : beaucoup d’UMR pluridisciplinaires restent à « majorité » de géographie/aménagement. C’est sans doute lié à la bonne couverture nationale de la section 39, via des UMR mono- ou multi-sites ; elle est en cela très différente d’autres sections majoritairement « parisiennes », du moins pour le soutien du CNRS (section 36 : sociologie et droit, section 38 : anthropologie). De ce point de vue, on pourrait dire (mais c’est peut-être caricatural) que, dans de nombreux cas, des UMR ont grossi autour d’un noyau initial plutôt de géographie/aménagement et doivent maintenant souvent gérer/intégrer une interdisciplinarité accrue.

La territorialisation des thématiques, pour les UMR où c’est le cas, peut être un support de l’interdisciplinarité, notamment lorsqu’elle est liée à la localisation de l’UMR (l’insularité, au transfrontalier, montagne, littoral, métropoles, aires macro-régionales). On se situe alors dans une logique de niche, avec une forte capacité d’attraction et de cohérence du projet, qui peut servir de levier pour des coopérations à large échelle mais également présenter des limites-repli possible sur des thématiques trop localisées et difficulté de l’articulation aux recrutements par les Universités d’enseignants-chercheurs dont les profils ne peuvent pas nécessairement correspondre au point central des recherches affichées par l’UMR. Plus généralement, il y a potentiellement des tensions entre le souhait affiché par le CNRS de spécialisation thématique et la nécessité pour les Universités de disposer d’une large palette de compétences pour couvrir les besoins d’enseignement.

La pratique de l’interdisciplinarité peut se faire dans des cadres très différents. Le premier d’entre est le périmètre des SHS. On pense ici aux travaux qui, visant à comprendre les modes d’organisation spatiale des sociétés contemporaines, investissent les dimensions sociologiques, psychologiques, géographiques, politiques, anthropologiques, etc. des phénomènes étudiés. L’interdisciplinarité de la section 39 offre alors un cadre particulièrement bien adapté pour conduire leurs travaux. On note alors un souci toujours plus explicite de positionnement des recherches dans le périmètre large des sciences sociales, avec sans doute une inscription plus marquée dans les controverses et évolutions globales des SHS que par le passé.

Un cadre d’interdisciplinarité plus large est caractérisé par des coopérations avec des disciplines hors-SHS. Dans les domaines de la simulation-modélisation, ou de l’analyse morphologique, les travaux avec les informaticiens et les mathématiciens sont déjà bien établis mais continuent à se développer, notamment autour de structures interdisciplinaires ambitieuses (Instituts des systèmes complexes, certains Labex à large couverture). Autour des thématiques environnementales, les travaux interdisciplinaires s’articulent autour des interrelations existantes entre les sociétés localisées et des phénomènes principalement initiés par des entités biophysiques. Ces recherches s’inscrivent alors dans une démarche associant SHS et sciences de l’environnement (de la vie ou de la terre). Dans ces démarches de large interdisciplinarité, on attend avec un intérêt certain d’évaluer les effets à moyen terme des politiques de recrutement liées aux Commission interdisciplinaires (CID) du CNRS, dont l’objectif est de recruter sur des profils complémentaires et originaux par rapport aux profils classiquement privilégiés par les sections.

5. Internationalité

L’internationalisation de la recherche dans les champs de la section 39 est ancienne. Elle est liée à une longue tradition de présence sur des terrains dans l’ensemble du monde, avec des « points forts » bien connus (Amérique latine, continent africain, sud de la Méditerranée notamment). D’où une production régulière de travaux avec une très large couverture des grandes régions de la planète. Cela reste frappant dans les programmes de recherche présentés par les candidats aux concours et témoigne d’une large ouverture mondiale qui reste une réalité de la section 39.

Des questions épistémologiques fondamentales se posent, de manière récurrente, sur le statut du ou des terrains mobilisés, sur « l’effet loupe » lié à certains espaces fortement investis. À ce titre, on ne peut que s’inquiéter de l’effet possible de la recherche sur contrat, qui peut centrer les recherches associant une région du monde et une thématique jugées prioritaires par le financeur. L’inconvénient de programmes trop fléchés est ici perceptible, ce qui peut aboutir à la structuration d’une recherche trop centrée sur des objectifs « utilitaristes » par exemple indexée strictement sur les grandes catégories définies dans les récents programmes européens. Il faut ici défendre, tout en prenant en compte les contraintes matérielles de l’organisation de la recherche sur des terrains distants, le principe de la construction des objets et du choix des terrains par les chercheurs. C’est à ce prix que des regards décentrés, prenant en compte la diversité des situations et de points de vue sur le monde, ses acteurs et ses logiques, pourront être maintenus, en permettant de sortir de paradigmes dominants.

Mais l’internationalité est aujourd’hui aussi pensée dans une autre perspective, celle d’une recherche multilatérale, structurée autour de réseaux et de projets internationaux où les équipes françaises peuvent être – ou non – coordinatrices. Dans ces programmes, les laboratoires de la 39 n’apportent pas nécessairement leur connaissance de terrains extérieurs ; mais peuvent aussi valoriser leur expertise thématique, construite à partir de terrains plus proches ou de compétences spécifiques, et contribuer à la construction de protocoles de recherche comparatifs.

Un autre aspect de l’internationalisation des recherches est lié à l’exposition, sous toutes ses formes, des résultats de la recherche. Ici, les enjeux sont ceux de la diffusion et de la publication internationales, indépendamment des thématiques ou des terrains, et où l’élargissement des horizons de publication est un souci central. La publication en anglais devient un horizon plus partagé, et sans doute plus accessible, pour une part large de la communauté. Les jeunes chercheurs sont particulièrement sensibles à cette évolution, et s’inscrivent volontiers dans une perspective où la présentation de leurs résultats dans des congrès internationaux non-francophones, l’accès à des revues à large diffusion au-delà de la France – et donc en anglais – sont des éléments courants de la pratique professionnelle. Cela n’est pas sans interroger sur la place respective de la langue d’expression scientifique dominante de la communauté 39 – le français – et de la langue d’échange internationale, l’anglais. La section 39, tout en appréciant l’élargissement des horizons qui résulte de l’évolution des pratiques des chercheurs français, met toutefois en garde contre une valorisation exclusive des supports de publication en anglais ; car le maintien d’une réflexion conceptuelle de haut niveau en français, mobilisant les catégories et manières de faire construites sur la durée par les communautés scientifiques francophones, est le gage d’une pensée et d’échanges plus féconds que l’alignement sur un anglais d’échanges de niveau moyen, certes d’une immense utilité dans la discussion internationale, mais qui ne peut se substituer à l’élaboration autonome d’une réflexion dans une langue de forte tradition scientifique en SHS. De plus, les revues ou collections « de référence » sont éminemment différentes suivant les communautés thématiques, ainsi que les modes de diffusion des résultats de la recherche. Là où certaines communautés publient sur des supports très internationalisés (notamment au plus près des thématiques environnementales), d’autres, tout aussi légitimement, manient une grande variété de types de publication (l’ouvrage, la revue plus ou moins spécialisée), où la langue française maintient des positions éminentes et est le support de travaux d’un très haut niveau. Le maintien d’un espace de publication francophone fort, associé à la volonté de publier dans d’autres langues, et notamment les langues pratiquées dans les multiples terrains d’étude, lesquelles constituent d’irremplaçables vecteurs d’échanges avec les spécialistes des zones en question, sont des objectifs à combiner. À ce titre, le soutien à l’édition scientifique francophone doit être maintenu, et la perspective de publications multilingues envisagé. On encourage donc, en matière de stratégie de publication internationale, à la multiplication des espaces d’intersection, plus qu’à l’alignement exclusif et à la valorisation unique d’une norme de publication anglophone qui seule aurait le label de l’internationalité.

La question de l’internationalité, et des compétences linguistiques mobilisables dans un cadre international, renvoient aussi à la nécessité maintenue, pour beaucoup de thèmes de recherche, d’une appropriation poussée de la ou des langues pratiquées sur les terrains étudiés. C’est une condition souvent indispensable d’un travail qualitatif de proximité, d’un dialogue effectif avec les acteurs des territoires, d’un accès à des sources originales, etc.

On souhaite que l’injonction répétée à chercher des financements auprès de « guichets » institutionnels européens ne soit pas considérée comme l’alpha et l’omega de la reconnaissance internationale. Dans un espace mondial multipolaire, des coopérations moins spectaculaires, parfois moins généreusement financées mais moins contraignantes en termes d’objectifs, peuvent avoir des effets structurants de qualité, et nourrir une internationalisation efficace de la circulation des savoirs.

La question du soutien aux pratiques internationales prend des formes très différentes suivant qu’il s’agisse de soutenir le dialogue scientifique (coopération, publication, participation à colloques) ou d’encourager directement le travail de recherche sur des terrains étrangers. On ne peut que souhaiter fortement que des instruments adaptés permettent sur la durée de soutenir ces deux aspects, qu’il s’agisse d’encourager les chercheurs français à aller à l’extérieur, ou à l’inverse de faire venir en France des collègues plus ou moins confirmés, seniors ou jeunes chercheurs, docteurs déjà ou doctorants, pour qu’ils effectuent des séjours de recherche dans nos laboratoires. Il faut donc rappeler tout l’intérêt du réseau des centres français à l’étranger, qu’il s’agisse des unités de recherche implantées par le seul CNRS ou appartenant au réseau historique des Affaires Étrangères, à un moment où leur pérennité est remise en question. Leur rôle est généralement crucial dans l’accueil des jeunes chercheurs sur des terrains parfois exigeants. On reste donc attentif à la politique internationale du CNRS et spécifiquement de l’InSHS, qui est, au vu du profil international très marqué des recherches de la section 39, d’un intérêt majeur pour ses unités.

D’ailleurs, en termes de recrutement récent, on ne peut qu’être frappé par deux tendances. D’une part, les recrutements de chercheur.e.s formés à l’étranger, s’ils existent, restent rares. En revanche, la figure du ou de la jeune chercheur.e formé.e en France mais ayant au cours de son parcours effectué un temps de recherche significatif, soit pendant la thèse, ou pendant la période postdoctorale, dans un centre universitaire ou un laboratoire à l’étranger est de plus en plus fréquente.

6. Information scientifique et outils

La mutation des supports de l’information scientifique est une préoccupation commune à bien des sections du Comité National. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la documentation et de l’édition (portails de ressources, politiques de numérisation, questions d’archivage). Des spécificités à l’échelle des SHS peuvent être dégagées, mais ne peuvent être considérées comme une préoccupation particulière de telle ou telle section.

La question de la constitution, la gestion et la mutualisation des bases de données est d’une particulière importance pour la section 39, où les bases de données géographiques notamment, sous leurs différentes formes, sont massivement utilisées. Les problèmes méthodologiques et techniques sont très différents suivant la nature de l’information géographique et statistique utilisée : donnée spatialisée souvent obtenue auprès d’opérateurs publics (statistique, télédétection), éventuellement réélaborée au sein des laboratoires, donnée primaire obtenue à la suite de campagnes de terrain ou d’opérations de saisie de natures diverses, donnée qualitative ou quantitative, d’échelle et de couverture très variable, etc. La réflexion sur le coût, en temps de travail ou en argent, de constitution des ensembles de données, ainsi que les conditions contractuelles d’utilisation de données tierces doivent être intégrée. La question juridique des accès aux données est aussi une préoccupation forte, que la communauté scientifique doit prendre en compte dans toutes ses dimensions pour élaborer ses perspectives de recherche (le respect de la protection des données personnelles, dans le cadre de la loi Informatique et Liberté notamment). Ces thématiques deviennent d’autant plus prégnantes que ses développent rapidement les corpus de données très finement localisées et personnalisées, par exemple via les outils de communication géolocalisables. L’usage de tels corpus à des finalités de recherche réclame déjà, et réclamera, des réflexions poussées.

La section 39 est attentive à plusieurs questions fondamentales pour le développement des recherches dans son périmètre :

– le renouvellement à un haut niveau des compétences techniques (personnels ingénieurs) permettant de structurer, traiter et interpréter l’information statistique et/ou spatialisée quel qu’en soit le volume (les small data comme les big data présentant des problèmes spécifiques à maîtriser), ainsi que d’élaborer des protocoles de simulation et modélisation ;

– le maintien de compétences sur la manipulation de données de tous types (qualitatives, quantitatives, textuelles, sonores ou numériques, issues de dénombrements et de recensements, de prises de vue, etc.), ceci par la formation, l’organisation régulière d’Écoles thématiques ou de stages de haut niveau ;

– la connexion avec les évolutions générales de l’information et de la documentation scientifiques : intégration des personnels et des unités dans les réseaux thématiques de compétences, participation aux initiatives de mutualisation des « grandes infrastructures » notamment d’archivage des données et de la documentation scientifique, aux niveaux national et international, la contribution à la réflexion sur le partage des données et ses conditions (créations de référentiels cohérents, de métadonnées, réflexion sur les conditions juridiques et intellectuelles de partage des données).

Conclusion

La section 39, consciente de la richesse et de la variété des recherches menées dans son périmètre, souhaite avant tout que les conditions de la poursuite de ces travaux, en forte résonance avec des problématiques décisives des sociétés contemporaines, puissent bénéficier d’un soutien adapté et durable, tant en termes de crédits de recherche que par une politique de recrutement soutenue. Elle met en garde contre la possible réduction de la vision de son champ scientifique à une, deux ou trois approches méthodologiques ou instrumentales. Le temps des grands affrontements semble passé ; reste à préserver la richesse de la palette méthodologique, la variété des techniques et pratiques de recherche, afin que les travaux menés puissent de manière persistante concourir à une intelligence des spatialités contemporaines dans tous leurs aspects.