Rapport de conjoncture 2014

Section 36 Sociologie et Sciences du Droit

Extrait de la déclaration adoptée par le Comité national de la recherche scientifique réuni en session plénière extraordinaire le 11 juin 2014

La recherche est indispensable au développement des connaissances, au dynamisme économique ainsi qu’à l’entretien de l’esprit critique et démocratique. La pérennité des emplois scientifiques est indispensable à la liberté et la fécondité de la recherche. Le Comité national de la recherche scientifique rassemble tous les personnels de la recherche publique (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens). Ses membres, réunis en session plénière extraordinaire, demandent de toute urgence un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique. Ils affirment que la réduction continue de l’emploi scientifique est le résultat de choix politiques et non une conséquence de la conjoncture économique.

L’emploi scientifique est l’investissement d’avenir par excellence
Conserver en l’état le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche revient à prolonger son déclin. Stabiliser les effectifs ne suffirait pas non plus à redynamiser la recherche : il faut envoyer un signe fort aux jeunes qui intègrent aujourd’hui l’enseignement supérieur en leur donnant les moyens et l’envie de faire de la recherche. On ne peut pas sacrifier les milliers de jeunes sans statut qui font la recherche d’aujourd’hui. Il faut de toute urgence résorber la précarité. Cela suppose la création, sur plusieurs années, de plusieurs milliers de postes supplémentaires dans le service public ainsi qu’une vraie politique d’incitation à l’emploi des docteurs dans le secteur privé, notamment industriel.

Composition de la section

Philippe Coulangeon (président de section) ; Mme Marie Cornu (secrétaire scientifique) ; M. Michel Borgetto ; M. Serge Dauchy ; M. Éric De Mari ; Mme Corinne Delmas ; M. Olivier Descamps ; Mme Sonia Desmoulin-Canselier ; M. Michel Dubois ; Mme Pascaline Hoel ; M. Dominique Linhardt ; M. Gianluca Manzo ; Mme Sylvie Mazzella ; Mme Stephanie Morandeau ; M. Patrick Peretti-Watel ; Mme Swanie Potot ; M. Tristan Poullaouec ; M. Grégory Salle ; M. Dominique Vidal ; Mme Cécile Vincenti.

Résumé

La section 36 réunit des unités et des chercheurs relevant pour l’essentiel de la sociologie et du droit, dans un rapport de deux tiers à un tiers. La chute des effectifs observée depuis une quinzaine d’années, et plus encore les projections sur les prochaines années, plaident pour le maintien et le renforcement d’une politique ambitieuse de recrutements. Le constat vaut également pour les emplois de soutien à la recherche (ITA). Les travaux menés dans les unités dépendant de la section s’organisent autour de huit axes principaux, qui se déclinent dans les deux disciplines principales de la section : (1) méthodes et théorie, (2) éducation, intégration, socialisation, (3) culture, croyances et modes de vie, (4) inégalités et stratification, (5) justice, droits et usages du droit, (6) santé, environnement, nature, (7) sciences, innovations et techniques, (8) travail, marchés et protections sociales. Si la section met en relief certains champs ou thématiques qui mériteraient un soutien particulier, elle souligne aussi la nécessité de conserver un équilibre raisonnable et cohérent entre recherche fondamentale non planifiée et programmes orientés par la demande sociale.

Introduction

Ce rapport est le produit d’une écriture collective associant l’ensemble des membres de la section. La première partie du rapport propose une présentation de la section et quelques éléments de prospective sur son évolution démographique. La seconde partie présente un état des lieux des principales orientations de la recherche menée dans les unités de la section.

I. Présentation de la section

A. Structure de la section

1. Unités

La section 36 assure le pilotage principal de 31 unités de recherche et trois unités de services, auxquelles s’ajoute une UMI. Ces unités couvrent pour l’essentiel deux champs disciplinaires : le droit et la sociologie. Quinze des 31 unités de recherche relèvent du droit, seize de la sociologie. Un peu plus de la moitié de ces unités sont localisées en région parisienne, dont 45 % pour les délégations Paris A et B. La géographie des unités de la section est assez proche de celle de l’ensemble des sections de l’INSHS (entre 45 et 50 % sont en région parisienne). Mais cette situation affecte davantage les unités de sociologie (les trois quarts sont localisées en Île-de-France pour un tiers seulement en droit).

2. Chercheurs

a. Une concentration géographique nettement plus prononcée en sociologie qu’en droit

Cette forte concentration francilienne, encore plus visible au niveau des chercheurs permanents du CNRS (65 % sont affectés en Île-de-France) n’est pas de même ampleur pour les sociologues que pour les juristes (80 % de sociologues dans des unités franciliennes pour 24 % de juristes). Par ailleurs, si des pôles régionaux se dégagent du côté des juristes (Provence et Corse, Aquitaine, Bretagne et Pays de Loire, Nord, Pas-de-Calais et Picardie), en lien avec les grands pôles universitaires, c’est nettement moins le cas du côté des sociologues, où la présence des chercheurs du CNRS hors de la région parisienne reste fragile. Cette situation contraste avec celle des enseignants-chercheurs, dont 70 % sont affectés dans des unités situées hors de la région parisienne, 89 % en droit mais seulement 46 % en sociologie.

Ainsi, alors que dans les unités à dominante juridique, les chercheurs et enseignants-chercheurs sont massivement affectés hors de la région parisienne, les chercheurs du CNRS des unités à dominante sociologique sont massivement affectés en Île-de-France, tandis que près de la moitié des enseignants-chercheurs sont affectés hors Île-de-France. Pour la sociologie, cette situation confirme le risque, déjà souligné dans le précédent rapport de la section, d’un repli de l’activité du CNRS sur quelques unités parisiennes et d’une déconnexion avec l’activité des pôles universitaires situés sur le reste du territoire.

b. Une répartition globalement stable des sociologues et des juristes

Les chercheurs de la section 36 s’inscrivent pour 68 % d’entre eux dans le champ disciplinaire de la sociologie et pour 29 % dans celui du droit Les 3 % restant se répartissent dans des disciplines connexes : science politique, démographie, anthropologie, histoire, notamment.

c. Structure par âge et taux de féminisation

La section comprend 53 % de chercheurs hommes pour 47 % de chercheurs femmes. Le taux de féminisation de la section est sensiblement plus élevé que dans l’ensemble des sections du CNRS, mais assez comparable à celui observé dans l’ensemble des sections de l’INSHS (tableau 1). On notera aussi que la corrélation inverse du grade et du sex ratio observée de manière générale dans la plupart des sections apparaît sensiblement atténuée dans la section 36, où, si l’on met de côté le cas des DRCE, la proportion de femmes varie assez peu, entre 45 et 50 %, selon les grades.

Tableau 1 : Taux de féminisation par grade selon la section de rattachement

CR2 CR1 DR2 DR1 DRCE Total
31 39,1 % 44,6 % 52,2 % 25,0 % 25,0 % 44,2 %
32 41,7 % 52,2 % 40,9 % 52,4 % 0,0 % 47,6 %
33 54,6 % 51,6 % 46,0 % 23,8 % 0,0 % 46,2 %
34 47,1 % 57,5 % 61,7 % 38,5 % 0,0 % 55,7 %
35 47,4 % 57,0 % 36,5 % 38,5 % 50,0 % 48,2 %
36 44,4 % 48,4 % 45,5 % 50,0 % 0,0 % 46,7 %
37 60,0 % 33,8 % 21,1 % 8,0 % 16,7 % 28,7 %
38 47,1 % 63,6 % 56,1 % 66,7 % 0,0 % 60,0 %
39 54,6 % 43,0 % 41,4 % 29,4 % 0,0 % 42,9 %
40 56,5 % 50,0 % 29,4 % 22,2 % 33,3 % 41,5 %
Ensemble 49,7 % 48,5 % 58,9 % 65,9 % 86,4 % 53,6 %

Champ : Chercheuses et chercheurs du CNRS rattachés aux sections de l’INSHS, quelle que soit la section pilote de leur unité d’affectation, compte tenu des agents en position de détachement

Le droit et la sociologie présentent toutefois sous ce rapport des profils différents : 49 % de femmes en rang A chez les juristes, contre 43 % chez les sociologues. Surtout, la corrélation avec le grade est de sens contraire. Chez les juristes, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses au grade de DR (50 %) qu’au grade de CR (48 %), tandis que chez les sociologues, elles sont 46 % au grade de CR, mais seulement 39 % au grade de DR.

La forme bimodale de la distribution des âges des chercheurs, avec deux classes d’âge d’effectifs importants, entre 40 et 45 ans, d’une part, et entre 60 et 65 ans, d’autre part, laisse augurer, pour les prochaines années, d’un nombre encore élevé de départs à la retraite, avec un pic prévisible en 2015 et 2016 (figure 1). Ce choc démographique apparaît toutefois sensiblement plus prononcé en sociologie qu’en droit, où la proportion des 60 ans et plus est moins importante et celle des 40-45 ans plus élevée.

Figure 1 : Structure par âge de la population des chercheurs de la section 36 selon la discipline.
Note : Âge calculé au 31 décembre 2014 ; par souci de simplification, tous les chercheurs non juristes sont classé dans la catégorie « Sociologie ».

d. Grades et carrières

La distribution des chercheurs selon le grade marque aussi une distinction entre les deux disciplines de la section. La section comprend environ 60 % de chargés de recherche et 40 % de directeurs de recherche, mais ces derniers sont 47 % parmi les juristes, et 36 % seulement parmi les sociologues.

3. ITA

Le CNRS contribue très significativement à l’activité des unités relevant de la section 36 à travers les personnels ITA qui leur sont affectés. Ces personnels sont eux aussi majoritairement affectés en région Île-de-France, mais les écarts observés entre les deux principaux champs disciplinaires de la section sont plus accusés encore que dans le cas des chercheurs : un peu plus de 70 % des ITA affectés dans des unités de sociologie le sont en Île-de-France, tandis que ce n’est le cas que pour 18 % des ITA des unités de droit.

a. Métiers

Les ITA affectés dans les unités de la section se répartissent dans quatre branches d’activités professionnelles (BAP) : BAP D : sciences humaines et sociales ; BAP E : informatique, statistique et calcul scientifique ; BAP F : documentation, culture, communication, édition, TICE ; BAP J : gestion et pilotage. La répartition de ces différents types de métiers varie selon les types d’unité (tableau 2).

Tableau 2 : Distribution des ITA CNRS de la section par BAP et selon la discipline de l’unité

Bap Sociologie Droit Ensemble
D 25,8 % 38,3 % 30,1 %
E 11,2 % 2,1 % 8,1 %
F 30,3 % 27,7 % 29,4 %
J 32,6 % 31,9 % 32,4 %
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 %

b. Structure par âge et par sexe

La structure par âge des ITA permanents du CNRS fait apparaître une forte concentration des effectifs autour des 40-50 ans, d’une part, et des 60-65 ans, d’autre part (figure 2). Globalement, le vieillissement du corps des ITA est du reste sensiblement plus prononcé dans les unités de sociologie (27 % des ITA affectés dans ces unités auront 58 ans au moins en 2015) que dans les unités de droit (18 % seront dans ce cas).

Figure 2 : Structure par âge de la population des ITA de la section 36 selon la discipline.

La répartition selon le sexe varie fortement selon la discipline de l’unité d’affectation et selon la branche d’activité des ingénieurs. Globalement, la population des ingénieurs est nettement plus féminisée que celle des chercheurs (67 % de femmes), mais ce taux de féminisation est nettement plus prononcé dans les unités de droit que dans les unités de sociologie (83 % d’un côté et 52 % de l’autre). Cette différence de féminisation est très étroitement liée à la nature des activités exercées dans les différents types d’unités, et notamment aux poids opposés des BAP D et E (tableau 2), qui sont aussi les plus genrées, dans les unités de droit et de sociologie (figure 3).

Figure 3 : Taux de féminisation par BAP de la population des ITA de la section 36.

4. Emplois permanents et non-permanents

Les unités de la section abritent deux catégories de personnels, permanents et non-permanents, en proportion variable parmi les chercheurs et enseignants-chercheurs et parmi les emplois de soutien à la rechercher (ITA) (tableau 3). Du côté des chercheurs et enseignants-chercheurs, compte non-tenu des doctorants, l’emploi permanent reste largement dominant (90 % des effectifs). Il n’en va pas de même du côté des emplois de soutien à la recherche, pour lesquels l’emploi non-permanent est majoritaire (59 %). Ces données soulignent à quel point les tâches de soutien à la recherche, qui correspondent pourtant en grande partie à des besoins permanents des unités, sont aujourd’hui réalisées par des personnes en situation d’emploi précaire.

Tableau 3 : Structure des effectifs de la section par statuts d’emploi (permanents/non-permanents)

Chercheurs et enseignants-chercheurs
Emploi non-permanent Autres Chercheurs Non Permanents 4,3 %
Post-Doctorants 5,8 %
Emploi permanent Chercheurs Autres Organismes 2,9 %
Chercheurs CNRS 13,7 %
Enseignants-Chercheurs 73,3 %
Ensemble 100 %
Soutien à la recherche
Emploi non-permanent ITA Contractuels CNRS 5,5 %
Personnels Temporaires Non CNRS 54,0 %
Emploi permanent ITA Permanents CNRS 24,9 %
ITA Permanents Non CNRS 15,6 %
Ensemble 100 %

B. Projections sur l’évolution des effectifs

Plusieurs tendances signalées dans le précédent rapport de conjoncture de 2009 se sont confirmées au cours des années suivantes. Tout d’abord, le nombre de chercheurs de la section 36 a continué de décroître, en dépit d’un effort de recrutement sensible mais inférieur à ce qu’il aurait dû être pour compenser les nombreux départs en retraite. Du côté des ITA, les perspectives sont encore plus préoccupantes.

1. Chercheurs

Au cours de la décennie écoulée, la section 36 a connu une évolution très défavorable des effectifs de chercheurs. Entre 2000 et 2014, la section a vu ses effectifs passer de 286 à 191 chercheurs, soit une réduction d’environ 33 %. Cette évolution est totalement atypique par rapport à l’évolution observée dans les autres sections de l’INSHS. Certaines sections de l’Institut ont connu sur cette période une réduction de leurs effectifs (sections 32, 33, 38 et 40, notamment), mais aucune d’entre elles n’a connu de contraction de cette ampleur.

Une projection approximative de l’évolution des effectifs peut être faite à partir des années de naissance des chercheurs de la section, en se fondant sur l’hypothèse simple d’un âge uniforme de départ en retraite à 65 ans. Plusieurs scénarios sont confrontés, allant de trois à huit recrutements par an. Comme le montrent les données reproduites dans la figure 4, pour infléchir le déclin enregistré depuis 2000, sept recrutements par an au minimum devraient être programmés. Mais pour inverser la tendance observée depuis le milieu des années 2000, sans pour autant retrouver un effectif comparable, huit s’avèreraient nécessaires.

À l’horizon 2025, le seul maintien des effectifs actuels ne serait pas assuré à moins de six recrutements par an, et en dessous de quatre, un déclin durable s’enclencherait, mettant en cause la survie de la section elle-même, si l’on prolonge la simulation au-delà de 2025.

Figure 4 : Évolution des effectifs de chercheurs à l’horizon 2025 selon six hypothèses de recrutements (de trois à huit recrutements par an).
Note : le champ couvert est celui de l’ensemble des chercheurs relevant de la section, recrutements de juin 2014 inclus, quelle que soit l’affiliation principale de leur unité d’affectation.

2. ITA

La pyramide des âges des personnels ITA de la section est tout aussi préoccupante, puisque près d’un quart d’entre eux – si l’on s’en tient aux seuls personnels CNRS – seront âgés de 58 ans au moins en 2015. Dans un contexte où le remplacement un pour un n’est plus assuré pour les ITA, cette situation apparaît lourde de menaces pour la stabilité des collectifs de travail et la pérennité des tâches qui leur sont confiées.

Les projections établies sur la base des années de naissance de l’ensemble des ITA CNRS affectés dans les unités de la section montrent qu’à moins de trois affectations par an en moyenne dans ces unités, le renouvellement des effectifs n’est pas assuré à l’horizon de 2025 (figure 5).

Figure 5 : Évolution de l’effectif des ITA à l’horizon 2025 selon cinq hypothèses de recrutements (de un à cinq recrutements par an).

C. Bilan des recrutements et promotions (2005-2014)

Au cours de la période 2005-2014, 68 chargés de recherche (47 CR2 et 21 CR1) ont été recrutés par la section 36 (21 juristes et 47 sociologues ou assimilés). 52 DR2 ont été promus ou recrutés (19 juristes et 33 sociologues), 21 DR1 (6 juristes, 15 sociologues) et 5 DRCE (2 juristes, 3 sociologues). La répartition des deux champs disciplinaires apparaît ainsi globalement stable, dans un rapport d’un tiers de juristes pour deux tiers de sociologues.

L’âge moyen des recrutés aux concours CR2 a sensiblement augmenté de 2005 à 2012, jusqu’à observer en 2011 un âge moyen au recrutement plus élevé en CR2 qu’en CR1 (figure 6). Les deux dernières campagnes de recrutements marquent un retour à une différenciation plus prononcée des profils d’âge des deux concours.

Figure 6 : Age moyen au recrutement des CR2 et CR1 (2005-2014).

L’âge moyen des promotions DR2, qui oscillait entre 45 et 50 ans jusqu’en 2011, s’est sensiblement abaissé depuis (44 ans en 2014). L’âge moyen des promotions DR1, s’est quant à lui sensiblement élevé (58 ans en 2013, figure 7). Enfin, depuis 2009, on compte quatre promotions au grade de DRCE1, avec un âge moyen de 59 ans.

Figure 7 : Age moyen à la promotion des DR2 et DR1 (2006-2014).

Le bilan des recrutements et des affectations confirme la forte concentration francilienne des chercheurs et la forte spécificité des sociologues à cet égard. De 2005 à 2014, 66 % des CR recrutés ont été affectés en Île-de-France, mais ils sont 77 % dans ce cas parmi les sociologues et seulement 33 % parmi les juristes. Par ailleurs, pour les recrutements CR2, seize unités ont bénéficié d’un recrutement au cours de la période, cinq ont bénéficié de deux recrutements, et cinq autres unités ont bénéficié de plus de trois recrutements (entre trois et six). Concernant les CR1, dix unités ont bénéficié d’un recrutement au cours de la période, et deux de deux ou de trois.

Pour les 52 promotions DR2 intervenues au cours de la période, la dispersion est plus grande, puisque 27 unités ont reçu une promotion, neuf en ont reçu deux, et deux en ont reçu plus de deux, avec un maximum de quatre. Treize unités ont par ailleurs bénéficié d’une promotion DR1, et quatre en ont bénéficié de deux. Au total, les recrutements comme les promotions se distribuent de manière relativement équilibrée à l’intérieur de la section, et contribuent au maintien de sa diversité.

II. Thématiques de recherche

A. Méthodes et théorie

1. Méthodes quantitatives et modélisation

Les recherches s’appuyant sur les méthodes quantitatives se consolident dans la sociologie française. À côté de méthodes statistiques traditionnelles telles que l’analyse de régression, les modèles log-linéaires et l’analyse géométrique des données qui s’appliquent à des sujets variés (UMR 7048 CEVIPOF, UMR 8239 CEE, UMR 7049 OSC, UMR 8209 CESSP, UMR 7319 CURAPP-ESS), des variantes raffinées de ces méthodes, comme les modèles multi-niveaux, commencent à être appliquées (UMR 5194 PACTE).

Parmi les évolutions en cours, il faut également souligner la diffusion de l’analyse statistique des réseaux personnels, souvent couplée à une perspective qualitative (UMR 5193 LISST), de variantes avancées de la modélisation statistique des réseaux dynamiques, notamment dans l’étude des réseaux inter-organisationnels (UMR 7116 CSO), ainsi que de techniques, telle que l’analyse des séquences, permettant de capturer la nature événementielle et processuelle de la vie sociale (UMR 7049 OSC). Bien qu’encore minoritaire, la modélisation mathématique discrète couplée à des techniques de simulation informatique telles que la simulation à base d’agents artificiels commencent aussi à être étudiées et appliquées dans la sociologie française (UMR 8598 GEMASS).

Les progrès sont notables dans le domaine du codage, de l’archivage et de la diffusion des données quantitatives (UMR 8097 CMH), avec notamment des évolutions récentes concernant l’exploitation d’internet comme nouvelle source de données (Equipex DIME SHS).

2. Investissements et expérimentations dans les méthodes qualitatives

Des investissements importants ont aussi été réalisés dans les méthodes qualitatives. Ces évolutions s’observent tout particulièrement dans le domaine de l’ethnographie qui reste, dans de nombreuses unités, un format d’enquête privilégié (UMR 8131 Centre Georg Simmel, UMR 8562 Centre Norbert Elias, UMR 8209 CESSP, UMR 8087 CMH, UMR 7217 CRESSPA, UMR 8178 IMM, UMR 8156 IRIS).

Des démarches combinatoires qui reposent souvent sur un socle ethnographique, visent à compléter les enquêtes par d’autres méthodes : travail sur archives, analyse de trajectoires individuelles et collectives ; analyse institutionnelle ; analyse de discours ; approches issues de la micro-économie (UMR 7217 CRESSPA, UMR 8085 PRINTEMPS, UMR 8087 CMH).

À l’intersection des méthodes quantitatives et des méthodes qualitatives se développent des démarches, parfois qualifiées de « quali-quantitatives », qui associent l’étude des pratiques de quantification à une démarche réflexive sur la production et les usages de données quantitatives (UMR 8026 CERAPS, UMR 7185 CSI, UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 8085 PRINTEMPS, UMR 8087 CMH, UMR 7363 SAGE).

3. Action, configuration, histoire : enjeux théoriques

Si la dimension théorique est sans doute moins nettement constitutive de l’identité des laboratoires que par le passé, les débats théoriques se poursuivent néanmoins, sous des formes en partie renouvelées. Outre des discussions autour de grands modèles sociologiques, comme la théorie des champs, la sociologie pragmatique, la sociologie analytique, une partie des débats procède de l’importation de notions telles que agency, care, empowerment et performativity, dont le point commun est de réarticuler les rapports entre l’« individuel » et le « social » et entre « l’action » et la « configuration ». De même, l’historicité du social suscite aujourd’hui de nouveaux investissements théoriques.

4. Retours réflexifs sur l’histoire et la pratique de la sociologie

L’affirmation sur le terrain des sciences sociales de paradigmes issus par exemple de l’économie ou des neurosciences a contribué en retour à renouveler la réflexion sur l’histoire et la pratique des sciences sociales. On s’intéresse ainsi à nouveaux frais à différentes traditions intellectuelles et théoriques (interactionnisme symbolique, ethnométhodologie, sociologie historique, durkheimisme, sociologie cognitive, sociologie de l’action, etc.). Des chantiers s’ouvrent qui visent à développer une véritable histoire intellectuelle et sociale des sciences sociales (UMR 8209 CESSP). Cet effort profite également de l’apport du domaine dynamique de la philosophie des sciences sociales (UMR 8178 IMM, UMR 7319 CURAPP-ESS) ou encore des perspectives ouvertes par les recherches qui s’inspirent des démarches de Michel Foucault (UMR 8026 CERAPS, UMR 8156 IRIS).

5. Théorie du droit et méthodologie juridique

Plusieurs unités de théorie du droit se concentrent notamment sur l’étude du discours juridique et des procédés d’argumentation, l’analyse des sources et des différentes formes de régulation, l’histoire de la pensée juridique (UMR 7074 CTAD, UMR 5137 CERCRID, UMR 8178 IMM – équipe CENJ). La plupart des autres unités intègrent une dimension théorique, entre autres sur les sources du droit économique et du droit du travail, sur la circulation des concepts, sur les dynamiques normatives au plan national et international, sur les nouveaux modèles propriétaires. On observe également que les travaux sur le droit européen, vu comme laboratoire de réflexion sur le droit, ont évolué d’une façon sensible. Outre l’étude critique des outils, institutions et systèmes classiquement étudiés, un certain nombre de juristes alimentent la réflexion théorique en s’intéressant aux usages du droit, par exemple dans le domaine de l’action publique dans des secteurs tels que l’action sociale, éducative, culturelle, la justice et la sécurité, l’immigration et la nationalité, la lutte contre les discriminations et encore la santé et l’environnement.

Les réflexions autour des méthodes, de grande importance dans les recherches situées au croisement de plusieurs disciplines (théorie du droit, histoire du droit, philosophie du droit, sociologie du droit, anthropologie du droit), se sont aussi développées dans des recherches ouvertes par exemple à la comparaison (des systèmes, des modes de production des normes, des aspects de jurilinguistique) et à l’interdisciplinarité.

6. Promesses et limites de l’interdisciplinarité

Les travaux des chercheurs relevant de la section se montrent de plus en plus ouverts à l’interdisciplinarité. En sociologie, celle-ci va pour ainsi dire de soi avec des disciplines proches (anthropologie, histoire). En droit, en dépit d’un certain cloisonnement interne, des recherches revendiquent une approche croisée entre différentes branches du droit. L’interdisciplinarité se développe également avec d’autres disciplines des sciences humaines (géographie, linguistique, psychologie, philosophie, économie, etc.) et plus largement avec d’autres champs disciplinaires (médecine, biologie, chimie, physique, sciences de l’ingénieur, etc.). Certaines thématiques transversales s’y prêtent particulièrement (risques, santé, environnement, culture, vivant, innovation). Les chercheurs dans les disciplines relevant de la section 36 sont toutefois confrontés à des questions récurrentes concernant leurs engagements interdisciplinaires : celle de l’opportunité réelle des démarches interdisciplinaires, celle de la conversion des méthodes et des concepts en usage dans les différentes disciplines amenées à collaborer, celle, également, du risque de relégation à un simple rôle d’expertise sociale ou juridique d’appoint.

7. Études comparatives

La plupart des unités de recherche en sociologie comme en droit affiche aujourd’hui un intérêt pour le comparatisme, qu’elles le placent au cœur de leur projet scientifique (UMR 7049 OSC, UMR 8245 URMIS, UMR 8103 Droit comparé, UMR 7354 DRES, UMS 2268 Juriscope, UMR 7318 DICE, UMR 5114 COMPTRASEC, FRE 3500 CECOJI) ou le mobilisent dans un de leurs axes (UMR 3320 LISE, UMR 5116 Centre Émile Durkheim, UMR 7170 IRISSO, UMR 7317 LEST, UMR 8039 CADIS, UMR 8087 CMH, UMR 8025 CHJ, UMR 7184 IHD, UMR 7321 GREDEG, UMR 7074 CTAD, UMR 5137 CERCRID). La place croissante des études comparatives tient en partie à l’importance prise par le financement par projets.

En sociologie, la comparaison comme méthode a ainsi permis des avancées notables. Ce développement des études comparatives n’empêche cependant pas que certaines formes de comparatisme bien établies dans le monde anglo-saxon n’y occupent qu’une place marginale. C’est notamment le cas de la sociologie historique comparée et, de manière plus générale, de la comparaison de périodes historiques éloignées les unes des autres. De même, la question du choix des unités de comparaison fait également l’objet de nombreux débats, notamment autour de la pertinence du cadre de l’État-nation.

La démarche comparatiste en droit, longtemps dédiée à la seule connaissance des droits étrangers, est aujourd’hui davantage conçue comme ressort de réflexion critique sur le droit. La complexification des règles dans l’ordre international et européen, l’évolution des processus de formation des normes et la diversification des sources normatives donnent un intérêt accru aux démarches comparatistes et amènent à les revisiter à la fois dans l’espace et dans le temps sous une approche historico-comparative des modèles juridiques et institutionnels (UMR 8025 CHJ, UMR 7184 IHD). On observe également un regain d’intérêt pour la méthodologie comparative au sein des réseaux de comparatistes (regroupés en France au sein d’un GDR de droit comparé).

8. Européanisation et mondialisation

L’européanisation et la mondialisation constituent aujourd’hui une préoccupation importante des chercheurs en sociologie et en droit, qui affecte un nombre croissant de domaines. Plusieurs équipes ont entrepris d’étudier l’impact de ces deux processus à la fois sur les cadres institutionnels, les normes juridiques et les politiques publiques menées par les États (UMR 6262 IODE, UMR 7318 DICE, UMR 6295 CREDIMI). En rapport avec la construction européenne, il s’est agi en particulier d’analyser le processus d’ajustement des institutions politiques aux exigences communautaires, d’étudier les mouvements successifs de réforme des bureaucraties nationales en mettant notamment en lumière l’influence des nouvelles formes de management public valorisées par la Commission (UMR 7106 CERSA, UMR 8103 Droit comparé, UMR 6262 IODE, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 7318 DICE). Plus généralement, européanisation et mondialisation mettent en évidence les transformations politiques et le devenir de la démocratie dès lors qu’elle doit s’adapter à la remise en question du primat de l’échelle nationale par rapport à d’autres échelles, régionale ou transnationale (UMR 8039 CADIS, UMR 8019 CLERSÉ, UMR 8026 CERAPS, UMR 5116 Centre Émile Durkheim). Elle permet également d’étudier les modalités de régulation et d’harmonisation des conditions de travail (UMR 7317 LEST, UMR 7354 DRES), ou encore des stratégies territoriales et de mobilité résidentielle des populations (UMR 7170 IRISSO). Une attention particulière est également accordée aux modalités et conséquences de cette internationalisation sur les conditions de production des sciences et techniques ou encore sur les instruments politiques et juridiques (UMR 8598 GEMASS, UMR 8178 IMM). Enfin l’étude des processus de mondialisation permet d’identifier leurs ressorts idéologiques considérés comme autant de vecteurs de perpétuation de rapports de domination sociale et/ou politique préexistants (UMR 8209 CESSP).

Dans un contexte de mondialisation du droit, un grand nombre de recherches juridiques s’intéresse aujourd’hui aux phénomènes de fragmentation et d’hybridation du droit et à la nécessité de repenser la question des sources, de la production normative et de ses acteurs (rôle du juge, participation des justiciables à l’élaboration des normes), du croisement de normes d’origines diverses (internormativités juridiques, techniques scientifiques). La question de l’internormativité, familière aux historiens du droit (avec l’étude des interactions entre droit coutumier et droits savants – UMR 7184 IHD), intéresse aujourd’hui de nombreux domaines dont le droit de l’environnement, le droit des nouvelles technologies (biotechnologies, nanotechnologies, droit de l’Internet), le droit de la propriété intellectuelle et industrielle. Elles complètent l’approche plus théorique consacrée à « l’écriture du droit ».

B. Éducation, intégration, socialisation

1. Famille

L’étude de la famille reste un champ privilégié de la recherche. En sociologie, cette thématique est explorée sous l’angle des transformations des formes de vie familiale et d’encadrement social et institutionnel des liens privés, de reconfiguration de la parenté, en lien avec la question de la socialisation (UMR 5283 Centre Max Weber, UMR 7319 CURAPP-ESS). La famille est aussi abordée comme point d’ancrage des processus d’individualisation (UMR 8070 CERLIS), et renvoie aux questions de rapports entre générations et de construction sociale des âges de la vie. Enfin, les questions familiales sont traitées sous l’angle de l’État social et des politiques publiques (UMR 7363 SAGE, UMR 3320 LISE, UMR 8019 CLERSÉ).

En droit, les analyses portent notamment sur la structuration politico-juridique du mouvement familial, sur la pertinence et l’efficacité des politiques publiques de protection sociale, sur l’impact de la référence familiale dans la mise en jeu des obligations alimentaires, sur la portée et les limites des dispositifs de protection de l’enfance, sur la pertinence du rôle réservé aux droits dérivés en matière de sécurité sociale (UMR 7106 CERSA, UMR 5137 CERCRID, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 7184 IHD, UMR 8025 CHJ). Plusieurs équipes de chercheurs se sont investies dans l’étude comparée des transformations du modèle familial (familles monoparentales et recomposées, loi sur le mariage pour tous) et des évolutions scientifiques et sociales affectant la reproduction et la filiation (PMA, GPA, adoption) (UMR 7106 CERSA, UMR 8103 Droit comparé, UMR 6262 IODE, UMR 5114 COMPTRASEC).

2. École

La concurrence faite à la sociologie par la science économique et la science politique dans l’explication des faits scolaires s’est encore renforcée, en particulier sur le terrain de la recherche quantitative et de l’évaluation des dispositifs de l’action publique. Seules quelques UMR de la section affichent encore des axes ou des thématiques consacrées à l’école, le plus souvent en région parisienne (UMR 8070 CERLIS, UMR 8209 CESSP, UMR 8097 CMH, UMR 7170 IRISSO, UMR 7049 OSC). La sociologie de l’école reste également bien représentée dans certaines UMR de province, notamment à Lyon (UMR 5283 Centre Max Weber) et à Amiens (UMR 7319 CURAPP-ESS). Leurs travaux portent sur les établissements scolaires, ou plus largement la socialisation scolaire, par exemple sous l’angle de l’expérience des élèves (UMR 5116 Centre Émile Durkheim), ou celui de la différenciation des enfants (UMR 8209 CESSP), sans perdre de vue pour autant le rôle de la socialisation familiale dans les apprentissages et les parcours scolaires (UMR 7319 CURAPP-ESS). D’autre part, plusieurs recherches étudient plus précisément la genèse et les effets des politiques éducatives, au plan national ou international, notamment en matière de contenus et d’évaluations des enseignements (UMR 7049 OSC). Plus globalement, sont étudiées les interactions nouvelles entre les différentes institutions éducatives (parents, enseignants, mais aussi orthophonistes, psychologues, éditeurs scolaires, etc.) (UMR 7170 IRISSO, UMR 8070 CERLIS, UMR 5283 Centre Max Weber).

3. Professions et organisations professionnelles

La sociologie des professions a, ces dernières années, diversifié ses objets et renouvelé ses perspectives (en articulant par exemple sociologie des professions, des marchés et des entreprises) et ses questionnements (engagement, syndicalisation, expertise, déprofessionnalisation, injonction paradoxale au professionnalisme, régulations, segmentations professionnelles, etc.). Dans cette perspective, l’essor de l’étude des professions artistiques s’est poursuivi, mais s’est accompagné d’un élargissement des professions étudiées : ainsi les recherches sur les professionnels du sport se sont développées, de même que la connaissance des professions juridiques et judiciaires s’est affinée, à la faveur de projets d’échanges entre laboratoires et chercheurs en sociologie, science politique et sciences du droit ; certains métiers et professions (professions administratives, notamment « de guichet ») ont également fait l’objet de recherches nourries à la charnière du droit, de la sociologie et de la science politique.

La sociologie des groupes professionnels est présente dans les unités de la section soit directement (UMR 8085 PRINTEMPS, UMR 8019 CLERSÉ, UMR 7317 LEST), soit de manière plus indirecte et transversale (par le biais de démarches de sociologie du travail et/ou des relations professionnelles).

4. Entreprises et organisations de la société civile

Le développement de la sociologie des entreprises est marqué ces dernières années par l’apparition de plusieurs thèmes, tels que la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ou les questions relatives au fonctionnement du secteur dit de l’économie sociale et solidaire.

Au confluent de la sociologie économique, de la sociologie du travail et de la sociologie des organisations, la recherche sur les entreprises (et/ou les marchés) est représentée dans plusieurs laboratoires (UMR 7170 IRISSO, UMR 7317 LEST, UMR 7116 CSO, UMR 5044 CERTOP), avec des travaux portant sur certaines catégories (les cadres, les travailleurs sans papiers) ou certains secteurs (la grande distribution, l’industrie pharmaceutique). La dimension socio-historique n’est pas négligée, le travail sur archives complétant les enquêtes portant sur la période contemporaines.

Ce qu’on a coutume d’appeler la « société civile organisée » a aussi donné lieu à une série de travaux dans la période récente, particulièrement autour du monde et du travail associatifs. Ces travaux ne s’arrêtent pas aux frontières françaises, comme en atteste l’intérêt scientifique croissant autour du « community organizing » et les travaux consacrés aux groupes de pression et d’intérêt. De manière générale, la question de la participation citoyenne à la vie publique, et notamment des ressorts (et des obstacles) sociaux à l’engagement, est devenue une question centrale.

5. Espaces publics, actions publiques, pouvoirs publics

De nombreuses recherches menées par les chercheurs de la section 36 s’intéressent à la sociologie des mobilisations. Les recherches menées sur des objets aussi divers que les manifestations de rue, les grèves et conflits du travail, les associations engagées autour d’une cause, les syndicats de salariés, les partis politiques et les élections, etc. montrent l’affaiblissement de la dichotomie entre anciens mouvements sociaux, centrés sur la sphère productive, et nouveaux mouvements sociaux qui se déploieraient d’emblée à l’échelle sociétale (UMR 8039 CADIS, UMR 8026 CERAPS, UMR 8239 CESSP, UMR 7217 CRESPPA, UMR 8178 IMM, UMR 7363 SAGE, UMR5283 Centre Max Weber). Cette sociologie des actions collectives et des mobilisations apparaît comme une thématique transversale, présente dans les préoccupations de chercheurs d’autres champs thématiques (rapports de classe, professions, action publique, genre, migrations, santé, environnement, etc.).

Au-delà de la question des mobilisations, c’est la multiplicité des modes, plus ou moins formels, de concernement, d’implication et de participation, qui est étudiée, aussi bien du côté des « profanes » lorsqu’ils s’engagent dans l’action publique que du côté des professionnels, qu’il s’agisse d’experts, de journalistes ou d’agents des pouvoirs publics et de l’État. Dans cette perspective, la question des échelles d’analyse et de leurs rapports est devenue, au cours des dernières années, de plus en plus importante. On assiste ainsi aujourd’hui à la montée en puissance d’une sociologie politique de l’international qui s’intéresse aussi bien aux aspects institutionnels (OI, ONG) qu’à des phénomènes plus diffus de circulation (de savoirs, d’expertises, d’idéologies ou d’instruments d’action) À la faveur de la documentation de ces nouveaux phénomènes, la question de l’échelle longtemps dominante, à savoir celle de l’État, fait l’objet d’investissements scientifiques nouveaux destinés à identifier les formes de son organisation et de son action dans ce contexte modifié.

L’étude des manifestations de la vie publique et des pratiques caractéristiques des sociétés démocratiques engage des perspectives de sociologie politique qui favorise la collaboration entre sociologues et politistes (UMR 8239 CEE, UMR 5116 Centre Émile-Durkheim, UMR 8026 CERAPS, UMR 8209 CESSP, UMR 8097 CMH, UMR 7116 CSO, UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 8178 IMM, UMR 8085 PRINTEMPS) et rappelle combien la sociologie doit se concevoir aussi comme une science du politique. Cette perspective a informé la création récente du Labex TEPSIS (« Transformations de l’État, politisation des sociétés, institutionnalisation du social »).

C. Culture, croyances et modes de vie

1. Droit et sociologie de la culture

Les questions culturelles sont abordées en sociologie sous l’angle de la création artistique et culturelle (UMR 8131 Centre Georg Simmel) et plus largement, à travers l’étude des formes et modèles culturels (UMR 8562 Centre Norbert Elias) ainsi que de l’économie de la production et de la circulation des biens symboliques (UMR 8209 CESSP). Parmi les thématiques émergentes, on relèvera les questions relatives aux TIC (UMR 5141 LTCI), aux médiations culturelles (UMR 5193 LISST, UMR 7217 CRESPPA) ainsi que les recherches portant sur la circulation internationale des objets et des signes culturels (UMR 8209 CESSP, UMR 8245 URMIS). D’autres recherches abordent le domaine de la culture principalement sous l’angle de l’étude des professions et des carrières dans les mondes de l’art et de la culture (UMR 8036 CESPRA, UMR 8085 PRINTEMPS) ou encore sous l’angle de la « culturalisation » des rapports sociaux, qui renvoie à l’importance spécifique des dimensions culturelles dans la caractérisation du lien social (UMR 8070 CERLIS).

Les recherches en droit de la culture se développent sous diverses thématiques (statut de la création, industries culturelles, patrimoine matériel et immatériel, marché de l’art) et approches (en lien avec les politiques publiques, ou d’un point de vue anthropologique sur les pratiques et usages culturels). Les travaux récents sont marqués par les mutations des droits européen et international de la culture, fortement influencés par une approche en termes de droits fondamentaux (droits culturels, diversité culturelle, droit des communautés patrimoniales ou culturelles), et les phénomènes d’interaction (avec le droit du marché, le droit de l’environnement) (FRE 3500 CECOJI, UMR 8103 Droit comparé, UMR 7184 IHD, UMR 6295 CREDIMI). Ces recherches ont souvent une dimension internationale, comparatiste et interdisciplinaire.

Les recherches à la croisée de la sociologie et du droit se concentrent surtout sur la question du statut des auteurs et artistes et sur le processus de patrimonialisation.

2. Pratiques culturelles

La sociologie des pratiques culturelles continue d’alimenter un nombre important de travaux, dédiés pour partie aux questions d’inégalités d’accès à la culture, de transformation des clivages sociaux et culturels et de reconfiguration des normes de la légitimité culturelle (UMR 5283 Centre Max Weber, UPR 3255 Communication et politique, UMR 5141 LTCI, UMR 8562 Centre Norbert Elias). Les pratiques culturelles sont aussi abordées en lien avec l’étude de la transformation des modes de vie et de consommation (UMR 7049 OSC), et font écho à certaines thématiques de la sociologie de l’éducation, à travers la question du rôle du capital culturel dans la formation des inégalités scolaires notamment (UMR 7049 OSC, UMR 8019 CLERSÉ).

3. Valeurs

Les analyses des valeurs et des systèmes symboliques donnent notamment lieu à des analyses quantitatives, souvent en perspective comparée et de longue période, des valeurs des Français (UMR 5194 PACTE), de leurs conceptions de la justice (UMR 8097 CMH, UMR 8598 GEMASS) et de la relation entre les valeurs et les comportements politiques (UMR 7048 CEVIPOF) ou culturels (UMR 7049 OSC). Dans une approche qualitative, on s’intéresse aux dynamiques de subjectivation des valeurs traversant la constitution des liens sociaux (UMR 8070 CERLIS) et influençant la formation des mouvements sociaux (UMR 8039 CADIS). Le caractère conflictuel de la coexistence d’orientations de valeurs différentes aux différents niveaux de l’organisation sociale constitue aussi aujourd’hui un thème de recherche à part entière (UMR 7367 Dynamiques européennes). On assiste enfin à l’essor de l’analyse des valeurs en combinaison avec la thématique du genre et des discriminations (UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 8019 CLERSÉ, UMR 7217 CRESSPA). Parmi les analyses centrées davantage sur les dynamiques macroscopiques, on étudie l’évolution des valeurs sous-jacentes à la production normative au niveau européen (UMR 7319 CURAPP-ESS).

4. Droit, sociologie et religions

Les thématiques développées en droit et sociologie des religions concernent les enjeux contemporains de la laïcité dans les sociétés européennes affectées par le phénomène de la sécularisation, avec notamment la réévaluation des rapports Églises/États au prisme des traditions propres à chaque État, et plus généralement la problématique des rapports entre droit et religions dans toutes ses dimensions. Dans une perspective juridique et sociologique, la recomposition du religieux en Europe, la place des minorités et l’analyse des discours à l’aune des textes fondateurs des religions (UMR 7354 DRES) coexistent avec une approche historique de la normativité canonique, dont l’influence est décisive sur la formation d’une culture juridique européenne qu’il s’agisse des modèles politiques, des institutions publiques mais aussi du droit privé (UMR 7184 IHD, UMR 8178 IMM – équipe CENJ).

La sociologie des religions est fortement représentée au Centre Émile Durkheim (UMR 5116), qui analyse les formes variées d’identifications religieuses et leurs effets politiques et comportementaux, et au sein de l’équipe LISST-CAS (UMR 5193), où le religieux est étudié à travers la transmission sociale des savoirs et des pratiques. La sociologie des religions intéresse aussi d’autres champs de recherche (inégalités, discriminations, mobilisations, migrations et réseaux transnationaux, etc.). L’articulation genre/religions fait l’objet de travaux de jeunes chercheurs. Ce thème émergent est présent dans certains laboratoires de la section 36 (par exemple : UMR 8156 IRIS).

D. Inégalités et stratification

1. Stratification et rapports de classe

Sur ces thématiques, la section abrite des équipes issues de divers courants théoriques : approches en termes de stratification sociale (UMR 8097 CMH – équipe GRECO, UMR 8598 GEMASS), approches en termes de classes et de rapports de classe (UMR 8097 CMH – équipe ETT, UMR 7217 CRESSPA), approches en termes d’espace social (UMR 8209 CESSP). Ces recherches, qui mêlent enquêtes de terrain et méthodes statistiques, portent sur la définition et la mesure des inégalités (UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 8598 GEMASS, UMR 2773 GRECSTA – équipe LSQ, UMR 7049 OSC), envisagées dans la pluralité de leurs dimensions : économiques, sociales, culturelles, spatiales, inégalités entre les âges et les générations, mais aussi sur leur perception subjective (UMR 8097 CMH – équipe GRECO, UMR 8598 GEMASS), leur régulation institutionnelle (UMR 8097 CMH – équipe ERIS, UMR 7363 SAGE) et les opérations de catégorisation (UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 2773 GRECSTA – équipe LSQ, UMR 8085 PRINTEMPS). Certaines unités ont développé une expertise sur la sociologie des élites (UMR 8209 CESSP), tandis que d’autres ont renouvelé l’étude des classes moyennes et populaires (UMR 8070 CERLIS, UMR 8097 CMH – équipe ETT, UMR 7217 CRESSPA). Dans ce domaine, les potentialités d’internationalisation sont importantes, via l’insertion dans des réseaux de recherche internationaux dans lesquels le CNRS joue, pour la France, un rôle prépondérant.

2. Mobilités sociales et effets de domination

Les questions de mobilité sociale alimentent des recherches qui associent souci de la mesure et de la modélisation (UMR 8598 GEMASS, UMR 2773 GRECSTA – équipe LSQ, UMR 7049 OSC) et approches compréhensives de l’expérience de la mobilité et de ses conséquences (UMR 5283 Centre Max Weber, UMR 8097 CMH – équipe ETT). Nombre de ces recherches s’articulent avec un questionnement sur les inégalités scolaires (UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 8598 GEMASS, UMR 7049 OSC). D’autres problématiques mettent l’accent sur les effets de domination associés aux rapports entre les groupes sociaux (UMR 8209 CESSP, UMR 7217 CRESSPA).

3. L’inscription spatiale des inégalités

L’inscription spatiale des inégalités n’est pas l’apanage de la seule sociologie urbaine ; elle intéresse également la sociologie de la culture, la sociologie de l’éducation, la sociologie de la santé et encore la sociologie de l’action publique. La thématique est ainsi au cœur de plusieurs unités dans lesquelles elle est abordée sous des angles divers : ségrégation socio-économique et/ou ethno-raciale, logement et habitat, banlieues défavorisées, injustices, discriminations, problématiques environnementales, etc. (UMR 5116 Centre Émile Durkheim, UMR 8097 Centre Max Weber, UMR 8019 CLERSÉ, UMR 8598 GEMASS, UMR 7305 LAMES, UMR 7049 OSC). Elle alimente par ailleurs le dialogue entre géographes et sociologues (UMR 6590 ESO). La création récente du Labex « Intelligence des mondes urbains » a pour ambition d’animer les recherches sur cet ensemble de questions.

Du point de vue du droit, les recherches sur cette thématique portent sur l’articulation entre les espaces supra-étatiques et infra-étatiques dans la prise en charge des inégalités, qui se trouve ainsi abordée sous l’angle de la conciliation entre l’universalité des droits de l’homme et la diversité de leurs mises en œuvre. La jonction entre le local et le global pose notamment la question du contenu à donner à la notion de décentralisation (UMR 8103 Droit comparé) et, plus largement, celle de la pérennité de ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle républicain français » (UMR 7106 CERSA). Au-delà, la problématique de la « territorialisation des droits de l’homme » ou de « droits de l’homme locaux » rejoint celle de la justice environnementale, notamment dans le contexte des défis du changement climatique.

4. Genre

La thématique du genre a connu un essor au cours de ces dernières années, en partie grâce au soutien institutionnel dont elle a bénéficié. En sociologie, certaines unités ont fait de cette thématique un axe de recherche à part entière (UMR 5195 LISST, UMR 8156 IRIS, UMR 7217 CRESPPA – équipe GTM) ; dans d’autres elle est présente de façon transversale. Les travaux portent principalement sur les rapports sociaux de sexe et la construction des identités sexuées (UMR 5195 LISST, UMR 8562 Centre Norbert Elias), les sexualités et leurs sociabilités (UMR 5195 LISST, UMR 8156 IRIS), les migrations genrées (UMR 8245 URMIS, UMR 7305 LAMES), les discriminations liées au genre (UMR 5116 Centre Émile Durkheim, UMR 8178 IMM, UMR 7170 IRISSO, UMR 3320 LISE) ou encore le travail (UMR 8019 CLERSÉ, UMR 7217 CRESPPA – équipe GTM). Au-delà, les recherches se développent sur les effets conjugués de différents types de dominations (race, classe, sexe). À travers cet intérêt pour l’intersectionnalité, la thématique du genre fait aujourd’hui l’objet de réflexions bien au-delà des seuls laboratoires spécialisés et pèse sur les évolutions plus générales des questionnements sociologiques.

Encore limitées, les réflexions juridiques sur le genre commencent seulement à se développer en France. À travers des travaux portant par exemple sur l’accès à la procréation et à la filiation ou sur la place des femmes dans le droit international, c’est plus généralement la question des tensions entre identité juridique et identités biologique, génétique, psychique qui a été investie (UMR 7074 CTAD, UMR 7106 CERSA, UMR 8103 Droit comparé, UMR 7354 DRES).

5. Migrations

L’étude des migrations connaît un renouvellement dans un contexte où les migrations internationales constituent elles-mêmes un phénomène qui a évolué aussi bien par son ampleur que par la diversité des catégories de migrants (étudiants, expatriés, réfugiés, demandeurs d’asile, clandestins, travailleurs transfrontaliers, saisonniers, binationaux, etc.) (UMR 8097 CMH, UMR 7367 Dynamiques européennes, UMR 8156 IRIS, UMR 7305 LAMES, UMR 8245 URMIS). Ces dernières années les recherches ont particulièrement analysé les effets des crises politiques et économiques sur les mouvements migratoires, qu’il s’agisse des répercussions des bouleversements à l’œuvre dans la région du Maghreb et du Machrek (UMR 7310 IREMAM, UMR 7305 LAMES) ou des effets de la crise économique et financière sur l’émergence de flux migratoires issus des classes moyennes de certains pays industrialisés vers des pays plus pauvres (UMR 8039 CADIS), ainsi que sur la féminisation de la mobilité internationale (UMR 5283 Centre Max Weber, UMR 7305 LAMES). Ces recherches soulignent plus largement une inégalité d’accès à l’emploi, de nouvelles formes de précarisation sociales produites par les politiques migratoires qui sont de plus en plus sélectives et tendent à favoriser les migrations temporaires (UMR 7317 LEST, UMR 3320 LISE, UMR 8245 URMIS).

6. Discriminations et minorités

Les travaux consacrés à la lutte contre les discriminations se renouvellent par l’actualité du traitement juridique des étrangers (UMR 7318 DICE) et des minorités religieuses (UMR 7354 DRES), des questions de l’orientation sexuelle des individus et de son appréhension par le droit, ou bien encore des difficultés d’accès à l’emploi de certaines minorités (personnes handicapées, etc.) et du traitement juridictionnel des pratiques discriminatoires dans le milieu du travail (UMR 7136 CERSA), etc. Certaines études explorent également les enjeux liés aux modes de preuve (statistiques, tests génétiques) (GDR 3178 Réseau Droit, sciences et techniques) ou de certains moyens de lutte (positive action, suppression du mot « race » des textes juridiques, etc.). En sociologie, la question des discriminations est le plus souvent traitée à la croisée d’une sociologie des usages du droit et d’une sociologie des revendications d’égalité (UMR 8097 CMH – équipe PRO, UMR 8178 IMM, UMR 7220 ISP).

E. Justice, droits et usages du droit

Le fonctionnement de la justice (institutions, procédure(s), motivation des décisions, raisonnement, argumentation et justification juridique) est au cœur des recherches menées par les juristes et les sociologues du droit. Certaines questions traditionnelles sont renouvelées (comme la codification du droit abordée sous l’angle des nouvelles configurations normatives et institutionnelles). D’autres, plus contemporaines, bénéficient d’une perspective historique (modes de résolution des conflits, rapports entre modes judiciaire et extra- ou infra-judiciaire de résolution). Se développent aussi des travaux sur la sociologie des professions judiciaires (magistrats, avocats…) et sur les règles de déontologie (en partenariat avec l’ENM et les barreaux) (UMR 7366 CGC, UMR 8025 CHJ, UMR 7184 IHD, UMR 8103 droit comparé).

1. Histoire du droit et enjeux contemporains

Les historiens du droit se retrouvent autour de la compréhension de la genèse et de la généalogie des normes et des décisions de justice. L’histoire du droit nourrit ainsi les réflexions sur les enjeux contemporains et sur la prospective. Par exemple, les recherches en histoire du droit et de la justice coloniale, domaine dans lequel les unités CNRS ont été de véritables précurseurs (UMR 8025 CHJ, UMR 5815 Dynamiques du droit, UMR 7184 IHD, UMR 7366 CGC), s’intéressent à des questions très actuelles – telles que l’hybridation ou l’acculturation des normes juridiques et des pratiques judiciaires – et participent aux grands débats de société – par exemple autour de la question de la citoyenneté ou des rapports entre droit et religion. Ces travaux facilitent par ailleurs grandement les comparaisons opérées par les juristes positivistes entre systèmes continentaux et anglo-saxons dans un monde globalisé. On observe aujourd’hui de nombreuses synergies entre théoriciens et historiens du droit ainsi que l’émergence de travaux dédiés aux rapports entre droit et littérature ou à une approche culturelle de l’histoire du droit s’inscrivant dans le courant des cultural studies (UMR 7074 CTAD, UMR 7366 CGC).

2. Libertés publiques, droits fondamentaux et nouveaux standards internationaux

Les libertés publiques et les droits fondamentaux ne sont plus l’apanage des constitutionalistes. De nombreuses recherches s’inscrivant dans un cadre européen et transnational (UMR 7318 DICE, UMR 6262 IODE), intègrent une analyse des décisions de la cour européenne des droits de l’homme et de leur impact sur les droits internes. Elles invitent souvent à des comparaisons (par ex. avec l’Amérique latine). Une importante réflexion théorique et doctrinale sur les droits fondamentaux et libertés publiques (y compris la problématique de la limitation des droits fondamentaux dictée par l’ordre public) se développe à partir de questions de société telles que le handicap physique et psychique, la bioéthique ou encore internet et les banques de données.

3. Droit et sociologie pénale

Le droit pénal et ses lieux de convergence avec la criminologie et la sociologie pénale constituent depuis longtemps un domaine de recherche privilégié pour les laboratoires de droit. Leurs travaux sur la délinquance (en particulier la délinquance des mineurs), la récidive, la dangerosité, les peines et leurs alternatives ou encore les usages judiciaires et politiques de la statistique pénale font référence (UMR 7074 CTAD, UMR 7184 IHD, UMR 6297 DCS, UMR 8103 Droit comparé]. Certains outils innovants – telle que la plate-forme Criminocorpus – ont fourni un terrain particulièrement propice à la vulgarisation des recherches menées avec des historiens (notamment de la section 33 de l’INSHS) sur la presse et l’iconographie judiciaire. On observe aujourd’hui, dans le champ pénal, un intérêt marqué pour les études pénitentiaires (en partenariat avec l’ENAP) qui renouvellent les questionnements sur la peine, la réinsertion, la violence en milieu fermé, la récidive ou encore l’architecture judiciaire, mais qui abordent également de nouvelles problématiques telles que le fait religieux en prison, la formation et la réinsertion des détenus et le respect des droits fondamentaux en milieu carcéral.

La sociologie pénale – qu’elle privilégie l’analyse de la construction des normes, celle des modes de vie déviants, celle des modalités institutionnelles de leur répression ou de leur régulation, etc. – est présente dans plusieurs unités (UMR 8183 CESDIP, UMR 7220 ISP, UMR 8156 IRIS, UMR 8019 CLERSÉ, le Groupement de recherche européen sur les normativités – GERN – qui rassemble de nombreuses institutions étrangères et françaises). Parmi les thématiques émergentes, on peut citer le rôle des nouvelles technologies de surveillance et de sécurité, les discriminations sociales et judiciaires à l’égard des minorités. Particulièrement notable est le développement depuis les années 2000, parallèlement aux travaux menés en droit, des recherches sur l’enfermement, qu’il soit judiciaire (prisons) ou administratif (centres de rétention), et ce dans une perspective de plus en plus interdisciplinaire et internationale. La question des rapports entre pénalité (et plus largement coercition) et santé (physique et mentale) est également l’un des points de focalisation de ces recherches. Sont aussi abordés des thèmes comme la justice des mineurs ou la répression des émeutes populaires, dans le contexte du tournant sécuritaire et plus largement des transformations du maintien de l’ordre dans les sociétés néolibérales. La question générale des rapports entre justice et société, y compris sous une perspective historique, est bien représentée, quoique la dimension proprement économique des processus ne soit pas toujours suffisamment traitée. En revanche, certains thèmes majeurs, comme les usages sociaux des drogues, ou la surveillance de masse privée et publique, sont relativement peu couverts par la sociologie actuelle soutenue par le CNRS. Par ailleurs, le regain récent de travaux autour de la « délinquance en col blanc » mérite d’être encouragé, tout comme ceux portant sur la recomposition de la gestion des normes et des déviances sous l’effet de la sophistication technologique.

4. Droit, institutions et rapports au droit

Les recherches en sociologie du droit portent, entre autres, sur la juridicisation des rapports sociaux ou les effets de l’introduction d’une logique gestionnaire et managériale dans l’appareil judiciaire. La question des usages sociaux du droit (envisagé autant comme ressource que comme contrainte) et de l’appropriation (socialement différenciée) des règles en situation domine les préoccupations de recherche en la matière (par ex. les associations de défense d’une cause, les justiciables individuels étudiés selon leur condition sociale ou économique). L’articulation entre droit et discriminations, notamment du point de vue du genre, ainsi que les rapports entre raison juridique et raison humanitaire, constituent également des axes de recherche privilégiés (UMR 8026 CERAPS, UMR 9097 CMH, UMR 8178 IMM, UMR 7363 SAGE).

F. Santé, environnement, nature

Les thèmes de la santé et de l’environnement occupent une place croissante dans l’actualité comme dans l’agenda politique. D’où sans doute une certaine incitation pour les sociologues et juristes à accélérer le renouvellement de leurs objets et de leurs collaborations. L’étude de la « santé mentale » (qui se substitue désormais à celle de la « maladie mentale ») est l’occasion de rapprochements inédits avec les spécialistes de la déviance, du lien social, de l’éthique ou encore de l’action publique. On observe également une multiplication des collaborations entre publicistes, privatistes et historiens du droit ainsi que le développement de travaux interdisciplinaires avec des professionnels de la santé, de l’environnement ou du vivant. Les chercheurs CNRS apparaissent comme décisifs pour le montage de projet collaboratifs et l’internationalisation de la recherche sur des objets situés à la confluence des champs sanitaire, environnemental et/ou technologique.

1. Droit et sociologie de la santé

Le développement de la thématique santé a bénéficié, ces dernières années, du lancement de nombreux plans de santé publique comprenant un volet « recherche SHS » (plan addictions, plan cancer, plan Alzheimer, plan autisme, etc.). Même si des progrès restent à faire pour mieux interagir avec la demande publique, la majorité des unités de recherche relevant de la section 36 affiche (parfois de façon secondaire) un axe ou une thématique santé. Parmi les thématiques les plus visibles, en sociologie comme en droit, il convient de citer l’articulation entre sphères médicale et pénale (UMR 6297 DCS, UMR 8183 CESDIP, UMR 8156 IRIS), les problèmes liés au vieillissement, à la perte d’autonomie et à la dépendance (UMR 6297 DCS, UMR 7106 CERSA, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 8211 CERMES, UMR 5195 LISST, UMR 6262 IODE, UMR 6297 DCS, UMR 8103 Droit comparé), ou encore la régulation des marchés, l’innovation et la mondialisation dans le domaine des médicaments et de la santé (UMR 5815 Dynamiques du droit, UMR 6295 CREDIMI, UMR 8211 CERMES). La compétence de certaines UMR est particulièrement précieuse dans des domaines réglementaires pointus, en constante évolution et pour lesquels un recul critique apparaît d’autant plus nécessaire que les décisions politiques semblent fréquemment relever de la gestion de crise. Il en va ainsi notamment du droit de la sécurité sociale, des médicaments ou des dispositifs médicaux. Différents efforts de structuration et de regroupement ont été entrepris, comme la création du GDR 3662 consacré à la thématique de la longévité et du vieillissement, sous l’égide des sections 36 et 37, ou encore le rapprochement géographique de l’IRS, de l’EHESP et de l’INED sur le site de la MSH Paris-Nord.

2. Droit et sociologie de l’environnement

Les enjeux environnementaux contemporains se caractérisent par la difficulté qu’il y a à circonscrire leurs conséquences, puisque celles-ci sont parfois difficilement quantifiables, inscrites dans le très long terme, et souvent transfrontalières. Ce caractère transnational implique la mobilisation des sources de droit international (conventions internationales, droit de l’union européenne, jurisprudence de l’OMC, etc.). Ce qui facilite les collaborations avec les chercheurs étrangers et la création de réseaux de recherche à grande échelle. Les travaux sont centrés sur des objets, souvent complexes, auxquels sont associés des politiques européennes : droit de l’eau, droit des déchets et des pollutions, droit de la biodiversité marine, OGM, etc. (UMR 7318 DICE, UMR 6262 IODE, UMR 6297 DCS, UMR 8103 Droit comparé). Ils cherchent également à resituer les enjeux environnementaux dans un contexte territorial plus étroit, en lien avec l’aménagement du territoire et les questions urbaines (UMR 6297 DCS, UMR 7305 LAMES, UMR 7363 SAGE, UMR 6590 ESO). La question de la responsabilité sociale des acteurs, en particulier des entreprises transnationales, est également traitée (UMR 7321 GREDEG, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 7319 CURAPP-ESS, UMR 7363 SAGE). Enfin les chercheurs CNRS s’intéressent aux comportements et aux croyances des consommateurs-citoyens (UMR 7049 OSC, UMR 8562 Centre Norbert Elias, UMR 7367 Dynamiques européennes).

3. Alertes, dangers et dommages

Il existe en France une solide tradition de recherche sur les controverses sociotechniques et les actions collectives suscitées par des risques émergents (UMR 7185 CSI, UMR 8178 IMM), et cette thématique reste aujourd’hui toujours vivace. L’émergence de nouveaux paradigmes, comme celui du droit du risque ou celui du droit des sciences et des techniques, annonce de nouvelles configurations au sein de l’ordonnancement juridique. Les travaux sur l’expertise, les agences sanitaires environnementales et les « lanceurs d’alerte » participent de cette réflexion. Une attention particulière est accordée aux risques associés au nucléaire civil et aux déchets radioactifs induits (UMR 7305 LAMES, UMR 8026 CERAPS, UMR 8178 IMM), aux risques induits par les nanomatériaux (FRE 3500 CECOJI, UMR 8103 Droit comparé, UMR 6262 IODE) ou au domaine plus large des risques professionnels, dont certains sont nouveaux mais pas nécessairement liés à l’usage de nouvelles technologies (UMR 8156 IRIS, UMR 5114 COMPTRASEC). À la jonction du droit de la responsabilité, du droit procédural et du droit de la consommation ou de l’environnement, l’élargissement de la qualité pour agir des associations et l’admission de l’action de groupe a également fait l’objet de beaucoup de publications.

4. Travail, santé et environnement

Parmi les risques sanitaires et environnementaux figurent ceux liés à l’environnement de travail. Les recherches se sont développées à la faveur de plusieurs contrats de recherches et partenariats, dont le DIM Groupe d’études sur le travail et la souffrance au travail (GESTES) qui mobilise 24 organismes de recherche ou d’enseignement supérieur, trente équipes de recherche et plus de deux cents chercheurs. Les maux psychiques du travail ont particulièrement cristallisé l’attention des chercheurs, dans un contexte marqué par une forte médiatisation de ce que l’on appelle désormais largement les « risques psycho-sociaux ». Plusieurs unités de recherche consacrent par exemple un axe à la thématique des nouveaux risques professionnels, des nouveaux concepts de mise en ordre des dispositifs de protection de la santé des travailleurs (UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 6262 IODE) et des nouveaux outils juridiques mobilisés. Les difficultés nées de l’incompréhension des implications du principe de précaution sur le terrain de la santé au travail soulignent un peu plus la nécessité d’une mise en cohérence des outils juridiques du droit du travail et du droit de l’environnement. Plusieurs recrutements récents au CNRS devraient contribuer à renforcer ce pôle de recherche qui revêt une importance toute particulière au regard des transformations actuelles du travail.

5. Inégalités de santé et d’exposition aux risques, justice environnementale

La différenciation sociale des expositions aux risques et des états de santé, qui peut apparaître comme un nouveau principe de stratification sociale, donne lieu à des analyses sociologiques qui s’inscrivent souvent dans une perspective quantitativiste (UMR 8097 CMH, UMR 5116 Centre Émile Durkheim). La sphère professionnelle constitue l’un des lieux privilégiés où se matérialise cette différenciation sociale, dont s’empare ainsi à son tour la sociologie du travail (UMR 6123 LEST). Sur un versant plus axé sur le droit et la sociologie politique, certains travaux interrogent les politiques sanitaires et sociales. Quelques travaux notables ont été menés sur les politiques de lutte contre la pauvreté et les exclusions, les politiques d’accès et de lutte contre le non-recours aux droits sociaux, les actions et dispositifs visant à réduire les inégalités sociales et territoriales (en matière de santé, de logement, etc.) (UMR 7106 CERSA, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 5137 CERCRID). La problématique de l’environmental justice, très développée outre-Atlantique, reste encore peu explorée en France. La problématisation de l’accès aux soins pour certains groupes de populations reste à investir mais se heurte à d’importantes difficultés, tenant pour partie au contexte juridique français et pour partie au risque éthique induit, notamment le risque de participer à une forme de stigmatisation en mettant au jour des pratiques et des réalités ostracisantes.

G. Sciences, innovations et techniques

Longtemps restreinte à quelques unités pionnières et spécialisées telle que l’UMR 7185 CSI, le domaine des sciences, des techniques et de l’innovation tend aujourd’hui à se développer comme une composante thématique au sein de nombreuses unités du CNRS. Il est désormais exploré par un nombre important d’UMR juridiques (UMR 8026 CERAPS, FRE 3500 CECOJI, UMR 7106 CERSA, UMR 7318 DICE, UMR 5815 Dynamiques du droit, UMR 6262 IODE, UMR 6297 DCS, UMR 8103 Droit comparé) et un réseau de recherche (GDR 3178). Les recherches juridiques dédiées aux relations entre le droit et les sciences empiriques interrogent les modalités de prise en charge de l’incertitude ou de la crise de légitimité des savoirs experts, notamment par une réflexion sur les dispositifs d’information, d’expertise ou d’échanges entre experts et profanes. D’autres développent une réflexion sur la manière dont le langage et le savoir scientifique circulent et pénètrent des champs variés (UMR 7074 CTAD, UMR 8103 Droit comparé, UMR 5137 CERCRID, FRE 3500 CECOJI).

Certaines réformes ont contribué à cette généralisation de l’étude des sciences et techniques. La création récente du projet ISIS (« Interactions between Science, Innovation and Society ») dans le cadre du futur campus Paris Saclay donne par exemple la possibilité de fédérer des unités sociologiques et juridiques « UMR 8183 CESDIP, UMR 8085 PRINTEMPS, UMR 8533 IDHES) autour de thèmes de recherche comme le développement des nouvelles technologies, l’évolution des professions scientifiques ou de l’organisation du travail scientifique. L’importance accordée au financement d’approches interdisciplinaires a contribué à soutenir une socio-géographie des lieux de production des sciences et techniques à partir du développement de méthodes originales de géocodage des données des bases bibliométriques internationales (UMR 5193 LISST). C’est ce même intérêt pour l’évolution de l’internationalisation des sciences qui réunit sociologues et historiens dans le développement d’une histoire sociale comparée des sciences humaines et sociales (UMR 8209 CESSP).

Les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche sont à l’origine d’un renouveau d’intérêt, parfois critique, pour l’étude de la gouvernance des sciences et celle des rapports entre expertise et action publique (UMR 7363 SAGE, UMR 7367 Dynamiques Européennes, FRE 3593 SND). La critique contemporaine de la marchandisation de la science alimente de nombreux travaux empiriques cherchant à tester l’hypothèse d’une transformation radicale des cadres normatifs de la recherche. L’étude de fronts de recherche tels que les nanotechnologies ou la thérapie cellulaire montre toutefois l’intérêt de ne pas avoir une vision trop étroite de la régulation sociale de la recherche (UMR 8598 GEMASS). L’actualité en matière de recherche biomédicale, de soins, de fins de vie ou d’utilisation des cellules embryonnaires à des fins expérimentales retient l’attention de nombreux chercheurs en raison de la complexité de ses composantes normatives. De même le développement technologique contribue à la démultiplication des objets de recherche : géolocalisation des téléphones mobiles, cybercriminalité (UMR 5815 Dynamiques du droit), Internet et open access, intelligence artificielle, administration numérique (UMR 7106 CERSA), neurosciences (UMR 6297 DCS, UMR 8103 Droit comparé), technologies de surveillance (UMR 6297 DCS), traçabilité, reconnaissance et gestion des victimes de catastrophes (UMR 8026 CERAPS), etc. Ce développement permet également de renouveler des thématiques plus anciennes. Ainsi les modes d’appropriation et d’attribution de droits – ou modèles propriétaires – qui s’appliquent à des objets aussi variés que des œuvres de l’esprit et des inventions, des collections d’échantillons biologiques, des banques de données, des organismes vivants, etc. mettent aujourd’hui à l’épreuve la conception classique unifiée de la propriété (FRE 3500 CECOJI, UMR 8103 Droit comparé).

Certaines actions de politique régionale de la recherche soutiennent les réseaux de recherche associés aux unités du CNRS. C’est le cas par exemple pour la région Île-de-France avec le DIM Innovation, Sciences, Techniques, Société (IS2-IT) qui finance depuis 2011 des travaux sur les processus d’innovation en société, la transformation des régimes et institutions de production de connaissances ou encore les échelles de gouvernement par la science. Malgré cette structuration récente et notable de l’étude des sciences et des techniques au CNRS (il faut mentionner la création en 2012 de la CID 53 Méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques à laquelle participe la section 36), certaines thématiques restent encore trop en retrait. Le rapport de conjoncture 2010 notait l’insuffisance de travaux consacrés aux fraudes scientifiques alors même que leur visibilité semblait sans cesse croissante. Le constat demeure quatre ans plus tard identique et il semble urgent d’investir ce terrain tant sur le plan théorique qu’empirique.

H. Travail, marchés et protections sociales

1. Droit et sociologie économiques

La sociologie économique poursuit son essor observé au CNRS depuis la fin des années 1990. Les recherches portent aussi bien sur les structures que sur les acteurs de la vie économique, sur les discours et les normes que sur les médiations techniques qui encadrent les activités économiques. Elles concernent, par exemple, les conditions de fonctionnement de différents marchés, les indicateurs de richesse, les modes de consommation ou les élites financières, sans compter des thèmes traditionnels comme le travail et l’emploi. Si ce domaine de recherche est central pour certaines unités (UMR 8019 CLERSÉ, UMR 7170 IRISSO, UMR 8533 IDHES), il est aussi représenté de façon plus secondaire de nombreuses unités plus généralistes (UMR 3320 LISE, UMR 8097 CMH, UMR 8598 GEMASS). Le GDR Économie et sociologie, qui rassemble une vingtaine d’unités, a contribué à structurer ce domaine. À l’échelle internationale, il faut noter que le siège de la Society for the Advancement of Socio-Economics (SASE), est hébergé par l’UMR 7116 CSO. Enfin plusieurs recrutements récents en qualité de chargés de recherche assurent la pérennité de ce domaine de recherche dont l’utilité est de plus en plus reconnue depuis la « crise » internationale du capitalisme financier.

Cette crise a contribué à stimuler les recherches en droit économique. Mobilisant les apports de la sociologie, des sciences religieuses et de l’histoire économique, elles portent sur l’analyse économique du droit, l’étude du marché et de la production normative correspondante (UMR 5815 Dynamiques du droit, UMR 8026 CERAPS, UMR 7181 ERMES, UMR 7321 GREDEG, UMR 6295 CREDIMI). De fait la législation récente sur le droit de la consommation a des répercussions sociales qui restent encore à mesurer. Les crises récentes ont également suscité des questionnements relatifs à l’articulation entre la finance (techniques, aspects sociologiques, normativité) et les principes religieux (UMR 7354 DRES). Elles ont révélé les difficultés d’articulation entre éthique, droit et religion (UMR 6262 IODE) dont l’étude s’avère propice à de nombreuses approches interdisciplinaires. Le droit économique aborde enfin les problématiques suscitées par les nouvelles technologies : les cybermenaces et la cybercriminalité économique (UMR 7354 DRES, UMR 5815 Dynamiques du droit).

2. Droit et sociologie du travail

En dépit des découpages institutionnels qui associent ce domaine plutôt à la section 40, la sociologie du travail demeure très présente en section 36. Au-delà de la sociologie industrielle et de la sociologie de l’entreprise, les thématiques de l’emploi, du chômage et des professions ont connu des développements significatifs (UMR 8097 CMH, UMR 8533 IDHE, UMR 7317 LEST, UMR 3320 LISE, UMR 8085 PRINTEMPS. À l’inverse, l’étude juridique du monde du travail connaît un déclin relatif. Les avancées dans le domaine du droit du travail semblent désormais surtout liées aux travaux sur des thématiques transverses, telles que les difficultés d’accès à l’emploi rencontrées par certaines minorités (personnes souffrant d’un handicap, femmes…), l’étude des pratiques discriminatoires et de leur traitement juridictionnel, l’étude des nouveaux risques professionnels (dont les risques psycho-sociaux) des outils juridiques destinés à assurer la protection des salariés, les nouvelles règles régissant les mobilités professionnelles (UMR 7136 CERSA, UMR 5114 COMPTRASEC, UMR 6262 IODE, UMR 6297 DCS).

3. Droit et politiques sociales

En dépit du poids que représentent les dépenses sociales dans l’économie nationale ainsi que, plus largement, dans la plupart des États-membres de l’UE, l’étude du droit de la protection sociale lato sensu (sécurité sociale complétée par l’aide et l’action sociales) n’occupe qu’une place encore trop limitée dans le champ de la recherche juridique. Parmi les questions actuellement les plus souvent explorées il faut citer notamment celles des mutations auxquelles se trouve confronté aujourd’hui le système global de protection sociale, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sociales tant nationales que locales, l’impact de la construction européenne sur le fonctionnement des institutions sanitaires et sociales, les transformations du travail social, les politiques d’« activation » des bénéficiaires de la protection sociale ou encore les nouvelles articulations entre l’assurance sociale obligatoire et l’assurance privée (UMR 7106 CERSA, UMR 5194 PACTE, UMR 6262 IODE, UMR 5114 COMPTRASEC).

Conclusion

L’ensemble des éléments de prospective qui peuvent être tirés des développements présentés dans ce rapport demeurent principalement conditionnés par la situation de l’emploi scientifique. En premier lieu, le poids de l’emploi précaire, particulièrement du côté des emplois de soutien à la recherche, souligne la nécessité d’une politique ambitieuse pour le recrutement et l’affectation d’ITA dans les unités de la section, tenant compte de la diversité de leurs besoins. Les éléments de démographie de la section évoqués précédemment, dans un contexte encore marqué par la chute extrêmement prononcée des effectifs enregistrée dans les années 2000, plaident aussi pour la poursuite d’un scénario ambitieux de recrutement de chercheurs, autour de huit par an, condition pour assurer la capacité de recherche du CNRS dans les domaines couverts par la section. Sur ces deux plans, la situation de la section illustre plus globalement, l’enjeu d’un plan pluriannuel de recrutement, seul à même d’anticiper les besoins et d’entretenir le vivier de candidatures nécessaire.

Les unités de sociologie et les unités de droit présentent par ailleurs des traits contrastés, qu’il convient d’avoir présents à l’esprit dans l’élaboration de la politique d’emploi scientifique de la section. Du côté de la sociologie, la section reste marquée par une forte concentration parisienne des personnels et des unités. Cette concentration francilienne est beaucoup plus sensible au CNRS qu’à l’université, au risque d’une déconnexion croissante, dans cette discipline, entre l’activité scientifique du CNRS et celle des universités. Il convient donc de renforcer les moyens mis en œuvre pour corriger ce déséquilibre en développant les incitations à l’affectation dans les unités situées hors Île-de-France et en dotant celles-ci des moyens nécessaires à leur fonctionnement. Ce rééquilibrage ne s’impose en revanche pas en droit, où les unités comme les personnels sont d’ores et déjà beaucoup mieux répartis sur l’ensemble du territoire, ce qui autorise une forte articulation avec la politique scientifique des universités, mais fragilise parfois la visibilité d’équipes dans lesquels les personnels du CNRS demeurent relativement peu nombreux.

S’agissant du profil des emplois de chercheurs, le principe du recrutement de chercheuses et de chercheurs sur des postes « blancs », sans détermination de profils ou d’affectations a priori, seul à même d’assurer le dynamisme et la réactivité d’équipes de recherche dont les orientations ne peuvent être entièrement planifiés, doit être défendu. Lorsque des profils de postes sont néanmoins rendus nécessaires, qu’il s’agisse d’assurer la pérennité de domaines de recherche fragilisés ou de faciliter l’émergence de nouvelles orientations, il convient que ceux-ci s’inscrivent dans des dispositifs souples ; qu’ils fassent l’objet d’une réelle concertation avec la section et, plus largement, avec les milieux de la recherche concernés ; qu’ils s’inscrivent dans une logique pluriannuelle, de manière à pouvoir s’articuler avec les politiques de formation des écoles doctorales ; enfin qu’ils demeurent en proportion raisonnable dans l’ensemble des postes ouverts au concours.

S’agissant des orientations stratégiques de la section, les efforts d’internationalisation de la recherche demandent à être poursuivis et encouragés, par le soutien aux réseaux et aux unités implantées à l’étranger (UMI, UMIFRE, LIA…) ; par le développement des aides à la traduction et à l’édition ; par la formation des jeunes chercheurs et, plus en amont, des doctorants, à l’écriture scientifique à destination des publications internationales ; par une action en faveur d’une meilleure prise en compte des revues françaises dans les grandes bases de données bibliographiques internationales. De même, la restructuration par objets et thématiques des priorités scientifiques définies dans le cadre de la stratégie nationale de recherche et d’innovation appelle au soutien d’une conception raisonnée de l’interdisciplinarité lorsque celle-ci fait sens du point de vue des objets de recherche et des domaines disciplinaires incités à collaborer. En tout état de cause, la poursuite d’objectifs ambitieux dans tous ces domaines appelle un soutien sur la durée aux équipes de recherche et donc un renforcement des crédits récurrents qui leur sont alloués.

Du bilan prospectif qui peut être dressé de ce rapport de conjoncture émergent diverses thématiques et approches qui pourraient justifier un soutien spécifique. En sociologie comme en droit, les questions liées à l’organisation collective des solidarités et au champ sanitaire et social (sécurité sociale, assurances, vieillesse, handicap…), ainsi que les questions d’information, de transparence et de surveillance (traçabilité, vie privée, dispositifs de surveillance…) mériteraient d’être soutenues. La question de l’émergence de nouvelles classes patrimoniales et des transformations qu’elle implique dans les sociétés européennes nécessite aussi un renouvellement des approches de la stratification sociale et des inégalités. Plus largement, la question de la crise de la société-nation, qui traverse nombre des objets traités par la recherche dans les disciplines de la section appelle une attention transversale.

À l’interface de la sociologie et du droit, les recherches consacrées aux dynamiques de revendication des droits subjectifs et de quête identitaire devraient aussi être encouragées. Une attention particulière pourrait être accordée à ce titre aux questions de sociologie des religions. Par ailleurs, les questions de santé et d’environnement continuent de mériter une attention particulière, de même que les questions relatives aux rapports entre science et société.

Les questions d’archivage et d’analyse des données, de modélisation et de traitement statistique qui connaissent des développements multiformes (analyse de réseaux, simulation multi-agents, analyse géométrique des données, méthodes économétriques appliquées aux sciences sociales, big data, etc.) justifient également le maintien d’un soutien spécifique.

Enfin, le CNRS devrait continuer d’appuyer les recherches dans les domaines de l’histoire et de la théorie du droit, avec une attention particulière pour l’approche comparée du droit, dans le temps comme dans l’espace et en particulier les comparaisons avec les autres modèles juridiques et judiciaires. Le contexte de crise sociale et économique que traversent les sociétés européennes devrait aussi inciter au développement des recherches dans les domaines du droit économique et du droit des affaires, et plus largement des recherches consacrées aux rapports entre droit et éthique.

Il reste que si la section entend se positionner par rapport à ces priorités, elle souligne aussi la nécessité de conserver un équilibre raisonnable et cohérent entre recherche fondamentale non planifiée et programmes orientés par la demande sociale. En particulier, une soumission trop exclusive aux besoins exprimés par diverses catégories d’acteurs de la vie sociale et économique, ou en lien aux politiques publiques, courrait le risque de reléguer l’apport de la sociologie et du droit à des savoirs d’expertise éloignés de la mission du CNRS.